Chapitre 33: La Foire du carnage


Les rails du métro crissèrent de longues secondes alors qu'il s'arrêtait en gare. Ren serra les dents ; les tympans vrillés. Il avait déjà mal dormi à cause d'un cauchemar, en plus chaque bruit se répercutait comme un écho infini dans son crâne. Et ce n'était que le début d'une journée qui s'annonçait longue. Il emboîta le pas de Sarah, Nya et Matt qui disparaissaient déjà dans les escalators de la station, direction la rue.

Une fois dehors, le groupe se fraya un chemin au milieu de la fourmilière humaine qui tapissait les pavés. Partout robes de dentelles et costumes chics se mélangeaient aux plumes des chapeaux victoriens, aux claquements des cannes, des montres et des bottes sur les pierres de la route. Il y avait là toute la haute société d'Occlasia. Selon les gens à l'auberge, la Foire aux inventions était l'évènement à ne pas manquer.

— Tout ce monde, c'est abusé ! s'exclama Nya. On a intérêt à pas se perdre, restons groupir !

Machinalement, Ren attrapa le bras de Matt, déjà en train de se faire emporter par la foule. Seul son crâne blond dépassait entre deux épaules.

— La vache ! s'exclama-t-il en remontant ses lunettes sur son nez. Y a pas à dire, la Foire aux inventions à l'air d'être l'évènement de l'année ! Quelle chance de vivre ça !

— Ça va nous faire oublier le quotidien, ajouta Sarah.

— En route mauvaise troupe ! lança Nya.

Elle ouvrit la marche et le reste du groupe la suivit. Le mouvement de foule convergeait en direction d'un bâtiment immense : les halles de la ville. La façade de métal et de verre reflétait le peu de soleil qui brillait et une immense bannière titrant l'événement était accroché dessus. Après une demi-heure d'attente, ils arrivèrent devant la grande porte. Le vigile de l'entrée donnait des sortes de badges à mettre autour du coup et comptait le nombre de visiteurs avec un gadget en métal.

Ren récupéra son badge et rattrapa les autres qui poussaient des cris émerveillé devant l'intérieur des halles. L'exposition s'étalait sur des centaines de mètres carrés, formant un labyrinthe de cloisons et d'emplacements aménagés pour l'exposition. Des stands couverts de machines et d'inventions en laiton et engrenages prenaient tout l'espace disponible et la foule circulaient dans les allées immenses.

Ren arriva auprès de ses amis devant un premier stand, qui proposait des lunettes à vision nocturne. La monture en cuivre était très lourde et encombrante, et de multiples verres colorées pouvaient se superposer et faire des loupes.

— C'est une dinguerie ! s'exclama Nya en les enfilant. Là on voit rien du tout vu que c'est le jour, mais dans les recoins sombres, on voit trop bien.

Elle les passa à Ren pour qu'il puisse les examiner. Il tripota un système de ressort. Sarah se pencha vers lui.

— J'arrive toujours pas à croire que tu as fait la paix avec Nya. C'est toujours pas une blague hein ?

— Non.

— Ouah... Okay notre voyage imprévu est un peu chiant, mais si ça a permis de cesser les combats entre toi et Nya... Ça m'étonne de toi d'ailleurs, mais pas de commentaire, t'as l'air d'avoir de la bonne volonté pour une fois.

— Ça c'est vrai, dit Matt en prenant les lunettes. Tu t'es d'ailleurs toujours pas excusé pour la gueulante que t'as poussé y a quatre jours au fait.

— Je m'excuse, z'êtes content ?

— Très. Allez, profitons de cette journée pour mettre les tensions de côté et se forger des souvenirs inoubliables entre amis ! s'exclama Matt.

Ren sourit malgré lui devant la bonne humeur des autres. Le groupe poursuivit son chemin au milieu des inventions, toutes plus drôles et étranges les unes que les autres. Absolument tout existait déjà dans leur monde, mais ici les machines étaient composés avec des engrenages, des tuyaux et du métal doré et bronzé, de façon un peu grossière.

Mais il y avait aussi des accessoires dignes d'un magasin d'artefacts de jeux vidéos. Un stand complet se vantait être l'équipement du futur. Les adolescents ne furent pas déçu. Matt put enfiler des bottes qui amortissaient les chutes et les chocs lors d'un sprint. Il s'extasia à quel point elles étaient confortable, tout en faisant des bonds de lapin dans tous les sens. Nya de son côté avait enfilé une sorte de lunette de visée, qui lui faisait un œil plus gros que l'autre.

— Oh la vache, belle balafre Ren, lâcha-t-elle avec un rire, en zoomant sur la cicatrice brune sur sa joue.

— T'as la même j'te signale...

Ren enfila la lunette et ferma son autre œil. En tournant une molette, l'image s'agrandit plusieurs fois, tant et si bien qu'il avait l'impression d'être à deux centimètres de la personne tout au fond de l'allée.

— Plus ça avance, plus je me dis qu'on est dans une sorte de jeu un peu macabre, dit Ren.

— C'est clair, surtout avec des artefacts. On n'a pas le quart de ça dans notre monde, comment ça se fait ? demanda Nya.

— Au hasard : on a tous des pouvoirs et ici non, répondit Matt. Ils compensent avec des joujoux magiques.

Ren reposa le zoom et ils poursuivirent leurs explorations. Ils arrivèrent ensuite à un stand dont le gérant ne leur était pas inconnu.

