Chapitre 17: L'assassin au cœur de pierre
Accroupi au sol, Ren suivit des yeux la silhouette qui venait de sauter du toit. Il ne put se dégager de cette impression étrange, celle de voir sa copie conforme en face de soi. Les bottes en cuir du nouvel arrivant claquèrent au sol et il posa un genou à terre. Il se redressa et fit rouler ses épaules et sa nuque. Il avait un pistolet en cuivre dans chaque main. Un immense sourire carnassier étira son visage et son regard rouge sang se plissa à la fois de plaisir et de sadisme. Il renversa la tête en arrière et lâcha un rire malsain, avant de lancer à la cantonade :
— Là c'est le moment où vous partez en hurlant !!!!
Aussitôt les gens dans la rue se réveillèrent et prirent leurs jambes à leur cou en hurlant de terreur. Ren passa ses mains sous les bras de Nya, blessée à cause d'une balle et la traîna un peu plus loin à l'abri derrière un mur. Il souffla et jeta un œil au trouble fête dans la rue. Il venait de tirer sur une pauvre femme qui s'était ramassée à terre pendant sa fuite et hurlait de rire.
— C'est qui ce fou furieux ? souffla Nya en se redressant. Oh crap... Je crois que vais rester allongé là...
L'inconnu possédait des cheveux longs et noirs qui lui tombaient jusqu'aux omoplates et sur les épaules, avec des tas de mèches rebelles lui masquant une partie du front. Ses yeux étaient de la même couleur que le sang. Une cicatrice tailladait sa joue droite, à l'horizontale. Une boucle d'oreille composée d'un petit rouage doré et d'un cristal rouge pendait à son oreille droite.
Question vestimentaire il portait un sous pull rouge à col montant, un grand manteau en cuir, le tout sans manches, laissant voir ses bras plutôt musclés. Des dizaines de ceintures toutes agrémentés de recharge de pistolet, ou encore de la pierre de récolteur, lui entouraient la taille et il avait un pantalon marron. Ses mains portaient des mitaines noires à fermeture éclaire et il faisait tourner ses pistolets entre ses doigts.
— Je sais pas qui est ce guignol mais on devrait décamper... marmonna Nya. Punaise, ça frite une balle dans le ventre...
Ren se raidit sur place quand deux prunelles rouges se braquèrent sur lui. Un sourire inquiétant de psychopathe se dessina sur les lèvres de l'assassin et il s'approcha d'eux.
— Bordel il vient vers nous, jura Ren.
— Me touche pas ! râla Nya. Je souffre le martyre et toi tu veux me déplacer ???
— T'as encore la force de parler visiblement ! répliqua Ren. Je suis pas obligé de te sauver je te signale !
— Ferme là et va à la fight contre ce mec !
Nya, déjà assez pâle, blêmit encore plus quand elle jeta un œil dans la rue.
— Quoi ? grogna Ren.
— Il a disparu... Le gars est plus là...
— Il est sûrement parti... proposa Ren en grognant.
Un rire tonitruant résonna au dessus de sa tête et Ren fit un bond en arrière. L'inconnu était accoudé à la balustrade du balcon en fer forgé juste au dessus de lui. Il lui sourit, le menton dans les mains.
— Salut vous deux ! C'est la première fois que je croise des gens comme vous.
— Holy shit ! C'est le même que toi ! Un deuxième Ren ! À part la couleur des yeux et la longueur des cheveux.
Ren lui jeta un regard pour lui dire qu'il avait bien vu et surtout qu'elle se taise.
— Comme on ne se connaît pas, je ne vais pas négliger les présentations, continua l'assassin. Stone pour vous servir !
Alors c'était donc lui le fameux Stone dont Ren entendait parler depuis son arrivée ? Le pire assassin de tous ? Le numéro un ? Il fallait avouer qu'il lui ressemblait comme un frère jumeau. Et qu'il avait la classe. Mais sans savoir pourquoi, il dégageait une aura sinistre et particulière. Dérangeante...
