Chapitre 3: Bataille de magie

Le gymnase de l'école était situé à cinquante mètres de cette dernière, et il fallait prendre la route qui descendait en ville pour y aller. Avançant plus ou moins en rang, la classe des secondes A se rendit au gymnase, pour y retrouver ce qui était sûrement la prof la plus acariâtre de tous les temps : Mme. Nigrum, surnommée Vautour à cause de son nez ressemblant à un bec...de vautour !

C'était une femme avec la cinquantaine, physiquement parlant, des cheveux gris coiffés en un chignon impeccable et des yeux gris argent qui clouaient n'importe qui sur place. Ça faisait dix ans qu'elle était censé partir à la retraite en fin d'année, mais à croire que cette prof increvable avait décidé d'embêter le plus de génération possible.

Ren sortit du vestiaire en sautillant dans ses baskets, tout en les laçant en même temps et emboîta le pas de ses amis jusque sur le terrain de sport. Vautour, vêtue avec son habituel pantalon militaire et tee-shirt noir attendait ses élèves  de pieds ferme, bien campée dans ses bottes militaires. Elle sortit son calepin pour faire l'appel et s'égosilla dans son sifflet pour ordonner à tout le monde de faire les deux tours de piste. Ren s'élança au pas de course et finit ses tours avec une aisance insolente qui fit pester ses amis.

— C'est pas normal de pouvoir courir comme ça sans s'essouffler ! articula Angèle en cherchant son souffle.

— Bonjour à tous, lança la prof. Je vois que nous avons une nouvelle élève parmi nous. Bien, bien bien, alors il est temps de commencer. NYA MILLER !

Cette dernière s'avança raide comme un piquet, se demandant sûrement à quelle sauce elle allait être mangé.

— Ici, à Occlasia Academy, nous avons pour tradition de confronter les nouveaux à un élève de la classe, afin de vérifier leur compétence en combat de magie. Et notre gagnante du jour est donc Nya.

Aaah, la confrontation des nouveaux. Une épreuve tant redoutée par ces derniers que par les camarades plus anciens. De une : personne ne connaissait les compétences ou la force des nouveaux, ça pouvait vite s'avérer désastreux et de deux : c'est toujours l'enfer pour les nouveaux de passer à ce test d'intégration. La prof leva son doigt et se mit à le faire virevolter dans tous les sens, cherchant des yeux une victime.

— Et qui c'est qui va y alleeeeerr ??? fit-elle en allongeant le dernier mot.

Chacun se tassa sur lui-même et se mit à chercher une occupation intéressante, évitant tout contact visuel avec la prof, espérant y échapper.

— J'aimerais choisir moi-même, si vous ne voyez pas d'inconvénient, dit Nya.

L'élève sous le doigt de la prof poussa un soupir de soulagement tandis que Vautour arqua un sourcil.

— Pourquoi pas. Faites, si cela vous chante.

Nya remercia la prof et déclara de but en blanc :

— Je voudrais me confronter à Ren.

Son ton s'était fait hautain et acide sur le dernier mot. À son nom, Ren leva la tête d'un air ensommeillé, lui qui s'était assoupi sur les matelas de gym. Sarah lui fila un coup de coude et lui signala qu'il devait y aller.

— Et ben, elle a de l'ambition la petite... souffla le jeune homme en se levant.

Un murmure s'éleva dans l'assemblée, disant que Nya était complètement folle, qu'elle allait se faire défoncer et que l'égo de Ren allait encore augmenter, déjà qu'il avait le melon. Le jeune homme lança un regard glacial à la suite de ce commentaire et Cheyenne, la rousse, lui adressa un sourire d'hypocrite. Ren se planta à côté de la prof et jeta un regard à Nya, qui fixait le mur.

— Et bien, saluez-vous enfin ! dit la prof. Une poignée de main, quelques commentaires et en avant !

La prof recula, laissant le terrain libre. Sans conviction, Ren tendit la main à Nya, qui la regarda d'un air suspicieux, sans y toucher, puis elle leva ses yeux gris vers lui.

