ⅩⅠ

TESS ARAMÎR
- ??? -

     Je ne m'autorisai à fondre en larmes que quand Azym s'endormit dans mes bras. Je pleurai le plus silencieusement possible, détruite à l'idée de devoir quitter ma maison. Mais savoir que nous et surtout elle, ma fille, étions en danger était pire que tout, je ne pouvais pas accepter l'idée qu'il lui arrive quelque chose. J'avais constamment eu ce sentiment de protection envers tous les êtres que j'aimais, mais il s'agissait à présent de ma fille, c'était d'autant plus fort et d'autant plus capital que je fasse tout ce qui était en mon pouvoir pour la maintenir en sécurité. Même si cela voulait dire quitter le château pour une durée indéterminée et la priver d'une enfance "normale" avec son père et sa soeur. Je serrai là et je ferai en sorte qu'elle ne manque de rien.

     Avec cette détermination montante je pu sécher mes larmes et prendre une profonde inspiration. Ma couronne était à mes côtés, je ne savais pas si elle me servirait vraiment mais mon titre pouvait m'ouvrir beaucoup de portes comme celles du Royaume d'Améthyste. C'était ici que nous nous rendions, malgré tout j'avais prit la décision de ne pas faire savoir que j'étais la reine pour assurer une protection maximale.

     Nous arrivâmes après deux jours de voyage. Améthyste avait beau être la Pierre la plus proche du Palais Suprême, c'était trop risqué d'y rester proche. Olympe et moi avions déjà repéré un petit village très calme duquel la calèche nous déposa non loin. Azym dormait, je la portai d'une main, nos bagages dans l'autre. Heureusement j'avais gardé un vieux sac que j'avais probablement dû oublier et qui me permit de transporter quelques vêtements sans montrer la richesse que nous possédions. Personne n'était dans les rues quand nous les traversâmes jusqu'à la maison dans laquelle nous devions loger. Elle était assez petite: deux chambres, une salle de bain et un salon faisant aussi cuisine avec un étage abritant juste les chambres. La première chose que je fis fut de coucher Azym dans un lit à deux places - le seul lit à vrai dire - en silence. La deuxième fut de descendre et d'observer la lune depuis une fenêtre en me demandant si Olympe ou Hernulia le faisaient aussi. La troisième fut donc de pleurer. La quatrième fut de sortir de mon sac du papier et une plume pour écrire deux lettres que je déposerai le lendemain (j'avais trop peur de laisser Azym seule ici en pleine nuit). Et en dernier je montai et sans me changer, je me couchai au près de ma fille qui ne silla pas. Son visage pâle et endormi me rappela cette innocence qu'elle avait encore, je m'endormis en la regardant.



"Olympe,
Nous venons d'arriver, il est tard à l'heure où je t'écris mais je n'ose pas regarder l'horloge. Je vois la lune devant moi, cela me rend nostalgique en songeant à toutes ces fois où tu me rejoignais dans mes insomnies, la seule lumière à nous éclairer était celle de la lune.

Tu m'en aurais voulu de ne pas t'avoir écrit dès notre arrivée et je m'en serai voulue de t'inquiéter seulement voilà, je ne sais pas quoi te dire maintenant...

Je n'ai pas peur et je ne ressens pas d'angoisse, juste une sorte de désespoir face à ce que ce monde est devenu et plus particulièrement notre monde. J'aurais tout donné pour que tout reste tel que cela l'était à notre mariage mais en y repensant je réalise que rien n'a jamais été complètement normal.

C'est étrange de t'écrire ! Tu avais raison, c'est comme la première fois. Est-ce que ces premières fois te manquent ? Par moment j'y pense et je revis l'excitation de voir une de lettres arriver puis l'émotion en la lisant. J'étais emplie d'espoir à l'époque, pour un nouveau départ, une meilleure vie, et un amour possible surtout. Tu m'aidais à tenir au quotidien et à garder la tête haute peu importe ce qui pouvait se passer.

Quand j'y pense je me dis que c'est ce que je me dois de faire maintenant encore et t'écrire me donne cette force.

Merci pour tout, je t'aime et tu me manques déjà.

- T"


"Ma reine,

Tu ne peux pas savoir à quel point ta lettre m'a fait plaisir. Moi aussi je ressens toutes ces émotions qui me traversaient il y a dix-huit ans en ouvrant tes premières lettres... Dix-huit ans déjà ? Tu te rends compte ? J'espère que nous n'aurons pas à être séparés autant de temps, je ferai en sorte que non.

Hernulia a été très heureuse en lisant ta lettre, elle est en train de te répondre à l'heure où je t'écris. En fait nous nous sommes assis côtes à côtes pour écrire ensemble (je crois que mon idée lui a plu !) et tu serais étonnée de voir comme elle arrive à écrire bien plus vite que moi ! Tu lui manques, tu sais, Azym aussi elle m'en a parlé hier soir. Elle n'a pas voulu dormir seule, elle a même pleuré en me poussant presque dans son lit pour que nous dormions ensemble. Cela me manquerait presque de me réveiller en plein milieu de la nuit et de ne plus te sentir prêt de moi parce que tu es assise au bureau, incapable de dormir. Je me suis réveillé cette nuit mais tu n'étais ni sur le coussin d'en face, ni au bureau.

