Chapitre 28: Face au cyborg


Le tranchant de la lame frôla le torse de Derak et partit s'écraser contre une porte blindée. Le vampire en profita pour riposter avec un coup de pied renforcé avec ses pouvoirs de gravité. Ses orteils hurlèrent en cognant contre le corps en métal du robot. Kad ricana et délogea son épée du battant en métal de la porte. Derak recula sur la coursive.

— Pourquoi tu nous agresses ?? cria-t-il.

Il se pencha en arrière et manqua de se faire découper. Il recula avec des pas rapides, évitant chaque assaut du robot berserk.

— Protocole, répondit-il. Il faut toujours éliminer les curieux et ceux qui cherchent à savoir. Et j'ai besoin de me dérouiller les circuits !

La passerelle en métal geignit quand l'épée s'écrasa dessus. Puis céda dans un vacarme métallique. Derak flotta rapidement en apesanteur pour ne pas tomber. Il regarda le robot perdre l'équilibre, glisser le long de la passerelle qui formait un toboggan et chuter à l'étage d'en dessous. Dans un coin de la réserve, Angèle hurla. En panique Derak la chercha permis les différents étages qui composaient cet entrepôt à robot. Elle était sur la passerelle du dessus, en face et criait en pointant quelque chose au sol du doigt.

— Y a une araignée énorme !!!

Le jeune homme grogna pendant que l'ange partit en courant et hurlant que l'arachnide la poursuivait. Derak voulut la rattraper mais un éclair d'argent surgit du trou qu'avait créé la passerelle. Une main de métal se referma sur son visage, au bout d'un câble aussi épais qu'un bras. Derak saisit le poignet avec les deux mains, la figure écrasée par les doigts articulés en acier. Kad sauta depuis l'étage d'en dessous, et se rua sur lui en riant. Son bras se rembobina pour retrouver sa longueur normal et le robot brandit son épée au dessus de Derak. L'épée allait s'abattre sur lui. Il était cuit.

La lame fut soudain emportée par une forte rafale de vent et le manqua de peu encore une fois. Le tranchant se logea dans une des cellules blindées qui servaient de compartiments à robot. Incrédule, Derak se tourna vers Angèle, pour la remercier de lui avoir sauvé la vie. Il l'aperçut en train de sauter dans tous les sens pour éviter l'espèce d'araignée immense et poilu qui la coursait. Elle était grosse comme une balle de hand tout de même.

L'ange donna un coup de vent sur la bestiole qui s'envola par-dessus le garde fou de la coursive. Derak lâcha un cri en voyant ce truc coloré lui foncer dessus, replia ses jambes et poussa contre le robot pour s'éloigner en apesanteur. Il flotta en vitesse jusqu'au mur à l'opposé où il s'y posa. L'araignée atterrit sur la tête de Kad. Le robot hurla, jeta son épée et agita les bras. Il se mit à courir dans tous les sens et paniquer.

— Enlevez la ! Enlevez la !

— On se tire ! lança Derak.

Angèle secoua la tête, enjamba la barrière et sauta dans le vide. Elle ouvrit ses ailes et créa un champs de vent pour planer jusqu'en bas de la réserve à robot. Derak se posa tout au fond et ils coururent vers la porte. Fermée. Derak lui donna un coup de pied et Angèle martela le battant en appelant au secours.

Derrière eux, l'araignée tomba au sol depuis les étages du dessus, puis l'épée du robot se planta dedans, à la verticale. Les adolescents se pétrifièrent sur place. Kad atterrit à côté, et posa un genou au sol. Il se redressa et récupéra son épée, taché du sang de l'arachnide.

— Vous pouvez fuir, je vous rattraperai. Les robots n'ont aucune limite contrairement à vous. Mon corps est fait du métal le plus solide, je ne suis que technologie de pointe, mon cerveau, mes réflexes, ma force, je vous suis supérieur !

— Y a dix secondes tu hurlais face à l'araignée, rappela Derak.

