Chapitre 4: Règlement de compte pendant l'évaluation


Ren dut s'endormir car il se réveilla quelques secondes plus tard. Il se redressa et promena un regard autour de lui, en se frottant les bras, car il faisait glacial. Il se releva entièrement en frissonnant et observa les lieux. Juste un immense espace noir et infini.

Quand il fit un pas sur le sol couleur encre, le son se répercuta en écho contre des murs invisibles. Puis le sol se fissura lentement en craquant. Une fêlure blanche se propagea depuis le dessous du pieds de Ren. Il se stoppa et répartit prudemment son poids.

D'un coup il se retourna et il la vit à nouveau. La fille aux cheveux de cristal qui hantait ses rêves. Sans attendre, Ren tendit un bras en avant pour l'attraper avant qu'elle ne s'enfuit. Sauf que sa main passa au travers du bras de la fille. Abasourdi, le jeune homme observa sa main, mouillée... Le bras de la fille était constitué d'eau, à l'endroit où il l'avait touché, puis il reprit sa consistance normale. La fille secoua la tête.

— Pas encore...

Sa voix était légère, cristalline et agréable à écouter. Le corps de la fille se changea entièrement en eau, avant de tomber au sol et disparaître. À nouveau, le sol craqua et finit par se briser. Ren tomba sans un bruit jusque dans sa cours de primaire.

Allongé contre le goudron, il grommela en fixant le ciel, dans lequel volaient plusieurs exemplaires du poisson rouge de son institutrice de CM2. Le genre de bizarrerie des rêves... Une tête se pencha au dessus de lui et masqua le soleil. Ren loucha sur la gamine souriant devant son visage.

— Debout gros paresseux ! s'exclama-t-elle. Puis d'abord qu'est-ce que tu fabriques par terre ?

Ren se releva, dépassant la gamine de près de trois têtes, et la regarda. Cette fillette, c'était Sarah. Ses cheveux étaient dix fois plus court qu'aujourd'hui, ses cornes de bélier étaient microscopiques, elle était encore toute petite et possédait son visage et son corps d'enfant. À côté d'elle, Ren semblait presque adulte.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda mini Sarah.

— Je ne sais pas...

— Tu cherches à te rappeler ?

— Me rappeler de quoi ?

La petite Sarah haussa les épaules puis s'effaça progressivement du paysage. Le temps de cligner des yeux, Ren se trouvait cette fois dans la cours de son collège, deux ans plus tard. Lui n'avait pas changé et il se rendit compte à quel point les gens autour de lui étaient des gamins au final. Il se retourna sans savoir pourquoi et vit une fille assise sur un banc en béton près d'un arbre. Elle le fixait avec ses yeux gris et ses cheveux mi-long étaient bleu marine.

— T'es pas possible.

— Encore toi ? fit Ren en la reconnaissant.

Cette fille c'était Nya. Sauf qu'il lui manquait quelque chose au niveau de l'œil et du sourcil : sa cicatrice.

— Quoi ? Tu t'en souviens toujours pas ? demanda-t-elle en haussant un sourcil. On t'a vraiment nettoyé la cervelle.

En observant autour de lui, Ren sut que Nya a été dans le même collège que lui. Alors pourquoi il ne s'en rappelait pas ? Qu'est-ce qui s'est passé durant cette période pour qu'il ait tout oublié ? Et surtout : qu'est-ce qu'il a oublié ? À nouveau le monde se brisa et il tomba. Il en avait vraiment assez de ses rêves absurdes... Allongé sur le dos dans la pièce noire, il voulut se frapper la tête contre le sol, espérant que ça le réveil, mais à la place, il se prit un coup de pieds dans le flanc.

— Mais t'es qui à la fin ??? pesta-t-il.

Encore la fille aux cheveux de cristal. Elle lui donna un autre coup de pieds, puis lui tapota le front avec l'index.

— Un jour peut-être, mais pour l'instant c'est trop tôt. D'abord, souviens-toi. Après tout commencera.

