Chapitre 36: Un nom d'enfer
Les écrans de télésurveillance formaient une grande mosaïque lumineuse et multicolore dans la pièce sombre. Face à eux, Alix était étendu dans un fauteuil à roulette et grignotait une barre de céréales. Il regardait l'écran en face de lui, tout en pianotant sur un clavier, alternant de temps à autre avec la souris. À ses côté, Noëllya restait calme et silencieuse, en tailleur sur une chaise à roulette.
— Tu crois que les autres vont s'inquiéter si on revient pas ? demanda-t-elle en tournant sur sa chaise. Ça fait des jours qu'on les voit pas.
— Nono, je crois qu'ils s'en fichent un peu de nous... Tout ce qu'ils veulent c'est rentrer chez eux.
— Et toi tu cherches quoi là ?
Alix remonta un genou contre lui et fit rouler la molette de la souris avec son index. Devant ses yeux se déroula une liste de fichiers vidéo, datée d'il y a six ans. Il en choisit un au hasard et le lança. C'était la vidéosurveillance d'un couloir. Avec les flèches du clavier, il passa à la suivante. On pouvait y voir un employé ranger des sortes de réservoir contenant du feu. Des bocaux d'âmes. Alix mit la vidéo en accéléré jusqu'au moment où la pièce explosa. La caméra rendit l'âme.
— Ah je me rappelle ! s'exclama Noëllya en pointant l'écran. Ça avait fait un gros boum le lendemain de mon arrivée. Puis après, y a eu pleins de nouveaux comme toi !
Avec du recul, Alix frissonna en repensant à tout ça. Il était le dernier rescapé de l'accident, des années plus tard. Les autres ont tous disparu dans les labyrinthes et les méandres de la tour.
— Je voulais voir autre chose, sur mon alter-ego, dit-il en sortant du fichier. Savoir ce qu'ils ont pu lui faire pour qu'il soit comme ça. Jusqu'où ils ont pu aller, pour savoir ce qu'on craint à l'avenir...
Il remonta assez loin dans les dossiers jusqu'à trouver des choses intéressantes. Il ouvrit une piste audio. La voix de Saurac retentit comme un vieux magnétophone. C'était une sorte de rapport de fin de journée.
— Jour deux. Le sujet a apparemment subit un traumatisme qui a dérangé son mental déjà fragile. Il aurait tué des gens en voulant se défendre et la scène morbide l'a effrayé. Ses parents m'ont dit qu'il parlait tout seul, sursautait au moindre bruit et attaquait tout ce qui bougeait en pensant à une menace. Je n'ai qu'à reproduire des situations similaires à son traumatisme pour tenter de trouver une solution.
Alix cliqua sur la flèche de droite et bascula sur une vidéo. Il reconnut les hangar d'entraînement dans lesquels il s'était lui-même exercé pour les expériences de Saurac. On pouvait voir sur la vidéo en pause un petit garçon aux cheveux turquoise et au teint mat. Autour de lui, des employés de la tour, déguisé avec des vêtements de racaille à première vue. Il tenaient des couteaux en plastique dans leur main, des accessoires de théâtre.
Alix lança la vidéo. Les hommes se mirent à répéter une scène de façon automatique. Avec de grosses voix et pas du tout dans leur rôle, ils menaçaient le petit garçon. Ce dernier était assis au sol et rampait en arrière pour s'éloigner, en les suppliant d'arrêter. Hésitant, les employés se stoppèrent.
Alix appuya sur la flèche et tomba sur la même vidéo et la même prestation de la part des personnes. Le garçon qui semblait être Pix fuyait en criant de terreur. Qu'est-ce que Saurac cherchait à faire en le traumatisant à nouveau ?
La vidéo suivante était encore identique. Les employés commençaient enfin à être crédibles et rentraient dans leur rôle. Le petit Pix était recroquevillé dans un coin, mains sur la tête et tremblant de tous ses membres.
— Laissez-moi !! cria-t-il.
L'air se déforma autour de lui et se dilata dans toutes les directions comme une onde de choc. Au contact de la déflagration, les employés se disloquèrent et tombèrent au sol, formant des amas de chair et de sang. Avec des os au milieu. La caméra se brisa à son tour, ne laissant qu'un écran noir criblé de neige et de rayures.