— Oh c'est Darel ! fit Nya.

Le mécano accroupi près d'une machine sursauta en entendant son nom. Il se cogna la tête contre une étagère trop basse attachée à une cloison quand il se releva d'une traite. Sonné il tituba jusqu'à une chaise et s'y assit dessus.

— Salut vous quatre ! dit-il en souriant. Y a un truc qui vous intéresse par ici ?

Vu de près, son stand ressemblait à une brocante de machines à vapeur. Ren tapota le couvercle d'une cocotte minute qui ressemblait plus à une bombe artisanale pendant que les filles partirent baver devant une moto antique, tout en métal, boulons, pistons et engrenages. Nya reconnut celle qu'elle avait chevauché il y a quelques temps.

— Ouah ! Ta moto s'est grave amélioré non ?

— Et ouais ! répondit fièrement Darel en tapotant le caisson du moteur. J'ai amélioré les performances et allégé la carrosserie. Une vraie merveille avec un nom sublime. Moto ! Ça sonne si bien ! On dirait que tu dis ça tout le temps en plus, pourtant c'est une inventions inédite. Je pense même à déposer le brevet.

— Ha, si tu savais, fit Nya.

— Vous voulez acheter un truc ? J'ai des appareils à faire fondre le fromage, des machines à couper les légumes, et un truc pour communiquer !

Il se baissa mais une de ses jambes qui semblait raide resta bloquée. Darel pesta et remonta la jambe de son pantalon, révélant une prothèse en métal. Nya comprit alors pourquoi il boitait. Il n'avait pas de jambe. Darel rajouta un peu d'huile à l'engrenage au niveau du genou et put plier la prothèse. Il fouilla ensuite dans une caisse et en sortit d'un air fier deux boîtiers ultra complexes.

— Tadam ! Des talkies-walkies amélioré par mes soins ! Ça va révolutionner notre manière de communiquer ! Pourquoi vous faites ces têtes ?

Sans s'en rendre compte les quatre adolescents le regardaient soit d'un air peiné soit avec incompréhension. Puis Ren mit directement les pieds dans le plat:

— Comment t'as fait pour perdre ta jambe ici ?

La logique de cet endroit voudrait que tout le monde soit en bonne santé ici. Pas de maladie pour ruiner une existence, pas d'accident qui obligeait à se faire amputer pour survivre, rien. Darel ne devrait pas avoir de prothèse jusqu'au genou. Ce dernier tira la grimace, sans doute suite à de mauvais souvenirs.

— Bon je suis vraiment pas doué pour tuer quelqu'un donc la plupart du temps, c'est moi qui me fais H24 descendre. Sauf que cette fois ci, je suis tombé sur cet assassin.... Stone.

Avec son ongle, il décolla un morceau sur son rouleau de scotch qu'il colla sur des câbles qui serpentaient en dehors de leur chemin, au niveau du sol.

— J'ai pas eu de bol de jour là... C'était un peu avant minuit et je suis tombé dans un de ses raids meurtriers. J'ai évité une de ses bombes de peu, mais l'explosion m'a arraché la jambe. Tout ce que j'avais à faire, c'était juste me tirer une balle dans le crâne, comme ça j'aurais juste été réinitialisé dans mon lit. Mais Stone a dégagé mon flingue d'un coup de pied et m'a regardé, sans m'achever. Je me souviens avoir entendu les douze coups de minuit, signe que c'était terminé pour ma jambe... Après cette heure, aucune blessure faite la veille ne peut guérir.

Ren entendit les autres déglutir et lui-même avala sa salive avec difficulté. Sarah rompit le silence.

— Quel monstre ce Stone ! Il t'as laissé comme ça avec une jambe en moins ?! Non mais il se prend pour qui celui là ! Non mais je rêve...

— Bah ! C'est pas grave hein ! C'est juste comme ça. Je suis le roi des poissards de toute manière. Enfin bref, vous voulez voir les talkie ?

Pendant que Matt et Nya s'amusaient à parler dans les boîtiers avec des voix ridicules pour alléger l'ambiance, Ren sentit des personnes se rapprocher d'eux. Il se retourna et sourit.

— Charlie et Scorpio, ça faisait un bail !

— Orf, que quelques jours ! répondit la blonde. Coucou les jeunes !

Comme à son habitude, elle rayonnait avec son sourire charmeur et son œil d'un bleu éclatant. Ses cheveux étaient attachés de manière raffinée. Elle s'était maquillée et habillée pour l'occasion. Sa robe victorienne bleu marine lui allait à ravir et la féminisait un peu contrairement à sa tenue de terrain.

Véritable contraste avec Scorpio, toujours aussi négligemment vêtu avec sa chemise à moitié déboutonnée sur son torse tatoué d'un huit. Il mâchouillait une cigarette avec un air blasé, n'était pas rasé depuis deux jours et jouait les bagagistes. De multiples sacs pendaient à ses mains.

— Hey Charlie, tu t'es mise sur ton trente et un ! cria joyeusement Nya. T'es trop belle !

— Merci, rit la concernée. Alors ? Comment se porte la chasse ?

— Nickel !

— Sarah a sur elle neuf milles âmes, informa Ren. On fait donc une petite pause à cette Foire et on regarde.

— De mon côté, j'ai réussi à réunir mille âme, considérez donc que vous êtes à dix milles, c'est pas fabuleux ?