C'est sur ces dernières paroles que Ren se réveilla, le sommier du matelas de Matt au dessus de lui. Il s'assit dans son lit et ramassa sa couette qui avait foutu le camp par terre. Il n'eut pas le temps de repenser à son rêve ou de se recoucher que le réveil sonna. Il se tourna vers l'objet en grommelant. Six heures trente... Ren balança ses jambes hors de son lit et marcha tel un zombie vers son armoire. Dans son dos, Derak se laissa tomber de son lit en hauteur.

— Les vacances vont faire du bien... grogna-t-il. Ma dernière grasse matinée doit remonter à... J'en sais rien...

— Dimanche dernier ? proposa Matt en glissant le long de son échelle.

Il éclata de rire en voyant la tête de déterré de Derak puis ce dernier lui lança son sac de cours dessus. 

— Allez ! s'exclama Matt en esquivant le projectile. Dernière journée avant les vacances de Noël !!! D'abord la matinée à la noix du vendredi et après : évaluation de magie. Qu'est-ce que Vautour va nous proposer à votre avis ?

— Je sais pas mais ça sera encore très dur...couina Pix en enfilant un sous-pull. Je vais encore avoir juste la moyenne...

— T'inquiète ! continua Matt. À tous les coups ça sera un truc en équipe. Tu feras comme moi, tu te reposeras sur les autres !

***

Après une matinée qui leur aura lavé le cerveau, les élèves de la seconde A se traînèrent jusqu'au gymnase, loin d'être ravi de subir la dernière évaluation de l'année.  De plus, les haricots verts du midi ne les avaient pas encouragés du tout. Vautour les accueillit avec un sourire rassurant, ce qui ne rassura personne. Dans l'assemblée, on se consulta du regard d'un air inquiet. La prof attendit que les retardataires sortent du vestiaire pour commencer :

— Bien tout le monde, je ne vais pas perdre inutilement du temps en bavardage, le programme de cette après-midi est simple : évaluation ! Tout le monde passe aujourd'hui ! Si jamais on n'a pas le temps de faire passer tout le monde, le cours durera jusqu'à dix huit heures, ce n'est pas plus compliqué que ça. Bref enchaînons, poursuivit la prof alors que la classe râlait. Nous irons au terrain d'entraînement polymorphe juste dehors. Une fois là bas, JE constituerais les équipes.

Ça sentait le coup foireux à des kilomètres... Dehors, le froid de décembre agressa tous les adolescents, pendant que Vautour appelait la première équipe. Sarah faisant partie des élus, elle rejoignit son groupe en râlant. Au passage, elle glissa à Ren de bien la regarder quand elle écrasera les autres. Le jeune homme se laissa tomber sur un banc pendant que Vautour clamait haut et fort les consignes :

— Le but est simple : chacune des deux équipes doit rapporter à leur base une petite statuette qui sera placé dans chacun des camps adverses. Sachez que je note sur la performance et que ceux qui ramèneront la statuette adverse n'auront pas forcément de meilleure note. Le terrain du jour est semblable à un centre ville.

En plus du gymnase, il y avait un grand terrain juste à côté qui pouvait en quelques minutes prendre n'importe quelle apparence. En ce moment des bâtiments poussaient comme par magie sur l'immense zone délimitée, juste après que Vautour ait lancé un programme permettant de fabriquer des immeubles en quelques instants. Tout ceci était de la magie de construction, mais ça restait impressionnant. Les premiers groupes partirent sur le terrain et disparurent dans le labyrinthe urbain. Des écrans permettaient de voir ce qui se déroulait à l'intérieur.

Durant plus d'une demi-heure, on pouvait voir de la fumée, entendre des explosions et assister à des duels épiques, avec des capacités magiques incroyables. Puis une des deux équipes finit par ramener la statuette dans son camps, signant la fin de la partie. Cinq minutes plus tard, les équipes quittèrent le terrain pour avoir le débriefing de Vautour. Une fois chose faite, Sarah se laissa tomber sur un banc en râlant.

— Jamais  contente c'te grognasse ! pesta-elle. D'abord c'est à cause de mes coéquipiers si on a perdu ! Et pour une fois c'est vrai ! T'as bien vu comment ils ont été relou et m'ont empêché d'attaquer ?! En plus personne voulait adhérer à ma stratégie pourtant géniale !!

— Faut dire que provoquer un incendie général pour forcer l'adversaire à se pointer, c'est très intelligent, dit Ren.