Le cœur battant d'horreur, Alix remit la vidéo pour observer le carnage fait par Pix. Son alter ego possédait un pouvoir beaucoup trop puissant et dangereux. Les employés s'étaient tout simplement fait éradiquer en quelques secondes. Réduit à l'état de charpie par un enfant.
Alix poursuivit ses investigations et se rendit compte que peu à peu, Saurac ne cherchait pas à soigner Pix, mais bien à accentuer son trouble. Elle semblait répéter des situations stressantes pour l'obliger à se servir de son pouvoir. L'obliger à craquer. Elle avait dû convoiter sa puissance et chercher le moyen de se servir du garçon comme une arme. Un rapport audio confirma en effet que la scientifique voulait faire de Pix une sorte de machine à tuer. Elle voulait le formater pour cela et exploiter sa puissance. Quitte à le détruire de l'intérieur.
Sur les caméras, Alix vit encore des sortes de tueries d'employés après avoir poussé Pix dans ses derniers retranchements ou à la suite d'une injection "test". Par moment il blessait des infirmiers qui voulaient l'attacher et le piquer. Alix se rendit compte que son alter ego avait vécu une enfance horrible et traumatisante. S'il était aussi cinglé, c'était à cause de cette tour, à cause de cette directrice qui se fichait de l'éthique.
— Bon sang... Et le monde extérieur ne sait sûrement pas ce que fabrique réellement cette tour. Tout le monde pense qu'ils cherchent des traitements à toutes les maladies, mais en fait il ne s'agit que d'expérience sur des êtres humains.
— Ouais !! s'exclama Noëllya, qui ne devait pas comprendre.
— Je suis en train de me demander s'il y a des contrôles. C'est pas possible qu'on puisse tout leur laisser passer. Et la famille de Pix ne l'a jamais revu depuis son entrée ici ? Ils ont laissé cet endroit leur prendre leur fils durant des années sans chercher à le voir ou le contacter ?
Il parlait, mais lui aussi n'avait pas revu sa famille depuis cette date. Ses proches ont dû se retrouver avec Pix sur les bras et n'ont pas dû se poser des questions. En pensant à cela, Alix eut le cœur brisé. Mais rapidement sa logique lui demanda pourquoi les autres, Gabi, Angèle et Derak le considéraient comme « normal » pendant tout ce temps où ils l'ont connu. On ne redevient pas sain d'esprit du jour au lendemain, surtout quand le centre censé s'occuper de son patient fait tout pour accentuer le traumatisme.
Alix trouva sa réponse plus tard. La psychiatre de Pix annonçait dans un rapport que le garçon semblait de plus en plus amorphe au fil des semaines, même s'il souffrait de quelques crises de démence. Jusqu'à devenir presque calme, sauf quand il manifestait son apparence de démon. Saurac lui aurait alors injecté une produit pour bloquer ses attributs de démon, ce qui avait l'air de faire disparaître les crises et moments de violence.
Alix ouvrit de grand yeux en découvrant un dossier tout récent, modifié la veille, mais classé avec le reste des documents sur Pix. Il cliqua dessus et lut rapidement. Cela semblait à une mise à jour de son dossier médicale, incluant le dédoublement de personnalité de Pix. Comme une seconde entité prenant le contrôle de l'individu. Et plus bas, une bande son...
Alix la lança et entendit comme une musique quasiment inaudible. Une fréquence étrange et à peine perceptible. Il se tourna vers Noëllya qui fixait l'écran sans rien dire. Elle ne bougeait pas d'un pouce.
— Qu'est-ce que tu as ?
— Toi qu'est-ce que t'as ! répliqua Noëllya avec une voix différente. J'ai un truc sur le visage ?
Alix fronça les sourcils et pivota complètement vers elle. Il la regarda et crut ne pas la reconnaître.
— Ben, t'as l'air...
La fréquence s'arrêta, étant donné que la bande son était arrivée à la fin. Noëllya cligna des yeux et sourit bêtement.
— Y aura du poulet à la cantine ce soir !