— J'ai pour principe de trucider tout le monde avant de rentrer chez moi, me laver les mains et boire un chocolat chaud. Vous avez pigé ? En gros vous allez crever !!
Ren se baissa juste à temps en le voyant dégainer et lancer un couteau de combat. Au même moment Stone sauta du balcon et atterrit au sol. Ren le vit lever la jambe et l'instant d'après il se reçut un puissant coup de pieds dans l'estomac. Il faillit vomir son repas et se plia en deux, prostré au sol. Il sentit une de ses côtes craquer de façon peu rassurante. Stone le tripota du bout de la chaussure.
— Moi qui m'attendais à ce que tu sois projeté dans les airs et à dix mètres de là, c'est tout pourri en fait un coup de pied.
— Dégage ! menaça Ren en se redressant pitoyablement.
Stone éclata d'un rire à glacer le sang.
— Sinon quoi ?
— Sinon ça ! cria Nya.
Stone écarta la tête sur le côté et attrapa la petite dague argenté que la jeune fille jeta, après l'avoir forgé avec son sang. Les doigts de l'assassin se mirent à saigner. Ses lèvres esquissèrent un sourire.
— Que c'est mignon. T'es qui pour continuer à te battre alors que t'es à l'article de la mort ?
L'expression démoniaque de Stone fut la dernière chose que vit Nya. Il lui renvoya la dague d'un rapide mouvement de bras. Un éclair d'argent fila comme le vent. La lame glissa presque sans accro dans son crâne. La tête de la jeune fille tomba comme une masse au sol et son corps devint aussi raide qu'un cadavre. Une petite goutte de sang roula sur son front et son regard se perdit dans le vide.
Ren cligna des yeux, sans pouvoir les détacher du corps de Nya. Elle était morte. Il venait de la tuer. Comme ça. Sans états d'âme. Ren eut envie de vomir. Elle était détestable, mais elle ne méritait peut-être pas ça. Il leva les yeux vers Stone qui avait cet air satisfait sur le visage. La rage monta en lui.
— Salaud ! cracha-t-il. Comment t'as pu faire ça ??
— Qu'est-ce que tu me branche toi ?
Stone arqua un sourcil quand il vit le cadavre de Nya se changer en cendres, qui se dispersèrent dans l'atmosphère. Il regarda sa pierre de récolteur pendante à une de ses ceintures.
— Et mes âmes ?? Elle en avait pas ?
Il braqua ses prunelles sur Ren, toujours accroupi à terre et tenant son ventre douloureux. Sa respiration était sifflante, il craignait qu'une de ses côtes se soit bel et bien brisée. Stone se rapprocha de lui. Sa figure était assombrie par la colère. Un brin de folie passa dans son regard et un rictus déforma son visage.
— Maintenant je suis en rogne ! Je suis un gamin qui fais des crises quand je n'ai pas ma récompense. T'as intérêt à avoir des âmes sur toi ! Sinon je me ferai un plaisir de te dépecer pièce par pièce à notre prochaine rencontre !
Une balle ricocha contre le pavé à quelques centimètres de la tête de Ren. Il se demanda comment Stone avait pu le louper. Ren ne perdit pas une seconde et balança un puissant coup de pieds dans le genou de l'assassin, qui craqua de façon écoeurante.
Il lâcha un cri de douleur en s'effondrant à moitié au sol et Ren se redressa et prit ses jambes à son cou. Son poumon lui faisait un mal atroce, comme si une de ses côtes était plantée dedans. Il ignora la douleur et s'enfuit, le bruit du pas de course de Stone le poursuivant. Une balle siffla à son oreille.
— Non mais qu'est-ce que tu fabriques ?? Ne me dis pas que tu t'enfuis espèce de gros lâche !
Ren sursauta, ralentit légèrement la cadence et chercha des yeux la voix de fille qu'il venait d'entendre. Il la connaissait cette voix, il l'avait déjà entendu, mais ne savait pas qui c'était.
— Hein ? fit-il.
— Demi tour !!! Hors de question que tu fuies !
— Super... grogna Ren pour lui-même. T'entends des voix maintenant.
