Chapitre 16: Les archives de la tour
— Vous avez de la chance les gens bizarre, c'est pas souvent les raviolis à la cantine !
— Noëllya t'as déjà pris deux assiettes...
La démone ignora Alix et se servit une troisième ration d'un air enjoué. Elle attrapa son plateau et partit s'asseoir à une table dans le réfectoire de l'hôpital, trainant son porte perfusion derrière elle. Derak pesta à propos du siens.
— Sans déconner, ça sert à quoi ces trucs ? À part nous rendre tout ramolli ?
Alix planta les dents dans un petit pain et en arracha une bouchée. Il posa la moitié du morceau sur son plateau et partit se mettre à table. Angèle et Derak s'installèrent. La cantine était aussi simpliste que le reste du centre médical où ils étaient. L'ensemble des patients était installé à table et mangeait calmement, sous l'étroite surveillance d'une dizaine d'infirmiers.
— C'est vrai ça, poursuivit Angèle. Surtout que toi, tu n'en as pas...
— C'est une simple précaution que les médecins prennent avec les détraqués. Ils sont un peu zinzin, racontent n'importe quoi mais sans leur perfusion de calmant, ils sont... ultra violents parfois...
Angèle jeta un regard circulaire en déglutissant, espérant qu'aucun de ces démons cinglés ne lui saute dessus.
— Fantastique, fit Derak sans entrain. On est chez les fous... On a rien à faire là !
— C'est clair, surtout si vous faites parti du programme O.3, approuva Alix. Mais j'imagine que les médecins veulent rester prudent avec vous deux. Les nouveaux ont tous droit à une sorte de quarantaine. Le temps de mieux les connaître.
— On ne ferait pas de mal à une mouche et on est parfaitement lucide, couina Angèle. Je ne comprends pas. Qu'est-ce que c'est que ce programme O.3 ?
Elle jeta un œil dérouté à Noëllya qui commençait son repas avec sa compote de poire... Elle était en train de passer sa langue bleue au fond du pot. Alix avala un raviolis et se lança :
— Pour l'instant, y a deux programmes à la tour Saurac : celui des détraqués pour commencer. C'est là où tous les sorciers détraqués par les Ombres vont. Pour les soigner et chercher un traitement. Mais aucun n'a pu être libéré depuis le début du programme, ils cherchent toujours.
— C'est quoi ça les Ombres ?
— Des démons des ténèbres ! dit Noëllya. Les choses dans nos têtes et que ça fait la marionnette ! Mais pour l'instant ça va : la créature est loin dans ma tête et ne tient plus les fils. Pour l'instant je me sens en sécurité, mais parfois la chose dans ma tête revient et j'ai peur... Hé mes raviolis sont froids !!!
— En gros... dit Alix. Ce sont des trucs bizarre qui prennent possession des sorciers. Apparemment c'est leur magie qui les attire et les nourri, comme du carburant. Les sorciers deviennent des hôtes, des refuges pour ces choses. Mais elles les contrôlent...
— Effrayant... balbutia Angèle.
— Ensuite on a le programme O.3. Il n'y a que très peu de membres : moi et vous deux. Je ne sais pas trop comment expliquer, parce que je ne sais pas vraiment ce que c'est...
— Tu rigoles ? demanda Derak. Tu fais parti d'un programme pour faire joli ? Ils t'ont forcément dit ou fait des trucs ? Des tests non ?
Alix tourna sa fourchette dans son assiette et y entortilla des fils de gruyère fondu. Il semblait songeur. Pendant ce temps, Noëllya regardait avec attention son assiette tourner dans le micro onde, à quelques mètres de la table.
— Personne ne m'a jamais rien dit, mais j'ai des idées là-dessus. C'est Saurac qui mène personnellement ce programme. Elle dit que ces recherches formeront à terme les fondations d'un nouveau monde... Un monde dont la devise serait "connaissance, progrès et perfection"... Cette dame est vraiment inquiétante, je vous l'accorde, ajouta Alix en voyant les regards déroutés des deux autres. Elle parle toute seule devant un miroir de poche...