Pour tester quelque chose, Alix lui demanda de parler en continue. Noëllya se mit à chanter des comptines en beuglant à tue tête et faisant des tours de pièce sur sa chaise roulante. Alix appuya sur le bouton pour relancer la bande son. Noëllya cessa d'un seul coup son manège.
— Noëllya : poulet à la cantine ce soir ! lança Alix pour attirer son attention.
Elle lui jeta un regard et son sourcil blanc se leva lentement, comme dérouté.
— Pourquoi tu me parles du menu de ce soir avec une voix de bébé ?
Alix arrêta la bande son et répéta :
— Noëllya : poulet à la cantine ce soir !
— Miam ! Trop bien ! Avec du ketchup !!! répondit la démone en sautant sur sa chaise.
Sans y croire, Alix fixa le fichier audio sur l'écran. Quand le son se jouait, Noëllya était... normale ! Comme si elle n'était plus détraqué. Comme s'il n'y avait plus d'Ombre dans sa tête. Les informations de l'écran semblaient indiquer qu'il s'agissait d'une fréquence cherchant à stabiliser et calmer Pix. Une fréquence trouvée il y a un moment, puis modifiée très récemment et encore de façon hypothétique. Mais Alix venait de la tester : cela ramenait Noëllya à la normale !
— Bon sang ! Cette musique pourrait soigner les détraqués !
Il fouilla dans un pot à crayon et en extirpa une clé USB, chose rarissime tant cela était vieux dans ce monde. Il l'introduit dans le port de l'ordinateur et copia le document sur la clé. Si cela fonctionnait, les détraqués de la tour pourraient être libre. Plus personne ne pourra se faire détraquer. Et son alter-ego Pix pourrait aussi redevenir normal avant de rentrer dans son monde.
À cette pensée, Alix s'attrista. Même si c'était lui qui devait rentrer, il ne le pourra jamais. Les amis de Pix ne le laisseront jamais ici pour ramener Alix à la place. Il chassa loin de lui l'idée de revoir à nouveau son monde. Il savait ce qu'il allait faire maintenant. Œuvrer dans son coin pour aider les patients prisonniers de ce centre de fous et dénoncer les agissements de la tour. Et puis il n'allait pas abandonner Noëllya. C'était sa meilleure amie de toujours.
Une fois le télé-versement terminé, il éjecta la clé et la mit en sécurité dans sa poche. Il coupa l'écran d'ordinateur et le remit sur la caméra du couloir. Il se leva de sa chaise et appela Noëllya pour pouvoir s'en aller.
— Tu vas voir ! Tous les deux aussi on va sauver le monde !
— Oh trop bien ! Y une poupée dans la caméra !
Alix regarda l'écran que la démone indiquait et vit alors Sacha, la poupée vaudou à la botte de Saurac. Le garçon se pencha vers l'écran et bascula sur les caméras suivantes jusqu'à voir deux adolescents dans un couloir. Derak et Pix... La poupée allait dans leur direction. En continuant sur les autres caméras, il se rendit compte que quelques uns des robots de Saurac étaient de sortie. Il n'avait jamais vraiment vu ça, il n'en avait entendu que des rumeurs, mais savait que cela annonçait une chasse infernale...
***
— Oooh, par les Douze et si on arrive trop tard ? Et si on retrouve Gabi la cervelle toute ouverte ? Derak qu'est-ce qu'on va faiiiire ??? Déjà tu commences à la fermer et arrêter de chialer !
Dans un couloir avec des températures dignes du pôle nord, Pix rampait à quatre pattes en pleurant, pendant que Derak tentait de rester calme en marchant devant. Entre les gémissements et pleurs de Pix, plus son monologue avec son deuxième lui, le vampire avait du mal à rester de marbre. Sans compter des tonnes de pensées qui lui travaillaient l'esprit. Il se redonna du courage et continua à avancer en jetant un coup d'œil à travers chaque porte ouverte, chaque vitre donnant sur des salles, espérant trouver Gabi.
Il se retourna et pesta en voyant que Pix s'était assis dos contre un mur, la tête dans les genoux et en train de couiner. Derak fit demi tour pour aller le chercher, fatigué de son comportement de poule mouillée.
— T'as peur de quoi encore ?? Qu'un monstre nous attaque ?