Il avait réellement l'impression que cette voix venait de l'intérieur de sa tête. Une balle manqua de lui faucher la jambe. Il fit un bond sur le côté et continua sa course dans la rue pavée. Il jeta un regard par-dessus son épaule. Stone ne le lâchait pas et rechargeait un de ses pistolet.
— Excuse-moi ??? s'indigna la voix. Comment oses-tu me traiter de vulgaire fantôme ???
— J'ai pas dit ça !
— Tu l'as pensé ! Je suis sûre que tu l'as pensé ! Tu n'entends pas des voix, non mais !
— Un peu quand même.
Une autre détonation le ramena à la réalité.
— Putain ! Mais je suis vraiment en train de me parler à moi-même comme un débile !! hurla Ren en se frappant le front.
— Tu me fatigues déjà !!! T'es qu'une mauviette! J'ai dit : DEMI-TOUR ET À L'ATTAQUE !!
Ren crut se recevoir une claque et une soudaine bouffée d'adrénaline lui donna envie de passer à l'attaque. Envahi de détermination, il prit appui sur un de ses pieds et pivota pour faire demi-tour. Stone ricana en voyant qu'il lui faisait désormais face.
— T'es une petite grenouille tellement désespérée qu'elle sauterait direct dans la gueule du serpent !
— Tu la boucles !
Ren tendit une main en avant et Stone écarquilla les yeux. Un jet d'eau jaillit de la paume de la main du premier et se jeta à grande vitesse sur le second. Ren redressa la main vers le ciel et la masse d'eau s'éleva en emportant Stone, luttant contre le courant et la pression aquatique.
Ren abattit sa main vers le sol et la bulle d'eau suivit rapidement le mouvement. Elle éclata contre le pavé, créant une vague sur plusieurs mètres et Stone se retrouva dans la flaque comme un poisson hors de l'eau. Il redressa la tête et recracha l'eau avalée avant de se battre avec ses cheveux qui lui masquaient le visage. Il les releva et les rabattit en arrière. Ses yeux rouges semblaient ne plus rien comprendre.
— Pas possible ! crachouilla-t-il.
Cette phrase réveilla de vieux démons tapis à l'intérieur de Ren. Pourquoi tout le monde lui répétait cela ? Ses muscles se tendirent et il leva la main, près à passer de nouveau à l'attaque. Stone dégaina un flingue pour tenter de lui tirer dessus.
Il pressa la détente. Ren vit la balle partir et décrivit un rapide arc de cercle avec son bras. De l'eau suivit le mouvement, formant une demi lune en suspension devant lui et dans les airs. La balle s'enfonça dans le liquide et coula mollement. Seules de petites éclaboussures giclèrent. La balle tomba à terre. Stone blêmit.
— T'as des pouvoirs. Mais comment...
Ren lui lança l'eau à la figure comme un projectile. La bulle eut le même effet qu'un violent coup et la tête de Stone partit en arrière suivit de tout le corps. Ren plia et déplia ses doigts en soufflant. Ses pouvoirs étaient pires que des armes à feu au final. Beaucoup plus dangereux. Vraiment il ne craignait rien face à ce clone aux yeux rouges et cheveux long.
Il s'avança prudemment vers l'assassin, prêt à une éventuelle riposte. Il était allongé au sol bras écartés et regardait le ciel d'un air rêveur. Du sang lui dégoulinait du nez. Il passa la langue sur sa lèvre pour lécher ce sang.
— Bon, t'as intérêt à déguerpir vite fait ! prévint Ren. Je te laisse vingt secondes pour disparaître !
Stone ricana.
— Sinon quoi ?
— Sinon quoi ? Sinon quoi ? Mais pourquoi il doit toujours il y avoir un « sinon » ?? Tu dégages et c'est tout.
— Tu ne me tues pas ? demanda Stone en se redressant sur ses coudes.
