Chapitre 5: Les échos du passé


Planant dans le ciel et aidée par des courants de vent, Angèle tentait de repérer la moindre présence humaine au milieu du labyrinthe de ruelles et de gravas. Elle aperçut Pix, planté au milieu de la rue et immobile. Elle fut soulagée de l'avoir retrouvé, car quand elle était revenu au camps, elle n'avait vu personne et la statuette n'était plus là.

Elle décida cependant de continuer son chemin, car elle savait que Pix était sous hypnose. Puisque leur statue avait disparu, cela signifiait que Gabi et Cheyenne l'avaient prise. Logiquement, elles prendront du temps pour revenir à leur base, à pieds, mais avec leur pouvoir respectif, les repérer sera chose impossible. Angèle prit donc la décision d'aller chercher la statue adverse et de la ramener avant l'ennemi. C'était la seule façon de gagner.

Elle aperçut ensuite Antoine et Roxane, assommés en plein milieu de la place de marché. C'était plutôt positif. Cela voulait dire que dans le pire des cas, Angèle n'aura qu'à combattre Cheyenne et Gabi. Elle n'était certes pas douée, mais se défendait plutôt bien face à ces deux là. Elle les battait niveau vitesse et mobilité.

Cependant elle s'arrêta en cours de route en voyant ses coéquipiers juste en dessous. Elle se laissa planer jusqu'en bas et se posa au sol. Elle cria de stupeur en voyant Ren, dans les vapes à même le sol et du sang sur la tête.

— Que s'est-il passé ? demanda-t-elle en accourant.

— Sorry...J'y suis peut-être allé un peu fort... avoua Nya en se frottant l'arrière du crâne.

Une énorme bosse violacée venait d'y pousser comme un champignon.

— Quoi ? glapit Angèle.

Nya se mordit la lèvre du bas comme pour s'empêcher de craquer. Après son coup de colère, ses nerfs lâchaient doucement les uns après les autres, surtout en repensant à l'échange explosif qu'elle avait eu avec Ren.

— Il m'a cherché ! se défendit-elle. Alors je lui ai collé une baffe et poussé un peu fort, okay j'avoue ! Mais j'avais pas l'intention de le blesser plus que ça et c'est lui qui s'est assommé tout seul avec le mur !

Elle écarquilla les yeux quand Angèle l'attrapa par le col du teeshirt et la secoua.

— Tu te rends compte de ce que tu as fait ?? couina-t-elle. On est censé être dans la même équipe ! C'est une évaluation et vous vous battez ! Non mais qu'est-ce que je raconte : même en temps normal, vous n'avez pas à vous battre. C'est mal ! Mais pourquoi ?

— C'est une trop longue histoire... répondit Nya.

Elle avait dit ça avec une pointe d'amertume dans la voix, les yeux baissés pour ne pas regarder sa camarade en face. Angèle se mordit les joues et s'empêcha de pleurer, car ça lui arrivait toujours dès qu'elle haussait le ton ou s'énervait ; puis elle se rua vers Ren. Elle le traina avec difficulté en se plaignant à quel point il était lourd, jusqu'à un endroit mieux dégagé et sans gravas. Elle le posa en position latérale de sécurité et partit chercher Pix au pas de course, réfléchissant à toute vitesse à un plan de secours.

Malheureusement la sonnerie retentit dans les hauts parleurs situés sur les bâtiments, puis la voix de Vautour annonça la victoire de l'équipe A, soit celle d'Antoine, Roxane, Gabi et Cheyenne.

Angèle se laissa tomber à terre, dégoûtée, pendant que la prof demandait à tout le monde de revenir. Un peu plus tard, des civières arrivèrent sur les lieux en flottant toutes seules à un mètre du sol. Angèle partit réveiller Pix, toujours prisonnier d'une sorte d'hypnose et les deux filles de l'équipe adverse se pointèrent. Cheyenne tenait précieusement la statuette contre elle, très fière d'avoir gagné et félicita Gabi pour leur coopération.

