Chapitre 38: Préparatifs du départ
Le temps reprit son court et Derak fit plusieurs roulades en avant. Son front percuta de plein fouet un mur qui le stoppa dans son élan. Le vampire lâcha un grognement de douleur, se redressa en vitesse et se mit dans une posture de garde comme au karaté.
— Amène toi je suis ceinture jaune !!! cria-t-il au cyborg berserk.
Il arqua un sourcil en voyant que le robot était à l'arrêt, son immense épée abattue au sol. Il était en noir et blanc, comme le reste des environs. Derak laissa retomber ses bras. L'ambiance était étrange. Rien ne semblait bouger, même pas l'air et tout était absolument silencieux.
Dans un autre coin du couloir, Pix était lui aussi en noir et blanc, sur pause. À genoux au sol, il pleurait et fixait le vide. Son œil gauche était un œil de démon, l'autre était normal et un de ses sourcils était légèrement entrouvert, révélant un œil de démon noir et vert. Ses griffures et morsures étaient encore sanguinolentes.
Derak fit un pas en arrière en se demandant pour l'amour du ciel ce qui pouvait bien se passer. Une petite voix couina près de lui. Derak baissa les yeux vers une petite fille, en couleur. Cheveux blanc au carré, peau rouge, cornes d'oni, elle avait les yeux de différentes couleurs : un saumon et l'autre grisâtre avec des motifs rappelant du cristal. Elle tremblait face à Derak.
— T'es qui toi ?
— ...Emi... répondit la fillette après un long silence. Je dois vous aider pour aider Gabi.
— Hein ?
Derak la vit se rapprocher de Pix et tendre les mains en avant. Un petit cercle lumineux et blanc apparut. Une horloge dont les deux aiguilles pointaient le un en chiffre romain. Pix reprit alors ses couleurs et se remit à bouger et faire du bruit. Il pleurait et tressautait. Ses yeux étaient redevenu normaux, vert-bleu. Emi reprit ses distances de sécurité et partit au fond du couloir. Elle agita la main.
— Venez.
Derak se dit qu'ils ne pouvaient pas recevoir meilleure invitation. Il s'avança prudemment vers Pix et le releva. Il cala un de ses bras autour de ses épaules pour l'aider à marcher et le mit debout. Le garçon le regarda avec des yeux humides.
— Désolé...
— Arrêtes de t'excuser, pour l'instant faut s'en aller.
Il traina Pix jusqu'au bout du couloir et rattrapa la fillette oni qui reprit sa route en courant. De temps à autre elle s'arrêtait et se retournait pour les attendre et vérifier qu'ils la suivaient bien.
— Pourquoi tout est gris comme ça ? demanda Pix.
— Aucune idée, mais cette petite a des pouvoirs... C'est peut-être elle ?
Ils montèrent des escaliers et Pix fut enfin capable de marcher tout seul, après s'être remis de sa torpeur. Emi poussa une grande porte coupe feu et la tint pour que les garçons puissent passer. Arrivés dans un autre couloir, le monde reprit soudain ses couleurs et ses sons. Le trio se stoppa.
— Vite, murmura Emi. Le temps continue. On se dépêche.
— Tu peux arrêter le temps ? réalisa Derak. Mais c'est trop puissant !
Emi hocha la tête et se hissa sur la pointe des pieds jusqu'à un digicode, à côté d'une porte. Elle fit quelques tentatives hasardeuses, avant de trouver le code de mémoire, en fonction de l'emplacement des touches. Elle s'arc-bouta contre le battant et le poussa. Derak l'aida et ils entrèrent dans un bureau. Emi se précipita dans une pièce communicante.
Derak la suivit et sentit un soulagement immense l'envahir en voyant que Gabi était là, sanglé sur une chaise, des capteurs collés sur la tête. Emi se jeta sur ses genoux en disant qu'elle avait ramené ses copains. Gabi leva la tête comme si elle pesait des tonnes et son regard cerné s'éclaira un peu en voyant Derak. Ce dernier s'avança pour la détacher.
— C'est vous... Comment ?
— Pix est venu me libérer et on est parti à ta recherche, expliqua-t-il. En chemin on a croisé quelques problèmes mais Emi est venu nous sauver, merci !
La petite tenta un sourire. Derak détacha la dernière sangle, enleva les capteurs de la tête de Gabi et l'aida à se lever. La jeune fille se dirigea tout de suite vers le lavabo de la pièce, ouvrit le robinet à fond et lapa l'eau avec avidité. Enfin désaltérée elle tituba jusqu'à Derak et perdit l'équilibre en chemin. Il la rattrapa dans ses bras et l'enlaça en souriant.