Ren ne lui répondit pas. Évidemment qu'il avait des envies de meurtre contre lui après avoir salement tué Nya. Mais ça ne sera rien de plus qu'une idée lui traversant la tête. Au grand jamais il ne pourra passer à l'acte et tuer quelqu'un. Encore moins un gars qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Il aurait l'impression de se tuer lui-même. De toutes façons, tuer ne sera jamais une option envisageable, jamais.
— Dégages...
— D'accord !
Stone se releva et essora sa tignasse épaisse qui était trempée. Il ramassa son flingue qui était tombé et le laissa tomber dans la poche intérieur de son manteau. Une poche sans fond sûrement. Ren le suivit du regard tandis qu'il le contournait. Stone s'arrêta à sa hauteur et ils se regardèrent, se faisant face comme des chats.
— Ren c'est ça ? On va bien s'amuser crois-moi.
— C'est ça...siffla l'intéressé.
— T'es nouveau je crois. Laisse moi t'apprendre un truc. Ici. Il ne faut jamais...
Le cœur de Ren manqua un battement en voyant un sourire malsain se dessiner sur le visage de Stone. Il dégaina un poignard caché dans une de ses protections d'avant bras.
— Au grand jamais épargner un assassin !
Stone se jeta sur Ren en levant le couteau au dessus de sa tête. Ren recula brusquement pour éviter le coup. La lame manqua de peu son crâne, puis lui taillada et lui ouvrit la joue droite. Ren hurla de douleur. Du sang commença à jaillir et couler de sa joue. La douleur y pulsa au même rythme que son cœur.
Par réflexe il donna un coup de genou à Stone, directement dans l'estomac, puis l'envoya en arrière avec un coup d'épaule. Ren recula de plusieurs pas et s'attrapa la joue en geignant. Ses mains et son teeshirt furent rapidement souillées. Le sang lui coulait en abondance le long du visage et dans le cou.
— À défaut d'avoir un couteau dans la cervelle, t'auras une belle cicatrice ! railla Stone. Ça fait maaaal hein ??? Allez ! C'est l'heure pour moi de mettre les voiles ! T'inquiète qu'on se reverra.
Ren lui jeta un regard noir en dépit de la douleur fulgurante qu'il ressentait dans la joue et le visage. Stone afficha un air malsain et passa la langue sur son couteau couvert de sang.
— Ce que tu me ressembles. On dirait le frère jumeau que j'ai jamais eu.
Il fit une révérence, tourna le dos et partit au pas de course. Les pans de son manteau disparurent dans une ruelle.
Un voile noir tomba devant les yeux de Ren. Il se laissa tomber sur les fesses, respirant avec peine tandis que son cœur s'était décidé à battre dans sa joue. Il regarda sa main rouge de sang qui tremblait malgré lui. Son teeshirt déjà noir était devenu luisant et encore plus sombre.
Il tenta d'évaluer l'ampleur des dégâts mais il avait tellement mal qu'il ne sentit rien quand il passa ses doigts sur la blessure. À part une pulsion de douleur supplémentaire. Mais il prit peur en sentant avec sa langue que même l'intérieur de sa joue semblait ouverte... Il était mal là.
Il se déchira une manche de teeshirt et s'en servit de mouchoir. Tandis que la rue se remplissait à nouveau de ses passants, Ren se releva et marcha d'abord un peu au hasard avant de se décider à aller voir Charlie. Puis il se demanda d'un coup pourquoi elle. Pourquoi c'était à cette presque trentenaire à qui il pensait en premier ? C'était peut-être la seule adulte qu'il avait croisé jusque là, elle pourra sûrement l'aider. Puis elle semblait si familière, étrangement.
Comme si Ren l'avait déjà rencontré, dans une autre vie. Mais où la trouver ?
Il lâcha un grognement de douleur et faillit tomber à nouveau. Il ignora les regards catastrophés de certains passants et continua sa route. Il s'arrêta un moment à l'ombre d'un vélum de café pour souffler. Sa joue lui faisait un mal de chien et bien que l'hémorragie se soit un peu calmé, elle saignait toujours. Il lui fallait des points de suture, obligé.