La jeune fille attrapa ensuite une des civières flottantes et la fit glisser jusqu'aux blessés. Nya se chargea de monter Antoine et Roxane dessus, mais refusa de se charger de Ren. Pix le fit donc léviter jusqu'à la civière avec ses pouvoirs de télékinésie.

Les deux groupes revinrent au niveau du reste de la classe et des bancs, à l'extérieur du labyrinthe. Vautour les attendait pour le débriefing de pied ferme. Les trois civières transportant les blessés s'alignèrent les unes à côté des autres. Roxane fut la première à ouvrir un œil et une fois que l'info lui fut transmise, elle se mit à clamer haut et fort qu'ils avaient gagnés les doigts dans le nez et à quel point ils étaient géniaux. Le tout avec sa grosse voix de rockeuse.

— Bien ! commença Vautour. Je n'ai pas grand-chose à reprocher à l'équipe A parce que votre stratégie était très bien trouvé. Votre groupe était déjà bien équilibré en terme de pouvoirs, et vous avez su en tirer parti. En revanche, ajouta-t-elle en changeant de ton, l'équipe B, vous allez m'entendre ! J'aimerai que monsieur le numéro un se réveille d'abord, mais je tiens à vous passer un savon. Pix : on peut savoir ce que vous avez fabriqué ? Vous avez voulu vous dévouer pour monter la garde ? Et bien moi je n'ai vu qu'un trouillard qui a refilé la patate chaude à ses camarades et qui ne voulait pas aller au front, par flemme, alors qu'il possède juste un des pouvoirs les plus puissants de toute la classe, à savoir la télékinésie ! Mais ça, monsieur Beleth ne l'a pas encore imprimé. Il va falloir se ressaisir jeune homme ! Vous ne pourrez pas vous reposer éternellement sur les autres !

Au fur et à mesure que la prof parlait, Pix perdait peu à peu de la consistance et se mit à pleurer sans pouvoir se contrôler. Il s'essuya le visage avec le bas de son teeshirt et renifla tout ce qu'il avait dans le nez. Vautour continua :

— Mais le pire, et je n'ai jamais vu ça en trente ans de carrière : Nya et Ren. Cohésion ? Mais quel est donc ce mot ? Vous êtes des coéquipiers, pas des ennemis et c'était une évaluation pas un ring de boxe ou une cours de récré où l'on se bagarre pour régler des comptes ! Non content de vous blesser l'un l'autre, vous avez aussi handicapé votre équipe avec vos chamailleries ! Vous aurez d'ailleurs droit à une remarque dans le carnet pour la peine. Ah mais s'il n'y avait que ça ! Je pourrais parler durant des années rien que pour citer toutes les idioties que vous avez commises ! Vous vous insultez, vous vous battez, vous vous frappez et en plus l'un de vous deux termine la tête dans un mur à cause de l'autre ! Bravo, elle est belle la camaraderie !

La prof frappa dans ses mains pour accompagner sa phrase en secouant la tête d'un air grave. Nya baissa la tête d'un air honteux. C'était vrai, elle avait handicapé toute son équipe pour des prunes... Elle avait été un boulet. Inutile et incapable... Un écho de ses propres galères au collège. Mais d'un autre côté Ren avait largement fait déborder son vase de patience.

— Je ferais la leçon de moral à Ren tout à l'heure, mais ce n'est pas plus positif ! continua Vautour. Terminons avec Angèle.

Cette dernière rentra la tête dans les épaules quand la prof braqua ses yeux argenté sur elle. L'ange eut l'impression d'être un lapin au milieu des phares d'une voiture.

— De tous les quatre vous étiez finalement la plus raisonnable. Vous avez su prendre de bonnes décisions pour tenter de rattraper les erreurs monumentales des autres. Bien que vous n'auriez pas dû partir toute seule dans les airs pour retourner à votre camps ou même allez dans celui adverse, ce n'était pas la plus mauvaise option. Vous aurez la meilleure note du groupe. Bref : AUX SUIVANTS !!!