— Bah, à force de vivre avec les fous, ça doit déteindre sur soi, plaisanta Derak.
— Ça et la directrice serpent parle des mondes parallèles ! s'exclama Noëllya en revenant avec son assiette fumante. Le premier monde, le deuxième monde et le notre le troisième ! D'ailleurs pourquoi on dit monde parallèle et pas perpendiculaire ?
Angèle et Derak relevèrent leur tête, l'air perdu et étonné à la fois.
— Monde parallèle ?
— Mouais... Je suis pas censé trop en parler, mais bon, soupira Alix. Saurac le garde pour elle aussi. Selon elle, il y aurait trois mondes qui existent en même temps, superposés les uns sur les autres. Des mondes parallèles, ayant chacun évolué de leur manière depuis la Guerre... Ça et une histoire d'alter-ego. En gros chaque personne existe en trois exemplaires, dans chacun des mondes.
Derak et Angèle se regardèrent, n'y croyant presque pas. Tous les deux venaient de se demander la même chose : s'ils étaient dans un monde parallèle. Quelque part, cette solution absurde semblait vraie. Ils étaient dans une tour, elle-même dans une sorte de souterrain ultra futuriste. Les gens autour d'eux n'étaient que des démons et ils rencontraient une personne ressemblant tellement à Pix que ce n'était pas possible. Il serait le Pix de ce monde ?
— Croyez ce que vous voulez, mais moi j'y crois à tout ça, avoua Alix. Et puis... non, je préférerais vous en parlez un peu plus tard. En privé.
— Meuh, Alix, j'aime pas les secrets... renifla Noëllya.
Le jeune homme lui sourit d'un air réconfortant et lui caressa la tête.
— C'est pas sur toi t'inquiète pas. On finit de manger vite fait et je vous en parle. Mais promettez moi de ne pas me prendre pour un fou.
— On garantit rien... s'excusa Derak.
Le repas se termina dans le calme, puis une fois le dessert avalé, Alix demanda aux infirmiers qui tenaient plus d'agents de sécurité que de personnel médical si ils pouvaient y aller. Il rajouta qu'il allait se charger de la surveillance des trois autres détraqués.
— On est pas... ! protesta Derak.
— Chut ! ordonna Angèle en lui tirant la manche.
Ils eurent droit à des coups d'œil suspicieux et un moment, ils se demandèrent s'il ne fallait pas sourire bêtement comme Noëllya.
— On fait quoi ? demanda le premier infirmier.
— Bah, laissons les, lui fit le deuxième. Je te rappelle qu'il connaît mieux la directrice que nous... Allez-y, mais ne traînez pas dans les couloirs.
Alix leur lança un merci enjoué et annonça qu'il fermerait la marche. Le quatuor quitta le réfectoire et se retrouva dans les couloirs gelés du centre médical.
— Quartier libre ! s'exclama Noëllya.
Elle décrocha sa perfusion du socle, la mit dans la poche de son pantalon et se mit à courir dans le couloir, les bras écartés pour faire l'avion. Angèle fit de même, pour arrêter de trimballer le socle lourd et encombrant derrière. Derak essaya carrément d'enlever la sienne et l'ange lui conseilla vivement de s'arrêter là quand elle le vit attaquer l'aiguille avec les dents.
— J'en ai ma claque de ce truc ! À cause de ce machin, je peux plus utiliser mes pouvoirs de gravité. C'est si fatiguant de montre les escaliers !
— Oui, il manipule souvent son poids pour éviter la fracture de fatigue dans les escaliers ou pour tricher à la visite médicale sur la balance... expliqua Angèle face au regard d'Alix.
— Même pas vrai ! Je fais soixante cinq kilos à l'année !