On pouvait penser qu'il cherchait encore à faire le fier dans cette situation, mais il était collé dos contre la porte, pour gagner quelques centimètres de distance avec la machine à tuer en face d'eux. Kad s'avança d'un pas lourd, ses bras striés comme un serpent brillant comme sa lame.

— Je ne comprend pas pourquoi ça dérange tant ! Qu'est-ce qu'il y a de bizarre a être un robot quand on peut être aussi fort ? Si j'avais su ce qu'Eileen Saurac menait comme projet, je n'aurais pas attendu de me faire détraquer pour venir ici. Je l'aurais supplié de m'arracher tout de suite mon satané pouvoir pour devenir plus vite un être androïde et supérieur !

— T'étais un détraqué ? répéta Angèle. On t'as enlevé ton pouvoir ? Mais alors...

— Et oui, c'est un mort qu'il y a en face de vous. Mon âme défunte dans un corps d'androïde.

En plus d'un réservoir de magie, Saurac utilisait les restes des âmes pour en faire des machines ? Mais jusqu'où ira son esprit tordu ? Angèle tambourina la porte en réclamant du secours. Kad ricana.

— Personne ne viendra. Personne ne vient jamais ici. Moi aussi j'ai appelé à l'aide le jour où elle m'a enlevé mon âme et mon pouvoir. Mais personne n'est venu.

Kad se jeta sur eux. Derak poussa Angèle et se jeta sur le côté avec elle. La lame passa juste dans son dos et trancha la porte de façon nette, avec des étincelles jaunes. Derak roula au sol et se cogna la tête. Sonné il peina à se redresser. Kad posa un pied contre le battant de la porte pour retirer son épée. Il jeta ensuite son dévolu sur Angèle. Elle tendit des bras tremblant vers le robot et le vent souffla. Seuls les cheveux synthétiques de Kad bougèrent. Il ricana.

— Tu fais pitié.

À ces mots le visage d'Angèle se décomposa. Elle leva des yeux humides vers l'épée qui allait s'abattre sur elle. Sa lèvre trembla. Devant la tétanie de son amie, Derak décida d'agir. Il se leva et sauta sur le robot. Il savait qu'il ne pourra rien faire contre cet être de métal. Ni le frapper, ni l'assommer. Mais il avait une idée.

Tandis que le robot tentait de le dégager en brassant l'air avec son épée, Derak utilisa ses pouvoirs sur cette carcasse de métal. Il allait faire augmenter son poids, jusqu'à ce que la gravité le tienne collé au sol. Plus les secondes défilaient, plus le robot peinait à bouger et soulever son arme. Puis arriva le moment où il tomba à terre, comme si le sol était aimanté. Derak sauta agilement du robot et atterrit un peu plus loin. Il lui fit la révérence, un sourire fanfaron sur les lèvres.

— Si le robot mort veut bien nous excuser.

— Revenez ! Vous n'allez pas vous en tirer comme ça !

— Tu dois actuellement peser plus d'une tonne avec le champ de gravité que j'ai déployé sur toi, expliqua Derak. Tu bougeras pas de si tôt !

Kad n'arrivait même pas à lever un doigt tant il semblait lourd. Derak se rapprocha de la porte coupée en deux et débarrassa le battant avec un coup de pied. Il ramassa Angèle, toujours prise d'une torpeur soudaine et ils quittèrent enfin l'immense hangar à robot.

— C'est fini. On va pouvoir raconter aux autres tout ce que cette tour fabrique avec ces détraqués. Des réservoirs de magie et des robots tueurs par dizaine. Sans compter le fait que c'est la tour elle-même qui largue les Ombres sur les sorciers. Aïe aïe aïe, j'en peux plus moi. Tout va bien Angèle ?

Elle hocha la tête et s'excusa en pleurant qu'elle avait été inutile. Derak la contredit.

— Si tu n'avais pas été là, il m'aurait tranché la tête, okay ?

— Je fais juste pitié, tout le monde le dit...

— Mais non.