Tête basse, Pix, Angèle et Nya repartirent sur les bancs, dépités d'avoir perdu et de s'être en plus fait remonter les bretelles. Pix pleurait toujours, reniflant de temps en temps, et Angèle essayait de voir un petit point positif au milieu de tout cela. Malheureusement elle n'en trouva pas. Elle poussa un soupir et se dit à la place que ça leur servira de leçon pour la prochaine fois.

— Je sais pas qui je vais étriper en premier : Ren ou Nya ! pesta Sarah alors qu'ils se rasseyait sur les bancs. Sans déconner vous avez vraiment fait n'importe quoi ! Par les Douze, qu'est-ce qui vous a traversé la caboche ???

— C'est trop long à expliquer... lâcha Nya.

Elle se posa une poche de glace sur la joue car elle s'était pris une belle droite et la démone explosa :

— Gnagnagna trop long à expliquer ! Bla-bla-bla tu comprendras pas ! Vous vous battez comme de parfaits gosses ! Je veux savoir pourquoi !

— Fallait bien que quelqu'un le remette à sa place, ce sans pourvoir, marmonna Nya. Pour qui il se prend, à prendre tout le monde de haut...

Sarah ouvrit la bouche pour sortir la riposte qu'elle avait préparé en cas de « non », mais elle la referma directement avant d'arquer un sourcil. Elle avait mal entendu ?

— Tu délires Nya, ricana Derak, entièrement étalé sur un banc complet. Ren a des pouvoirs, ça se voit bien ! Faut que t'achète des lunettes, en plus il t'en offre une deuxième paire pour un euro de plus !

— Je sais bien qu'il a des pouvoirs ! Je le vois bien. La question c'est : comment ?

Nya posa sa poche de glace sur un autre bleu, puis elle enroula ses poignets scarifiés dans du bandage. Ça devait être du bandage magique qui régénérait les plaies plus vites, car elle ne gardait jamais ses blessures bien longtemps.

— Attends attends, fit Sarah en se tournant vers elle. Tu... (elle baissa la voix) tu connaissais Ren avant ?

— Évidemment, on était dans la même classe en cinquième, répondit Nya tout aussi bas. Il est parti l'année suivante, sans aucune explication sur son départ. Je l'ai plus jamais revu après. Du moins jusqu'à aujourd'hui... Et je ne comprends toujours pas comment il peut être là, dans une école de magie alors que... C'était un sans pouvoir à l'époque et ça aurait dû le rester !

Sarah voulut l'assaillir de questions, mais elle se tut et fixa l'écran qui diffusait les images du combat qui faisait rage dans le labyrinthe. Elle re songeait à tout un tas de choses, perplexe.

Quand elle avait quitté le primaire pour rentrer au collège, elle avait perdu Ren de vue. À cette époque, il n'avait pas de pouvoirs et elle se s'était juste dit qu'il était très en retard... Qu'il les aurait peut-être un peu plus tard par rapport aux autres... Mais d'après ce que disait Nya, Ren était toujours un sans pouvoirs en cinquième. Pourtant il maîtrisait la magie à le perfection aujourd'hui. Il y avait de quoi se poser des questions...

Normalement, on ne pouvait pas développer de capacités magiques après un certain âge. Ç'avait été scientifiquement prouvé des dizaines de fois... On naissait sans pouvoirs, on grandissait sans pouvoirs, on mourrait sans pouvoirs...

Au final, Nya avait raison : Ren était impossible.

***

Quand on tombait dans les pommes, on avait l'impression de tomber dans un gouffre, ou tout au fond d'une fosse abyssale. Ce n'était pas qu'une impression. Ren tombait réellement dans un gouffre obscur. Il eut de la chance de ne pas se prendre une paroi rocheuse et termina sa chute. Il resta un bon bout de temps allongé sur le sol noir et sablonneux, à regarder la faible lumière brillant tout en haut. Sûrement la lumière du monde réel, loin, bien loin de là où il se trouvait.