C'est une belle journée qui s'annonce, je te souhaite d'avoir le même soleil éclatant ! Dis moi, comment est votre village ? Et votre maison aussi, je n'ai jamais pu les voir en détails et cela me rend curieux. Je t'imagine dans cet endroit mais sans savoir à quoi il ressemble, je pense qu'Hernulia aussi serait intéressée de savoir.

Si je le pouvais je passerai des heures à t'écrire mais je ne le peux pas, je vais devoir m'arrêter et repartir à mon devoir. Je t'aime, prends soin de toi.

- O"


"Ma chérie,
Ta soeur et moi sommes arrivées dans le nouveau petit village, nous te faisons coucou depuis la fenêtre ! Comment vas-tu ? J'espère qu'en m'attendant tu lis pleins de livres et que tu dors beaucoup avec ton père (il adore ça au fond) et surtout que tu penses à moi ! Je pense beaucoup à toi, j'imagine ton sourire quand je vois des fleurs. J'en ai cueillies ce matin juste pour toi, si tu veux je te ferai un dessin pour que tu vois comment elles sont :)
Il y a un endroit spécial dont je veux te parler: l'arbre aux fleurs violettes dans la forêt à côté du jardin. Si jamais les histoires de la bibliothèque deviennent trop ennuyeuses demande à ton père de te raconter celle de l'arbre violet, c'est une très jolie histoire d'amour. Aneth m'a dit que tu aimais les histoires d'amours et je voulais te demander, laquelle est ta préférée ?

Ma fille chérie j'ai déjà hâte de lire ta réponse à cette lettre !
Je t'aime très très fort et je pense toutes les secondes de toutes les heures à toi :)

- Ta maman"


"Maman

Papa m'a dit qu'on commence quand on écrit avec le prénom de la personne mais moi j'ai voulu écrire maman. Je suis trop contente que tu ai écrit une lettre pour moi et je l'ai meme mise sur le mur de ma chambre enfin j'ai demandé à Aneth de le faire parce que je suis trop petite. Il fait beau on a un grand soleil et comme les fenêtres de la bibliothèque sont grandes j'ai le soleil quand je lis. Là je suis avec Papa lui aussi il écrit comme moi. Tu m'as demandé mon histoire d'amour préférée et j'ai dit que c'était Papa et toi parce que vous avez toujours l'air très amoureux et moi aussi je veux avoir ça quand je serai une adulte. Comme je sais pas encore écrire super bien Papa m'a aidée et Aneth a dit qu'on écrirait ensemble pour que j'apprenne bien. J'ai hâte j'aime beaucoup passer du temps avec elle elle est trop gentille et en plus elle est trop belle. Mais je voudrais aussi passer du temps avec toi tu me manques. Je t'aime très très fort moi aussi maman."


"Mon roi,

Ne viens pas me taquiner sur ce début de lettre je ne fais que reprendre ce que tu as écris la dernière fois. Et dix-huit ans oui je sais le temps passe à une vitesse folle malgré tous ces événements forts qui nous sont arrivés !

Mes nuits sont aussi agitées qu'avant, je n'arrive jamais à trouver le sommeil et quand enfin j'y parviens je suis sûre de me réveiller trois fois pendant plusieurs heures. Je suis exténuée mais une force étrange me maintiens sur pieds, sûrement la présence d'Azym que je ne peux pas abandonner. Ces premiers jours sont compliqués, mais je m'habituerai.
Pour te répondre, nous sommes dans un village tout à fait ordinaire comme nous l'avions choisi. Rien de très excitant ou de très singulier, peut-être la belle végétation et les fleurs qui poussent facilement. Même la maison n'est pas passionnante; elle est petite mais assez grande pour deux, faite en bois et avec un peu de lierre qui monte près d'une fenêtre. Les habitants n'ont pas posé de question quand j'ai dis avoir emménager récemment, ils ne m'ont même pas reconnue. Je devrais peut-être me vexer mais je m'estime heureuse.
Chaque soir je regarde ma couronne et je repense à cette fois où tu as demandé à ce qu'elle soit faite sur demande plutôt que je ne reporte celle de ta mère... J'ai envie de la porter mais j'en ai aussi peur, je pense que tu peux le comprendre.

J'entends notre fille pleurer, elle s'est réveillée il faut que j'y aille mon amour.
Il ne se passe pas une seconde sans que je ne pense à vous,

- T"


"Ma reine,
Ne me demande pas pourquoi mais à compter de ce jour ceci est mon nouveau surnom préféré, je continuerai à t'appeler comme ça tu n'y échapperas pas !

Hernulia a été très heureuse de ta lettre, elle a demandé à Aneth de l'accrocher sur son mur et d'après ce qu'on me dit elle la relit des fois avec le sourire. C'est une petite fille forte, surtout ne t'inquiète pas pour elle tout ira bien.