— Tu vas bien, c'est tout ce qui compte.
— Merci les gars...
Elle s'écarta de Derak avec un sourire et se tourna vers Pix. L'inquiétude se lut dans son regard en voyant les griffures sur les bras du jeune homme.
— Qu'est-ce que t'as fait ?
— Rien, répondit Derak à sa place.
Pix hocha la tête pour approuver, main droite serrée autour de son bras gauche qui pendait.
— Si je comprends bien, c'est Pix qui t'as aidé à sortir ? demanda Gabi.
— Ouais, il a tout défoncé la porte !
— Mais t'étais où durant tout ce temps ?
Ça faisait des lustres qu'elle ne l'avait pas vu. Pix se gratta le bras.
— Euh, en cellule d'isolement... Capitonnée.
Ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau et ses yeux s'ouvrirent en grand tandis que l'horreur peignait son visage. Il eut un instant des flashs de souvenirs. Des personnes réduites à l'état de charpie par lui-même sous ses yeux. Le sang poisseux de partout, l'odeur... Le cœur cognant, Pix recula et se colla dos contre un mur en fixant le vide et respirant bruyamment. Gabi s'inquiéta.
— Qu'est-ce qu'il nous fait là ?
— Euh...
Derak conseilla à Pix de se calmer et de respirer, faute d'autre solutions plus efficace. Il le rassura en disant que tout allait bien et que Gabi était là.
— C'est le moment d'utiliser ton super pouvoir et le calmer, tu crois pas ? marmonna-t-il avec le coin de sa bouche.
Gabi ferma les yeux. Elle repéra l'esprit de Derak à côté d'elle, celui d'Emi un peu plus loin et enfin celui de Pix. Un chaos indescriptible lui faisait face. Les fils qui représentaient son mental étaient tous emmêlés et certains s'agitaient furieusement. Gabi rouvrit les yeux et secoua la tête.
— C'est le désordre totale dans sa caboche... ? demanda Derak.
— Légèrement...
— Raah. Bref, on doit se bouger maintenant. Saurac a menacé de nous envoyer des robots et des détraqués dessus, et elle avait pas l'air de plaisanter. On doit trouver ses quartiers et prendre son miroir magique pour rentrer chez nous.
— Quoi, comme ça ?
— Mouais, t'as raison : faut d'abord récupérer nos vêtements ! lança Derak.
— Hein ? Quoique c'est pas faux... Tu sais où ils sont ?
— Bof !
Gabi lui jeta un regard amorphe. Le vampire lui fit un grand sourire. Mais il l'effaça aussitôt.
— On parle de rentrer, mais ça ne solutionnera qu'un seul de nos problèmes...
— Oui... Qu'est-ce qu'on va faire de Pix après ça ? Et comment on va expliquer pour... Angèle ?
Silence. Aucune d'eux ne voulait songer à quoi que ce soit à son sujet. Gabi souffla et prit les commandes.
— Bon, je propose d'aller chercher nos affaires et ensuite le miroir. Emi, tu sais où on range les vêtements des patients ici ?
Emi la regarda, fit sauter son regard sur les deux autres, attendit le déluge et répondit.
— Une grande salle pleine de casier ! Juste à l'entrée, je vous emmène.
L'oni sortit de la pièce et les trois autres la suivirent. Gabi évalua rapidement l'état de Pix. Il ne semblait pas serein du tout et faisait des exercices de respiration contrôlée. Le groupe traversa plusieurs étages en restant discret. Ils ne rencontrèrent personnes. Pour gagner du temps, ils passèrent par l'étage des salles d'opération. Un sentiment étrange s'y dégageait. Gabi s'arrêta devant une porte en songeant à son amie.
D'après toutes les informations qu'ils avaient, elle n'était plus là. Saurac l'avait dit elle-même, l'ange était à la morgue. Gabi laissa une larme rouler sur sa joue sèche. Ce n'était pas possible. Ça ne pouvait pas être la réalité. Elle refusait de croire qu'elle ne reverra jamais le sourire de l'ange, ses yeux bleu vif, sa bonne humeur contagieuse et sa gentillesse sans frontières. Pourtant...
Gabi releva soudain la tête. Elle colla son oreille au battant et fronça les sourcils. Derak et Pix s'arrêtèrent et la regardèrent sans comprendre. Gabi entendait quelqu'un fredonner. La voix ne lui était pas inconnue mais son esprit lui rappela que c'était impossible. C'est alors que Gabi réalisa une chose. Elle recula et observa le battant de métal.