— Charlie c'est trop gentil vraiment, remercia Sarah. Vous êtes incroyables tous les deux.

— C'est pas une nouveauté pour moi, commenta Scorpio, las. Chérie, tes sacs sont lourds et j'ai des crampes...

— Qu'est-ce que tu as bien pu acheter ? demanda Matt, curieux.

Scorpio portait une bonne dizaine de cabas bien remplis. Charlie se pencha et sortit une boite en métal de l'un d'eux. Elle l'ouvrit comme un coffre à bijoux sur un pavage de pâtes de fruits au sucre scintillant. Des paillettes illuminèrent les yeux de Matt.

— Et oui, il n'y a pas que des inventions ici, on teste de nouvelles recettes comme ces friandises ! Vous en voulez ?

La question ne se posait même pas. Des mains affamées se jetèrent sur la mosaïque de bonbons et les friandises furent engloutis en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Ren se lécha les doigts couverts de grains de sucre, laissant fondre la pâte de fruit à la poire sur sa langue. C'était un petit bonheur tout simple mais qui égaya l'ambiance. Darel profita de la situation et put aussi en grailler. Charlie en coinça une dans sa bouche et en attrapa une autre avant de fermer la boite. Elle approcha la friandise de Scorpio avec un grand sourire.

— Fais « aaaaah » ! rit-elle.

Scorpio grogna et entrouvrit la bouche juste assez pour que Charlie lui fourre une pâte de fruit. Il roula ses yeux de topaze tout en mâchant.

— Fais pas cette tête, tu dis que t'aimes pas le sucre mais t'es le premier à finir les boites de dattes au miel quand j'en achète !

— C'est où le stand des confiseries ? demanda Matt d'une voix criarde en sautillant comme un enfant. On peut aller acheter des trucs ! Hein les copains ??

Ils approuvèrent tous, ravi à l'idée de manger du chocolat ou des bonbons. Au moment où ils se mirent en route, un coup de feu déchira et fendit l'air. Leur cœur rata un battement. Tous eurent un soubresaut et se plaquèrent à terre. Posté à son stand, la tête de Darel partit brusquement en arrière tandis que du sang gicla du trou dans son front. Il tomba au sol dans la foulée.

Puis ce fut la panique autour...

Rapidement l'allée se vida de sa foule et les cris terrorisés remplirent les halles. Ren se fit secouer par Matt et revint à la réalité. Il s'était senti flotter l'espace d'une seconde. Son cœur battait très fort sous le coup de l'adrénaline. Un nouveau coup de feu le crispa.

— Faut se planquer ! cria Nya. On est attaqué !

Charlie rassembla les adolescents et se chargea de diriger les opérations et de les calmer.

— En tant qu'adulte responsable, je vous garde sous mon aile et me charger de vous. On reste groupé tous les six, compris ?

Un autre coup de feu fit plaquer des mains sur des oreilles et Charlie proposa d'évacuer. Les gens s'enfuyaient tous en vitesse en direction des grandes portes, créant un joli chaos dans tout le hall. Des coups de feu retentirent au loin, puis quelque chose explosa, faisant un peu plus monter l'angoisse d'une énième attaque. Un nuage enflammé s'éleva dans un coin du hall.

En groupe rapproché, Ren et les autres se frayèrent un chemin dans les allées. Dans sa tête, Ren se demandait ce qu'il se passait encore et se sentit bien idiot tout d'un coup. Il avait toujours fait le fier en disant que ce monde n'était qu'un jeu vidéo et que personne ne mourrait pour de vrai. En ce moment la peur de mourir lui donnait des sueurs froides...

Au niveau des poutres en métal qui constituaient la charpente et soutenaient le toit en tôle, trois ombres jouaient les funambules au dessus de la panique générale. La première était la silhouette élancée d'une fille aux cheveux châtains et tressés. Des lunettes spéciales masquaient ses yeux et lui donnaient des informations diverses sur les victimes en bas. Son fusil à lunette reposait sur son épaule et balayait la foule. Elle tira encore une balle qui affola ces insectes.

À côté d'elle un homme en manteau blanc avançait le long des poutres, un masque de peste autour du cou. Son regard borgne repéra ses cibles. Enfin, assis sur la charpente de métal, Stone balançait une jambe dans le vide, bras appuyé sur un genou remonté. Il passa sa langue sur une sucette à l'orange qu'il fourra dans sa bouche. Son regard rubis suivit des yeux le groupe de six personnes qu'il fallait séparer. Il se leva.

— Que la fête commence.

C'était le signal pour que ses deux acolytes provisoires, Cinis et Malya, se mettent en mouvement. Ils s'éloignèrent chacun de leur côté, sautant et courant au milieu de la charpente, évoluant en silence. Stone claqua sa sucette entre ses dents, avec un sourire carnassier. De là où il était, on aurait dit un rapace prêt à fondre sur sa proie.

— C'est l'heure du spectacle...

***

Cinq minutes s'étaient écoulé depuis l'explosion et les premiers coups de feu. Coincé dans une file d'attente, Ren avait l'impression d'être à découvert et qu'une balle pourrait aisément le faucher. Il n'aimait pas ça. À ses côtés, Sarah sautilla pour tenter de voir quelque chose à travers la centaine de personne qu'il restait à évacuer.

— On avance plus, qu'est-ce qui se passe ? demanda Matt en se mettant sur la pointe des pieds.

