I WANT TO BE NORMAL

- When looking into your eyes I'll kiss you bye -

J'avais l'incroyable chance de vous apercevoir à la même place, lovés dans les bras l'un de l'autre, tous les jours pendant un mois. Et à chaque fois, tu me saluais, souriante et spontanée comme tu l'avais toujours été. Un petit signe de la main, un sourire trompeur, un hochement de tête rapide et sans contrefaçon. J'aimais toutes ces minuscules intentions que tu me délivrais, jours après jours... Et dans le même temps, je les détestais au plus haut point. Comme embrigadé dans quelque chose de monstrueux, je les esquivais intentionnellement, allant jusqu'à me fissurer de pleine conscience le coeur.

Puis, parfois, remarquant mon désarroi désarticulé, Jimin m'accompagnait dans mes combats. Et quand il apercevait son demi-frère, il enfonçait ses si beaux ongles dans mon avant-bras, me suppliant d'avancer le regard à l'horizon.

Lui aussi avait une dent contre ton copain.

Lui aussi le détestait sans même savoir pourquoi.

Tous les soirs, en rentrant chez moi, je m'asseyais sur le sol grisonnant de ma chambre.

J'affectionnais grandement de m'allonger là, un casque sans fil sur les oreilles, une playlist lancée en aléatoire. Je fixais ce qui se trouvait malencontreusement sous mon joug : Plafond, fenêtre, matelas, posters égarés, bureau vide, ordinateur éteint, CD abandonnés, manga déjà trop feuilletés. Il se passait une heure, parfois deux avant que je ne découvre l'état dans lequel tu me poussais. Laisser couler le temps comme si cela avait la moindre importance. Je patientais, les mains croisées sur mon torse, remontant inlassablement dans la continuité de mes battements de coeurs. Je patientais encore et toujours afin d'obtenir une réponse. Tombée du ciel ou non, crachée des enfers ou non. Je suppliais quelque chose que je redoutais.

Durant ces moments habituels de perdition je me persuadais pleinement de ma capacité à articuler des feintes à ton encontre. Je souhaitais simplement m'habituer à t'esquiver peu importe ce que cela pouvait me coûter. Tu n'étais qu'un virus quelconque.

Me redressant, je comprenais bien trop souvent que tous ces efforts étaient vains.

Il fallait que je souffre, et j'avais souffert. J'avais toujours souffert. Mais te voir avec cet idiot, heureuse comme jamais tu ne l'avais été en ma terrible compagnie...

Je n'avais aucune légitimité.

Alors, stupidement peut-être, je venais répondre à ton petit signe de main, tendrement. Et tu souriais davantage avant de subir les assauts baveux de ton petit-ami. Je passais des heures à me convaincre d'éviter toutes rencontres fortuites avec ton être mais, au moindre signe, tous mes murs s'effondraient. La vache... qu'est-ce que je pouvais être inutile.

Le premier mois fut très long et sacrément crevant.

Je n'avais fait que d'errer dans les couloirs, évitant du mieux que je pouvais ta silhouette. Je n'aurais jamais cru en devenir experte, mon miroir me souriait.

Je savais par exemple :

- Que le lundi, tu n'avais presque pas cours, et que donc, tu traînais souvent à l'extérieur en compagnie d'un ou deux bouquins. Je ne sortais jamais du bâtiment le lundi.

- Que le mardi, tu avais deux heures de sport avant d'aller en littérature. Alors, fièrement, je traînais seulement à la bibliothèque et sortais pour aller en cours et à la cantine. Jeongyeon n'arrêtait guère de me questionner sur mes absences à ses côtés. Je lui répondais que l'approche des examens me perturbait grandement. Elle comme moi savions que je mentais et, malgré tout, elle m'abandonnait à mes songes.

- Le mercredi, eh bien, tu avais deux heures d'italien suivit de deux heures de sciences. Nous étions ensemble en italien. Toi, tu étais toujours assise à la première table, seule, et moi, au fond en compagnie d'un élève dont je n'arrivais jamais à retenir le prénom.

Il dormait et ne se gêner pas vraiment de baver sur ses copies. Cela avait le don de me dégoûter.

Il me fallait détourner le regard de ce voisin. Vomir n'était pas très sexy. Donc, pour m'occuper durant cette heure qui me paraissait interminable, je m'attelais à t'observer. Je me dépêchais toujours à sortir en vitesse de la pièce, car je savais pertinemment que tu serais venu me trouver pour '' discuter '' ou pour prendre des nouvelles.

- Le jeudi, tu te consacrais à l'étude de la langue de Molière tout en acceptant fièrement de participer à un cours d'anglais et de mathématique. Cours d'anglais que nous avions une nouvelle fois en commun. Mais Tomoya, il était claqué en anglais, alors tu partais t'asseoir prêt de lui pour ''l'aider'' ou l'embrasser quand le prof avait le dos tourné. Pour lui comme pour toi, ce n'était pas la langue de Shakespeare le plus passionnant.