— Qui a dit qu'Angèle était réellement morte ? Derak ouvre moi ce truc.
Le vampire soupira et toucha le battant. Il colla ses doigts entre eux et fit augmenter la gravité de la porte. Un à un, les boulons cédèrent face au poids monstrueux du battant. Elle finit par s'écraser sur elle-même, broyée par son propre poids.
Gabi pénétra dans la salle de réveil qu'ils avaient déjà visité auparavant. Elle scruta chacun des lit et sentit son cœur faire un bond. Derak n'en crut pas ses yeux lui non plus.
Sur le lit du fond, Angèle les regardaient avec de grands yeux. Elle était assise dans son lit, reliée à des électrocardiogrammes avec des câbles et une perfusion dans le bras.
— Angèle ?? couina Derak.
Même Gabi ne put retenir ses larmes. Les deux piquèrent un sprint vers l'ange et s'étalèrent sur son lit en pleurant. Étonnée, Angèle leur caressa la tête en souriant tristement. Derak releva la tête, les yeux bouffis, le nez rouge et le visage humide.
— On a cru... Enfin tu sais quoi, avec toutes ces histoires, on pensait que... T'étais.
— Moi aussi j'ai cru que je n'allais pas me réveiller... dit Angèle.
— Saurac m'a fait marcher, ajouta Gabi d'une voix rauque en essuyant ses larmes. Elle m'a dit que t'étais... Bref t'es en vie au final...
Les trois firent un grand câlin collectif qui arracha une larme émue à Angèle. Gabi et Derak s'écartèrent et la jeune fille regarda son amie. Son teint était très pâle, seules ses tâches de rousseur apportaient un peu de couleur, ses yeux bleus semblaient plus ternes, ses cheveux blancs étaient secs et enfin Gabi remarqua une choses. Ses cils étaient blancs.
— Qu'est-ce qu'ils ont tes cils ? demanda justement Derak.
Angèle baissa la tête tandis qu'une immense tristesse l'envahissait. Elle essuya rapidement une larme et inspira.
— Ils m'ont retiré mes glandes magiques... J'ai plus de pouvoirs...
La nouvelle sonna comme le glas. Angèle serra ses mains sur son drap en se mordant la lèvre. Puis elle se jeta dans les bras de Gabi pour y pleurer de tout son saoul. La jeune fille lui tapota le dos d'un air peinée.
— Et moi je sens le pâté ? demanda Derak en écartant les bras pour réclamer un câlin.
Gabi lui jeta un regard pour lui signaler que ce n'était pas, vraiment pas le bon moment. Derak laissa retomber ses bras.
— Mince alors... Désolé Angèle.
— Je suis une sans-pouvoirs maintenant...
Perdre ses pouvoirs n'arrivait presque jamais dans leur monde, mais cela équivalait à une sorte de mort. Vidée de sa magie, Angèle se sentait encore plus faible, complètement amorphe. Quant à son avenir... Elle ne voulait pas réfléchir à cela pour l'instant. Pour le moment, elle se contenta de pleurer contre Gabi.
— Au moins, le quatuor est au complet, lança Derak.
Gabi fit un sourire en coin.
— C'est vrai.
— Viens par là Pix ! appela Derak.
— Pix ? T'es là aussi ! s'exclama Angèle.
Elle distinguait la silhouette immense de son ami à quelques mètres, à travers la buée de ses larmes. Pix afficha un pauvre sourire. Il regardait le sol, bras serrés contre lui comme s'il avait froid.
— Ben viens Pix, invita Angèle.
Il secoua doucement la tête pour décliner. Il baissa le menton et essuya ses yeux, sûrement pour chasser des larmes. Derak partit le chercher et Pix recula d'un seul coup, effrayé.
— T'approche pas. Je ne veux pas te faire de mal... Reste loin de moi.
— Mais enfin Pix... fit Angèle. Qu'est-ce qui t'arrives à la fin ?
— Pfff, vous avez pas suivi ou quoi ? demanda Derak.
— Si, mais bon... C'est comme ce que disait son dossier ? Des crises et des problèmes mentaux ? C'est tellement étrange de dire ça à propos de Pix... T'étais si gentil et calme.
— On abrège ! ordonna Gabi. Angèle, tu peux te déplacer ?
