Shane descendit en premier de la voiture, me laissant avec Brent. Je ne savais pas quoi faire. 

- On fait pas ça pour être des connards Hailey. On fait ça pour te protéger. Si ces mecs veulent te tuer ils vont y arriver, et on essaye juste de rallonger ta durée de vie. Ici on est en sécurité, mais si tu veux que je te ramène chez toi, je peux le faire sans problème. 

Je me mordais la lèvre dans l'espoir de ne pas devoir répondre à ça. J'étais si énervée que je m'imaginais rentrer à pied, mais en même j'étais morte de peur. Je tremblais, je ne pouvais pas m'imaginer me retrouver une seconde seule dans mon appartement. Sans un mot, je pris ma décision, et ouvrit la portière pour descendre de la voiture. C'était une maison de taille moyenne, sûrement sur trois étages d'après sa hauteur, avec des volets bleus. La porte d'entrée était grande ouverte. Est-ce que c'était si sécurisé que ça ? 

En entrant, une musique très basse me vint aux oreilles, ainsi qu'un bruit de casseroles ou je ne sais quoi. Il y avait clairement de la vie dans cette maison. J'arrivai devant des escaliers, et aperçut à ma droite des corps dans ma vision périphérique. Jenny avait sa tête posée sur les jambes de Cody, et Brandie tenait un magasine entre ses mains tout en étant nonchalamment assise sur un fauteuil. Troy arriva par une porte de l'autre côté de la pièce, en s'essuyant les mains. Tous - sauf Brandie - relevèrent leurs regards sur moi. 

- Mais elle est pas morte ! s'écria Jenny en se relevant. 

Je fronçai les sourcils, c'est-à-dire morte ? 

- Quoi ? lâchais-je presque dans un soupir. 

Trop d'émotion, tue l'émotion, je commençais à ne plus en pouvoir. 

- Laisse tomber, Shane est juste un gros con avec un sens de l'humour qui laisse à désirer. 

- Alors soit j'ai perdu des neurones, soit j'ai toujours été aussi longue à la détente, mais je ne comprends rien. 

Cody lâcha un petit rire. 

- Shane nous a dit que t'étais morte quand je lui ai demandé où tu étais, m'informa Cody. 

Super, adorable. 

- Il est toujours aussi charmant, ou c'est juste moi qui lui ai tapé dans l'œil ? lâchais-je avec tout le sarcasme que j'avais en réserve, tout en croisant les bras digne de la petite fille que j'étais. 

Un petit rire fatigué s'échappa de la bouche de tous, et j'arrivai même à faire sourire Brandie qui se cacha immédiatement derrière son magasine. 

- Un peu des deux sûrement, me dit Jenny en s'avançant. Est-ce que tu veux manger quelque chose ? Boire un truc ? On à de la bière, du coca, de l'eau plate ou gazeuse, du jus d'orange, du jus de pomme, de la ... 

- Merci Jenny, je pense qu'elle a comprit, lâcha doucement Brent en se retirant je ne sais où en prenant les escaliers. 

Jenny me sourit, gênée. 

- Désolée, je suis un peu ... désorientée et fatiguée. Du coup, tu veux quoi ? 

- En temps normal j'aurais dis non par politesse, mais je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai mangé ... 

- C'est entendu, direction la cuisine, je meurs aussi de faim ! 

[...] 

Je savourais mon énorme assiette de pâte, et je n'étais même pas sûre d'être rassasiée à la fin. J'observai Jenny qui avait l'air d'avoir perdu son sourire.

- Est-ce que ça va ? 

Elle releva la tête vers moi, et je remarquai son regard embué de larmes. Non, pas ça, je ne sais pas gérer les gens qui pleurent. Je fais des blagues nulles, je bégaie, et là son pote vient de mourir je peux pas me permettre de gérer ça comme ça. Bien-sûr qu'elle ne va pas bien, elle a vécu la même chose que moi, comment est-ce qu'elle pourrait aller bien en ayant vu le corps ensanglanté de son ami au sol sous ses yeux ? La question ne se pose même pas. 

- Je sais que tu dois penser qu'on est tous des mafieux sans cœurs, qui font des trucs que personne n'est sensé faire pour vivre une vie normale, mais ... voir un ami mourir n'est facile pour personne. On savait tous dans quoi on s'engageait, mais, enfin, on ne sait pas ce que c'est jusqu'à l'avoir vécu... 

J'avais plus l'impression qu'elle se parlait à elle-même, les yeux rivés sur la table. J'étais mal à l'aise, et j'aurais aimé savoir quoi répondre, mais je n'avais jamais pensé pouvoir être confrontée à ce genre de situation romanesque. Elle releva la tête, et quelques secondes plus tard, dans ce silence de mort, un léger sourire plus faux que les seins de Brandie prit place sur son visage. 

- Mais oui, pour répondre à ta question ça va. Je suis bien obligée de bien aller, c'est comme ça ! Et toi, c'est plutôt toi qui n'a pas l'habitude de ça, tu dois être perdue... 

Un léger soupire m'échappai. Je savais pertinemment qu'elle changeait de sujet, et ça ne m'arrangeait pas trop. Je préférais être sans voix fasse à ses lamentations, plutôt que de devoir empêcher ma voix de craquer en racontant à quel point j'avais envie de remonter le temps pour ne jamais déposer de CV dans ce restaurant. 

- Je ne sais pas trop quoi te dire. J'ai failli mourir plusieurs fois en peu de temps, alors ouais, je suis un petit peu perdue pour le coup... Je ne sais pas ce qu'il va se passer après, alors ... voilà. 

Je ne savais pas trop quoi dire. Que j'avais peur à en mourir ? Que je ne savais pas comment j'allais pouvoir reprendre une vie normale, ou même comment j'allais vivre les prochains jours, si j'allais rester avec eux, s'ils allaient me trouver une nouvelle identité comme dans les films, ou s'ils allaient m'exécuter parce-que j'en avais trop vu ? 

Mon dieu, mais dans quel merde est-ce que je venais de me fourrer putain ?