03

Seoul

08:46

Le jeune homme, cheveux en bataille, se masse les tempes devant son café désormais froid. Après une aspirine avalée d'une traite, la douleur bien qu'encore présente semble légèrement s'apaiser.

Il lève les yeux sur l'horloge murale, puis s'aperçoit qu'il ne porte pas ses lunettes. Peu importe, il n'a de toute manière rendez-vous qu'en fin de matinée. Il avait prévu de faire un tour en ville avant cela, mais ce n'est visiblement pas une bonne idée. Il regrette un peu d'avoir cédé à l'insistance de son ami la veille. Son seul jour complet de repos se passera donc, à son grand désarrois, avec la gueule de bois.

Il se lève et s'approche de sa fenêtre. Le temps est nuageux, bien qu'aucun signe ne prédisse la pluie. Il ouvre les battants vitrés, l'air frais et matinal vient caresser son visage fatigué.
Il s'accoude, et observe les passants.
Certains se pressent et se faufilent parmi les silhouettes, tandis que d'autres, plus sereins, se baladent tranquillement sur la chaussée. Il y a des amis, des amants, des solitaires, des gamins esseulés. Il aime la foule, il aime le bruit des discussions qui s'animent et s'essoufflent, cette agitation vivante d'une multitude de vies qui bougent et se confondent, ensemble. Il se plait à les observer, se fascine pour l'inconnu. Et pourtant, paradoxalement, il demeure seul, dans ce grand appartement qu'il n'a jamais pris la peine d'aménager.

Cette solitude lui pèse, parfois. La collocation était une des options qu'il avait envisagé pour y remédier. Mais après avoir longuement réfléchit, il finit par réaliser qu'il tenait trop à son intimité. Ç'aurait été Hoseok, peut-être qu'il s'y serait fait. Quoique, sa libido, apparemment très active l'aurait très vite agacé. Ce dernier vivait déjà confortablement, et l'idée de le lui proposer ne l'avait donc pas effleuré.
Mais c'est évident, les inconnus, il préfère les observer à distante. Façon indirecte d'idéaliser, peut-être pour ne voir en eux et n'imaginer que ce qu'il y a de bon.

Il en vient à repenser à la soirée passée, à Hoseok qui devait sûrement le prendre en pitié. Cela partait d'un bon sentiment, certes. Mais pour quelle raison ? Parce que c'est dans les mœurs d'avoir forcément quelqu'un dans sa vie ? Parce qu'être célibataire est presque une honte aujourd'hui ?
Il ne veut pas forcer le destin, persuadé que ce genre de choses doivent se présenter d'elles-mêmes. Parce qu'on a tous une finalité qui nous est propre, et il se plaît à le penser. C'est rassurant.

Le destin.
Il y croit, dur comme fer.

En outre, bien qu'Hoseok semble avoir les mêmes penchants que lui, il n'a pourtant pas osé lui avouer que ce ne sont pas les femmes qui l'attirent. Et en réalité, les hommes non plus.
Certes, il se retourne plus aisément sur un beau visage masculin, une voix profonde et grave, ou une apparence virile. Et c'est d'ailleurs de cette façon qu'il a découvert son orientation.
Seulement il n'a jamais ressenti d'attirance quelconque, s'approchant de près ou de loin à des sentiments affectifs, amoureux. Et bien sûr, tout cela, il s'est bien gardé de le raconter à Hoseok.

À cette pensée, étrangement, le visage récent d'un inconnu lui revient en tête.
Visage qui s'estompe dans les limbes de son esprit, quand le rappel d'alarme de son réveil lui crie ses obligations du jour.

Il soupire, inspire une longue bouffée d'air, puis se motive enfin à se préparer à sortir. Trainant un peu des pieds, il se dirige vers sa salle de bain. Il enlève le seul vêtement qu'il porte, puis se glisse dans la cabine de douche.
L'eau chaude, presque brûlante, lui fait un bien fou. Il fredonne sous le jet, et fait durer ces instants réconfortants. C'est agréable, il ne pense à rien d'autre que l'eau qui dévale et réchauffe son corps courbaturé.

La température se refroidit un peu, signe qu'il s'est trop éternisé.

Une fois sortit et sec, il s'en retourne dans sa chambre. Devant le miroir en pied, il se surprend à s'observer.
Il n'est pas mal, c'est vrai. Et il sait qu'il plaît modérément. Son ventre est plat et dévoile subtilement une musculature plutôt bien dessinée. Ses épaules sont solides, et sa posture plutôt élégante. Il a pourtant quelques complexes, et qui n'en a pas. Comme ses cuisses légèrement plus musclées que le reste de son corps, ou bien ses deux dents de devant qui ressortent particulièrement lorsqu'il sourit. Et puis son nez, légèrement bombé, mais qui pourtant ne détonne pas lorsqu'il regarde son visage dans sa globalité. Il n'est pas mal dans sa peau, mais il se trouve simplement banal. Il l'a toujours été. Durant toute sa scolarité, il était celui du petit groupe ni populaire, ni mal aimé. Il avait quelques amis. Peu, mais de confiance. Il faisait ses devoirs, n'enfreignait pas les règles, suivait sa petite vie, tranquillement. Et tout aujourd'hui est à cette image.

Calme, bien rangé, paisible.
Et puis fade, finalement.

Il se détourne de son reflet, puis enfile l'éternel et indémodable jean/teeshirt, n'ayant pas le besoin de particulièrement s'apprêter.
En effet, comme une fois par mois, il apporte ses bouquins, lectures mensuelles, dans une librairie du centre. Cette dernière en fait don à une associations pour personnes défavorisées. Cela lui va bien. Il lit beaucoup, achète de nombreux ouvrages. Mais ne les lit toujours qu'une seule et unique fois, alors aucun intérêt pour lui d'en conserver chaque exemplaire. Et il y a tant à lire avant de relire, une vie ne suffirait pas. Alors tout ce que ses yeux ont déjà parcouru, d'autres yeux moins chanceux le pourront aussi, grâce à ces dons.
Le seul point embêtant, c'est que le créneau de dépôt est très limité. Un agent de l'association se poste à la libraire entre onze heure et midi, le dernier dimanche du mois, ni plus, ni moins.

10:58

Dans l'entrée, il enfile le long gilet en laine grise pendu à la porte, puis soulève le sac cabas remplit de ses dons.

S'il ne veut pas rater la collecte, il ferait mieux de se hâter.

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