— C'est de la viande sèche ! rigola Noëllya, occupée à courir comme Naruto.
— Bon Alix, tu voulais nous parler de quoi ?
Le jeune homme s'étira et fixa un moment les néons du plafond avec ses yeux olive, tout en continuant à marcher.
— Vous croyez aux autres mondes ? À ces histoires d'alter-ego ?
Le silence lui répondit dans un premier temps. Angèle et Derak se jetèrent un regard hésitant... Ils ne savaient vraiment pas ce qu'ils étaient en train de vivre, mais cette hypothèse d'avoir voyagé dans un monde parallèle leur avait traversé l'esprit. Et maintenant qu'on leur en parlait, Angèle du moins en était un peu convaincue.
— Franchement je sais plus... avoua Angèle.
— Perso moi nan... dit Derak en croisant les mains derrière la tête. J'ai jamais cru à ces histoires c'est pas aujourd'hui que ça va changer.
— Enfin Derak... Tu vois bien que la ville s'appelle aussi Occlasia... Et puis... C'est à propos de Pix, chuchota-t-elle. Tu trouves pas qu'Alix lui ressemble beaucoup beaucoup trop ?
— Ouais...
— C'est peut-être le Pix de ce monde. Bon Alix, reprit-elle à voix haute. Je pense qu'on peut y croire.
— Vous venez d'où ?
Angèle arqua un sourcil tant le changement de conversation était brutal. Puis elle soupira.
— Écoute... Prends nous pour des fous, mais il faut qu'on te dise un truc.
— Comment ça nous ? J'ai rien à voir là dedans moi ! protesta Derak.
— Je ne pense pas qu'on vienne d'ici. Ici, nous sommes dans un souterrain, dans une grotte ! Ça n'existe pas chez nous. Les gens d'ici n'existent pas non plus... Chez nous, il n'y a quasiment que des gens comme moi, Derak ou toi. Normaux quoi.
— Les vampires et les anges ça représente quand même pas la majorité. Pas plus que les démons ou les elfes. Ah d'ailleurs, y a qu'une seule espèce de démon chez nous... Les rouges à cornes de bélier !
— En bref, je pense que... Derak et moi on vient d'une autre monde. Un de ces mondes parallèles dont tu nous as parlé.
— C'est très con à dire...
Angèle ne put que confirmer. Mais en même temps qu'est-ce que ça pouvait bien être d'autre ? Angèle repensa au moment où elle avait cassé le miroir dans le grenier, puis du portail noir qui était apparu. Un portail de voyage ? Qui les aurait conduit dans un autre monde ? Probable en fin de compte... L'ange soupira et guetta la réaction d'Alix. Elle s'attendit à ce qu'il éclate de rire ou les regarde bizarrement, mais rien. Pour de vrai : il n'eut aucune réaction.
— Euuuh. Alix ?
— C'est bon le ver est dans le fruit, nous sommes cinglés et au final on a parfaitement notre place à l'hôpital psy ! débita Derak. On croit être des voyageurs inter dimensionnels, mais en fait on est juste en train de rêver ! Ou de faire une hallucination collective. C'est ça, on a dû nous shooter et on va se réveiller tranquille à l'internat et revoir les collines, le marais et le soleil et le ciel ! Pas ce foutu plafond de grotte et ces grattes ciels !
— Arrête... soupira Angèle. On dirait Matt à parler autant...
— C'est quoi le soleil ? demanda Noëllya qui cette fois se roulait par terre sur le carrelage.
— Non vous n'êtes pas fous...
Angèle et Derak lâchèrent des « kwa » surpris en se tournant vers Alix. Il se retourna pour vérifier s'il n'y avait personne dans le couloir, puis demanda à ce qu'on le suive. Il poussa une lourde porte coupe feu qui déboucha sur une cage d'escalier en métal, uniquement éclairée par des veilleuses au sol ou par les sorties de secours.
