I'm not sorry

♪ House of Memories, Panic! At The Disco ♪

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Il aimait la mort,

Elle aimait la vie.

Il vivait pour elle,

Elle est morte pour lui.

William Shakespeare.

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Aujourd'hui, je t'écris.
En rouge, comme ma colère. Comme le sang qui bouillonne dans mes veines et menace de les faire exploser de frustration. De désespoir, aussi...

Peut-être que tu ne liras jamais ça, mais je m'en fiche. Peut-être que tu t'énerveras, mais ça m'est bien égal.

Moi, Winter, dix-huit ans et une boule de rage grosse comme mon poing dans le cœur, je te déteste. De toute mon âme, de tout mon être, la liste est longue.
Je clame ma haine viscérale, profonde, je la hurle à gorge déployée pour que le monde entier puisse en devenir témoin, gardien d'une étincelle de furie. Peut-être est-ce ainsi que je pourrais évacuer la mienne. Une fois l'orage passé, ne resteront que des torrents de larmes que les larmes, souvenirs d'une pluie éteinte qui ruisselait dans  mon cœur.
On se connait depuis longtemps, pourtant, tu ne m'as jamais paru autant étranger qu'à cet instant précis. Notre univers bâti à deux, tu l'as brisé en mille éclats de verres qui se sont sournoisement fichés dans ma poitrine, labourant ma chair et mon sein, ma peau et mes veines. Ils ont perforé un artère et depuis, mon cœur se gonfle et se vide de sang à la fois. L'amour est une petite mort. Pourquoi est-ce-qu'elle ne peut pas être rapide ?

Je te quitte.

C'est ce que tu m'as dit. Toi, ma raison de vivre, tu n'étais plus qu'un parfait inconnu dans une enveloppe charnelle familière à mes yeux... Je pensais tout savoir de toi. Tu m'as prise dans tes filets et je l'ai accepté, quelle idiote. J'aurais préféré ne t'avoir jamais connu.

Te rappelles-tu seulement du jour où nos regards se sont croisés pour la première fois ? Non ? Je m'en doutais, tu n'as jamais eu très bonne mémoire ; elle et toi, vous ne faisiez pas la paire... C'était un vendredi d'avril, comme le jour de ma naissance. Que c'est drôle, en y pensant : Winter, l'hiver, une fille du printemps... J'étais tout le contraire de toi. Un garçon d'octobre au regard triste et aux yeux gris, gris comme le ciel un matin d'automne pluvieux. Tu sais, c'est d'abord de ton regard que je suis tombée amoureuse... Purée, je hais octobre.

Revenons-en à ce fameux jour, puisque tu l'as oublié. Je m'en souviens encore comme si c'était hier. Si seulement ma mémoire pouvait l'effacer. Dehors, il faisait beau. Après une averse monstrueuse, le ciel s'était débarrassé de sa teinte morose pour laisser place à une myriade de nuages cotonneux percés de rayons dorés, éparpillés ça et là sur sa toile azurée dont on ne distingue jamais la fin. Je pouvais les contempler pendant des heures, assise sur une chaise, derrière la fenêtre de ma chambre sombre. Là, confortablement installée, je cherchais des formes dans ces amas de vapeur moutonneux. Les cumulus défilaient et je m'émerveillais devant lapins, chapeaux, visages, fleurs, tout autant d'illusions que je m'imaginais pour combler la monotonie de mes journées. Quelle odieuse utopie.

Winter, tu as pris tes comprimés de fer ? Les deux gélules, tu es sûre ?
Et tes trois verres d'eau par repas, tu en fais quoi ?
Ne reste pas au soleil, rentre plutôt lire à la maison. Il fait trop chaud pour toi dans le jardin.

Ce vendredi-ci, je n'avais pas le droit de sortir : forcément, il y avait trop de soleil. Ma peau risquait de roussir sous les rayons ultra-violets, ou pire : j'aurais pu commencer à saigner du nez. Un vrai cauchemar.
En y réfléchissant, l'origine de mes problèmes a toujours été mon sang. La chaleur et le soleil fragilisaient les fins vaisseaux de mon nez, puis ceux-ci éclataient et des rivières de sang s'écoulaient pour au moins une demi-heure. Du sang, du sang, du sang. Rouge, toujours rouge, toujours plus de rouge, partout. Sur mon visage, mes mains, mes vêtements souillés par ce flot d'hémoglobine. Une vie écarlate.

Médicaments, repos, sang.
Encore des médicaments, toujours du repos, chaque fois plus de sang.

Il faudra la cautériser. Le plus tôt sera le mieux, en espérant que ça fonctionne.

Mais, ce jour-là, quelque chose différait du quotidien. Il faisait beau. Alors, me hissant sur ma chaise de toute ma hauteur de petite fille de huit ans, j'ai aggrippé la poignée de mes deux mains et j'ai tiré. La fenêtre s'est ouverte.

Une véritable explosion dans ma tête. Des couleurs, des odeurs, des sons que je n'avais pas entendu depuis une éternité. Depuis que j'étais cloîtrée entre ses quatre murs immaculés. Tout s'entremêlait, dansait devant mes yeux ; une symphonie de rires insouciants, de fragrances florales et de teintes nuancées, de quoi monter au cerveau. Alors, prise d'une euphorie que je n'avais jamais connu, je me suis penchée à ma fenêtre et j'ai regardé la rue baignée de lumière en contrebas.