— Si ! Tu l'as entendu ? Quoi que je fasse je fais pitié ! C'est pas juste !

— Mais explique toi...

Angèle ravala sa morve et se frotta les bras, gelés.

— T'as remarqué que j'étais plutôt menue comme fille.

— Tout le monde a remarqué que t'étais une planche à pain, souligna Derak.

Sous ses larmes, Angèle fixa un point dans le vide, lèvre pendante et tremblante, puis se remit à pleurer à gorge déployée.

— Et en plus mon pouvoir est nul et pas puissant ! J'arrive à peine à voler correctement en le combinant à mes ailes. Tout le monde me disais que j'étais faible ! Et c'est vrai, je ne sais rien faire. Je fais pitié et j'attend qu'on me sauve...

Derak soupira, tout en marchant dans l'énième couloir qui s'était offert à eux. Angèle faisait encore une crise qui la dévalorisait, avec ce ton agaçant qu'utilisaient les enfants en train de pleurer.

— En attendant t'es rapide et agile quand tu voles, dit Derak. Et puis tu m'avais pas dit en cinquième que tu voulais rejoindre la garde de la Cité de Kyklona ?

Angèle releva la tête, yeux en soucoupes. Son visage était humide et son nez, ses joues et ses yeux rouge vif.

— Tu t'en souviens ?

— Mais oui ! Tu rêvais de rejoindre un des bataillon, pour participer à la sécurité de ta cité d'origine. Combattre en armure dans les cieux ! Tu voulais vraiment faire ça. Je m'en rappelle parce que ça faisait un drôle de décalage avec ton tempérament et ton physique, mais tu étais déterminée à faire ça.

— Mais regarde moi : seize ans, je n'ai pas pris un seul kilo et c'est un miracle si je suis encore plus grande que Matt.

— Non, c'est un miracle qu'il ne t'ait pas encore dépassé. Allez Angèle, tu fais pas pitié ! Suis ton rêve et tu leur montreras à tous qu'il ne fallait pas te sous estimer !

Il sourit, yeux fermés et plissés et d'un coup Angèle retrouva le morale. Elle sécha ses larmes. Elle approuva et serra ses poings.

— Ok, c'est fini la petite Angèle pleurnicharde. Je vais travailler dur et je deviendrais membre de la garde aérienne de Kyklona ! Comme je me l'étais promis étant petite.

Derak applaudit puis croisa les mains derrière la tête en souriant. Angèle continua sur sa lancée :

— Tu sais, quand j'étais enfant, j'avais assisté à un meeting aérien de la garde. Les anges des troupes ont fait un show dans les airs, c'était super beau. C'était la journée porte ouverte je crois.

Le fait d'en parler raviva les souvenirs de son enfance, passée dans la titanesque citée aérienne de Kyklona. Une ville flottante à des kilomètres d'altitude, bâtie sur des rochers en lévitation et où vivaient des centaines de milliers d'anges. Le jour du meeting aérien, elle avait senti cette soudaine envie de faire la même chose que la garde. Porter une armure, une lance et défendre sa ville natale. Elle s'était mise à en rêver. Même si ses difficultés physiques la rattrapaient, elle avait gardé cette passion pour l'armée de sa tribu d'origine. Elle décida qu'elle passerait ses jours futurs à se préparer pour ça.

— Je serai Angèle Éthers, membre de la garde d'élite de Kyklona ! s'exclama-t-elle en posant son poing sur son cœur.

— Tu vois. T'as un rêve, poursuis-le ! encouragea Derak. Avec un peu d'effort et une bonne maîtrise de ton pouvoir, t'en seras capable. Quand on rentrera, tu t'entraîneras pour gagner en muscle et renforcer tes pouvoirs. Puis quand tu seras membre de la garde, tu va être encore plus fière après tous les efforts que tu auras fait, avec ta magie aussi faible que ta condition physique.

— Merci Derak, même si la dernière remarque pique...

— Désolé mais tu fais qu'un mètre cinquante pour quarante kilos, tout au plus...