L'ange approuva. Gabi se leva et commença à lui arracher les patch collés sur sa peau. Aussitôt la machine qui prenait la tension se mit à émettre à long sifflement aussi continue que la ligne affichée. Gabi siffla, se mit à quatre pattes au sol et arracha la prise électrique. Elle débrancha ensuite la perfusion du bras d'Angèle, en ignorant ses gémissements de cochon.
— On va chercher nos affaires et ensuite on ira prendre le miroir de Saurac. Suffira de le casser pour rentrer.
— Mais et si ça nous téléportait ailleurs ? Et qu'on ne rentre pas chez nous ?
— Angèle, rien ne pourra être pire que cet endroit. Au point où on en est, rien ne pourra être pire, souffla Gabi.
— C'est clair, approuva Derak. Pix et toi vous avez pris cher quand même...
Angèle baissa la tête et se leva de son lit. Les quatre quittèrent la salle de réveil et suivirent Emi dans les étages inférieurs. Enfin, ils arrivèrent dans une grande réserve, rempli de tiroirs gris métallisé du sol au plafond. Derak se mit en apesanteur et parcourut rapidement les noms étiquetés sur les tiroirs. Il trouva d'abord les vêtements de Gabi. Il lui balança le sac plastique et scellé et poursuivit ses investigations.
Gabi déchira le sac et ramassa ses fringues : un jean noir troués au genoux à force de ramper à quatre pattes à l'extérieur, un vieux pull vert à manches courtes, trop grand, un teeshirt rayé à manches longues noir et blanc et des bottines à lacets couleur crème. Derak balança le sac d'Angèle et enfin trouva le siens.
— Je sens l'odeur de la maison rien qu'en sniffant ça ! s'exclama-t-il en passant son nez dans son teeshirt noir.
— La maison ? Plutôt la transpiration nan ? fit Gabi.
— Pfff ! Toi ça sens l'encens alors parle pas trop vite !
Dans son sac il y avait en plus du teeshirt sa veste en cuir rouge, son jean, des chaussures trop élégantes pour le personnage, sa douzaine de bracelets en métal et en cuir, ses bagues, ses piercing, ses boucles d'oreilles et enfin sa chaîne en argent.
— On dirait que t'as braqué une bijouterie, fit remarquer Gabi.
— Pfiou ! Je suis content que ma médaille soit là ! C'est un cadeau du daron, un vrai trésor de famille avec l'emblème et tout !
— Si tu le dis...
Gabi aida Angèle à déchirer sa poche, cette dernière semblait ne plus avoir de force. L'ange attrapa son chouchou et s'attacha les cheveux. Elle fut bien heureuse de retrouver ses vêtements elle aussi : un haut chinois brodé, une veste en jean, une jupe en jean brodés de fleur, un short noir pour aller en dessous et ses converses.
Les filles partirent s'isoler pour se rhabiller et Derak se mit à la recherche des affaires de Pix. En chemin il trouva plusieurs smartphones qu'il ramassa dans un casier. C'étaient les leurs. Il les mit en apesanteur à côté de lui et continua à progresser le long des compartiments.
— Ah ! Voilà tes vêtements ! Y a ton teeshirt Zelda !
— C'est une triforce...
Pix se reçut la poche en plastique dans la face et d'un coup il eut envie de la déchirer avec les dents. Il ferma les yeux et respira calmement pour se reprendre. Il ouvrit la poche et ramassa son teeshirt orné de trois triangles dorés, son pantalon cargo vert kaki, ses baskets, la petite besace en bandoulière dans laquelle il y avait son casque audio et ses bracelets colorés en silicone. En regardant tout cela, il songeait à son ancienne vie, si paisible dans le Premier monde.
Et que tu n'auras plus jamais !
Il plaqua brusquement ses mains sur ses oreilles avec un souffle rauque que Derak entendit.
— Hop hop hop, tu te calmes tout de suite, okay ? Commence pas, s'il te plait.
— D'accord... Désolé...
Après s'être rhabillé, ils retournèrent dans le couloir, où Emi les attendait. Elle fixait des gens au bout de l'allée. Derak reconnut alors Alix et Noëllya. Ces derniers se rapprochèrent. Emi se colla dans les jambes de Gabi, apeurée.
— Hé c'est dur de vous trouver ! Ça fait une heure qu'on vous court après ! lança Alix.
— Coucou les coupains !
— Ça faisait longtemps ! s'exclama Angèle. Où étiez-vous passé ?