— Équipe suivante : je veux à ma gauche Cheyenne, Antoine, Gabrielle et Roxane pour la première équipe. Et à ma droite Ren, Angèle, Pix et Nya. En piste les artistes.

Ren sentit le sol s'effondrer sous ses pieds, puis eut l'impression de tomber loin sur terre, de ressortir de l'autre côté et de repartir en sens inverse. C'est une grosse blague ? Il avait mal entendu ?

— Oh cool ! s'exclama Angèle. Pour une fois qu'on est entre amis ! Ça va être génial, pas vrai vous trois ?

Ren tourna les yeux vers Nya, qui tirait une tête pas possible, sans doute qu'elle était « ravie » de faire équipe avec lui. Angèle au contraire était vraiment de bonne humeur. Les quatre se levèrent et se placèrent donc à la droite de Vautour, le temps que le terrain se reconstruise après les dégâts des équipes précédentes et d'élaborer une stratégie.

— C'est génial !!! répéta Angèle, dont les yeux pétillaient. Ah je suis super heureuse parce qu'habituellement je suis toujours avec les autres, jamais avec mes amis. Bon en tout cas, si vous avez une stratégie je suis toute ouïe.

Nya s'éclaircit les cordes vocales et commença, sûre d'elle :

— Je propose qu'on commence par faire un repérage du...

— C'est simple, vous trois vous gardez notre statuette et moi je pars chercher celle des ennemis, la coupa Ren.

Il se reçut un regard indescriptible de la part de Nya, à la fois glacial et incendiaire, sûrement qu'elle n'avait pas apprécié la manière dont il venait de lui couper la parole.

— De quoi ? fit Pix.

— En gros il nous ordonne de rester planté à la base pendant que lui part tout seul faire le bouleau, traduisit Nya qui visiblement avait du mal à contenir son amertume. C'est un travail d'équipe je te rappelle.

— Pardon , tu me parlais ? demanda Ren.

Il ignora le regard courroucé qu'il se reçut et poursuivit sur sa lancée :

— À votre avis, qu'est-ce qui se passera si on laisse le camp sans surveillance et qu'on part bêtement tous les quatre chercher la statuette ? On va se la faire piquer. Tout miser sur une attaque frontale va nous faire échouer. Il en faut au moins un qui monte la  garde.

— T'as pas tort finalement, avoua Pix après un temps de réflexion. En plus on a bien vu ce qui s'est passé pour les groupes précédents, tout le monde était sur le terrain et la voie était libre pour aller chercher la statuette des deux camps. Bon... Qui se dévoue ? Moi je veux bien, avec mon pouvoir j'aurais un large champs d'action.

— Bonne idée. Moi j'accompagnerai Nya et Ren jusque chez les adversaires pour chercher la statuette, déclara Angèle. Je pourrai vous aider à distance avec mes pouvoirs de vent.

— Et avec tes ailes d'ange, tu pourrais faire un repérage des lieux, insista Nya, revenant sur son idée de base.

— Mauvaise idée, trancha Ren.

— Mais pourquoi ? protesta la jeune fille.

— T'as vraiment pas de cerveau c'est dingue.

Ren jugea ensuite que la préparation était terminée et s'avança vers l'entrée du terrain, où Vautour les attendait. Dans son dos il entendit Nya rager, puis Angèle lui expliqua gentiment pourquoi son idée n'était pas des plus idéales.

— Dans l'équipe adverse il y a Antoine qui, même s'il en a pas l'air, est un vrai pro du tir à distance. Ses projectiles en pierre sont ultra précis. Et y a aussi Roxane, la fille hybride mi dragon. Elle vole comme moi et a une vue d'aigle, en bref ils auront tôt fait de nous repérer.

— Ah okay... marmonna Nya, déçue.

— Bon si tout le monde a terminé ses préparatifs, allez sur le terrain, j'ai assez perdu de temps comme ça moi ! cria Vautour. Chacun part dans le labyrinthe et rejoint son camps. Allons dépêchons !