Les lumières se mirent à clignoter au dessus de leur tête, puis s'éteignirent, baignant les halles dans une semi obscurité. Des cris retentirent. Puis un murmure s'éleva, comme quoi ils étaient tous bloqués et foutus. De leur côté, impossible de savoir ce qu'il se passait en ce moment.

— J'ai mal entendu ou les portes sont bloqués ? demanda Sarah. Je vois rien en plus, comment savoir ?!

— Idée ! s'exclama soudain Nya. On va faire un repérage aérien !

Elle se tourna vers Matt et s'avança rapidement vers lui.

— Tu fous quoi ??? cria-t-il en levant les bras pour se protéger.

La jeune fille l'attrapa par la taille, le porta dans ses bras, prit de l'élan et le jeta en l'air aussi facilement qu'une balle. Matt fusa vers les airs en criant de stupeur. Les autres lâchèrent des exclamations surprises en levant la tête.

— Legolas, que voient vos yeux d'elfe ?? beugla Nya, mains en porte voix.

— Portes totalement ferméééééées !!!! cria Matt en redescendant.

Nya calcula sa trajectoire d'atterrissage et le rattrapa dans ses bras. Matt s'agrippa à son cou en tremblant comme une feuille après ce soudain baptême de l'air. Il lui colla une baffe, s'échappa et lui cria dessus en disant qu'elle était folle. Il se lança ensuite dans un monologue dans lequel il disait que ce vol plané aurait pu le tuer mais qu'il avait largement eut le temps d'examiner la situation : les portes du hall étaient fermés et bloquées par des encombrants. Impossible de s'échapper.

— Au moins maintenant on sait qu'on est bel et bien bloqués... railla Nya.

Après vérification auprès des autres personnes, il eurent confirmation que la porte principale était verrouillée. Quelqu'un l'avait fermée et complètement bloquée... Et il restait une centaine de personne encore enfermée.

— C'est pas grave, fit Scorpio. Trouvons une sortie de secours.

Le groupe se mit en route au milieu des allées désertes, dans la lumière grise qui planait sur ces lieux. Arrivés à une sortie de secours, ils se rendirent compte que quelqu'un avait totalement barricadé avec des machines de la Foire. Là aussi, impossible de les déplacer et sortir.

— Bon, normalement c'est la seule sortie de secours, donc on est bel et bien coincés, dit Scorpio d'un air détaché.

Il s'alluma une cigarette et Charlie lui fit remarquer que ce n'était pas le moment. Un coup de feu, puis une balle faucha le mégot rougeoyant en moins de deux secondes. Scorpio ne broncha pas et les autres sursautèrent et s'écartèrent. Ils se sentaient surveillés, mais ne savaient pas par qui. Sûrement un tueur prêt à les descendre à tout moment... Ren scruta la charpente en métal à dix mètres de hauteur pour chercher des yeux le tireur. Rien évidemment.

— Rah ! C'est encore un guet-apens ! Ces assassins ne s'arrêtent jamais ou quoi ???

— À ce niveau là, c'est carrément un attentat ! fit Nya. Ils ont tout bloqué  !

— Qui c'est à votre avis ? demanda Charlie.

Automatiquement, Ren, Matt et Nya pivotèrent vers Sarah. Leur réserve d'âme à l'heure actuelle. La démone fronça les sourcils et demanda qu'est-ce qu'ils avaient à la regarder. C'était pourtant évident. La "pire assassin" de la ville était avec eux et possédaient les âmes d'une personne beaucoup trop connu qui cherchera sûrement à les récupérer un beau jour.

— C'est Stone ! gronda Ren. Salaud ! Viens te battre si t'es un homme !! hurla-t-il en direction de la charpente.

Il savait que ça ne pouvait être que lui. Il le sentait, planqué là-haut à les scruter. Il voulait sûrement récupérer ses âmes. C'était obligé de toute façon.

— On doit rester groupé sinon...

Ses yeux s'arrêtèrent sur la silhouette perchée juste au dessus de lui, qu'il n'avait pas vu. C'était l'assassin masquée du métro, celle qu'il avait croisé la toute première fois. Malya... Elle les regardaient de haut, lunettes sur le front et lâchait théâtralement une grenade dans le vide.

— Tu disais ? demanda-t-elle.

La grenade explosa et souffla un air enflammé sur une dizaine de mètres. Ren fut projeté dans les airs et fit un vol plané avant de s'écraser au milieu d'un stand. Souffle court, il se redressa et remplit ses poumons d'air. Ses bras étaient brûlés par le souffle de flamme. Des pulsions de douleurs circulaient sous sa peau qui cuisait.

Une seconde grenade le délogea et il faillit se briser la nuque lors de son envolée. D'autres explosion retentirent et mirent le feu aux objets de bois. Ren se leva et s'enfuit en évitant une autre bombe. Il courut au milieu d'une allée, bordée de flammes et de cloisons qui délimitaient les espaces réservés.

Arrivé à un carrefour il tourna la tête pour chercher ses amis. Disparus... Au milieu des explosions et de la panique, il avait perdu les autres. Seule sa propre respiration était audible. Ce hall était immense en plus, au moins trois fois plus grand qu'un centre commercial de leur monde, rempli de toutes parts par des rayons de trois mètres de haut masquant rapidement la vue. Un vrai labyrinthe. Un piège à rats. Il ne les retrouvera jamais.