— Je crois que ça ira...

Angèle soupira de soulagement une fois qu'ils eurent rejoint l'aile des détraqués, là où il y avait leur chambre. Ils entrèrent à l'intérieur et Derak lança à la cantonade qu'ils avaient bouclé l'enquête et que les infos étaient croustillantes. Malheureusement, seule Noëllya était là. Elle jouait sur la télé de la chambre, à un jeu de tennis. Elle sautillait devant l'écran comme un tennisman et brassait l'air rapidement avec sa manette.

— Et revers ! Prend ça dans les dents bouffon !

— Ben ils sont où les deux autres ? demanda Derak.

La déception suintait dans sa voix à cause de son entrée ratée. Noëllya termina son set et se tourna vers eux. Son expression faciale passa de la joie à la concentration intense, ses sourcils jouant les passages à niveau.

— Hum... Angela et Derek ?

— Presque, sourit Angèle.

— Désolé, la vilaine Ombre m'aspire la mémoire, et je n'arrive pas à bien me rappeler des choses.

En entendant cela, Angèle eut un immense pincement au cœur en regardant la démone aux cheveux blanc et à la peau couleur charbon. Ses grands yeux bleu pétillaient de vie. Pourtant, si tout ce qu'ils avaient découvert était vrai, si Saurac allait continuer, Noëllya irait peut-être un jour rejoindre les âmes et les pouvoirs en bocal... Quand elle sera devenue inutile, quand la scientifique aura finit de l'utiliser, elle s'en débarrassera.

— Je suis désolée Noëllya... dit Angèle en se retenant de pleurer.

— Bah pourquoi tu dis ça ? T'as fait quelque chose ?

— Non... C'est rien...

— Où sont Gabi et Alix ?

— Ah ! fit Noëllya en souriant, ravie de pouvoir aider. Gabi est parti chercher une petite fille et Alix avait un truc à voir à l'aile psychiatrique.

— Une fille ?

— Emi ! L'oni !

— Alix nous en avait pas déjà parlé ?

— Si, et moi je l'ai même croisé... répondit Angèle. Qu'est-ce que Gabi peut bien lui vouloir ? Je suis sûre qu'elle ne l'a même jamais vu !

— Bah ! fit Derak. C'est Gabi quoi... Elle a toujours été bizarre après tout. Je la connais depuis la sixième et elle n'a jamais changé en cinq ans. Parfois son comportement m'inquiète. Je me demande si elle aussi, elle n'a pas quelqu'un d'autre dans sa tête.

Le temps de capter le sens de sa phrase et de se rendre compte de qui il parlait, Angèle lui fila une tape sur le bras en lui disant que ce n'était pas drôle.

***

Évidemment Gabi eut beau fouiller l'intégralité du service pédiatrie et du centre des détraqués, aucune trace de la gamine Gardienne. Elle s'arrêta dans un couloir couvert de dalles gris métallisé, à l'éclairage blafard. Où est-ce qu'elle pouvait bien être ? Et surtout comment l'approcher en sachant qu'elle pouvait manipuler le temps ? Emerald l'avait briefé à ce sujet. La petite Gardienne, avec le pouvoir du dieu Diamond, pouvait arrêter le temps, le ralentir, l'accélérer comme bon lui semblait et même le remonter sur quelques jours, mais la déesse pensait que c'était peu probable.

Les Gardiens sont des réceptacles. Vos corps sont ceux d'humains, il est donc difficile de contenir l'esprit et le pouvoir d'un dieu. C'est donc pour cela que vous ne possédez qu'une faible partie de nos capacités. Toi tu ne peux supporter qu'un tiers de mes pouvoirs, ce qui est bien assez ! Cette enfant doit être incroyablement douée si elle utilise déjà la capacité d'arrêt temporel.

— Mais qu'est-ce que tu parles... souffla Gabi.