— Oh, on a passé notre temps sur des ordinateurs à éplucher des dossiers. Et on a trouvé des tas de trucs. La tour pourra pas s'en sortir comme ça après tout ce qu'on a découvert ! Toutes ces histoires de traitements miracles, de prise en charge des détraqués, de recherches sur les maladies, c'est uniquement pour cacher leurs activités : des expériences sur les êtres humains.
— Mais ça on le savait déjà.
— Nous oui, parce qu'on y est. Mais dehors personne ne sait. Personne n'est jamais sorti d'ici, c'est pour garder le secret de leurs expérimentations. Je vais rester ici et trouver un moyen de publier ces données quelques part sur internet.
— Tataatattaa !!! brailla Noëllya avant de se mettre à fredonner.
— Ah oui, on a aussi trouvé des trucs sur... Pix.
Les têtes se tournèrent ver lui et Derak lui donna une tape sur la main pour qu'il arrête de se griffer le bras.
— Quand tu es venu ici, tes parents ont pensé qu'ils allaient te soigner. Ça n'a jamais été le cas : Saurac voulait accentuer ton traumatisme pour pouvoir te rendre incontrôlable et te transformer en machine de guerre lui obéissant. D'où les expériences que t'as subit... Et au final t'es devenu amorphe et on t'as injecté un truc pour supprimer tes poussées démoniaques. C'est pour ça que t'avais l'air normal et que t'as tout oublié, en gros on a scellé une partie complète de toi, même ta mémoire.
— Jusqu'à ce qu'un événement me rappelle tout ça... Jusqu'à cet instant où Styx s'est réveillé... Tout ça à cause de Saurac...et de ses expériences.
Les piqûres, les injections, les tests, les simulations d'agressions, tout ça c'était pour lui faire du mal, pour en faire une machine à tuer... Pix serra ses ongles dans la peau de ses bras.
— Bref et on a trouvé un document tout récent avec une bande audio, poursuivit Alix. Ça fait une sorte de musique presque inaudible mais en la testant, j'ai remarqué que ça calmait Noëllya. Elle était plus détraqué. Je pense que ça devrait marcher sur toi Pix.
Il tendit la clé USB en disant que l'audio était dessus. Gabi attrapa l'objet. Alix expliqua qu'ils devront mettre la musique en boucle pour que l'effet soit permanent. Ses yeux se posèrent sur le casque audio de Pix.
— Ça, ça fera l'affaire. Tu le garderas sur la tête et normalement, ton soucis devrait être réglé.
— Alix, je sais pas quoi dire... fit Pix.
— Merci déjà, dit Gabi. Si ça fonctionne, ça fera un soucis en moins.
— Ouais, j'espère...
Il y eut un silence, puis Alix se lança, sentant que l'heure du départ se rapprochait.
— Du coup, vous partez ?
— Oui. On rentre chez nous, acquiesça Gabi.
— J'imagine qu'on doit se dire au revoir alors...
— Mais tu veux pas rentrer dans ton monde ? s'étonna Angèle. Ta famille doit te manquer ?
— Oui, bien sûr qu'elle me manque mais... Je peux pas. Même si c'est pourri, ma vie est ici. Puis je peux pas laisser Nono... C'est la seule amie que j'ai jamais eu. Et j'ai la chance d'être encore en vie et sain d'esprit après toutes ces années passées dans cette tour infernale, si y a quelqu'un qui peut changer les choses, c'est moi. Je trouverais un moyen de dénoncer Saurac et ses agissements. Vous en faites pas pour moi.
Il sourit malgré les regards peinés qu'il se reçut.
— J'espère que vous vous en sortirez. Je vous souhaite bonne chance pour le retour.
— Quoi vous partez ? réalisa Noëllya.
Angèle fit oui avec sa tête et la démone se mit à pleurer et se jeta dans les bras de l'ange.
— Vous allez me manquer ! Mais à ce que j'ai compris c'est mieux si on se revoit pas, sinon ça veut dire que vous êtes coincés là. Au revoir alors les amis !
Elle fit un câlin à tout le monde et essuya ses larmes. Alix agita la main en leur souhaitant bonne continuation.
— C'était sympa de vous rencontrer en tous cas. Sur ce, à la prochaine.
Il donna la main à Noëllya qui agita le bras puis essuya ses larmes et le duo prit un escalier avant de disparaître. Angèle renifla ce qui arracha un roulement d'yeux à Derak.
— Sérieux ?
— J'aime pas les au revoir !!! glapit-elle en se jetant dans ses bras pour aller y pleurer et se moucher.