Il souffla un bon coup et arrêta de paniquer pour rien. Il prit une allée au hasard et la remonta. Il n'osa pas crier, de peur d'attirer l'attention de la snipeuse aux lunettes. Elle arrivait à viser une cigarette dans la bouche de quelqu'un, la moelle épinière de Ren n'était qu'une formalité à côté. Il erra de nombreuses minutes, seul et perdu.

Une silhouette rouge manqua de le bousculer à un croisement et poussa un cri. Ren sursauta puis rattrapa Sarah par les bras et lui colla un index sur la bouche en lui disant de se taire. Son cœur palpita encore sur le coup de la surprise.

— J'ai cru que c'était Stone, souffla-t-elle en se retenant de crier.

— C'est moi, okay ?

Sarah hocha la tête et souffla pour se reprendre.

— Ce hangar est immense, je pensais pas m'y perdre aussi facilement...

— Maintenant on est deux, ça va aller.

La démone approuva et dit qu'elle était rassurée d'avoir trouvé Ren. Ils se remirent en route à deux, en ignorant la tension qui planait. Ren était certains d'apercevoir une silhouette par ci par là au dessus d'eux. Un fantôme qui le scrutaient en silence.

— Stone ne récupérera pas ses âmes ! Je ne le laisserai pas te tuer sans rien faire.

— Surtout que j'ai pas envie de lui courir encore après. Ce gars est... affreux...

Sa voix faiblissait. Ren l'entendit gémir puis s'arrêter et tomber à terre de toute sa hauteur. Elle se ramassa face contre terre. Il fit volte face en paniquant. Il se jeta à quatre pattes au sol, de peur qu'elle soit blessée et en train de mourir.

— Sarah ! appela-t-il.

— C'est rien, j'ai pris une balle dans le mollet tout l'heure...

La jeune fille roula sur le dos. Ren remarqua qu'elle tremblait et suait. Il se leva et la contourna pour évaluer les dégâts. Sur la route qu'ils avaient empruntés, une traînée de gouttes de sang permettait de les suivre à la trace. Le mollet de la démone était dégoulinant de liquide sanguin. La balle y avait fait un trou.

Ren souffla encore, se baissa et l'attrapa sous les bras. Il la redressa en position assise et la traina à couvert derrière une table renversée et carbonisé d'un stand où il l'adossa. Elle lâcha un merci et arracha une manche de sa chemise. Elle nettoya sa plaie, sans retirer la balle pour éviter une hémorragie. Elle se fit ensuite un garrot à la jambe d'une main experte et ferma un nœud bien serré.

— Stone n'est pas seul, dit Ren qui faisait le guet en attendant. J'ai vu un autre assassin, appelé Malya...

— Tu crois qu'il aurait choisi un travail d'équipe pour mieux piéger du monde ?

— C'est plus que ça je pense... (il garda un moment le silence) Tu veux te reposer ?

Sarah accepta pour cinq minutes puis se cala contre des caisses avant de fermer les yeux. Son bandage improvisé était déjà plein de sang, mais ça ne coulait pas trop, elle ne risquait pas de se vider. Ren en profita pour s'asseoir lui aussi et garda une main sur son pistolet qu'il avait sorti de son étuis. Stone pouvait se pointer, il sera là pour l'accueillir et lui demander des comptes. En attendant, il allait laisser le stress retomber et souffler un peu en priant pour que les autres s'en sortent.

***

À l'exact opposé de Ren et Sarah, Scorpio se redressa un peu sonné, comme le lendemain d'une soirée passée à se rouler sous les tables d'un bar avec une bouteille de whisky. Il regarda les brûlures provoquées par les bombes se rétracter et guérir sur sa peau. Il se leva et arpenta les stands, jusqu'à trouver Charlie, étendue au sol. Il se pencha en avant, l'attrapa et la redressa. Après quelques petites claques sur les joues elle ouvrit ses yeux couleur saphir, main posée sur le crâne.

— Tout va bien ?

— Ça peut aller...

Elle remarqua qu'il lui manquait son cache oeil sur le visage et se mit à le chercher. Scorpio trouva le morceau de tissus un peu plus loin et complètement carbonisé. Charlie avait également une brûlure sur son visage de poupée blanc. Elle roula son bandeau dans une poche et lâcha une mèche de cheveux devant l'œil à la place. Elle regarda les alentours, déserts.

— Où sont les petits ? paniqua la jeune femme.

— On va les chercher vite fait... J'ai promis à Sarah de garder un œil sur eux.

Ils se mirent en marche et Scorpio grogna dans sa barbe.

— Ils sont intenables ces gosses.

— Ils sont cool quand même. C'est drôle qu'ils débarquent d'un autre monde...

— C'est pas drôle, c'est même le contraire. Le fait qu'ils soient là montre qu'il se passe des choses en ce moment. Comme un énorme pavé dans une mare. Moi qui commençait à espérer que ces idioties soient derrière nous.

— Tu parles des histoires d'Obsidian ?

Scorpio s'arrêta de marcher et fixa le sol, au fond de lui-même. L'espace d'un instant il revit le visage dérangeant d'Obsidian. Le petit dernier de la fratrie qui pourtant leur faisait tous peur pour une raison qui leur échappait. Scorpio avait toujours trouvé son regard inquiétant. Des yeux morts, qui du jour au lendemain sont devenus vairons en même temps que l'apparition de ses pouvoirs.