Ren se fit rejoindre par les trois autres et au coup de sifflet, ils s'engagèrent dans les rues du centre ville improvisé. Les rues étaient goudronnées, les bâtiments en béton, c'était une reproduction très réaliste pour des immeubles faits à la va vite avec un mécanisme magique. Le groupe s'avança jusqu'à leur base, une sorte de place carrée, et ils virent la fameuse statuette à voler, posé sur un piédestal. Ren rappela la stratégie, puis un nouveau coup de sifflet retentit au loin, signalant le début du match.

— Je monte la garde : allez-y ! assura Pix. Bonne chance.

Angèle le remercia et emboîta le pas de Nya et Ren en trottant. Comme toujours elle manqua de trébucher et se rattrapa en quelques petites sauts. Leurs pas résonnèrent sur les pavés tandis qu'il remontaient les rues de la ville. Ils s'arrêtèrent dans une ruelle pour faire le point.

— Bon Antoine possède des pouvoirs élémentaires de roche, informa Ren. Il peut faire ce qu'il veut tant qu'il a des cailloux à disposition donc ici c'est mort pour le bloquer. Cheyenne son pouvoir c'est les illusions, c'est pas dangereux offensivement mais elle peut  rapidement mettre la pagaille sur le terrain et entre les équipiers. Roxane c'est une hybride dragon, donc des écailles qui la protègent, des griffes, des ailes et une grosse force. Elle a aussi une queue de dragon et s'en sert pour se battre.

— Et Gabi peut hypnotiser les gens et manipuler les esprits ! ajouta Angèle. Donc c'est elle la plus dangereuse parce qu'elle peut te donner des maux de tête sournois ou te faire croire que t'es à la fois ivre et sur un bateau en pleine tempête, donc t'arrêtes pas de tomber sans raison.

— Faudrait neutraliser Cheyenne en premier, proposa Nya. Si comme vous le dites elle fait des illusions elle pourra très vite être casse pieds.

— T'as raison ! approuva Angèle. Qu'est-ce que t'en penses Ren ?

Ce dernier grinça des dents, agacé que quelqu'un d'autre puisse avoir raison, en particulier Nya. Il ne répondit pas, car il était hors de question de dire qu'elle avait juste, mais il ne voulait pas froisser Angèle d'un autre côté. Tout en gardant le silence, il s'avança dans les ruelles, discrètement et les deux filles lui emboîtèrent le pas.

— J'espère que tu sais où tu vas ? demanda Nya d'un ton las.

— Parce que toi oui peut-être ? répliqua Ren, acerbe. Ce truc est un labyrinthe je te signale. Faut faire un repérage des lieux et trouver le camps adverse, sans se faire choper.

— Attends tu te fous de moi ? Mais y a pas deux minutes tu disais que... !

— Je m'en charge ! coupa Angèle.

Elle s'éloigna des deux autres et déploya ses immenses ailes d'ange, rangées dans des sortes de poches situés dans ses omoplates. Elle les étira longuement, secouant ses plumes blanches, puis  posa un genou et une main à terre. Elle ferma les yeux et ses cheveux blanc s'agitèrent, comme balayés par un ventilateur invisible. Elle plaça ses ailes parallèles au sol et elle décolla, emporté par un courant ascendant, ses ailes jouant le rôle de toile de parapente.

Ren leva la tête et la regarda s'élever au dessus des bâtiments grâce à son champs de vent. Elle resta un bon moment en l'air avant de se laisser planer en bas. Un peu de poussière s'envola quand elle battit des ailes pour se poser. Elle arrangea sa frange derrière l'oreille et refit sa queue de cheval basse.

— Ils ont l'air d'être là bas, informa-t-elle en pointant une direction. On y va ?

Ren hocha la tête et ouvrit la marche entre les immeubles. Arrivé à une bifurcation, Angèle repartit faire un repérage en hauteur et ils continuèrent, toujours en silence. On sentait qu'Angèle voulait faire la conversation, mais une sorte de froid entre Ren et Nya l'en empêchait. Ils arrivèrent sur une place remplie de gravas en tout genre. Le jeune homme leva la main pour inciter ses coéquipières à s'arrêter. Il tendit l'oreille, puis il cria tout haut ce que son instinct lui ordonna :

— À terre !!