— Ah non ! Pas ma sublime veste en cuir !!! hurla Derak. Alors Gabi c'est câlin réconfortant et moi c'est câlin mouchoir ???
Il repoussa Angèle et lâcha un « erk » de dégoût en voyant le filet de morve accroché à sa veste. Discrètement, il essuya avec la queue de cheval d'Angèle.
— Bon, maintenant faut y aller, lança Gabi.
Ses yeux se baissèrent en direction d'Emi toujours agrippé à sa jambe. Elle leva ses grand yeux vairons vers elle. Gabi esquissa une moue dubitative. Et elle alors ? Qu'est-ce qu'ils allaient en faire ? Elle était si petite, toute seule et à la merci de cet endroit sinistre. Qu'allait-elle faire une fois les quatre partis ?
— Emi, t'as des parents ?
— ...Quoi... ?
— Un papa, une maman ? Des personnes proches ?
Emi cligna des yeux en suçant son pouce. Après un instant de réflexion, elle le retira de sa bouche.
— Dada ?
Gabi sentit alors une immense tristesse envahir tout son être et un sentiment étrange. De la peine ? C'était sûrement ça, mais beaucoup plus fort. Son cœur était serré. Cette fillette n'avait que Diamond ?
— T'as pas de famille ? demanda Angèle.
Emi fit non de la tête en disant qu'elle a toujours été toute seule, à part Dada, mais personne hormis Gabi ne savait qui c'était. Cette dernière réalisa alors. Elle était orpheline ? Gabi se reconnut d'un seul coup en la regardant. Une Gardienne si jeune et déjà seule. Emi était comme elle.
— On peut pas la laisser là, déclara Gabi. Emi, tu veux venir avec nous ?
Elle se surprit par sa propre audace. En même temps, c'était la seule solution pour Emi.
— Où ça ?
— Dans notre monde. Tu vas voir, c'est super beau, tu seras enfin au calme et tu pourras même aller à l'école.
Elle se doutait bien qu'elle ne savait pas lire, ni compter, rien de tout ça et le fait qu'elle maîtrisait déjà une facette de son pouvoir relevait du prodige.
— Mais on va en faire quoi une fois dans notre monde ? demanda Derak. Ils vont forcément se demander d'où elle sort ! Argh mais nous aussi on va se demander où on était passé !
— Chaque chose en son temps. Mais je peux pas la laisser là. C'est comme ça.
C'était ça l'explication. Juste ça. Emi referma sa petite main chaude sur celle de Gabi et leva un visage souriant vers elle.
— Je veux aller avec vous dans l'autre monde, grande sœur !
Un sourire attendri se dessina sur les lèvres de la jeune fille et son cœur se mit à battre. Angèle les regarda avec un « haaaan » niais en disant que c'était émouvant. Le regard implorant de Derak la dissuada de se remettre à pleurer.
— Allez, c'est l'heure d'y aller. Tous les cinq, on va rentrer.
— Direction le bureau de Saurac ! On va casser son miroir magique et retourner au bercail ! lança Derak.
Le groupe se mit en marche dans les couloirs, déterminé à quitter cette tour infernale au plus vite. Malgré tout ce qu'ils ont perdu, ils allaient au moins rentrer à la maison.
***
Alix laissa un bâillement bruyant s'échapper de sa bouche et s'étira en se disant que la nuit allait être bonne. A contrario, Noëllya courrait dans tous les sens, pas le moins du monde fatigué. Arrivé à leur chambre, Alix se plaça devant son ordinateur et y introduit la deuxième clé USB qu'il avait emprunté. Il copia tous les dossiers sur son ordi et s'attaqua à la musique salvatrice. Après un petit montage, il en fit une bande continue en boucle. Il la remit sur une clé et attrapa un casque audio trainant dans son chevet.
Il mit la clé dedans et après quelques manipulation il mit le casque sur ses oreilles et appuya sur le bouton play. La musique se joua dans ses oreilles, et sans le réducteur de bruit il entendait parfaitement son environnement.
— Tiens Nono !
Noëllya attrapa joyeusement le casque et le colla sur ses oreilles. Comme dans la salle de surveillance, elle s'immobilisa quelques secondes, les yeux ronds. Enfin elle les cligna.
— Ça va mieux ? s'enquit Alix.
— Un peu que ça va ! C'est génial ce truc, y a plus aucun bourdonnement !
Alix se jeta sur elle et la serra dans ses bras en riant de joie. Noëllya lui rendit son étreinte en souriant.