— Cessons d'en parler... dit l'homme. On en reparlera quand on trouvera les autres.

— Dis...Une fois que les gamins seront rentrés... commença Charlie.

En quelque pas elle se posta devant Scorpio et lui attrapa les mains. Il sentit la chaleur y circuler et la regarda dans les yeux. Elle souriait avec son air joyeux et bienveillant qu'il adorait.

— Ça te dirait te partir en voyage pour trouver les Gardiens, tous les deux ?

Scorpio ne put s'empêcher de sourire. Un de ses sourires franc et chaud cette fois. Il posa ses lèvres sur le dos de la main de Charlie.

— J'accepte avec joie.

Il fronça soudain les sourcils quand ses yeux aperçurent une sorte de spectre blanc au dessus d'eux. Il serra Charlie dans ses bras et exécuta un demi tour. Une balle douloureuse se planta dans son dos. Il s'écarta de la jeune femme et leva la tête vers Cinis, perché sur les poutres.

— Ah c'est toi ! Ça faisait longtemps la poule mouillée, tu vas bien ?

L'assassin cracha sur le côté, regard haineux.

— La ferme.

Il tira une rafale de balle qui termina dans Scorpio. Il ne broncha pas, mains dans les poches. Cinis grogna immédiatement en rechargeant son flingue.

— Tu m'énerves ! Mais sache que j'ai trouvé le moyen de te tuer !

— Tu m'en vois ravi.

— Stone m'a dit qu'il fallait te tirer dans l'œil droit !

— Super, tu veux une clope ?

Dépitée, Charlie regarda Scorpio proposer poliment une cigarette à l'assassin. Décidée à passer à l'action, la jeune femme posa une main à terre et une liane immense creva le sol. Elle s'étira au dessus d'eux, poussant et grandissant à toute vitesse. Tel un tentacule de kraken, la liane saisit Cinis qui lui tirait désespérément dessus et le jeta à terre d'un large mouvement circulaire. L'assassin glissa dans l'allée.

— On se le fait ? demanda Charlie.

— Ouais, un peu d'exercice va me faire du bien, dit Scorpio en craquant sa nuque et ses épaules.

Charlie valsa au milieu de la rafale de tir qui suivit, sa robe bleu marine flottant au gré de ses mouvements. Elle semblait voler avec la légèreté d'une fée et se rapprochait de sa cible. Elle profita que Cinis recharge son arme pour sauter sur une liane de transport. La plante serpenta au ras du sol en emportant Charlie qui colla un coup de pied dans le ventre de l'assassin au passage. Cinis faillit vomir et roula à terre. Il se recroquevilla en gémissant.

— Peuh, mais il est trop nul en fait... fit Charlie en sautant de sa plante.

Elle se rapprocha en attrapant un poignard attaché à un étuis à son mollet sous sa robe.

— Bah ça fait des âmes en...

Un éclair d'argent découpa l'air devant elle. Elle eut juste le temps de mettre ses bras en croix couverts d'écorce pour se protéger le visage et son front s'ouvrit. L'écorce céda suite au passage d'un couteau. Dents serrées et œil fermé pour ne pas avoir du sang dedans, Charlie recula rapidement. Cinis se redressa, une expression froide sur le visage. Un couteau sanguinolent pendait au bout d'une chaîne. Il leva son arme et fouetta plusieurs fois l'air.

Malgré son armure en écorce, Charlie se fit taillader sans comprendre. Cinis sprinta vers elle et lui rentra dedans. Elle tomba à terre suite au coup d'épaule violent, se cogna la tête contre le sol et glissa sur les dalles en pierres lisses. L'assassin se rapprocha, laissant traîner sa chaîne au sol. Un raclement sinistre.

— Peu de gens savent qu'au fond, je suis un trouillard. Mais je n'accepterai jamais de le montrer ! Je vais te tuer petite blatte ! hurla-t-il en armant son bras.

Quelqu'un lui tapota l'épaule et il se retourna, sourcils déconcertés. Scorpio lui sourit dans son dos. Cinis se mangea une salade de phalanges en pleine poire et tomba en arrière sur une table d'exposition. Il bascula du meuble et chuta. Comme si ça ne suffisait pas, des caisses en bois perdirent l'équilibre et lui tombèrent dessus. Impertinent, Scorpio se pencha au dessus de la table et s'y accouda. Seuls une jambe et un bras dépassaient du monticule de caisse.

— Malheureusement pour toi, on fait partie de ceux qui savent que tu ne vaux rien.

Il posa son index à sa tempe et le salua. Il retourna auprès de Charlie, couverte de sang et d'éraflures. Peiné, Scorpio se baissa et la prit dans ses bras. Sa respiration était saccadée et ses yeux clos. Elle semblait à deux doigts de l'évanouissement.

— Ma pauvre...

Scorpio se redressa en la calant dans ses bras du mieux qu'il put pour ne pas lui faire davantage de mal. Les caisses furent dégagés dans son dos et Cinis se redressa tel un zombie sortant de terre. Scorpio ne prit pas la peine de se tourner vers lui et se mit en marche.

— Toi !