Ren s'assit par terre, regard las. Puis il frappa furieusement le sol avec son poing en repensant à Nya. Cette sale peste  l'avait poussé contre un mur ! Il se souvenait encore de la douleur quand l'arrière de son crâne a percuté les briques. Puis il était tombé dans les vapes... Il ragea tout seul pendant deux minutes, avant de se calmer, mais ce ne fut pas chose aisée. Il avait des envies de meurtres là, rien qu'à imaginer la tronche de cette fille.

En levant la tête, il se rendit compte qu'il n'était plus au fond de la fosse abyssale, mais assis à une table de cantine, à l'intérieur de son corps d'enfant. Il avait perdu vingt bon centimètres et la quasi-totalité de ses muscles. Ses cheveux en revanches étaient toujours aussi désordonnés et lui tombaient devant les yeux.

Il avait son plateau repas sous le nez et que des inconnus assis à sa table. À croire que c'était ici que mangeaient ceux qui étaient seuls et sans amis. Ren tripota son cordon bleu du bout de la fourchette et soudain, il se prit un coup à l'arrière de la tête. Il manqua de se retrouver le nez dans son assiette et se rattrapa de justesse. Des ricanements parvinrent à ses oreilles et il fit volte face.

Nya se tenait dans son dos, son plateau dans les mains et le regardait, tandis que ses camarades qui l'accompagnaient tout le temps l'encourageaient avec un air malveillant. Le sourire un peu figé de Nya était agrémenté d'un appareil dentaire, sans doute pour fermer l'espace immense entre ses deux incisives.

— Vas y Nya ! encouragea une fille. Tu fais comme on a dit !

— Au fait Ren, lança-t-elle. T'as peut-être des pouvoirs sans le savoir. Tu veux un conseil : essaie de t'envoler depuis le toit du bâtiment. Avec un peu de chance ça marchera et tu voleras comme un oiseau et dans le pire des cas... Héhé. T'auras peut-être des pouvoirs dans une autre vie ?

Le cœur de Ren se mit à battre furieusement dans sa poitrine tandis que son sang se changeait en lave. Des paroles résonnèrent à ses oreilles, des choses dont il avait oublié l'existence. Des milliers de murmures qui lui répétaient à quel point il était incapable et faible... Pourquoi ?

Parce qu'il n'a pas de pouvoirs. Et ça, c'était la dernière chose qu'il fallait être dans ce monde régit par les conventions et où tout reposait sur la pratique de la magie. Sans pouvoirs, impossible de faire quoi que ce soit... On était les rebuts de la société.

Pourquoi il pensait à cela... Pourquoi tout lui semblait si familier, comme s'il l'avait vécu... puis oublié.

Le rire de Nya et les regards des autres firent monter la rage, qui prenait le contrôle. Il ne sut pas pourquoi c'était la goutte de trop, mais sa main se crispa sur son couteau de cantine. Il se leva en faisant grincer la chaise, se retourna et lacéra au hasard pour ne plus entendre ce rire qui lui rappelait sa condition misérable.

Le rire de Nya se transforma en cri de stupeur, puis de douleur quand la lame du couteau glissa sur son front, puis sa paupière et sa joue, côté gauche. Nya tituba en arrière en criant de douleur, une main posée sur son œil qui saignait. Elle tomba sur le sol et Ren lâcha son couteau. L'objet tomba à terre avec un bruit métallique tandis que la satisfaction à l'état pur remplaça la colère.

L'instant d'après, tout fut un peu flou. Il était à la fois fier d'avoir remis à sa place le bourreau qui lui avait pourri l'existence depuis des mois, mais aussi comme une marionnette vide. Il se souvint des sirènes de l'ambulance qui était venu chercher Nya et des gyrophares tournant au ralenti, les remontrances du CPE, qu'il avait ignoré, puis la déception sur le visage de sa mère quand elle est venu le chercher et avait appris son renvoi pour trois jours. Mais tout ça n'avait pas d'importance. Plus rien ne semblait avoir de l'importance...