— L'Ombre est partie ! Elle ne m'empêche plus d'agir, il n'y a plus de bourdonnement et je suis enfin sorti de la brume !
— Au moins ça marche. Dire que Saurac a enregistré cette musique il y a déjà un an. Elle avait cette solution depuis tout ce temps et n'avait pas l'air de vouloir s'en servir pour les détraqués. On va voir si c'est temporaire ou non déjà.
— Ça fait du bien d'être revenu !
Noëllya ajusta son casque et partit s'admirer dans le miroir de la salle de bain. Soulagé, Alix se laissa tomber dans son lit quand soudain on frappa à la porte. Le jeune homme partit ouvrir et tomba nez à nez avec la psychiatre du centre, Magnolia, celle avec une pieuvre sur la tête et la peau bleue. Elle semblait paniquée.
— Où est Pix ? Quand je suis revenu il n'était plus dans sa cellule et tout était détruit !
— Quoi ?
— Ce n'est pas bon, il n'est pas stable du tout et va faire des dégâts ! paniqua Magnolia. Je ne peux pas le lâcher maintenant alors qu'il retrouvait à peine la mémoire ! Oh la la... Si tu sais où il est, tu dois me le dire !
— Pour l'enfermer à nouveau ? Pour lui injecter des trucs pas nets et le laisser massacrer les employés ?
— Qu... non ! Enfin c'est pour sa propre sécurité et celle des autres ! Je dois le surveiller de près. Il avait à peine retrouvé ses souvenirs, c'était maintenant qu'on pouvait commencer une thérapie. Il ne s'entend pas avec son alter en plus, alors sans suivi... Oh par les Douze.
Alix perdit contenance mais il ne pouvait pas non plus révéler le plan du groupe. Magnolia joignit ses mains.
— S'il te plait Alix. Tu sais que je ne marche plus pour Saurac depuis des années.
Par le passé Alix avait parlé de nombreuses heures avec Magnolia, que ce soit pour un suivi ou juste comme ça. De tout le personnel elle était la seule à ne pas être hypocrite et malveillante. Il soupira en se disant qu'elle méritait un peu de confiance.
— Lui et ses amis vont repartir dans le Premier monde.
— Le Premier... quoi ? Là bas ?
— Ils rentrent là où ils devraient être.
— Et Pix ?? Que va-t-il devenir une fois là bas ?
Alix ne se soucia pas d'avantage du fait que Magnolia soit apparement au courant pour ces histoires de monde...
— Ils ne savent pas. Ils pensent que ça va juste s'arranger avec le temps et peut-être la musique anti-Ombre que j'ai donné...
Il baissa la tête, honteux que Magnolia sache qu'il est allé fouiner.
— Mais non, cette fréquence, enfin si c'est celle à laquelle je pense, ne sert juste qu'à désynchroniser les Ombres des personnes. En gros au bout de trois heures d'exposition à cette musique, l'Ombre ne parvint plus à posséder le détraqué et s'en va ! Ça les soigne pour toujours, mais pour Pix c'est différent et seulement temporaire. Il faut que...
Elle s'arrêta soudain de parler pour réfléchir, main sur la tempe et écarquilla alors les yeux.
— Ah je sais !
Elle s'invita précipitamment dans la chambre, attrapa une feuille et un stylo et se mit à griffonner des coordonnées et une adresse qu'elle mit du temps à reconstituer tout en priant pour « qu'elle » soit toujours là bas, ainsi que des consignes. Elle plia la feuille et se tourna vers Alix.
— Écoute, je connais quelqu'un dans le Premier monde qui saura faire. Il faut que je transmette ça à un des amis de Pix.
— Vous... quoi ?
— Ne pose pas de question.
Magnolia glissa la lettre dans une enveloppe qu'elle avait sur elle et sortit une boite de médicaments de sa poche. Des petits cachets bleus qui semblaient faits maison.
— Ceci ne se trouve que chez cette personne. On les a développés ensemble. Ça aidera Pix autant que la musique... Ça m'embête qu'il doive partir, ce n'est pas le moment, mais ça devrait être une solution alternative.
— Attendez un peu, comment vous savez pour tout ça ?
— Euh... Disons que Pix n'était pas le seul à être parti dans l'explosion d'il y a six ans... Ils étaient plusieurs à avoir disparu et sans doute changé de monde. Des patients comme des employés. Parmi eux, il y avait une de mes collègues, Phyllis Oli. Une fois, alors que j'examinais l'étrange miroir de Saurac, j'ai réussi à entrer en contact avec elle, les Douze savent comment. Elle saura gérer Pix. C'est la seule solution.