Le tintement rapide d'une chaîne se fit entendre et le bruit ne cessa d'augmenter, signe que la lame de l'arme se rapprochait. Scorpio fit volte face et leva un avant bras devant lui. La chaîne s'enroula autour et le couteau se planta dedans avec une giclée de sang. L'homme fit à peine la grimace et soutint le regard assassin de Cinis qui tenait le manche de sa chaîne avec des muscles tendus.

Le tueur tira d'un coup sec sur son arme, la chaîne se resserra comme un boa constrictor autour du bras de Scorpio et le couteau glissa dans sa chair. Son bras céda face au tranchant et à la pression et se coupa. La lame repartit subitement vers son propriétaire emportant la main coupée de l'homme

— Hé rend moi ça ! ordonna Scorpio.

Il rattrapa le morceau de bras et le recolla sur son moignon. Le sang y coagula rapidement et souda comme par magie le membre. Scorpio leva la jambe et renvoya le second assaut avec un coup de talon. Il décida de prendre ses jambes à son cou, portant Charlie contre lui.

Malheureusement Cinis les poursuivit. Il tremblait littéralement de trouille, mais portait un masque quasi imperturbable sur le visage. Il attaqua de nouveau avec sa chaîne qui faucha les tendons derrière les genoux de Scorpio. Ses jambes lâchèrent et il s'étala de tout son long en laissant Charlie lui échapper des bras. La jeune femme roula jusqu'en dessous d'un stand.

Scorpio glissa sur le sol, ramené par Cinis qui semblait remonter un poisson au bout de sa canne à pêche. L'homme avait les pieds entortillés dans la chaîne. L'assassin avait un regard dément et le visage qui suait.

— Enfin ! cria-t-il, hystérique. Je vais te tuer Scorpio ! Je vais enfin te tuer !

Scorpio se laissa tirer sans résistance sur le dos, un air blasé collé à la figure. Arrivé à la hauteur de l'assassin il plia les jambes et balança ses pieds dans le ventre de Cinis. Il tomba à terre en se crispant de douleur et Scorpio se détacha avant de se relever et d'épousseter son veston gris et ses grandes manches de chemise. Il fit deux pas et écrasa la joue de Cinis avec son pied.

— T'es vraiment un boulet toi. Le cliché parfait du looser, dit-il en faisant un mouvement d'essuie-glace avec sa semelle sur la face du jeune homme.

Cinis lui saisit la cheville et dégaina un flingue.

— Tu arrêtes.

Scorpio se prit un plomb dans la tête et trois tiré à la suite dans le cœur. La plaie s'ouvrit et cracha une cascade de sang. L'homme tituba en arrière et posa une main sur sa blessure. Elle se referma un peu, mais sa capacité de régénération commençait à faiblir. Il prit ses distances et un autre plomb lui faucha la cage thoracique. Cinis remit une réserve de balle dans son révolver en souriant.

— J'ai jamais eu le temps de t'administrer autant de balles. En fait tu t'épuises ! Tu peux pas en prendre une infinité ! Même le diable a besoin de temps pour guérir ! Je vais continuer à te trouer jusqu'à ce que tu en crèves !

Une flaque de sang tomba au sol quand deux balles déchirèrent le ventre de Scorpio. Penché en avant, le goût ferreux du liquide lui envahissait l'œsophage et la langue. Cinis rigola à gorge déployée.

— Au final, je suis toujours Cinis ! La faucheuse de cendre ! Celui qui flirte avec la mort !

Scorpio leva sa tête pendante vers lui avec un rictus ensanglanté.

— Mon petit, flirter avec la mort, c'est flirter avec moi.

Il tendit un bras en avant, paume vers le sol et ses yeux brillèrent d'une lueur jaune plus intense. Sa tresse s'agita comme un serpent dans son dos tandis qu'un immense cercle d'incantation couleur or se déploya à ses pieds. Une horloge dont les deux aiguilles pointaient le huit. Cinis recula.

— Viens à moi Cléopâtre.

Une main entourée de bandages blanc surgit du sol, arrachant un cri à Cinis. Une seconde main avec un bracelet égyptien en or au poignet poussa de la dalle. Les deux mains s'appuyèrent sur le sol et une tête apparut derrière. Des épaules suivirent, puis le corps d'une femme se hissa à la force des bras sur la terre ferme. En tremblant Cinis suivit des yeux ce phénomène incroyable.

La femme devant lui n'avait rien de naturel. Sa peau était entourée de bandages de momie sur les bras et les jambes. Sa tunique en lin blanche semblait peser aussi lourd qu'une plume et se balançait sous l'effet d'une brise imaginaire. Des bracelets d'or et de lapis-lazuli décoraient ses poignets, ses bras et ses chevilles. Un plastron égyptien de même matière était porté à son cou. De longues et nombreuses tresses noires couvraient ses épaules. Une sorte de coiffe en or faisant penser à un aigle était posée sur sa tête.

Des yeux entièrement blanc et lumineux entourés de khôl s'ouvrirent et fixèrent Cinis. L'apparition pinça ses lèvres maquillées et fronça ses sourcils bien taillés. Elle leva les avant-bras. Deux cobras s'enroulèrent autour, surgissant de son dos.

— Vas-y ma belle, il est à toi, invita Scorpio en souriant un peu plus.

— Qu'est-ce que c'est que cette chose ??? glapit Cinis.

Il vida son chargeur sur la femme momie qui ne cilla pas. Cinis se décomposa et trembla de tous ses membres.

— Oh, un peu de respect pour la reine Cléopâtre VII, fit Scorpio. T'as vu comme elle est belle. Bon à part son nez...