- Venait le vendredi.

Sûrement la pire journée.

Le matin, nous avions espagnols ensemble et le prof, Will, un pur madrilène, nous avait placées à côté, pour je cite : améliorer l'entente entre vous. Mes notes avaient furieusement chutées dans cette matière. Je n'écoutais rien, je préférais me concentrer sur ton odeur, sur tes gestes et sur ton sourire timide que tu m'envoyais de temps à autres. Nous ne parlions presque pas.

Dommage.

La torture passée, tu m'accompagnais tout en parlant en direction de l'auditorium. Là, comme si quelque chose délivrait ton emprisonnement ainsi que ta légère timidité, ta bouche se déliait. Tu ne pouvais stopper un flot de paroles incessantes de s'en écouler. Empruntant les ombres de discussions monotones, de conversations parfois attrayantes sur le dernier livre que tu avais lu... Moi, je ne faisais pas grand chose. Ma participation n'était pas exemplaire, seulement, je me permettais de t'écouter. Les sons que produisait tes cordes vocales me possédaient furieusement et par instant, trop éprise de ton timbre de voix, je me prenais de plein fouet les épaules d'élèves pressés.

Le salut final apparaissait par la suite. Pour me démolir, il ne te fallait que trois minables heures.

Trois heures durant lesquelles, accompagnée d'un bulldozer, tu chantais d'une manière telle, qu'on aurait dit que ta vie était constamment en jeu. Tu te laissais transporter dans de longs monologues quand on te laissait faire.

Ta voix était incroyable.

Même mêlée à celle de mon ex, je n'arrivais pas à empêcher des frissons de prendre naissance sur mes bras, ma nuque. Et toi, je te voyais heureuse, comme toujours.

Un long mois plus tard. Un mois où le ciel s'était moqué de moi avant de me prendre en pitié... le voila qui débarquait. Cet athlétique et gentil petit blondinet prénommé Jaehyun. Il m'était rentré dedans en sortant de son premier cours de sport. Il faisait volley en ta compagnie, car je t'avais vu te mouver discrètement vers la sortie. Il m'avait galamment aidé à me relever et m'avais demandé où se trouvait la cantine.

'' Je viens juste d'être transféré ici et j'ai l'impression d'avoir atterri dans une fourmilière ! ''

Saches que mon rire s'était faufilé inconsciemment d'entre mes lèvres. Peut-être était-ce parce que, comme lui, j'avais l'impression d'étouffer dans ce dédale d'humains sans hargne. Alors sans réellement comprendre ce qui m'arrivais, je l'avais pris par le bras, souriant à mon tour. Nous avions mangés ensemble, rigolant et discutant tranquillement.

La semaine suivante, il m'avait confié qu'ik adorait chanter et qu'il jouait de la batterie aussi. Alors, comme par enchantement, je lui avais parlé de la troupe, que nous avions besoin de recrue. Le concours se préparait mais, si nous n'avions pas le nombre d'élève suffisant, c'était foutu. Je n'aimais pas l'idée de te voir triste.

Il avait joyeusement accepté. Je soupçonnais d'ailleurs qu'il souhaitait juste passer un peu plus de temps en ma compagnie... et ça ne me gênait aucunement, je ne serais plus seule à t'observer du coin de l'oeil

Le vendredi arriva très vite, beaucoup trop vite. Il s'était avancé pour saluer le professeur. Et il avait chanté. Je ne sais pas pourquoi, mais pour une fois, j'arrivais à apprécier la voix de quelqu'un.

J'arrivais à apprécier une autre voix que la tienne.

« Je t'avais dit que tu trouverais quelqu'un, Chae. » m'avait chuchoté Jimin tout en souriant, malicieux.

Mais moi, non, définitivement, je n'arrivais pas à comprendre ce qui m'arrivait.

Tout ce que je savais, c'était qu'au bout de seulement deux semaines, le blond et moi, nous étions ensemble. Du jour au lendemain ses lèvres s'étaient délicatement posées sur les miennes. Bien malgré tous ce que je pouvais comprendre de mon état et de mes maux, je relâchais ma garde. Pourquoi n'aurais-je pas le droit au bonheur, moi aussi ? Ouais, j'arrivais à détacher mon regard de ton dos en italien pour le caler sur mon nouveau voisin de table. Je pouvais même m'adonner à tes petits jeux. Quand la professeure avait le dos tourné, j'embrassais mon copain, un peu trop fougueusement peut-être bien. Mais je m'en fichais car moi aussi, pour une fois, j'avais le droit d'être vivante.

Il m'avait emmené faire un tour près d'un parc, un soir. J'avais apprécié sa compagnie, oubliant même qu'un jour, il mettait arrivé de possédait la vision de ta silhouette accrochée furieusement à mon bras. Le rêve s'était juste transformé, n'est-ce pas ? Oui. Car le soir là, il s'agissait enfin simplement de MA silhouette accrochée à la sienne.