— T'as pas mal de culot pour te confronter au plus fort de la classe, déclara Ren pour briser le silence.

— Tais-toi. C'est pas possible. Tu peux pas être là, dit-elle.

— Ben, pourtant je suis devant toi...

— J'imagine que t'as dû tricher pour pouvoir entrer ici, continua la jeune fille.

— Hein ? fit Ren en penchant la tête sur le côté.

— Peu importe. Je vais montrer à tout le monde que t'es un imposteur !

— Mais de quoi tu parles ? questionna Ren en grinçant des dents.

— Oooh.. Le cliché du gars amnésique. Peuh ! Je vais te battre et te mettre K-O., comme ça tu vas redescendre sur terre.

Sans lui serrer la main, Nya, partit se placer à un bout du terrain d'un air décidé et Ren resta planté au milieu, la main crispée et les nerfs à fleur de peau. À l'intérieur, il fulminait de d'être prit un vent comme ça, même s'il n'avait pas envie de lui faire une poignée de main.

— Saurac, on peut savoir ce que vous attendez ? demanda la prof.

Ren inspira par le nez pour se calmer et partit à l'opposé du terrain, en craquant ses poings. D'accord, il ne savait pas ce que cette sale peste avait pour lui parler comme ça, mais elle allait rapidement déchanter. Elle avait voulut se confronter à lui ? Elle sera servie.

— Vous avez le droit de vous servir des objets sur le terrain et de tout le périmètre, dit Vautour. En cas de danger, je serais là pour vous arrêter avec mon pouvoir. En piste les artistes !

À ces mots, Nya se rua en direction d'un panier remplie de ballon, en saisit un, tourna sur elle-même pour prendre de l'élan et le lança à une vitesse prodigieuse sur Ren. Il n'eut le temps de voir qu'un haricot orange tournoyant, qui lui frôla la tête en sifflant.

Il ne bougea pas d'un pouce, et le ballon s'écrasa dans le mur derrière lui dans un fracas infernal, suivit des exclamations de ses camarades de classe. Ren se retourna pour voir le ballon crevé et encastré dans le mur, fissuré de toutes parts. Il n'imagina pas l'état de sa figure s'il l'avait pris en pleine poire. Malgré la petite frayeur il afficha un sourire carnassier et lança à Nya :

— Apprend à viser !

Un éclair passa dans le regard de Nya et elle se mit à balancer tous les ballons, que Ren se mit à éviter avec nonchalance. Il ricana.

— Je vois : super force ? Pas top comme pouvoir, j'imagine que l'énergie des muscles pompe celle du cerveau.

— La ferme ! ordonna Nya.

Cette fois ce fut le panier à ballon en métal qu'elle lança sans aucune difficulté. Ren évita encore, le panier s'écrasa dans un vacarme infernal et il lui rit au nez, afin de l'agacer.

— Même pas besoin de mes pouvoirs pour me défendre ! s'exclama-t-il.

— Quels pouvoirs ??? hurla Nya. Me prend pas pour une débile !

— Mais quelle idiote, souffla Sarah, assise sur un banc et suivant le « match ».

— C'est clair, rit Derak en se frottant les mains. Elle va le provoquer et là Ren va exploser.

Esquivant à nouveau le poteau de volley lancé sur lui, Ren s'avança vers Nya en sprintant mais celle-ci lui envoya un matelas de gym droit dans la face. Ren se fit emporter par le matelas sur plusieurs mètres, tomba à la renverse, s'écorchant contre le sol en grimaçant et fut enterré sous le matelas. Le jeune homme le poussa en soupirant, fixant le plafond.

— Fais pas le malin en sachant ce dont tu es capable, c'est-à-dire rien ! continuait à crier Nya.

Ren leva la tête pour voir Nya se rapprocher en serrant les poings. Il souffla d'un air las et laissa retomber sa tête au sol, en position de la carpette, bras écartés. Nya s'agenouilla à côté de lui,  lui agrippa le col de son tee-shirt et le releva à la force du bras, armant son poing.