Votre petite maison m'a tout de même l'air confortable, elle me fait me demander à quoi ressemblerait notre vie si nous n'étions pas une part de la royauté, à quel point les choses seraient-elles différentes ? J'espère que ta couronne te donne tout de même d'autres beaux souvenirs comme lorsque je l'ai posée sur ta tête et que nous sommes devenus un peu à l'improviste les nouveaux souverains suprêmes.

Tu ne devineras jamais, aujourd'hui une lettre de Topaze est venue de la part de quelqu'un dont je ne connais pas le nom mais qui n'est aucun des tiens. Comme tu n'es pas là pour le faire je me suis permis de l'ouvrir et devine quoi, l'envoyeur a le plaisir de t'annoncer que pendant trois ans on t'a caché la naissance de ta nièce. En effet, l'une de tes soeurs est tombée enceinte il y a quelques années d'une jeune fille qu'elle a nommé Leilï. Je réalise que ta famille biologique n'avait pas non plus était prévenue de la naissance d'Hernulia et encore moins de celle d'Azym... On ne peut pas vraiment leur en vouloir finalement. Mais je me doute bien que cette information t'intéressera.

Libre à toi de répondre ou non, en attendant le devoir m'appelle. J'espère vite recevoir ta prochaine lettre :)

- Olympe"


"Mon amour,

Tu n'imagines pas à quel point je suis scotchée d'apprendre cette nouvelle ! J'ai une nièce ? J'adorerais la rencontrer si tu savais ! Je pense qu'il s'agit de la fille de ma soeur ainée Alaya, j'ai une soeur cadette mais elle ne doit pas être plus vieille que moi lorsque nous nous sommes rencontrés. Je vais choisir de ne pas me concentrer dessus tant que je serai loin du cercle royal, j'y reviendrai quand ma couronne sera de nouveau sur ma tête.
Je n'ai pas grand chose à te dire tu sais la vie est plutôt calme ici, nous avons instauré un quotidien et une routine tranquille avec Azym, rien de très passionnant. J'ai tout de même pu reprendre des entraînements physiques plus actifs grâce à cela et je dois dire que cela me fait beaucoup de bien, physiquement comme psychologiquement.

Si quoique ce soit se passe (autre qu'un papillon devant la fenêtre) je te le dirai immédiatement, en attendant je ferai mieux d'aller préparer le déjeuner avant qu'Azym ne se réveille.
Excuse moi pour cette courte lettre, je me rattraperai sur la prochaine.

Je t'aime,
- T"


***


"Ma reine

Déjà la moitié d'une année que tu es partie et tu me manques toujours autant. Hernulia commence à s'impatienter, quand reviens-tu ?"


***


"Mon amour,

Le temps passe si lentement... J'ai la sensation que mon cerveau pourrait exploser à chaque instant à force d'espérer inlassablement mon retour. Mais j'ai entendu des rumeurs ce matin disant qu'un village non loin du mien c'était fait attaqué, je ferai attention."


***


"Ma précieuse Tess,

Un an est passé mais la situation ne semble pas vouloir évoluer. Je songe à mener une enquête bien plus approfondie pour trouver la source de ces troubles, voire de contacter certains souverains mais j'hésite encore compte tenu les enjeux."


***

"Olympe, je dois te faire cette lettre rapidement, j'ai même des doutes sur si je pourrai ou non te l'envoyer. Une attaque est survenue hier dans le village voisin"



     J'aurais pu reconnaître ce bruit entre milles: la lame coupant le vent. Je restai parfaitement immobile; il était trop tôt pour qu'Azym se réveille mais assez tard pour que le soleil soit bien descendu dans le ciel. De là où j'étais assise je pouvais jeter un regard par la fenêtre de la cuisine: personne dans les rues. Mais je savais que mon ouïe ne me trompait jamais, je savais qu'ils étaient là.

     Pas le temps de réfléchir, je me levai et sortis dans les rues à la recherche de réponse et surtout dans le but de localiser les attaquants. Tout mon entraînement topazien me servit en cet instant pour devenir presque invisible en avançant à mesure que mon cerveau élaborait un plan pour nous sortir de là. Mais l'issue était la même: se battre. J'aurais dû chercher à éviter cela à tout prix, alors pourquoi mes mains me démangèrent à l'idée de tenir mes épées et de les faire voltiger dans les airs ?

     En arrivant vers l'entrée du village la panique enveloppait les rues comme un épais brouillard dont on attendait la fin sans pouvoir en changer la condition. Il y avait des cris, déjà des traces de sang sur le sol. En comprenant que les attaquants avançaient et qu'ils ne cherchaient rien ni personne je couru le plus vite possible derrière les maisons pour rejoindre la mienne. Je n'avais qu'un objectif: protéger Azym, et j'y arriverai quel qu'en soit le prix.

     Comme prévu elle dormait encore. Je fermai sa porte à clé de l'intérieur en bloquant le passage avec tous les meubles que je pouvais trouver. Cela fait je descendis par la fenêtre et brisai celle de la cuisine de mes jambes pour passer à l'intérieur. J'eus tout juste le temps d'ouvrir une trappe que j'avais découverte peu après notre arrivée et de sortir deux épées argentées que de fortes voix d'hommes se firent entendre depuis la maison d'en face.


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