— On était pas censé rentrer à la piaule ? questionna Derak en pointant la direction des dortoirs.
— Quand le serpent est pas là, les souris dansent ! dit Noëllya en sautant dans les marches d'escalier.
— En effet. On a jusqu'à l'extinction des feux pour faire ce qu'on veut, informa Alix. Je vais vous montrer un truc.
Angèle posa un pas sur les premières marches de l'escalier et le grimpa avec difficulté. Le produit calmant l'avait vraiment rendu amorphe. Ils montèrent plusieurs étages et arrivèrent dans d'autres couloirs. Chaque niveau était identique aux autres.
— Je n'ai pas toujours vécu ici vous savez, commença Alix. Mes souvenirs sont déjà flous, mais je sais que je suis arrivé ici vers mes dix ans. Et à cette époque, on me prenait pour un fou quand les scientifiques du coin voyaient mes dessins. Normalement ils sont aux archives.
— Qu'est-ce que tes dessins ont à voir avec les mondes parallèles ? demanda Angèle.
Alix tapota une sorte de digicode sur un petit écran noir et une porte automatique coulissa, donnant sur une salle remplie d'étagères, elles mêmes croulantes sous des dizaines de dossiers et de classeurs. Noëllya se mit à courir entre les rayons, l'air aux anges de pouvoir se promener. Alix se mit à chercher un dossier, puis le trouva. Il retira le classeur de son étagère et partit s'asseoir à une table. Angèle et Derak s'assirent au sol, faute d'autres chaises.
— Saurac garde absolument tout sur ses patients. Et ça, c'est mon dossier.
Il lâcha le classeur qui devait avoisiner les dix kilos sur la table.
— T'es là depuis trente ans pour qu'il soit aussi rempli ? demanda Derak.
— Non, mais... Je suis un sujet très intéressant. Le hic c'est que je suis arrivé ici quand j'avais dix ans. Cependant j'avais déjà un dossier bien rempli sur moi... À mon nom... Et ils l'ont complété depuis.
— C'est-à-dire ?
Alix attrapa le classeur et l'ouvrit. Il attrapa plus de la moitié des feuilles et les tourna sur le côté, pour arriver à un intercalaire. Il tourna une page de plus et pointa du doigt une fiche médicale, où tout semblait consigné.
— Je suis arrivé à cette date là. Je n'avais jamais mis les pieds ici avant, pourtant l'autre moitié du classeur est aussi à mon nom.
— T'es sûr que tu n'as pas oublié toute cette période là plutôt ? demanda Angèle en pointant les feuilles précédant l'intercalaire.
Alix secoua la tête pour contredire et tourna les pochettes plastiques. Des rapports d'analyses, d'examens, d'expériences, de tests et de bilan médical s'y succédèrent. Il sortit une feuille Canson d'une pochette et la tendit à Angèle. La jeune fille y découvrit une dessin réalisé aux crayons de couleur. On y voyait une sorte de grand jardin verdoyant, avec un saule pleureur et une table d'extérieur. Un grand ciel bleu sans aucun nuage surplombait le décor et un soleil jaune dessiné à la manière des enfants semblait briller dans cette étendue bleue.
— Attends... T'as dit que tu n'étais jamais sorti d'ici, et même si c'était le cas, tu n'as pas pu dessiner ça : le ciel et le soleil n'existent pas ici, remarqua Angèle.
— On est sous terre ! ajouta Derak.
— Justement. Tout le monde ici me prenait pour un fou qui voyait et dessinait des choses irréelles. Le soleil, le ciel... Ça en faisait partie...
— Je vois pas trop où tu veux en venir... continua le vampire.
— Le soleil et le ciel n'existent que dans notre monde, pas ici, expliqua Angèle. Il n'a pu dessiner qu'en l'ayant vu de ses propres yeux...
Elle commençait peut-être à comprendre. Les allusions aux autres mondes n'étaient pas anodines.