— Je sais paaaas ! brailla Pix. Y a un truc qui me dérange dans ces couloirs ! Ça me rappelle des trucs mais je sais pas quoi ! Un autre couloir peut-être ? proposa-t-il avec un ton arrogant.
— Bon Pix et... l'autre Pix ça suffit, rabroua Derak.
Il se pencha pour l'attraper et le relever mais le jeune homme releva d'un coup la tête et envoya les dents, le regard fou. Derak recula d'une traite avec un sursaut.
— L'autre il aimerait avoir un prénom !!! cracha Pix.
— Oh mais désolé mon vieux, t'as déjà deux nom avec ces histoires de monde, tu vas quand même pas en réclamer un troisième ??? répliqua Derak du tac au tac.
Pix le fixa d'un air mauvais avec ses cinq yeux en grognant dans sa gorge. Les yeux de Derak virèrent à l'écarlate et il montra les crocs en lui soufflant comme un chat pour montrer qu'il en avait assez. Pix rentra la tête dans les épaules en ouvrant de grands yeux effarés (et normaux). Puis il se laissa tomber sur le côté et se remit à pleurer.
— T'es irrécupérable...
— Tu m'as fait peur ! couina Pix, recroquevillé sur lui-même.
— Bon Pix ! Tout à l'heure c'est toi qui me criait dessus pour qu'on se bouge et maintenant tu veux plus avancer ?
— C'était pas moi c'était... l'autre. Super, merci pour le respect...
Pour une fois, il y avait de la tristesse dans cette sorte de deuxième voix. Comme si le deuxième Pix était vraiment peiné de se faire appeler par « l'autre ». Derak regarda le plafond le temps de réfléchir, puis l'illumination le frappa. Il se pencha vers Pix, tout sourire.
— Et si l'autre, on l'appelait Styx ? Histoire de pas vous confondre vu que vous avez l'air d'être deux personnes à part. Comme ça on sait à qui on s'adresse et vous saurez à qui on parle. T'en dis quoi ?
— Styx ? Pourquoi pas, j'aime bien ! Mais pourquoi Styx ?
— L'autre toi est infernal, on est d'accord ? Et le Styx c'est le fleuve des enfers ! En plus ça rime avec Pix. Ça m'est venu d'un coup quand il a dit qu'il aimerait un prénom. Va pour Styx alors ! Maintenant on y va ?
Pix sécha ses larmes et se releva, encouragé par Derak. Il sourit à son tour, réconforté. Cependant ce sentiment de bien être fut de courte durée lorsqu'il aperçut une silhouette encapuchonnée au immobile au fond du couloir. Son cœur se mit à cogner au même rythme que les claquements de ses dents. Derak fut tout aussi surpris en la remarquant, à cause de son apparence effrayante.
C'était la fille poupée que Pix avait déjà croisé. Ce dernier recula alors que ses jambes cédaient sous son poids.
— C'est quoi ce truc ?? beugla Derak en faisant un pas en arrière.
— Ma parole, personne n'a de respect pour moi ! souffla la poupée vaudou. Je suis une personne moi ! Bon morte depuis quelques temps et prisonnière d'un corps artificiel mais une personne quand même ! Avec un charmant prénom en plus : Sacha !
— Bon tu constateras que Pix et moi ne sommes pas des Pokémons alors va voir plus loin si on y est !
— Pff, vous vivez à quel siècle ?
— Au quarantième siècle comme tout le monde ! Tu veux quoi d'abord ?
— Eileen n'aime ni les intrus ni les gens qui fouinent là où ça ne les regarde pas. Et nous, sa garde rapproché de métal on doit faire le ménage. Je ne vous laisserai donc pas allez par là.
— Haha ! Ça veut dire que si on continue dans cette direction, on va trouver des trucs intéressant ! Merci du tuyau ! Pix, c'est l'heure de se battre !
Ce dernier désapprouva l'idée d'un vigoureux hochement de tête. Il n'avait pas envie de se battre contre cette horreur nommée Sacha. Derak pesta en s'arrachant les cheveux, puis renonça. Il n'allait tout de même pas gâcher sa magnifique chevelure châtain sombre !