J'étais heureuse d'être avec lui, puis des fois, alors que je rêvais, je pensais toujours à toi et je me disais que c'était fini, tout ce que nous n'avions jamais eu étais fini, il n'en restait qu'une trace du passé amère et tentatrice.

L'hiver entrait soudain en jeu.

Tomoya m'avait invitée à la soirée du nouvel an de la troupe. J'acceptais, naïvement, contente de pouvoir revoir mes amis pendant les vacances. Bien sûr, il avait oublié de me préciser que la soirée se passerait chez toi, dans la maison de tes parents.

Mais qu'est-ce que j'en avais à faire ? Rien, ce n'était plus qu'un détail.

Habillée d'une robe assez courte et immaculée de blanc, je m'étais présentée face à ta porte, le blond à mon bras, dans son fameux costume qu'il imaginait tant sortir du placard.

« Tu es vraiment belle ce soir, Chae, m'avait-il chuchoté.

- Tu insinue que je ne suis pas belle les autres soirs ?

- Pardon ? Non, non, je voulais- »

Il se stoppa, le haut de ses oreilles rougies.

« Arrête de te moquer de moi, Chae,

- Je te taquine, disais-je en lui embrassant la joue. Tu es très beau aussi chéri. »

Moque toi si tu le souhaites car oui, on en était arrivé à se donner des surnoms ridicules, ce qui présageait une belle histoire d'amour. Un avenir ensemble. Moi en tant que secrétaire et lui en tant que petit avocat paumé du centre-ville. Oui, notre avenir était déjà tout tracé à Daegu.

Les mains de mon blond trifouillaient mon bracelet mal fermé, bancal, quand soudain, le craquement de la porte résonnait. J'étais resté figée devant toi, sentant les lents battements de coeur de Jaehyun contre ma paume gauche.

Le thème était classe.

Mais toi, tu t'étais jetée sur le thème des divinités ou des déesses. Choix trop complexe semblait-il. Je n'arrivais pas à décrocher mon regard de ton corps. Comment était-ce possible d'être aussi belle, tout le temps...

J'en étais presque jalouse.

« Bonsoir. » la voix fluette de Jaehyun me sortait de mes rêveries.

Oui, j'étais retombée une nouvelle fois amoureuse de toi, alors que l'homme avec qui je devais finir ma vie se tenait à mon bras. Je te détestais de toujours me faire ressentir ce genre de choses. Je te détestais de t'être jetée sur moi pour m'enlacer.

Je ne comprenais rien.

Pourquoi venais-tu m'enlacer ? Nous n'étions même plus amies depuis que j'avais rencontrée mon athlète. Je t'avais évitée, et tu avais compris que je ne voulais plus rien à voir avec toi. Et pourtant, tu venais de te jeter dans mes bras pour m'enlacer.

Je compris que ça n'avait rien d'extraordinaire quand Jaehyun se penchait pour te prendre dans ses bras à son tour. Je m'étais fait des illusions, je rêvais encore. Pourtant, j'étais bien plus heureuse sans toi.

Ouais.

J'arrêtais enfin de réfléchir en te suivant en direction du salon.

Tout le monde était là. Tomoya discutait avec Yoongi une bière à la main, Daniel s'amusait en étant le DJ, Jihyo soufflait au visage de Sana qui souriait. Nayeon était assise sur les genoux de Jeongyeon, ma meilleure-amie. Jimin était avec Namjoon, son petit-ami. Je les trouvais chou ensemble. Soon, de son côté, ramenait les bouteilles, souriante comme toujours. Il y avait aussi la nouvelle qui la suivait avec les gâteaux apéros, Dahyun. Je l'aimais bien, elle était sympathique et arrivait, par je ne sais quel moyen, à me faire rire.

La soirée commençait tranquillement, cependant, un sentiment qui m'avait presque quitté refaisait surface quand je t'apercevais t'approcher de Tomoya et l'embrasser à pleine bouche. J'étais jalouse. Alors moi aussi, j'allais embrasser mon copain, un peu plus ardemment. Celui-ci ne faisait rien pour me repousser.

Je ne pouvais pas encore être amoureuse de toi, c'était impossible, impensable. Alors, sans m'en rendre compte, des larmes perlaient lentement. Jaehyun prenait rapidement connaissance de mon état et me demandait ce qu'il n'allait pas.

J'étais une terrible menteuse.

« Je suis simplement heureuse de t'avoir enfin dans ma vie. »

Il avait essuyé mes larmes du bout de ses pouces rugueux, souriant de nouveau. Mais je ne pouvais éviter le regard de porcelaine ainsi que le tien.

Tu fronçais, avec le plus doux des sacrifices, tes sourcils.

Étais-tu perplexe ce soir ?

Moi oui, et ça faisait mal.

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