Chapitre 2

Il s'était réjoui trop vite. Pour la première fois depuis des années, l'école lui manquait. Certes ce n'était pas le paradis, mais si sa maison devait être l'enfer, son beau-père serait Satan. Il lui rendait la vie insupportable et sa mère ne faisait rien pour arranger ça. Elle laissait juste passer, l'envie de s'interposer l'ayant quittée depuis longtemps. Ses parents étaient au courant de toutes ses « tares » comme son beau-père disait. Il se moquait de lui, le rabaissait et le faisait passer pour un moins que rien. Il le traitait comme un animal. Et un soir, il alla trop loin.

Son beau-père avait toujours été favorable aux châtiments corporels et en dispensait Yuma depuis son plus jeune âge. Chaque fois qu'il faisait quelque chose de « mal », comme se transformer au milieu du salon. Si Yuma contrôlait parfaitement ses transformations maintenant, quand il était petit, il avait eu plus de mal. Et même si Yuma approchait des dix-huit ans, il ne se lassait pas de le frapper, comme le jour des derniers examens, il y a de ça deux mois maintenant. Yuma l'avait ignoré le matin et s'était fait vertement -et brutalement- engueulé. Depuis, ça allait de mal en pis. Et ce soir-là, tout changea. Ils étaient tous les trois à table et sa mère se disputait avec son beau-père. Yuma s'éclipsa en vitesse avant que la tempête n'explose mais ne put s'empêcher de se retourner en entendant un fracas de verre brisé. L'horreur le saisit quand il découvrit la scène. La tête de sa mère se trouvait enfoncé dans l'assiette, de la sauce et des aliments répandus sur la nappe. Son beau-père, emporté par sa colère, donna un coup au corps immobile près de lui, le reversant sur le plancher. Il entraîna l'assiette, la nappe et une bonne partie de la table avec lui. L'homme continua à rouer de coups ce corps inerte. Yuma restait là, à regarder, pétrifié. La bouteille de bière renversée finissait de se déverser sur le sol. L'homme, jugeant que la femme avait eu son compte, posa son regard noyé d'alcool sur le jeune homme, une lueur de dégoût dansant dans ceux-ci.

-Elle n'aurait jamais dû te mettre au monde. Tu n'aurais jamais dû naître sale monstre.

Les mots faisaient mal, plus que les blessures physiques. Et bien que Yuma soit habitué à les entendre, le spectacle auquel il venait d'assister, ajouté aux mots qui venaient d'être prononcé lui firent perdre le contrôle. Yuma ne portait pas sa mère dans son cœur, mais elle lui avait permis de vivre, même si son existence ne fut pas une partie de plaisir, et il se sentait redevable. Il lui devait une vie. Yuma vit le monstre qui l'avait hanté toute sa vie s'avancer vers lui, encore noyé dans sa folie. Le jeune homme laissa tomber ses barrières. Ses oreilles pointues se recouvrirent de poils, ses yeux se tintèrent de rouge, ses ongles se durcirent et s'étirèrent, se transformant en petites griffes acérées, ses dents s'allongèrent en petits crocs pointus. Une queue apparut dans son dos. L'homme de ses cauchemars s'arrêta net en voyant la transformation de Yuma. Il grogna et attrapa un verre qui avait échappé à la chute pour le balancer à la tête du jeune homme. Celui-ci l'esquiva avec facilité, mais le geste l'enflamma encore plus. Il se jeta sur ce monstre et fit l'une des rares choses que sa mère lui avait demandé de faire : combattre ses peurs. Et cette peur-là, il l'écrasa. Yuma donnait des coups de griffes dans le sac de chair sous lui. Il ne s'arrêta qu'en entendant le faible glapissement qui s'échappa du corps de la femme étendue près du massacre. Elle avait enfin repris conscience et s'affola à la vue du carnage. Yuma se calma peu à peu, se rendant compte de ce qu'il venait de faire. Ses attributs particuliers disparurent mais ses yeux restèrent rouges, signe que sa colère n'était pas passée. La femme le regardait, les yeux baignés de peur et de dégoût. Les yeux sont la partie la plus expressive du corps humain. On pouvait tout y lire. Et ce que Yuma lisait maintenant ne lui plaisait pas. Il détourna le regard et s'esquiva en vitesse, allant chercher un sac et y fourra tout ce qu'il trouvait utile avant d'ouvrir sa fenêtre. Il ne voulait pas repasser par le salon et voir ce qu'il venait de causer. Il sauta et s'enfuit dans la nuit, sans un regard en arrière. Il ne savait pas où aller, il n'avait pas d'amis, pas de famille, mais « ailleurs » et « nulle part » lui semblait une meilleure option que sa maison ou la prison. Il n'était pas idiot. Il ne fuirait pas la police toute sa vie. A moins d'un miracle, il devait courir pour l'instant.

A ce moment, dans la cuisine dévastée, la femme sortit enfin de sa torpeur. Elle attrapa d'une main tremblante le combiné de téléphone qui se trouvait sur un petit meuble. Elle composa un numéro et attendit que quelqu'un décroche. Une voix de standardiste l'accueillit.

-Police, quel est votre problème ?

Elle prit une grande inspiration avant de répondre d'une voix tremblante.

-Je crois que... que je viens de tu-tuer mon mari.

Puis elle éclata en sanglots.  

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