Il hurla quand Sacha se dirigea furtivement vers eux en courant. Il sauta et atterrit au plafond en lui ordonnant de dégager car ses nobles yeux saignaient devant son apparence horrible. La poupée l'ignora royalement et leva une main à côté de son visage. Derak se rendit compte qu'elle visait Pix, toujours prostré à terre et pris de léthargie.
Derak courut tête à l'envers pour rattraper la poupée puis changea la gravité pour lui retomber dessus. Le corps de Sacha de déforma comme du chiffon sous son poids et se plia. Dérouté, Derak n'eut pas le temps de réagir et son poids les emporta à travers le plancher. Le plâtre lui écorcha tout le corps quand il tomba à l'étage d'en dessous et il se cogna dos contre le carrelage. Sacha était étendue plus loin dans le couloir, comme une limace.
Pix pointa sa tête par le trou dans le plafond, regard blasé et démoniaque. Il haussa sa deuxième paire d'yeux d'un air hautain.
— Tu vois bien qu'y a des monstres qui attaquent par ici ! lança-t-il en ricanant.
— Raaah ! Pix... ! Non. Styx vient m'aider nom d'un chien !
— Pfff, d'accord ! C'est bien parce que c'est toi !
« Styx » passa son bras par le trou et souleva le corps de la poupée avec ses pouvoirs. Elle lâcha un cri surpris et fut violemment jetée en dépassant le mur du son vers le fond du couloir. Derak crut même entendre le bang supersonique. Sacha percuta un mur qui explosa suite au choc, dans un nuage de plâtre.
Styx passa sa tête à l'envers dans le trou et sourit d'un air satisfait. Derak se redressa, ahuri. Il leva la tête vers son ami.
— Dis... Pourquoi tu faisais pas ça en cours de magie ??? Quand je pense à toutes les fois où on aurait pu gagner !!!
— En rentrant, promis ! jura Styx avec un sourire peu rassurant. En attendant faut aller chercher Gabi fissa.
Derak approuva et se mit en apesanteur. Il flotta jusqu'au trou dans le plafond et s'y engouffra après que Styx soit remonté. Le duo repris sa route, sur ses gardes. Les couloirs étaient vraiment silencieux, vides et par conséquent sinistres. Derak craignait qu'à chaque détours, chaque renforcement il y ait des robots cachés... Il se rassura en se disant qu'il avait « Styx » à ses côtés. C'était une machine à tuer après tout... Oui bon, pas si rassurant que ça...
— On fait quoi si Gabi est comme Angèle ? demanda Pix d'une petite voix.
— Ah te revoilà ! Et comment ça comme Angèle ?
— Ben tu l'as dis non... morte...
— Euh... Ben...Raah, mais tu me saoule avec tes questions défaitistes !! On la retrouve, on rentre chez nous et puis c'est tout.
— Vous nous quittez déjà ? cracha le micro au dessus d'eux.
Pix fit un bond en criant et Derak chercha la voix d'un air paniqué. Le rire de Saurac tonitrua à travers le mégaphone.
— Sauf que vous avez oublié une chose : vous êtes ici chez moi ! Je fais régner ma loi. Alors rentrez bien gentiment sinon il y aura des conséquences.
— Même pas en rêve vieille bique ! répliqua Derak en fixant une caméra de surveillance.
Il n'y voyait que son reflet déformé par l'aspect sphérique de la caméra, mais sentait le sourire de Saurac juste derrière.
— Dernière sommation : Derak retourne dans ta chambre et Pix en cellule d'isolement. Tu ne voudrais pas provoquer de nouvelles catastrophes hein ?
— L'écoute pas ! ordonna Derak.
Raide comme un poteau, Pix ne bougeait plus et fixait le vide, plongé en pleine introspection. Saurac en rajouta une couche.
— Mais oui Pix. Tu détestes la violence et le sang. Tu détestes te salir les mains. Tu détestes que quelque chose d'horrible puisse arriver par ta faute, n'est-ce pas ? Si tu veux éviter tout ça, restes sage. Tout s'arrangera.
— La ferme ! exigea Derak.