Le béton du bâtiments derrière lui explosa et projeta des gravats et de la poussière de partout. Les trois se plaquèrent à terre juste à temps. Ren leva la tête et toussota. Ses cheveux étaient devenus gris à cause de la poussière, et il en avait aussi avalé. Il se redressa prudemment, les sens en alerte.

Le sol trembla violemment et un pilier de roche en jaillit. Ren fut projeté dans les airs et fit un vol plané sur plusieurs mètres, les hurlements suraigus d'Angèle lui crevant les tympans. Il se rétablit lourdement un peu plus loin, l'ange se prit un mur en pleine poire et Nya termina dans l'arbre artificiel. À ce moment, Antoine se matérialisa en plein milieu de la place, le corps entièrement en roche. Il venait de sortir du sol avec lequel il avait fusionné pour s'y déplacer et afficha un grand sourire carré.

— Trouvé !!! cria-t-il.

Au même moment, une fille passa au dessus des immeubles en volant et se posa rapidement au sol. Elle posa un genou à terre et releva ses yeux de dragon vers le groupe adverse.

— Argh ! C'est Roxane !! glapit Angèle en glissant le long du mur.

La fille agita ses longs cheveux rouges et étendit ses ailes de dragon. Elle observa le trio, puis sembla percuter quelque chose.

— Ils ne sont que trois ! rugit-elle. Ou est le dernier ?

— Quoi Pix ? demanda Antoine. Il doit sûrement être resté au camps et surveiller la statue. Mais aucun risque, ce mec est une vraie flipette.

— Suffit donc de garder ces trois là et c'est gagné ! s'exclama Roxane en souriant de toute ses dents pointues.

Une forte bourrasque fit s'envoler la poussière au sol quand la dragonne décolla avec force. Elle vola à toute vitesse en direction d'Angèle. Cette dernière poussa un petit cri et s'envola en vitesse. Beaucoup plus rapide que Roxane, elle réussit à la semer et plongea sur Antoine avant de remonter en flèche.

Le jeune homme se fit emporter par un violent coup de vent et décolla du sol. Ren profita de l'ouverture et lança sa main en avant. Un jet d'eau en jaillit et se rua sur Antoine avec puissance. Il gonfla les joues en voyant la quantité d'eau astronomique qui lui fonçait dessus et se fit emporter par le courant aquatique.

— Bien joué Ren ! s'exclama Angèle en redescendant.

Une ombre s'abattît dans leur dos et Ren n'eut pas le temps de se retourner qu'il se reçut un violent coup dans le flanc qui le projeta au loin. Roxane s'était servie de sa queue de dragon pour attaquer ! Ren se cogna brutalement contre un des arbres artificiels et grogna avant de reprendre sa respiration. Un rire lui parvint aux oreilles et il leva la tête. Vautrée dans les branches, Nya n'avait pas bougé depuis tout à l'heure et se tordait de rire.

— Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?? cria Ren en fulminant.

— C'est tellement bien fait pour toi !

Au loin, Angèle fuyait Roxane en volant à toute vitesse, aidée par des courants de vent. Malheureusement la dragonne la prit à revers et l'envoya droit dans le pavé avec un puissant coup de queue.

En catastrophe, Ren créa une bulle d'eau juste en dessous et Angèle plongea dedans. Il la posa doucement et la libéra. L'ange, trempée mais intacte, leva un pouce pour le remercier puis se demanda soudain où était passé Antoine.

À ce moment le sol trembla, ce dernier surgit du sol, armé de lames de roche et trancha le tronc d'arbre dans le dos de Ren. L'arbre craqua et tomba d'abord lentement puis très vite. Ren roula sur le côté et manqua de se faire écraser. Il se redressa dans la foulée, recula pas à pas et rencontra le dos d'Angèle. Un coup d'œil sur le côté lui permit de voir que Nya n'allait pas si mal que ça, mais galérait à sortir des branches. Un rictus naquit sur ses lèvres.

— On y arrivera pas, lui chuchota Angèle. Et pendant ce temps Cheyenne et Gabi sont introuvables. Elles vont chercher la statuette pendant qu'on est coincé ici avec eux. Leur plan est bien ficelé.

— Je vais faire une diversion et tu pars rejoindre Pix, proposa Ren à voix basse.