Le fantôme pivota vers lui en fronçant les sourcils.

— Vous savez très bien que cela me complexe ! siffla-t-elle en grec.

Scorpio agita la main comme pour la chasser, l'air fatigué.

— Va te battre au lieu de discuter, répondit-il également grec.

— Très bien Topaz le Huitième...

Cléopâtre se lança à l'assaut en un éclair. Cinis tendit un pistolet affolé en avant et ne put la suivre du regard. Elle se matérialisa sous son nez et envoya la paume de sa main dans son menton. Sa nuque craqua quand sa tête partit en arrière. Elle fit pleuvoir les coups sur Cinis, incapable de les parer à cette vitesse là. Elle n'utilisait pas ses poings, juste les paumes de ses mains.

Cinis mit les bras en croix pour se protéger la figure. Aussitôt Cléopâtre glissa au sol, s'appuya avec les mains dessus et balança un violent coup de pieds dans le bouclier improvisé de Cinis. Ses bras dégagèrent et la momie enchaîna avec un second coup de pieds. Elle tourna sur elle-même au sol et lui faucha les jambes.

L'assassin tomba à terre et la femme égyptienne le plaqua à terre, une main à la gorge. Cinis lui attrapa le poignet mais s'immobilisa en voyant un cobra ramper vers lui, enroulé autour du bras de Cléopâtre. Il sifflait doucement.

— Pitié ! Laissez-moi !! hurla-t-il en pleurant. Je vous en supplie !!

— Qu'est-ce qu'il dit ? demanda Cléopâtre en lançant un regard interrogateur à Scorpio.

— Il te supplie de l'achever, dit le concerné en s'allumant une cigarette d'un air détaché.

— Très bien.

Le cobra se jeta sur Cinis et le mordit à pleine dents dans la jugulaire. Il cria de longues secondes tandis que ses veines changèrent de couleur. Le poison fit peu à peu son effet dans son corps et le paralysa. Il cessa de remuer. Son cœur avait sûrement lâché. Cléopâtre le tâta du bout de l'ongle et confirma son décès. Elle se redressa dignement. Elle pivota vers Scorpio, mains croisées devant elle.

— La cible a été éliminé mon Seigneur, dit-elle avec une révérence.

Scorpio bailla en la félicitant. Les âmes de Cinis rejoignirent la pierre de récolteur de l'homme. Ses blessures avaient eu le temps de guérir. Seuls ses vêtements étaient encore tachés de sang. Scorpio s'avança ensuite jusqu'à Charlie qui se redressait un peu plus loin. Elle posa une main sur sa tête en geignant. Il s'agenouilla à ses côtés.

— Tu t'étais évanouie en fait...

— Non je me faisais une petite sieste, répliqua Charlie.

Elle ouvrit des yeux effarés en voyant Cléopâtre debout dans le dos de Scorpio. Elle avait des mains crispées et relevées au niveau de son visage et des cobras sifflant autour de ses poignets. Ses yeux blanc fixaient une Charlie paniquée.

— Euh... C'est qui ça ?? Elle veut me tuer ??

Scorpio afficha un air blasé en se tournant vers la momie au dessus de lui, prête à bondir sur Charlie au moindre mouvement ou ordre.

— Dégages toi, t'as fait ton job.

Il la balaya d'un geste sec du bras et Cléopâtre disparut comme un nuage de sable. Comme si elle n'avait jamais réellement existé. Scorpio tendit une main à Charlie. Elle l'attrapa et se releva, toujours en regardant l'emplacement de la momie quelques secondes avant que Scorpio ne la renvoie.

— C'était ... une de tes invocations ?

— Bonne réponse ! C'était une reine d'Égypte, au temps des Romains. Son style de combat au corps à corps est assez efficace et ses serpents venimeux idéaux pour achever l'ennemi.

— Mais... Ça fait deux milles ans qu'elle est morte non ?

Scorpio lâcha un rire, froid, typique de ses moqueries.

— Les morts, c'est moi qui les dirige. J'en fait ce que je veux, y compris des larbins à ma botte.

— En tout cas l'antiquité nous a débarrassé de Cinis. Bon débarras, ce sale gosse commençait a m'agacer. Il t'a pas trop amoché ?

Charlie posa des mains soucieuses sur les joues de Scorpio qui secoua la tête pour la rassurer. Même s'il ressentait encore la douleur provoquée par la vingtaine de plomb qu'il a dû se prendre. Elle fut soulagée.

— Bon, allons récupérer les jeunes maintenant. J'espère qu'ils vont bien...

Elle ne fit pas deux pas qu'elle manqua de tomber. Ses chevilles tremblantes cédèrent sous son poids. Scorpio la ramassa au vol, glissa un bras dans son dos et un derrière ses genoux et la souleva dans ses bras. Elle se rattrapa à son cou avec un cri de surprise et protesta. Elle remua des jambes pour se dégager.

— Hé c'est bon je sais marcher ! Pose moi tout de suite espèce de Satan des Enfers !

Scorpio roula des yeux devant son petit manège puis avança son visage. Il lui ferma les lèvres avec les siennes et l'embrassa. Charlie se tut et cessa de gigoter. Elle grommela mais se laissa faire. L'homme s'écarta avec un sourire fanfaron. Elle soupira.

— Tu me fatigues...

— Ça c'est sûr.

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