— Et en plus tu continues à frimer ! dit-elle. Je vas t'effacer cet air blasé que j'ai jamais pu saquer.

— Pff, fit Ren sous son nez. Fais gaffe derrière toi...

Nya fronça les sourcils et se retourna juste à temps pour voir un immense jet aquatique foncer sur elle et l'avaler toute entière. Ren remonta ses genoux, bascula en arrière pour prendre de l'élan et se releva d'une traite. Il pivota vers la masse d'eau qui tournait au dessus de sa tête, et d'un geste de la main, il fit s'écraser la bulle à terre, jetant  Nya au sol par la même occasion. Elle se mit à tousser et cracher l'eau qu'elle avait dans les poumons tandis que Ren réajustait ses mitaines en cuir marron d'un air détaché.

— Co... Comment ? crachouilla Nya en lui jetant un regard d'incompréhension. Pas possible !

Elle fit mine de se relever et Ren lui lança une bulle d'eau dessus, en faisant un large et rapide arc de cercle avec le bras. Le projectile aquatique fit faire un vol plané à Nya qui se prit le mur du stade dans le dos. Elle fit un bond sur le côté pour éviter un nouveau projectile en eau, qui fissura le mur.

— Assez rigolé, lança Ren avec un regard et un sourire sadique.

Il tendit ses deux mains en avant et un jet d'eau en jaillit en sifflant, se ruant sur Nya. Elle courut pour l'éviter mais l'eau la poursuivit avant de l'avaler et la lancer plus loin. La jeune fille roula sur plusieurs mètres et s'immobilisa. Ren, mains dans les poches la regarda un moment. Elle leva la tête vers lui et il se mit à applaudir.

— T'as voulu m'affronter, maintenant assume. J'adore ce genre de situation : plus ça a du culot en face, meilleur c'est de les voir tomber plus bas que terre.

— J'ai dit que c'était pas possible !!!

Ren soupira en la voyant se redresser, il fit tournoyer son index et une hélice en eau se forma sous Nya. L'hélice tourna rapidement, faisant décoller la jeune fille du sol. Elle se réceptionna lourdement à terre un peu lus loin et lança un regard incendiaire à Ren.

Dans son dos, il entendit certains de ses camarades de classe encourager Nya à se relever, d'autres qui invitaient Ren à l'achever en applaudissant ou encore d'autre qui le huaient en disant qu'il devait avoir honte de s'en prendre à une fille à terre. Ren tourna la tête et vit qu'il s'agissait sans surprise de Cheyenne, Antoine et leurs amis respectifs. Il fit glisser un pouce sur sa gorge en leur adressant un regard mauvais et se retourna vers Nya.

La jeune fille se releva avec la force du désespoir, ça se voyait. Elle tituba sur ses pieds et toussa encore de l'eau avant de se ruer sur Ren pour tenter de le cogner. Le jeune homme l'évita sans soucis.

— Mais comment tu fais ? demanda-t-elle.

— Pff, mais arrête de me demander ça bon sang ! pesta Ren en s'écartant pour éviter un coup. Je te demande pas comme tu fais pour soulever des trucs hyper lourd ? Alors arrête de dire que c'est pas possible ! Y en a plein des gens avec des pouvoirs élémentaires de l'eau comme moi, fais pas comme si c'était la première fois que tu voyais ce pouvoir !

— J'en ai vu des dizaines avec ce pouvoir là, c'est pas ça le problème !

Agacé, Ren lui attrapa le bras et lui flanqua un coup de pieds à l'arrière des genoux pour la faire tomber. Nya s'étala sur le ventre en grimaçant, puis se tourna sur le dos et le jeune homme se pencha au dessus de sa tête.