Angèle approuva  et Ren balança des dizaines de projectiles aquatiques droit sur Roxane, en train de tourner tel un vautour au dessus d'eux. La dragonne ne put toutes les esquiver et, touchée à l'aile, elle retomba au sol.

Angèle profita de la brèche et s'envola à toute vitesse dans une colonne d'air avant de partir à tir d'ailes. Antoine tenta de lui envoyer des tirs de roches pour l'arrêter mais Ren se rua sur lui et l'assomma avec un poing entouré d'eau. Il souffla, ravi de s'être débarrassé de lui. Il se retourna et vit Roxane en train de s'approcher dans le dos des Nya, qui venait de sortir des branches. Elle se débarrassa des feuilles et leva la tête vers Ren.

— WHAT ?? rugit-elle. T'as quoi à me regarder comme ça ?

— Attention derrière toi...

Elle n'eut pas le temps de se retourner sur Roxane lui envoya un coup de queue en pivotant sur elle-même. Nya eut le souffle coupé suite au choc, puis à nouveau quand elle rencontra le sol après un baptême de l'air. Malgré lui, Ren laissa échapper un ricanement que Nya ne loupa pas.

— Tu me préviens à la dernière seconde et en plus tu te marre ? cria-t-elle.

— Ça sera pour tout à l'heure à rester planqué dans ton arbre sans rien faire.

Nya se mordit le bras à pleines dents et dégaina un couteau de combat pour parer les griffes de Roxane qui lui fonçaient dessus. Elle fabriqua un autre couteau et partit à l'assaut. Ren regarda le deux filles se battre, l'une à coup de griffes et l'autre avec ses poignards, créant des étincelles dorées à chaque choc.

C'est sûr que Nya s'était amélioré depuis le début mais elle n'était pas avantagée pour autant. Jugeant que la plaisanterie avait assez durée, Ren leva la main et fabriqua une lance en eau qu'il balança sur Roxane. Elle se fit attraper au niveau de sa veste et partit avec l'arme aquatique en beuglant. Ren soupira une fois que la dragonne eut disparu dans la ruelle et Nya le fusilla du regard.

— Je m'en sortais très bien toute seule !

— Ah bon ? fit Ren, faussement étonné. Visiblement non.

Nya grinça des dents et pointa un couteau vers lui. Ren ne broncha pas et s'interdit de battre en retraite. Mais de toute façon il n'était pas du tout impressionné par cette peste.

— Pourquoi tu dois toujours te mêler de tout ? Je progresserai jamais si tu fait toujours tout à ma place !!

Ren se pencha vers elle, un air inquiétant sur le visage. Mal à l'aise, Nya recula en croisant son regard. Le jeune homme afficha un sourire carnassier.

— Sauf que là on est en évaluation. Hors de question d'avoir un mauvaise note ou de perdre à cause d'un boulet dans l'équipe.

— Un boulet ?!

Ren fit demi-tour en l'ignorant royalement et lança qu'il fallait rejoindre les deux autres.

— Et Antoine et Roxane ? On les laisse là sans surveillance ? demanda Nya.

— Mais t'es saoulante, souffla Ren. Tu vois pas qu'ils sont K.O ?

— Ils sont pas hors jeu pour autant ! On devrait les attacher ou faire quelque chose pour éviter de les avoir sur le dos s'ils reviennent à eux.

— Et bien vas-y, fais toi plaisir, moi ça me fera des vacances !! lança Ren en partant dans les rues. Mais tu te démerdes toute seule comme une grande !

Il plissa des yeux en voyant des silhouettes se rapprocher de lui, sautillant au milieu des gravas. C'était Pix et Angèle. Le jeune homme s'avança à leur rencontre. Ils s'arrêtèrent à la hauteur de Ren.

— Et le camps ? demanda ce dernier. Vous surveillez pas la statuette ?

— Quand je suis arrivée, elle n'y était plus, couina Angèle. Et y a un truc qui cloche avec Pix.

Ren se tourna vers son ami en arquant un sourcil. Il n'avait pas d'expression du visage particulière, se tenait droit comme un I et regardait au loin.

— Il faut rattraper Gabi et Cheyenne, dit il. Elles nous ont volé la statuette.