— Dernier avertissement, prévint Saurac. Sinon cette tour se transformera en enfer. Des robots, des détraqués, pourquoi pas des Ombres même seront lâchés en liberté dans ces couloirs avec pour ordre de vous faire vivre la misère. Votre petit séjour jusque là s'apparentera au paradis après ça... Pix, tu ne voudrais pas que ton ami soit blessé par ta faute ? Parce que tu n'as pas voulu être sage et obéir ?
— Non... répondit Pix.
Une larme cascada le long de sa joue à l'idée que ses amis puissent souffrir par sa faute. Il commença à effectuer un demi tour. Saurac roucoula, satisfaite. Derak n'en crut pas ses yeux.
— Mais... Pix !
— Tu l'as entendu ? Tu sais qu'elle est capable de tout ? T'inquiète pas, on reviendra plus tard...
— Mais plus tard ça sera trop tard !
— Mais si on ne l'écoute pas, on devra affronter ses robots... Des...Ombres, ajouta-il en claquant des dents. On risque d'y rester... Je ne veux... pas... pas... Pathétique.
Pix leva le bras et planta violemment sa mâchoire dedans. Derak accourut pour le faire cesser en voyant du sang écarlate dévaler le long de sa peau. Il vit la main de Pix voler vers lui et se fit griffer le visage. Il recula en vitesse, la peau cuisante de douleur. Il sauta en arrière pour éviter un coup de griffe.
Face à lui, il ne savait plus ce qu'il y avait... Démon, humain, ami ? En tous cas Pix avait le corps entier crispé et parcouru de spasmes. Son regard était fou, mais pas encore celui de sa version démon. La trace de morsure à son bras crachait abondamment du sang. Le jeune homme se griffa à nouveau le visage d'un geste sec, avec un gloussement étrange, à mi chemin entre cri de rage et de douleur.
— Arrêtes de te faire du mal ! lança Derak, sans s'approcher.
— Pfff... Dégage, toi-même...
— Et voilà Pix ! Tu recommences ! rabroua Saurac. Tu n'es pas sage et tu fais encore une crise ! Tu es vraiment ingérable ! Il va falloir te punir, toi et Derak. Et c'est de ta faute !
— La...Ferme...
— Bon sang, qu'est-ce qu'il me fait encore ?? jura Derak en s'éloignant à reculons.
— Ce monstre que tu appelles ami nous offre une petite crise devant nos yeux ébahis, expliqua Saurac. Il suffisait juste de le frustrer suffisamment pour que lui et son alter soient en désaccord et se battent encore. L'un veut s'en aller pour ne blesser personne, l'autre veut en finir. Dans ce état, Pix devient une vrai machine de guerre. Une arme que j'ai toujours voulu posséder. Un des démons les plus puissants que j'ai jamais rencontré.
— Z'êtes juste dégueulasse !
Il fixa Pix en train de se tordre de rire et se griffer le visage en même temps et ne put réprimer un frisson devant son état. Qu'est-ce qui pouvait bien se passer dans sa tête à part un désordre indescriptible ? Il commençait à songer à une retraite stratégique quand un pas lourd de robot résonna dans son dos. Il se retourna et changea de couleur, devenant quasiment transparent étant donné qu'il était déjà blanc comme un linge en temps normal.
Le sourire carnassier de Kad, le robot berserk lui annonça tout de suite la couleur des minutes à suivre.
***
Perdu entre réalité et cauchemar, dans un tourbillon de voix, Pix n'arrivait même plus à penser correctement. Au loin il discernait celles de Saurac, Derak et une autre plus robotique, et juste à côté la sienne, en plus grave peut-être. Plus odieuse.
— Tu me casses vraiment les noix !! Lâche prise par les Douze qu'on puisse agir !
— Et te laisser tout saccager ? Te laisser blesser les gens autour de moi ?
— Parce que tu crois que s'esquiver ça va arranger les choses ? Tu crois que fuir indéfiniment va permettre de retourner chez nous ??
— La violence ne résout rien. Tu te fiches des moyens tant que tu atteins ta fin, pas vrai ? Dès que je tourne le dos tu en profites et quand je me réveille tu as blessé et saccagé !
— Pfffff !! Donne moi un seul exemple !
— T'as tué le robot... Grâce... Elle ne le méritait pas, j'en suis sûr... Tu as blessé Derak à l'instant. Un jour tu les tueras sans faire exprès, je ne peux pas te laisser faire ça !