— D'accord : en réalité le problème c'est que t'es jalouse, dit Ren. Toi t'as un pouvoir complètement nul par rapport au miens. En plus t'es pas foutu de me porter un coup et moi j'arrive à te mettre pratiquement K-O juste avec mes pouvoirs, presque sans lever le petit doigt. Voilà pourquoi tu dis que c'est pas possible.

Depuis le début, il ne voyait pas pourquoi elle répétait cela depuis tout à l'heure, mais en vrai l'explication était très simple ! Il n'eut pas le temps de jubiler devant la position de faiblesse de son adversaire que Nya lui balança soudain son pieds droit dans le visage. Ren se redressa d'un coup en sentant son nez exploser et la jeune fille se redressa.

— Moi ? Jalouse de toi ? Descend de ton piédestal, le roi du bahut !!! En vrai t'as jamais changé !

Ren leva ses yeux dorés vers elle en essuyant son nez qui pissait le sang. Nya fit alors la dernière chose à laquelle il s'attendait : elle se mordit le poignet à pleine dents ! Il y eut des bruits choqués venant des spectateurs et Ren ouvrit des yeux effarés, tout en gardant les sourcils froncés.

La jeune fille posa sa main sur la plaie sanguinolente et en retira une épée qu'elle tendit en avant avec un air de défi. Ren était encore éberlué. Elle venait de sortir une épée de sa plaie comme on le ferait d'un fourreau !

— Ses poignets !!! beugla Matt en faisant un bond sur son banc. D'où le bandage ! Elle peut forger des armes avec son sang, c'est un pouvoir super rare !!!

— C'est dégoûtant oui, fit Pix en se retenant de vomir. Je supporte pas le sang.

— Elle doit se faire saigner à chaque fois, c'est horrible, souffla Angèle.

Sur le terrain, Nya jeta un regard rempli de crainte et de déception en direction des spectateurs, qui commentaient tous plus ou moins son pouvoir assez spécial. Elle soupira, se refit une contenance et tendit son arme en avant.

— Je vais te battre !

Elle se jeta sur lui en hurlant et Ren écarta sur le côté pour esquiver, avant de lancer un projectile en eau sur Nya, afin de lui faire faire un petit vol plané en avant. Nya chuta et roula sur plusieurs mètres avant de s'immobiliser. Son épée qui juchait à terre devint entièrement blanche et disparut.

— Pff, soupira Ren en essuyant son nez qui saignait toujours. Deux pouvoirs hein ? Si tu sais pas réfléchir et que tu fonces tête baissée, ça change rien. T'auras beau être la plus forte du monde, si tu fais que cogner, t'arriveras jamais à rien.

— Ferme-la... fit Nya, la voix cassée.

Elle dégaina une sorte de longue chaîne en métal avec une lame située au bout de sa plaie au poignet , puis tenta de se relever mais elle retomba au bout de trois pas. Elle se se remit debout et lança sa lame en avant. Ren pencha la tête sur le côté pour l'éviter et la lame repartit en sens inverse, tractée par la chaîne.

Le jeune homme tendit une main en avant et de l'eau se dirigea rapidement sur Nya, avant de l'enfermer dans une bulle d'eau. La jeune fille se mit à nager vers l'extérieur de la bulle mais elle ne pouvait pas. Ren avait modifié la pression aquatique, l'empêchant ainsi de nager ou sortir de là.

— Je pense que ça suffira, Saurac... dit Vautour.

Ren haussa les épaules, et d'un claquement de doigts, il fit exploser la bulle d'eau. Nya retomba à terre et toussa violemment, vomissant toute l'eau qu'elle avait avalée. Elle toussa tellement qu'elle se mit à larmoyer.

— Bon, qui a gagné ? demanda Ren.

Il le savait très bien, mais il posait la question uniquement pour avoir le plaisir d'entendre la prof reconnaître sa victoire. Surtout devant Nya.

— Cela semble logique : c'est vous qui avez remporté ce combat. Félicitations, vous avez défendu votre titre de « numéro un »... ajouta-elle en mimant les guillemets d'un air las.