Le monde retrouva ses lignes nettes, et Ren avait encore rétréci pour se retrouver à la taille qu'il avait en primaire. Il était à terre, la joue en feu, les genoux et les paumes des mains écorchés par le goudron de la cour de récré. Devant lui, la silhouette de mini Sarah se dressait, des flammes crépitant à ses petites poings. Elle s'était mise entre Ren et un groupe d'élèves.

— Pourquoi tu le protèges ? Il le mérite pas ! couina l'un d'eux.

— T'es trop méchante Sarah, je vais le dire à la maîtresse ! T'as pas le droit de me frapper avec tes pouvoirs !

— Parce que vous, vous avez le droit de maltraiter Ren peut être ??? fulmina la petite démone en sautant sur place. Sous prétexte qu'il a pas encore ses pouvoirs ?

— Il en aura jamais, c'est ma mère qui l'a dit !

— Et ça vous amuse de le traiter comme un moins que rien et lui faire sentir qu'il ne vaut rien ???

— Ouais et c'est bien fait pour lui !! Qu'il reste tout seul comme tous les incapables de son espèce ! Il a même besoin d'une fille pour le défendre, trop la honte !

— Ouais t'as raison ! approuva un autre gamin. T'entends Ren ? Tu vas rester faible pour toute ta vie et c'est bien fait pour toi !

— Dégagez avant que je vous réduise en cendres ! menaça Sarah d'une voix aiguë.

Elle lança une boule de feu afin de les dissuader de rester, en loupant volontairement sa cible. L'effet fut immédiat et le groupe de gamin se dispersa en criant qu'ils allaient le dire à la maîtresse et que Sarah était une tarée. La démone leur tira la langue en postillonnant. Elle grommela puis se retourna pour aider Ren à se relever. Sans comprendre pourquoi, il refusa et se redressa lui-même. C'était comme s'il était un spectateur, vivant ses souvenirs de l'intérieur.

— Laisse moi, je peux me relever tout seul... protesta-t-il.

Il fut choqué d'entendre sa voix d'enfant.

— Tu devrais aller voir l'infirmerie, conseilla Sarah. T'as plein de goudron dans les genoux. Quand même, ce sont tous des idiots ! Ça se fait trop pas de te pousser et de te faire des croches pieds à longueur de journée ! La prochaine fois je vais vraiment les brûler !

— Non... Arrête de m'aider s'il te plait... Je me sens tellement minable.

— Quoi, parce que je suis une fille ? Parce que c'est moi qui te défend et te protège ?

— Oui. Je peux rien faire quand je suis tout seul et j'arriverai jamais à me défendre si t'es toujours là... J'en ai marre... J'suis un bon à rien...

— Mais non, t'inquiète pas Ren des neiges, t'es juste très en retard. T'auras tes pouvoirs un jour !

Même si elle y croyait dur comme fer, ça n'arrivera jamais. Ren le savait : il était un sans pouvoir et ce pour toujours. Condamné à rester un bon à rien toute sa vie, comme tous les sans-pouvoirs de ce monde.

Alors pourquoi il en avait aujourd'hui... ?

À nouveau le monde se brisa. Durant une nouvelle chute, il entendit une voix à la fois familière et inconnu, demandant s'il oubliera bien tout, puis une autre voix qui confirmait cette appréhension. Puis il ouvrit les yeux, étalé sur le sol du gouffre de sa conscience. Il poussa un long soupir par le nez, perdu. Qu'est-ce qu'il venait de voir ? Des rêves ? Des souvenirs ?

— C'est ça, dit une voix cristalline. Des souvenirs oubliés.

Ren leva les yeux, pour voir la fille aux cheveux de cristal juste au dessus de sa tête. Elle imprima un sourire radieux sur son visage à la peau blanche.