Depuis le début de ses recherches, Emerald racontait sa vie, créant une bande son continue et parfois pénible. Gabi relativisa. La grande majorité du temps, la déesse était en sourdine, car communiquer avec sa Gardienne lui consommait de l'énergie. Au moins, cette nuit elle se tiendra tranquille et Gabi pourra dormir sans rêve, ni vision, ni cauchemar.

Il est nécessaire que tu soies informée ! Ah là là, soupira la déesse. Parfois j'ai l'impression d'avoir perdu ma fratrie de vue la veille, alors que quatre milles ans se sont écoulés depuis notre séparation. A ce jour, j'ai croisé à plusieurs reprise certains Gardiens, mais toujours les mêmes: ceux de Peridot, d'Aguamarine et des jumelles Pearl et Nacre. Jusqu'alors je pensais que nous étions seulement quatre à avoir survécu, mais la rencontre avec la jeune Gardienne de Diamond vint tout chambouler. Mais passons, je m'égare.

Gabi confirma et la déesse poursuivit :

Je tacherais donc de t'informer au maximum sur les autres Douze ! Si seulement nous pouvions être réunis... Peut-être que certains connaissent les dessous de cette histoire, peut-être qu'ils savent réellement ce qu'il s'est déroulé il y a quatre milles ans. Peut-être qu'il savent pourquoi je suis encore en vie. Notre devoir divin nous aurait gardé en vie ? Mais pour quoi ?

— Et ben on va aller voir cette petite fille et discuter, même si la conversation va être dure à engager...

J'y pense. Il me vient une idée. Lorsque tu la verras, tu devrais faire un pacte de sang avec elle.

— T'es malade, elle doit avoir cinq ans, elle a pas l'air de se laisser approcher facilement et toi tu me demandes de lui taillader la main pour faire un pacte symbolique ? C'est quoi l'utilité ?

Les liens du sang sont très puissant, en les mélangeant, vos esprits seront connectés. Nous pourrions ainsi voir cette enfant et Diamond en rêve, dans une sorte de lieu d'esprit semblable à ta bibliothèque, mais commun aux Douze.

— Comme si j'en avais pas déjà assez de toi, je vais devoir me coltiner une gamine et un dieu ?

Seulement de temps à autre pendant tes rêves, ne t'inquiète pas. Nos souvenirs se retrouveraient également réunis. Imagine comme un puzzle, dont les pièces sont équitablement répartis entre les Douze. C'est seulement quand nous serons réunis et que ce puzzle sera complet que nous pourrons saisir l'entièreté des choses qui nous entourent.

— Et surtout en savoir plus sur Obsidian...

Gabi parlait avec dépit, car elle n'en pouvait plus. Entre les récents événements, leur voyage bien imprévu dans un monde parallèle, les problèmes de santé de Pix et enfin tout simplement Emerald... Quelqu'un avait l'air de lui en vouloir, quelque part dans l'univers. En y repensant, elle en avait assez...

— La vie ne m'a vraiment rien offert... soupira-t-elle.

Enfin, ne raconte pas ce genre de choses...

— T'es marrante. Je ressemble à rien, j'ai perdu mes parents à huit ans et je me coltine une déesse censée être morte pour le restant de ma vie !

Elle souffla, déjà fatiguée de s'être énervée. Emerald ne lui répondit pas, sûrement que la remarque ne lui avait pas plu. Gabi regarda son reflet dans une vitre teintée le long du couloir. Une fille maigre, plate, au teint cireux dont la seule touche de couleur était le violet de ses cernes... Même physiquement, la nature n'avait rien fait pour elle. Elle avait donc espéré une quelconque compensation quelque part... Mais rien... Elle était né sans pouvoirs. Ses parents ont péri dans un accident de train il y a huit ans. Personne n'a été là pour elle.

Puis quand elle avait ramassé cette émeraude par terre ce jour là, dans le jardin du foyer où elle était, sa vie avait encore pris un tournant... Elle avait désormais une déesse dans la tête, une mémoire et des connaissances qui ne lui appartenaient pas... Un pouvoir quasiment impossible à utiliser et contrôler. Et maintenant voilà qu'elle se trouvait dans un monde parallèle. Voilà qu'elle apprenait qu'elle n'était finalement pas seule. Que d'autres personnes avaient un œil en cristal et un dieu dans la tête.