Alix fit par abdiquer et donna l'emplacement de Pix dans la tour. Magnolia le remercia des milliers de fois et partit en courant dans les couloirs. Alix la regarda s'en aller en se posant des questions. Soudain les lampes du plafond virèrent au rouge et une alarme retentit, affolant tous les détraqués de l'étage qui se mirent à courir et sauter de partout en poussant des cris stridents. Une voix annonça un plan de confinement d'urgence.
— Des patients se sont évadés et sont dangereux. Que tout le personnel et les patients se confinent dans leur chambre en attendant que la crise soit gérée. Ne pas intervenir, les robots sont là pour cela.
La porte de la chambre se ferma et se verrouilla automatiquement devant le nez d'Alix. Il se mit à tirer sur le battant pour l'ouvrir mais rien à faire. L'assistant virtuel de la tour, une sorte de personne artificielle en hologramme s'afficha sur la télé et répéta de rester calme. Elle se mit en boucle sur les consignes de sécurité. Alix recula dans l'atmosphère sombre et rouge.
— Il se passe quoi ? demanda Noëllya.
— Il se passe que nos amis se sont fait repérer. Et que Saurac a décidé de les rattraper...
Il espérait que ce ne soit pas de sa faute.... Faute d'autre occupation, ils s'assirent sur le lit, devant l'ordinateur d'Alix.
— Au moins dans quelques heures tu seras soigné, dit-il. La musique va faire sortir l'Ombre.
Il ne restera plus qu'à la jeter depuis le cent trente neuvième étage et la faire s'écraser en bas. Simple comme bonjour.
— Super ! s'exclama Noëllya. Je serais guérie et je pourrais enfin retrouver mes parents ! Et toi, tu sortiras avec moi ?
— Hein ? fit Alix en rougissant d'un coup.
Noëllya rit face au quiproquo.
— Dans le sens s'en aller d'ici. Même si c'est pas tout à fait ta famille, tu pourras la retrouver.
— Oui. Mais Saurac trouvera le moyen de nous garder ou de nous réduire au silence... J'ai une meilleure idée. Si on lâche des rumeur sur le net, ça finira par circuler. Si ça parvint depuis l'extérieur aux oreilles de cette vipère, elle trouvera forcément le moyen de les démentir. Elle devra relâcher quelques uns de ses patients pour assurer sa crédibilité.
— Oh ! Bonne idée !
— Par quoi on commence alors ?
Alix se rendit sur un réseau social assez actif et se connecta au vieux compte de Noëllya. Cette dernière sourit en voyant ses anciens postes. À l'époque où elle avait dix ans. Les enfants étaient précoces ici....Dire qu'elle en avait seize aujourd'hui.
— J'étais une gamine en vrai ! J'ai sacrément grandi. C'était juste avant de me faire attaquer et détraquer.
— Qu'est-ce qu'on va mettre ?
Noëllya tourna l'ordinateur vers elle et tapa sur la clavier un simple message.
— « Coucou tout le monde, juste pour vous dire que je vais de mieux en mieux et que je devrais sortir le trente mars, croisons les doigts ! », dit-elle en même temps.
Elle tapa sur la touche entrée et se redressa fière d'elle. Alix lui lança un regard dubitatif.
— Ben quoi ? Si mon entourage vois que je re poste, c'est que je suis en état de parler. Ils vont à nouveau me demander des nouvelles et s'ils apprennent que je suis censé sortir et que c'est pas le cas, ça va commencer à jaser.
— Pas bête. Mais ils n'ont jamais pris de tes nouvelles ces six dernières années ?
— Au début si, mais Saurac disait que j'étais pas en état et c'était vrai. Elle leur a dit de ne pas s'inquiéter et que le centre lui même donnera des nouvelles en cas d'amélioration alors ce n'était pas la peine de demander... Ils se sont faits embobinés...
Pendant l'heure qui suivit, Alix et Noëllya écrivirent des tas de messages, racontant des rumeurs. « Apparemment ci, apparemment ça, on m'a dit que, vous avez remarqué que... » Le tout en restant discret, sans jamais s'afficher pour éviter qu'ils soient découverts et que quelqu'un les réduise au silence.
Un des messages fut rapidement re-publié et les deux compères se firent un check de victoire. Plus qu'à laisser la rumeur devenir virale. Ensuite les gens à l'extérieur se chargeront eux même de faire bouger Saurac.
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