Même sa voix était dénuée d'émotion. Angèle ne plaisantait pas quand elle a dit qu'un truc clochait...  Ren agita sa main devant ses yeux, et il ne réagit pas. C'est là que Ren remarqua un petit détail. Il se rapprocha de Pix et fixa ses iris. Habituellement, il avait les yeux vert-bleu. Là ils étaient vert émeraude et sans reflet. Un regard mort.

— Angèle recule, il s'est fait hypnotisé ! avertit-il.

Le doute n'était plus permis, Gabi l'avait pris sous contrôle mentale. Ren recula rapidement et empoigna le bras d'Angèle pour la faire s'écarter. Mais quand il referma sa main sur elle, ses doigts passèrent au travers. L'instant d'après, Angèle s'était évaporée en fumée !

Ren cligna des yeux, n'y comprenant d'abord plus rien. Puis il percuta.  C'était une illusion de Cheyenne. Il s'était fait avoir par un mirage !

Il décida de retourner rapidement à l'esplanade qu'il avait quitté un peu plus tôt. Là il vit Nya, complètement rouge et essoufflée, et Roxane KO à terre, du sang qui lui avait coulé du nez plein le visage. La dragonne avait bien morflé, tout comme l'autre. La jeune fille leva un regard incendiaire vers Ren et s'avança à grandes enjambées vers lui.

— "Tu vois pas qu'ils sont KO" hein ? rugit-elle. Comme par hasard je me fait attaquer quand tu te barres ! Pourquoi t'as pas voulu m'écouter quand je t'ai dit qu'on aurait dû les attacher ?

— On a un problème, déclara Ren en lui mettant un vent. Pix s'est fait hypnotiser par Gabi et il se trouve qu'Angèle était une illusion. On sait pas où est notre statuette aussi.

— Tu commences à m'agacer toi ! cria Nya en le rattrapant par sa veste de survêtement pour le forcer à faire demi-tour et la regarder. Tu fais toujours ton petit chef, tu m'ignores royalement quand tu me gueules pas dessus et tu me laisses jamais rien faire ! C'est quoi ton problème, you moron ?!

— Pour l'instant c'est l'évaluation et la victoire, mais quelqu'un d'aussi inutile et faible que toi toi dans les pattes c'est mission impossible.

Quand Ren sentit une vive douleur dans sa joue il comprit que Nya, sur un coup de sang, venait de lui flanquer une droite. Et avec sa force, cela lui décala la mâchoire de deux centimètres.

— Ça va pas la tête ??? hurla-t-il.

Nya l'attrapa par le col du teeshirt et le secoua comme un prunier, se fichant clairement que Ren ait l'avantage de la taille.

— Inutile et faible ?? Mais j'en ai plus qu'assez de toi ! T'es insupportable ! T'es arrogant ! Tu te crois au dessus de tout et tout le monde ! Je vais te faire redescendre sur terre sale sans pouvoir !!!

Ren lui saisit les poignets et la fit lâcher en sifflant d'exaspération. Le regard orageux de Nya était ivre de vengeance et de ressentiment, ça se voyait.

— C'est fini le théâtre aux armées ?? demanda-t-il, excédé. Maintenant tu vas arrêter ta crise d'hystérie et on va chercher notre statue !

— Crise d'hystérie ?! s'étouffa Nya en lui courant après.

— Clairement.

Ren afficha un rictus quand il sentit la terre trembloter, puis Antoine jaillit du sol. Ren fit un bond en arrière pour l'éviter et Antoine se réceptionna sur le pavé, courbé en avant. Il était dans un sale état, avait un peu de sang sur les vêtements et le visage, mais il érigea une immense muraille de roche derrière lui sans effort apparent afin de bloquer le passage. Il pointa Ren et Nya du doigt.

— Gabi et Cheyenne ramènent la statue au camps, informa-t-il. Pix ne nous embêtera plus et je ne sais pas où est Angèle, mais jusqu'à ce qu'on gagne, je vous retiendrai ici !

Ren sentit Nya s'avancer et s'armer d'un couteau de combat. Il lui donna un coup d'épaule pour la renvoyer en arrière. Elle allait encore le gêner.