Ren afficha un sourire satisfait et retourna à sa place, fier de lui. Que c'était grisant. Nya avait voulu se confronter à lui pour faire sa maline, au final elle avait perdu. Sa fierté allait en prendre un sacré coup.

— C'est nul... souffla Cheyenne, assise par terre.

Ren tendit l'oreille pour l'écouter.

— Qu'est-ce qui est nul ? demanda Antoine.

— J'espérais que Nya soit assez forte pour mettre une dérouillée à Ren et le faire redescendre sur terre, comme elle l'a dit. Au lieu de cela, il l'a battu, et son égo va encore augmenter... J'en ai marre, y aura jamais personne pour le remettre à sa place, le roi du bahut...

— T'as raison. Ça lui ferait du bien en vrai que quelqu'un arrive à le battre et lui colle une raclée. Malheureusement, ce genre de type est beaucoup trop fort et quasi invincible, en plus d'avoir un orgueil démesuré... Et quand on pense que quelqu'un arrivera enfin à le faire redescendre sur terre, il arrive toujours à le battre, et c'est lui qui devient encore plus chiant...

Ren poussa un grognement inaudible et s'assit sur le banc à côté de ses amis, qui eux par contre le félicitèrent pour sa victoire. Il les remercia et jeta un coup d'œil à Nya, toujours assise au sol sur le terrain. Vautour s'était rapprochée d'elle.

— On a du pain sur la planche jeune fille, dit la prof. J'ignore comment on vous a appris l'art du combat de magie au collège, mais avec  moi ça va être remise à zéro : on repart sur des bases neuves. C'est bien pour ça que je n'aime pas les nouveaux, il faut souvent tout reprendre, mais ne vous inquiétez pas, d'ici trois mois, vous saurez vous battre mieux que quiconque. Parce que vous avez du potentiel, mais il faut se servir de son cerveau, ajouta-t-elle en tapotant le front de Nya.

La jeune fille baissa la tête, l'air à la fois humble et humilié et se redressa. Elle marcha en direction des bancs et s'assit à distance respectable des autres, tête basse et bouche pincée, sûrement pour éviter de pleurer.

— Son pouvoir est juste extra ! s'exclama Matt durant l'entraînement général. Pouvoir forger n'importe quelle arme avec un peu de sang. C'est juste ultra chouette et surpuissant. Elle a une armurerie complète sur elle. D'ailleurs je me demande comment elle fait pour les fabriquer, elle pense à l'arme qu'elle veut et puis pouf ?

— Tu rigoles, c'est ultra dangereux oui ! s'égosilla Derak pour le couper. Imagine elle devient une super vilaine plus tard, elle peut avoir un couteau n'importe quand et arriver à passer la douane en douce parce qu'elle pourra le fabriquer après !

— En plus c'est pas très ragoûtant la manière d'activer ce pouvoir... ajouta Pix. Comment elle fait à chaque fois pour se mordre et se faire... Argh, rien que d'y penser j'en ai la nausée.

— Vous êtes pas sympa les gars ! pesta Angèle. Elle a pas choisi son pouvoir. Vous avez des pouvoirs géniaux, comme la gravité ou la télékinésie, donc vous devez pas savoir.

— Arrête ton cirque Angèle, dit Sarah. Ton pouvoir est cool en vrai.

— Le vent ? T'es sérieuse ? J'aurai préféré l'air ou l'éther, mais le vent ! Déjà que les pouvoirs des anges ne sont pas très variés, je me suis en plus coltiné le pire de tous.

— Arrêtez tous de vous plaindre, grogna Gabi. Vous voulez un pouvoir maudit, je vous donne le mien avec grand plaisir...

— Moi je le veux bien ! s'exclama Matt. Le pouvoir de voir l'avenir, c'est trop génial ! En plus t'auras toujours ton deuxième pouvoir, donc c'est pas dérangeant de te séparer du premier.

— Tant de naïveté... C'est justement parce que je peux sentir l'avenir que c'est une malédiction...