Il retira le mouchoir improvisé et jeta un coup d'œil dans la vitre du café pour voir son reflet, la main tremblante. Il prit peur en se voyant. Sa joue était ouverte en deux. Une balafre sanguinolente courrait de l'os de sa mâchoire jusqu'à sa paupière inférieure, en plein milieu de la joue. Il allait être marqué à vie désormais.
Il fit une mise au point avec ses yeux pour voir derrière la vitre. Des gens prenaient un café ou une bière, tranquillement. Ren vit alors l'homme qu'il avait croisé avant l'attaque, celui qui était avec Charlie. L'homme avec les cheveux noirs et tressés, les yeux en cristal, la peau bronzé et la barbe de trois jours. Il savait sûrement où elle était !
Le jeune homme entra dans le café, laissant un peu de sang sur la poignée de porte et le vit à moitié étalé sur le bar, jouant avec sa tresse et sirotant un verre de whisky. Ren s'avança. L'homme tourna ses yeux singuliers vers lui. Il arqua ses sourcils épais, mais resta blasé.
— Houlà... T'as une sale gueule toi... constata-t-il de sa voix grave.
— Je sais, répliqua Ren. C'est vous qui étiez avec Charlie ce matin.
— Question ou affirmation ?
— Affirmation. Je me souviens de vous. Vous savez où elle est ?
— Tu lui veux quoi ? Puis t'es qui ?
— J'ai besoin d'aide.
— T'as surtout besoin de cinq points de suture et d'un remontant. Jipé ! appela-t-il. Une spécialité maison ! Bien chargé.
— J'ai pas l'âge et j'aimerais me faire soigner ! pesta Ren. Je connais que Charlie en adulte ici qui pourrait m'aider.
— Pfff, cette femme est pas foutu de recoudre un bouton, alors une joue... Bon écoute, maintenant tu me connais moi aussi. Je suis Scorpio et je vais te filer un coup de main. Tu es Ren c'est ça ? Ma Charlie te connait que depuis ce matin, mais elle a réussi à parler de toi pendant un bon moment. Sacrée pipelette.
L'homme termina son whisky d'une traite, comme on finirait un sirop, jeta des pièces sur le comptoir et se leva. Il sortit du bar en s'étirant. Ren le suivit dans la rue.
— Bon Ren. Tu viens d'où ? demanda Scorpio comme pour briser la glace.
Le jeune homme n'avait pas envie de parler. En plus qu'est-ce qu'il allait lui répondre ? Un autre monde ? Personne ne peut croire à ces salades.
— De très loin.
— Hum hum, fit Scorpio, faussement intéressé. Pourquoi t'es là ?
— C'est un interrogatoire ?
— Je me renseigne, nuance.
— J'ai rien à faire là. Rien du tout. Seulement je ne sais pas comment je suis arrivé ici, donc je ne sais pas comment rentrer chez moi.
— Chez toi...
— C'est compliqué. Pourquoi je vous le dirai d'abord ? Je vous connais pas...
Sauf que pour cet homme aussi, il avait une impression de déjà-vu. Scorpio grommela.
— Tu peux me tutoyer tu sais. Je suis pas si vieux que ça... Physiquement j'ai juste un peu plus de trente ans.
Ren tira la grimace quand sa joue pulsa de façon douloureuse. Son mouchoirs improvisé était détrempé et il saignait toujours. Scorpio lui jeta un coup d'œil.
— Attends tu me fais de la peine...
L'homme se contorsionna pour attraper la besace en bandoulière qui se balançait dans le bas de son dos. Il défit la boucle pour l'ouvrir et en sortit un mouchoir en tissu.
— Tiens, histoire que tu te vides moins vite de ton sang. Je t'aurais bien proposé un plomb dans le crâne pour faire passer la douleur plus vite, mais t'as pas l'air d'être un adepte du suicide.
Ren attrapa le mouchoir et le plaqua contre sa joue en grommelant un merci du bout des lèvres. Scorpio se coinça une cigarette dans la bouche et remit sa besace dans son dos. Il gratta la molette de son briquet pour l'allumer.