Pix sentit encore ses propres dents se mordre la main et il riposta en se lacérant le visage. Il sentit Styx faiblir suite à cela. Se retirer un peu de sa tête. C'était le seul moyen de le faire taire. De revenir un peu à lui.
— Va t'en ! exigea Pix.
— Toi va t'en ! C'est toi le faiblard ici, et les faibles ça se piétine ! Continue comme ça et c'est toi qui mourras inutilement.
— Si je te laisse faire, Saurac lâchera des robots, des détraqués et même des Ombres sur nous ! On est que deux, on n'y arrivera jamais ! Si on ne fais pas demi-tour, on va au suicide.
— Tu m'agaces !
— Mais toi aussi, Styx ! Je te laisserai jamais me remplacer ! T'es qu'une stupide partie de mon esprit que j'aurai dû garder à la poubelle ! Sans toi ma vie était parfaite et t'as tout gâché !! Ha, mais si ça se trouve je suis juste fou et je t'ai inventé. T'es imaginaire.
— Je suis réel...
— Je crois pas non. Alors tu dégages ! Tu me laisse tranquille à tout jamais, ça sera beaucoup mieux !
— Tu...
— La ferme !
Un autre coup de griffe en plein milieu du visage, du front et de l'arête du nez chassa cette présence oppressante et redonna à l'environnement ses contours et ses sons nets. Souffle court, la douleur de ses blessures lui cuisant la peau, Pix se laissa glisser à terre. Il avait réussi... Il avait repris le contrôle face à Styx... Il était tellement heureux d'avoir pu chasser son alter avant que celui ci ne fasse encore n'importe quoi. Il leva la tête en direction de Derak.
Son expression mourut sur son visage en voyant qu'il se battait contre un androïde de métal. Le cyborg berserk détruisait petit à petit le couloir à l'aide de son immense épée hachoir, manquant d'éventrer Derak à chaque fois... Ce dernier était couvert de blessures. De griffures...
Un rire glaçant retentit dans la tête de Pix alors que ce dernier ne savait plus quoi faire. Ses membres s'ankylosèrent peu à peu.
Au final, tu n'auras sauvé personne ! Tu as même blessé ton ami en plus d'avoir rameuté des robots ! Tu voulais fuir, tu y étais presque mais ta faiblesse a eu raison de toi. Bien fait pour toi !! Ah et compte pas sur moi pour t'aider hein !
Alors que le désespoir, l'impuissance et la panique l'envahissaient à nouveau, le temps se suspendit, comme pris au piège dans de la mélasse. Un tic tac lent et sourd avait résonné. Les molécules de l'air s'étaient stoppées. Plus rien ne bougeait. Un voile gris recouvrait les lieux. Au fond du couloir, une petite fille oni se tenait debout.
Emi se rapprocha doucement de la scène figée, comme un film mis sur pause. Il y avait là un garçon très grand aux cheveux turquoise, au corps couvert de griffures. Un autre garçon aux cheveux bruns était stoppé en pleine roulade, évitant de justesse l'épée hachoir du robot aux bras striés comme un serpent. Leur expression faciale était tout aussi immobile que le reste. Le silence s'était fait.
Emi savait que ces deux là étaient des copains à sa nouvelle amie. Elle devait les aider, pour aider Gabi. La voix grave et rassurante dans sa tête l'encouragea, comme le ferait un père à son enfant. Emi hocha la tête et serra ses petits poings.
— D'accord Dada. Aider les deux garçons pour aider mon amie !
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Bonjour aux lecteurs survivants !
Je suis vraiment désolée du retard, je suis en plein déménagement et je n'ai pas forcément le temps d'écrire...
J'espère que ce chapitre tardif vous aura plus, j'ai un peu galéré à l'écrire par manque d'inspiration, qui a décidé de faire un tour !! -_-
Je vais essayer d'être un peu plus régulière prochainement. Il devrait rester une dizaine de chapitre avant la fin je pense.
D'ici là merci de me lire. Merci à ceux qui laissent des commentaires, ceux qui votent et ceux qui restent discrets.
Merci à tous et bonne lecture.
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