— Au contraire, en connaissant l'avenir, tu peux éviter une catastrophe ! C'est juste méga cool ! s'exclama Matt, dont les yeux pétillaient derrière ses lunettes.

Gabi souffla et se rassit sur son banc car elle en avait marre de faire des étirements. Elle planta ses coudes dans ses cuisses maigres et posa le menton dans ses mains.

— Sûrement pas. Je ne pourrai jamais éviter une catastrophe. Je ressens l'avenir, je ne le vois pas. J'ai ce sentiment atroce qui ne me quitte jamais jusqu'à ce que ladite catastrophe arrive. De toute manière, l'avenir ne peut jamais être changé. Alors dites pas que ce pouvoir est cool, c'est loin d'être le cas. Je suis à la limite de me dire que j'aurais mieux fait de rester comme avant..

Comme toujours, personne ne compris à quoi elle faisait  allusion...

***

Petit à petit les jours laissèrent place aux semaines, et l'automne à l'hiver. Les arbres perdirent leur dernières feuilles et celles au sol finissaient de pourrir tranquillement. Le brouillard se levait à peine en début d'après midi, mais pour laisser place aux averses. Parfois le soleil pointait le bout de son nez, peinant à réchauffer les lieux, et la vie continuait.

Le mois de novembre fila à toute vitesse, ponctué par les devoirs, les révisions, les contrôles et les entraînements de magie. À Occlasia Academy, les élèves se mirent au même rythme que la nature : au ralenti. Les profs avaient du mal à donner un semblant de dynamisme à leur cours et le froid gagnant du terrain n'améliorait pas, mais alors pas du tout la situation. Surtout à l'approche des vacances de Noël.

— N'oublions pas que dans quelques années, un peu moins de huit ans pour être exact, nous fêterons le quatrième millénaire de la fin de la Guerre, rappela pour la énième fois Mlle. Marg'ost durant le cours d'histoire. Ce sera une date historique, vous avez une chance inouïe de pouvoir vivre ça. Peu de gens ont la chance de fêter un millénaire de la Guerre : ce n'est arrivé que trois fois !

— Jure, marmonna Ren.

— Je doute que vous soyez encore ici dans huit ans, sauf si nous avons affaire à des cas vraiment désespérés et dépourvus de cerveau, mais sachez que l'établissement organisera une immense fête, comme ce sera le cas partout dans le monde. Un événement exceptionnel !

Décidément, le quatrième millénaire de la Guerre ne semblait intéresser personne. La cloche sonna la fin de la journée et les élèves se dispersèrent, ravis d'échapper à la prof. Dans le parc, l'herbe avait gelé, donnant l'impression qu'il avait neigé. Les arbres n'avaient plus aucune feuille et le ciel était blanc.

— On aura pas de neige cette année, soupira Matt, le nez et les oreilles rougis par le froid.

— Vous rentrez tous chez vous pendant les vacances ? demanda Derak en shootant dans un caillou sur sa route.

Tout le monde approuva, à part Gabi et Sarah.

— Pff, mes parents pourront pas nous garder, mon frère et moi, répondit la démone. Autant rester ici tranquillement avec Gabi.

— D'ailleurs pourquoi tu restes toujours ici toi ? demanda Ren.

— Mes parents sont militaires et toujours en déplacement... répondit Sarah.

— Et moi pas envie d'en parler grommela Gabi.

C'était toujours comme ça avec elle : jamais envie de parler de quoi que ce soit. Sarah se servit ensuite de ses pouvoirs pour allumer une flamme au creux de ses mains et se réchauffer avec. À défaut d'avoir des pouvoirs de pyrokinésie, Ren enfonça ses mains dans ses poches après avoir remonté la fermeture éclair de son manteau jusqu'en haut.

Les vacances de Noël... Le temps passait si vite et en même temps si lentement. Chaque jour se suivait et de ressemblait, comme toujours. Durant les vacances, il y aura sûrement le traditionnel repas de Noël avec toute la famille. Le genre de repas à durer des plombs, dans le vacarme infernal et bien connu des adultes ivres et les hurlements des gamins à l'heure des cadeaux...