Et que ces personnes, il fallait les retrouver et les réunir à cause de celui qui a détruit le monde.

— Désolé Emerald, je ne pensais pas ce que je disais...

Je passe l'éponge pour une fois... Il va falloir grandir Gabi et accepter la vie comme elle est. Tu ne pourras rien faire pour vivre l'existence idéale que tu espères toujours dans un coin de ta tête. Tu auras beau te répéter que tu n'en veux pas de cette vie, c'est pourtant la seule que tu mèneras, aussi injuste soit-elle.

— Je sais...

Écoute moi bien Gabi Martin. Tu es une Gardienne. Tu es la Gardienne d'Emerald la Deuxième. Tu portes en toi l'héritage des Douze, la dernière trace de leur existence dans ce monde qui a trop souffert. À toi de l'accepter.

Gabi ne répondit rien, debout et bras ballants.

— Je sers juste à ça alors... À transporter ton âme durant ma vie, jusqu'à ce que je meurs comme tous les autres, sans rien faire ? À quoi servent les Gardiens à part ça ?

Diamond aura certainement les réponses à tes questions. Il aura des réponses. Les autres auront tous les pièces manquantes du puzzle. À toi de tous les trouver à commencer par cette fillette. Ce sera ta mission.

Gabi accepta et repartit dans ce dédale de couloirs interminable. Ses nouvelles priorités seront donc de retrouver les autres Gardiens et ramener ses amis dans leur monde. Parce qu'en attendant ils étaient toujours coincés. Un éclair douloureux lui transperça la tête et lui fit cligner la paupière quand elle posa un pied à terre. Elle s'arrêta et tourna la tête vers une porte close sur sa gauche. Son sixième sens l'avait encore frappé. Elle se demanda s'il fallait l'écouter tout de suite ou non. Puis elle décida de continuer son chemin, retenant dans un coin de sa tête l'emplacement de cette porte.

L'espace d'un instant, elle avait senti quelque chose de familier en observant cette porte... Peut-être que ça les aidera plus tard.

***

Le silence dans la pièce les mettrait presque mal à l'aise, bien qu'ils ne soient plus que des robots. Les trois désincarnés attendaient sans sourciller une réaction de la part de la femme serpent assise à son bureau en face d'eux. Celui le plus à gauche avait les bras striés comme un serpent et une épée immense dans le dos. Ses yeux rouges fixaient une toile d'araignée dans un coin de plafond. Celle du milieu avait des câbles en métal à la place de ses cheveux qui formaient une queue de cheval et des yeux gris éteints. La dernière la plus à droite était une poupée de chiffon aux yeux de boutons, qui grattait une couture à ses doigts.

— Qu'est-ce que tu dis Kad ? demanda finalement Saurac.

— Que les deux sujets Derak et Angèle ont fouiné dans la salle des bocaux et à l'entrepôt. Et se sont enfuis malgré mon intervention. Je crains qu'ils n'aient découvert beaucoup de choses...

— Ah et j'ai vu la fille avec les cheveux gras se promener près de votre machine, juste au dessus de la réserve à pouvoirs, ajouta la poupée.

— Et Alix rôde un peu trop près de son alter ego Pix à mon goût, termina Grâce. Il se promène au centre psychiatrique.

Saurac se cala au fond de son fauteuil à roulette en rongeant nerveusement l'ongle de son pouce.

—  Pourquoi ces rongeurs doivent se sentir obliger de chercher et fouiller là où ça ne les regarde pas ? Tout se déroulait si bien pourtant !

— Doit-on faire quelque chose ? demanda Grâce. Si oui, je tiens à m'occuper personnellement de Pix. Ce démon a tué un de mes camarades...