— Des souvenirs...Oubliés... répéta Ren. Alors tout ça, c'est vrai ?

La fille hocha la tête, confirmant ses craintes. Le jeune homme ne pouvait pas y croire... Il était un sans pouvoir ? Et il avait tout oublié ?  Pourquoi ? Comment ? Et pourquoi il en avait aujourd'hui alors ?

— T'as encore beaucoup trop de question à ce que je vois. Signe que ce n'est pas encore l'heure.

— Mais qu'est-ce que je vais faire ? demanda Ren en la regardant partir.

— T'as qu'à demander. Et si jamais, tu peux toujours fouiner.

Ren fut encore plus perdu qu'auparavant tandis que son corps remontait rapidement vers la surface, pour sortir du gouffre. La lumière fut de plus en plus vive et les sensations revinrent petit à petit, à commencer par le froid mordant de décembre, puis la douleur de ses muscles et de sa peau couverte de contusions. Il papillonna des yeux et les ouvrit prudemment. Il mit du temps avant de s'habituer à la luminosité blanchâtre. Enfin, l'environnement retrouva ses lignes nettes et les sons furent plus précis.

Ren se redressa en grimaçant et se rendit compte qu'il était sur une civière flottante. Sur les bancs en face de lui, il y avait toute la classe, semblant s'ennuyer comme une colonie de rats morts. Une demi-douzaine de blessé était allongé ou assis sur des civières lévitantes et la prof observait les écrans qui diffusaient les images du « match » en cours dans le labyrinthe urbain.

— T'avais de la chance d'être déjà en PLS, sinon c'est moi qui t'aurais assommé ! tonna une voix à ses oreilles.

Ren sursauta et fit volte face pour tomber nez à nez avec la poitrine plutôt grosse de Sarah, puis il leva les yeux vers son visage colérique. La démone se baissa pour mettre sa figure rouge à sa hauteur et lui tira une oreille. Ren lâcha un « aïe ».

— T'as vraiment fait ton casse pieds égoïste cette fois-ci ! Non mais je ne sais pas ce qu'il vous a pris, mais en plus de vous blessez mutuellement Nya et toi, et encore ça je m'en fiche totalement, vous avez handicapé Angèle et Pix qui ont rien demandé ! Et ça, ça me met encore plus le bourdon ! Pense aux autres un peu !

Ren lui mit une pichenette sur ses doigts pour qu'elle lâche son oreille.

— Parce que c'est moi qui ai commencé peut-être ??

— Je ne sais pas qui a commencé, mais au résultat c'est pareil ! Vous avez perdu et vous aurez tous une mauvaise note à cause de vos conneries !

Sarah se massa l'arête du nez en soupirant, puis posa les mains sur les hanches. Elle jeta un regard grave au jeune homme.

— Dis... Tout à l'heure Nya a lâché un truc... Plusieurs fois, elle t'a traité de.. sans pouvoirs. Ça veut dire qu'elle te connaissait avant. Et quand je lui ai demandé quand, elle a dit que vous étiez dans la même classe en cinquième. Ça veut dire que...T'avais toujours pas de pouvoirs en cinquième ?

Ren secoua la tête pour dire que non. D'après ce qu'il venait de voir, il n'avait pas de pouvoir en cinquième. C'était tellement déroutant et pour cause : il ne se rappelait absolument pas de cette période. Pour lui, c'était comme s'il venait de l'apprendre... Il se sentait bizarre.

— C'est étrange... continua Sarah. En primaire, t'étais encore dans les clous. Mais après c'est plus du tout possible, alors... Comment t'as fait ?

Ren ne dit plus rien, parce qu'il fut incapable de trouver la moindre réponse cohérente. Il se sentait encore un peu à l'ouest à cause de tous ces vieux souvenirs, qui pour lui ressemblaient plus à des songes. Il avait l'impression de ne plus rien comprendre. Qu'est-ce qu'il était au final ?

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