— Pas vraiment non... répondit Ren. Je ne veux pas mourir.
— T'es au courant qu'ici on ne peut pas ?
Ren hocha la tête d'un air évasif pour lui faire comprendre que oui, il savait que la mort n'existait pas. Il le savait, mais l'idée de mourir lui était insupportable. Il préférait largement souffrir le martyre plutôt que vouloir être "soigné" plus vite avec une balle dans la cervelle. Ren remarqua soudain un truc.
— Comment ça « ici » ? C'est pas partout pareil ? Il y a des endroits où on meurt toujours ?
— Moi et ma grande bouche... soupira Scorpio.
— De quoi tu parles ? « Ici »... Mais dans ce monde, si tout le monde meurt, c'est la normalité et du coup y a pas de « ici » qui tienne. C'est censé être comme ça et pas autrement... Pfff, mais je raconte quoi moi ?
— T'es plus malin que t'en a l'air et tu me caches des choses, pas vrai ? Donc dis moi tout gamin, qui tu es et d'où tu viens. Et ne cherche surtout pas à me mentir.
Scorpio s'arrêta et braqua ses yeux de topaze sur le garçon, qui se sentit bien petit à côté de lui. Cet homme dégageait une aura de puissance qui imposait le respect et ce n'était pas forcément dû à sa carrure assez impressionnante. Il avait beau avoir une tête d'ivrogne insomniaque, il se tenait la tête haute, droit, fier. Un homme qui ne donnait à personne l'envie de lui manquer de respect.
Ren vit bien qu'il sentait quelque chose qui n'allait pas à son sujet. Il se demanda s'il devait lui raconter la vérité.
— Tu me croiras pas...
— J'ai vécu assez longtemps et j'ai vu des milliers de choses incroyables, impossibles ou inimaginables. Peu importe ce que tu me diras gamin, je pense que je pourrais te croire. Je me doute déjà de beaucoup de choses, qui tu es, d'où tu viens, mais je veux l'entendre de ta bouche. Mentir ne fera que retarder l'échéance, ajouta-t-il avec un sourire narquois.
Ren sentait comme une sorte d'étau se refermer sur lui. Qu'est-ce qu'il allait lui dire ? Cet homme se doutait vraiment qu'il n'était pas de ce monde ? Ce qui voulait dire qu'il savait que des mondes parallèles existaient ? Il secoua la tête, perdu. Sa joue lui faisait un mal atroce et l'empêchait de penser correctement.
— Je ne sais pas. Je ne sais plus... Qu'est-ce que je suis ? Cette question je me la pose depuis un moment, depuis que j'ai retrouvé la mémoire... Je suis perdu, vraiment, pas seulement parce que je suis dans un endroit inconnu, mais parce que j'ai mes propres soucis à régler. J'ai l'impression d'être une sorte d'humain artificiel qui n'est pas censé avoir des pouvoir et qui entends des voix...
Il se tut et prit une expression déroutée malgré lui quand Scorpio se pencha vers lui et toqua sur son front avec ses doigts, comme à une porte.
— Ça c'est parce qu'il y a des gens ici qui prennent tout leur temps et cette gamine insupportable en fait partie !
— Hein ??? croassa Ren.
— Pardon ??? fit la voix dans sa tête.
Il plaqua brutalement une main sur son oreille. Encore elle ? Mais qu'est-ce qui clochait avec lui ?? Scorpio se redressa et s'étira avant de jeter théâtralement son mégot de cigarette à terre et de l'écraser avec sa botte.
— Si tu la voies, tu lui demanderas des explications et tu la frapperas pour moi si t'en as le courage.
— Mais qui ? Tu parles de qui et de quoi ??
— De ma sœur immature, dit Scorpio avec un sourire.
Il se retourna et l'invita à le suivre. Ren souffla d'épuisement et mit tout cela sur le compte de l'alcool : cet homme avait sûrement trop bu... Le garçon se dit qu'il réfléchira plus tard et que l'urgence restait sa joue, non pas les paroles étranges d'un homme étrange aux yeux étranges.
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