Saurac soupira en entendant les propos incohérents de la cyborg. Elle tapa sur son ordinateur en hologramme pour demander une révision à son informaticien dans les plus brefs délais.

— Pourquoi Pix ? Il est très bien là où il est et n'a encore rien fait. C'est Alix qui devrait être puni pour se promener sans autorisation.

— Non, je veux me charger de Pix ! insista Grâce. J'ai appris récemment que... Peter, un ami, n'avait pas survécu à ses blessures. Ce jour où j'ai amené ce démon, il lui a explosé l'intégralité de ses os. Les squelettes ne peuvent pas survivre sans plus de quelques heures. Il était irréparable et en est mort. À cause de Pix !

— Je ne me rappelle pas t'avoir donné des notions comme l'amitié ou la vengeance, répliqua Saurac. On va remettre tout à zéro, tu en penses quoi ?

— Quoi ? Mais...

— Tu as entendu Eileen ? demanda Kad. Dodo !

Le robot avança sa main articulée près de la nuque de Grâce, il fit basculer une molette et la cyborg s'éteignit. Ses yeux cessèrent de luire et son corps devint rigide.

— Pour les deux insectes qui ont découvert la vérité sur les Ombres et les détraqués, je fais quoi ? demanda-t-il. Je peux les tuer ?

— Non.

— Plus longtemps on les laissera en liberté, plus les risques vont augmenter. Si quelqu'un de l'extérieur apprend ce que vous faites, vous risquez gros Eileen.

— Je dirais que les détraqués étaient condamnés et qu'aucun traitement n'aurait pu les sauver. Je dirais que leur ai sauvé la vie en leur offrant de nouveaux corps de robot, c'est simple ? En plus c'est la vérité.

— Oui...

— Ne t'inquiète pas pour eux, un électrochoc leur fera du bien...

Dans sa poche, ses doigts caressaient le miroir qui reposait dedans. Le contact froid de l'objet la rassurait et l'aider à avancer.

— J'en ferais des pantins bien obéissants, comme avec vous... poursuivit Saurac. Je garde la fille brune et Pix de côté, car ils sont spéciaux, je le sens, je le sais. Mais Derak et Angèle me seront bientôt inutiles. Je terminerai mon étude sur eux, puis quand l'heure viendra...

Elle laissa sa phrase en suspense. Avec son autre main, elle pianota sur une sorte d'interphone. Une voix grincheuse décrocha.

— Tu peux me prévoir une opération d'extraction d'ici une semaine ou deux ? demanda Saurac dans le micro. Au nom d'Angèle Ethers s'il te plait, pour un pouvoir de vent et une âme d'ange...

Elle agrandit son sourire mielleux et l'interphone cracha une confirmation. Saurac croisa ses doigts entre eux et posa son menton sur ses mains jointes.

— Quant à Gabi, faites en ce que vous voulez, mais sans la tuer. Poussez la dans ses derniers retranchements et qui sait... Peut-être que les dieux entendront son appel, comme pour cette petite fille. Et à ce moment là, ces deux enfants formeront le début de ma collection.

— Qu'est-ce que tu veux dire Eileen ? demanda Sacha, la poupée.

Saurac se tourna sur sa chaise et admira la vue derrière la baie vitrée. Une vue sublime sur tout le Souterrain, sur ses grattes ciels, sur ses immeubles, sur ses habitations à flanc de falaise. Sur ces étoiles artificielles qui scintillaient dans la nuit noire et éternelle. De là où elle se trouvait, elle avait l'impression d'être au somment de sa tour comme au sommet du monde.

Et si tout se déroulait comme prévu, si les instructions de son miroir étaient justes, si elle arrivait à retrouver le pouvoir des Douze alors elle pourra à la fois se sauver elle même et sauver l'Humanité. Elle ramènera la lumière et la magie des autres dimensions dans son monde. On la considèrera comme une sorte d'être divin... Un génie qui aura aidé l'Humanité.

— Une collection de joyau qui m'aidera à me tenir aux côtés de Dieu...

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