Tu étais planté là, tout seul, au milieu de la chaussée. Un gamin solitaire à l'allure dégingandée marchait dans une rue ensoleillée, comme mon cœur. Tu n'avais que la peau sur les os, et sur ta peau, que des vêtements trempés par l'averse qui venait de passer. Néanmoins, tu étais tout seul, du haut de tes neuf ans. J'étais seule contre ma santé défaillante et tu étais seul dans cette rue.

Alors, quand tu as levé les yeux vers moi et que tu m'as souri, j'ai su.
J'ai su que ce n'était que le début.
J'ai su que ce sourire cachait beaucoup de choses.
J'ai su que toi aussi, tu avais ton lot de cicatrices et de fêlures.
J'ai su que nous n'allions pas nous lâcher de sitôt.

Ils étaient gris. Tes yeux, mes yeux, gris comme la pluie, bleus comme le ciel.
C'est pour eux que je suis sortie de ma chambre. C'est pour eux que j'ai traversé ma maison, mon jardin, la démarche trébuchante, sous les regards étonnés de mes parents affairés. C'est pour toi que je suis sortie dans cette rue, envoyant balader le soleil et mes maux.

Tu l'as d'abord dévisagée de tes grands iris gris, cette gamine fluette et pâle comme la mort. Tu ignorais que tout en cette fille-là criait son envie de vivre, encore plus que toi. Pourtant, alors qu'elle n'était qu'une inconnue, tu l'as accueillie, lui offrant ton étreinte. Cette inconnue s'appelait Winter Rolzen. C'était moi.

Je me suis blottie dans tes bras, timide, frissonnante contre tes habits glacés et alourdis par l'eau dont ils étaient imbibés. Toi, tu n'as pas bronché, trop occupé à m'observer.
Quand j'ai croisé ton regard, il était vide de toute expression. Une grosse larme ronde a simplement dévalé la pente de ta joue.
Pour la première fois depuis bien longtemps, je me suis autorisée à pleurer dans tes bras.

S O L A S

La lumière.

Cinq lettres que j'ai chéri pendant plus de dix ans de ma courte vie.
Le temps filait mais nous étions toujours aussi inséparables ; tu étais ma raison de vivre et j'étais celle qui illuminait tes journées. Mon rayon de soleil, comme tu disais.

Nous avons tout partagé.
C'est ensemble que nous avons vécu toutes nos premières expériences : première amitié, premier amour, premier baiser, première fois...

Tu écoutais tout le temps cette chanson, ta préférée... Mais si, tu sais bien de laquelle je parle !

House of Memories...

Tu me regardais toujours avec ces mêmes yeux quand il y avait ce passage...

Soft hearts, electric souls
Heart to heart and eyes to eyes
Is this taboo ?
Baby, we built this house on memories...

Ce regard, celui du jour où nous nous sommes rencontrés.

Je me rappelle encore de nos rires... Deux torturés souriants, heureux seulement en présence l'un de l'autre.

Toute ma vie, c'était toi. Tu étais mon évidence, Solas.
Pourquoi ? Pourquoi m'as-tu fait ça ?

Je t'aimais, je t'aime encore.

Peut-être aurais-je dû te le dire plus souvent ?
Peut-être n'étais-tu pas sincère ?

Non. Impossible, tu avais les yeux du bonheur.

Je ne comprends plus rien...

Je suis fatiguée de toujours chercher à comprendre. Je suis fatiguée d'une vie sans toi.
Un monde sans toi, c'est trop dur...
Si je ne dois plus te voir sourire quand je te prends la main, alors je ne veux pas de cette vie.

Et je vais me l'ôter.

Tu n'es pas bête, je suis sûre que tu as compris.

S'il-te-plait, dis à mes parents que je suis désolée.

Pardon Maman, pardon Papa. Je vais utiliser votre cadeau de dix-huit ans pour mettre fin à mes jours. Ma jolie voiture blanche ne fonctionnera bientôt plus.
Plus de médicaments, plus de rendez-vous chez le docteur, vous aurez la vie tranquille sans moi.
Prenez soin d'April et je vous en supplie, ne m'en voulez pas.

C'est déjà suffisamment compliqué pour moi. Je n'ai jamais été courageuse.

La vérité, c'est que je suis terrifiée.
La vérité, c'est que s'il y a des tâches sur le papier, elles sont dues à mes larmes.

Je suis morte de trouille à l'idée de passer à l'acte, mais je ne peux pas continuer comme ça.

Ce soir, vous entendrez parler de moi à la radio, sur le canal que vous écoutez tout le temps en mangeant : une jeune fille de dix-huit ans est décédée dans un accident sur l'autoroute A3, aucune autre victime n'est à déplorer.

Morte sur le coup.
Morte par amour.

Je suis désolée. Ou pas, mes pensées sont floues.
Je vous aime, vous aussi.
Adieu.

Solas, viens à mon enterrement. Je veux te voir, au moins une dernière fois.
Tu pourras mettre un bouquet sur ma tombe, quelques brins de myosotis de ton jardin...

Ou alors, il n'y aura rien à enterrer... La voiture pourrait exploser au moment du choc. Tant pis.

Dis, tu penses que l'hiver peut s'enflammer ?

Tout ça, c'est de ta faute. Souviens-en toi.

J'en veux au monde entier, à tous ces pigeons abrutis, mais je ne t'en veux pas. J'en suis incapable, même maintenant.
Je vais m'arrêter là, sinon je vais me dégonfler. Ce serait bien mon genre, d'abandonner en cours de route...

Ceci est ma dernière lettre pour toi.
Ma dernière lettre tout court.
Une lettre d'adieu.

Promise me a place in your house of memories...

Au revoir, Solas.
Je t'aime.

Winter

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