Les adolescents retournèrent à la salle commune, où les élèves de secondes faisaient leurs devoirs sur les bureaux près des vitres ou papotaient ensemble. Les garçons rejoignirent leur piaule et comme ils n'avaient rien à faire, il firent leur valises pour les vacances.

— Bon demain, dernier cours de magie avec Vautour ! lança Derak. Pour la fameuse évaluation de fin de trimestre. Je pense que j'ai quand même progressé.

— Et y a intérêt parce que sinon c'est tout le monde qui écope de la leçon de morale, dit Matt.

L'évaluation de fin de trimestre était une manière pour Vautour de vérifier les progrès des élèves. Évaluation qui ne faisait absolument pas peur à Ren. Il progressait toujours et au cas où ça ne serait pas le cas, il n'aura qu'à improviser des tours de passe passe.

— Moi celle qui m'intrigue le plus c'est Nya, continua Derak. Vous vous souvenez au début du mois de novembre ?

— Quoi quand je l'ai éclaté avant qu'elle comprenne ce qui lui arrive ? demanda Ren, vautré dans son lit avec son carnet à dessin.

— Ouais, bah je me demande à quel point elle s'est améliorée... Vautour lui faisait des cours particulier quand nous on s'entraînait bêtement de notre côté. J'suis sûr qu'elle s'est amélioré. Ce serait bien qu'elle mette une raclée à Ren en vrai ! Juste pour rire.

— C'est ça...souffla ce dernier. Ça sera encore plus satisfaisant de la piétiner après...

— Mais qu'est-ce que t'as contre elle ? questionna Matt.

— C'est l'inverse qu'il faut demander : qu'est-ce que ELLE a contre moi ! Je sais pas si vous avez remarqué mais elle m'adresse jamais la parole, quand elle le fait c'est pour me lancer un clash dans les dents et elle arrête pas de faire des sous-entendus, comme si elle voulait me dire un truc, sans le dire.

— Ah ouais, quand elle disait qu'elle a jamais pu saquer ta tronche par exemple ? demanda Derak.

— Mais au fait : tu la connais ? demanda Pix.

— Jamais vu de ma vie... marmonna Ren.

En vrai, il avait l'impression de l'avoir déjà rencontré, mais ça ne restait qu'une impression. En revanche, Nya avait vraiment l'air de l'avoir connu. Mais où ? Et quand ? Il allait devoir tirer tout cela au clair, car il ne supportera pas plus longtemps ce petit manège. Nya le saoulait et avait l'air de lui en vouloir...

— D'ailleurs... poursuivit Matt. Pourquoi elle a parlé du cliché du gars amnésique, pour reprendre ses mots ?

— Mais qu'est-ce que tu veux que j'en sache ? rouspéta Ren. Elle délire ou elle me confonds avec quelqu'un d'autre, c'est tout. Maintenant arrêtez un peu avec vos questions...

Après cette discussion , les garçons continuèrent la préparation de leurs valises, sautant de sujets de conversation en sujets de conversation. Leurs bagages furent rapidement bouclés, prêts pour le départ de samedi, le surlendemain. Après le dîner, la soirée se termina comme d'habitude, toujours identique à celle de la veille.

Dans leur chambre, les garçons s'occupèrent en attendant l'extinction des feux, et faisaient un Uno. Les parties s'enchaînèrent jusqu'à ce que le surveillant passe dans le couloir en répétant : « au lit tout le monde ».

Le temps de grimper dans leur lit respectif, les lumières s'éteignirent. Ren se lova bien au chaud dans sa couette et se tourna sur le ventre. Matt et Derak papotèrent encore cinq minutes dans le noir avant que le silence ne retombe. Il restait juste le bruit de la pluie tombant contre le volet fermé de la fenêtre et le toit du bâtiments.

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