— Pousse-toi t'es dans mes pattes ! rugit-il.

Il tendit les bras en avant et des dizaines de bulles d'eau se mirent à léviter autour de lui. Il en envoya plusieurs sur Antoine, qui sauta et disparut dans le mur en briques. Il réapparut dans son dos et créa une autre muraille, emprisonnant les trois adolescents dans une sorte de cage avec pour seule issue la voie des airs.

Ren se retourna vivement et s'apprêta à envoyer le reste de ses munitions mais Nya lui saisit le poignet et l'envoya au sol avec ce qui ressemblait à une prise de judo. Ren fit une sorte de salto avant et atterrit brutalement sur le dos.

— J'en fais mon affaire : ouste  !!

Elle dégaina ensuite une immense épée hachoir qu'elle mania sans effort avec les deux mains et brisa le mur en face d'elle. Antoine fut jeté hors de la roche et roula sur le pavé avant de se cogner la tête contre le bas d'un mur. Nya fit disparaître son épée et, toujours en se servant de sa plaie au bras, fabriqua deux dagues.

— Je me charge de lui ! lança-t-elle.

Ren la rattrapa par la capuche et emportée par son élan, Nya bascula au sol en émettant un son étranglé, en se cognant l'arrière du crâne. Le jeune homme se pencha au dessus de sa tête.

— Certainement pas ! Tu vas rester là et me regarder !

Nya lui balança son pieds dans la mâchoire et Ren sentit en éclair de douleur dans sa langue quand ses dents se refermèrent brusquement dessus. Il n'eut pas le temps de se remettre que Nya l'attrapa par le col du teeshirt et le fit tomber par terre. Elle le cloua au sol et se redressa.

— J'en ai plus qu'assez de toi !! Comment veux tu que je m'en sorte si tu ne me laisse jamais rien faire ?? T'arrêtes pas de me couper l'herbe sous les pieds et de me gueuler dessus ! Je suis pas une moins que rien qu'on piétine à la première occasion, ça non !

Ren la saisit par sa veste de jogging et la balança à terre à son tour. Il l'immobilisa en lui plantant un genou dans le dos et lui tenant les poignets. Il commençait sérieusement à être irrité par la jeune fille.

— Écoute moi bien toi ! Je voix clair dans ton jeu. Tu te crois capable de devenir plus forte que moi, c'est ça ? Qu'on soit clair : le meilleur ici c'est moi, t'as pigé ? T'es infoutu de te battre correctement au cas où tu l'aurais pas remarqué, alors n'essaie même pas d'effleurer l'idée de m'arriver à la plante des pieds ! Je t'interdit de me dépasser sale peste.

Il lui avait craché tout cela d'un ton acide, pour mettre les choses au clair. Cette fille l'énervait à un point inimaginable. Elle était juste insupportable avec ses allusions à la noix, avait clairement un complexe d'infériorité et elle le lui faisait bien sentir. Puis d'abord : d'où elle osait se comparer à lui ? Elle ne lui arrivera jamais à la cheville, ça ne servait à rien d'espérer.

Nya se redressa d'un coup et balança Ren sur le côté. Il se redressa en vitesse, sourit d'un air provoquant, puis mit les mains dans les poches en annonçant qu'ils avaient une évaluation à terminer. C'est à ce moment là que Nya le saisit par le col du teeshirt et Ren croisa alors son regard. Le regard d'une fille qui n'arrivait plus à garder son sang-froid, qui en avait assez qu'on parle d'elle de cette façon et qui ne voulait qu'une chose : effacer l'expression suffisante de Ren.

— Va falloir te remettre les idées en place foutu sans pouvoirs, gronda la jeune fille.

Elle posa ses mains sur les épaules de Ren et le poussa. Le jeune homme perdit l'équilibre en chutant sur un tas de gravas et tomba violemment en arrière. Son crâne percuta le mur dans son dos. La douleur fut tellement vive qu'il se sentit partir dans les pommes. Tandis que sa conscience semblait reculer loin de la réalité, ses oreilles se mirent à siffler et bourdonner en même temps et son champs de vision se réduisit à l'extrême. Il ne vit plus rien, ne se sentit même pas tomber au sol. Il perdit connaissance.

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