— Quoi ??? réalisa Derak. Tu viendrais de notre monde ??
Alix se contenta d'un oui silencieux avec un hochement de tête. Il attendit un peu avant de dire :
— C'est ça. Je n'ai pas ma place dans ce Troisième monde, parce que je viens du Premier monde. Je suis un humain, alors qu'ici ce sont des démons. Ici le ciel est un mur de pierre pourtant moi je dessine le soleil. La moitié de ma vie s'est déroulé dans le Premier monde, l'autre moitié dans cette tour...
Angèle et Derak en restèrent bouche bée. Tout ceci était incroyable !
— T'es comme nous en fait ! lança le vampire. T'es un mage de notre monde et t'es coincé ici ! T'inquiète pas Alix, on va trouver un moyen de te ramener avec nous !
— Oh oui ! s'exclama Angèle. Tu vas revoir le soleil et quitter cet endroit lugubre. En plus tu dois avoir une famille là bas ? Tu vas pouvoir les revoir. Tu dois leur manquer après tout ce temps. Mais comment tu as pu arriver ici ?
— Aucune idée... dit Alix après un temps.
Comme si au contraire il savait plus ou moins.
— Nous non plus en fait on sait pas tellement, enchaîna Derak.
Angèle repensa soudain à sa famille et à ses amis. Comment avaient-ils réagit après leur disparition ? Ils n'avaient disparu que depuis deux jours, on devait les rechercher activement. Et après quoi ? Ils allaient les croire mort... Tout sauf ça. Angèle voulait dire à sa famille qu'elle allait bien, qu'elle était juste là, de l'autre côté d'une réalité épaisse comme une feuille de papier. Juste dans une autre dimension...
— On va trouver un moyen de rentrer, dit-elle. On n'a pas le choix on ne peut pas rester là indéfiniment.
— J'arrive toujours pas à y croire, répéta Derak. Et t'es coincé là depuis plus de six ans en fait ?
— Oui... Même si Saurac m'a toujours soutenue que je suis là depuis mes sept ans... Alors qu'en réalité elle a très bien compris que ce n'était pas le cas. Mais elle préfère mentir visiblement.
— C'est vrai que c'est étrange.
Angèle consulta la fiche médicale d'Alix après avoir demandé sa permission. Il y avait une petite photo de lui à dix ans, des informations comme sa taille, son poids, la couleur de ses cheveux et de sa peau et ses pouvoirs. Plus d'autres paramètres de santé. L'ange regarda la centaine de feuille à son sujet et l'autre centaine avant l'intercalaire. Avant son arrivée. Ce qui n'était pas possible... Angèle ramena toutes les feuilles sur la partie droite du classeur et regarda la première fiche d'identité. Tout de suite, elle vit que quelque chose clochait.
La fiche était au nom d'Alix Beleth. Mais il y avait quelques différences entre cette première fiche et la seconde. Angèle les repéra rapidement et cela lui glaça le sang. Le garçon de la fiche avait sept ans à la date où cette dernière a été faite. Mais ce n'était pas Alix. Pas exactement.
— Attends, ça serait pas Pix ? demanda Derak en louchant sur la petite photo.
Le garçon de la photo avait des cheveux turquoise, d'immenses yeux bleu vert, une peau bronzée et surtout un tatouage complexe autour de l'œil... Il semblait fatigué, effacé et son regard vide et mort. Un enfant à l'air traumatisé et léthargique.
C'était Pix quand il avait sept ans...
— Je... C'est pas vrai... balbutia Angèle.
— C'est pas possible...
Elle ouvrit les anneaux du classeur et retira la pochette plastique pour voir cette photo de leur ami de plus près.. Derak resta muet. Il se tourna vers Alix, pour avoir des explications.
— Moi-même je ne sais pas... répondit-il. Toute la première partie de dossier appartient à ce garçon. Il a le même nom que moi, presque la même apparence, mais je sais que ce n'est pas moi. Pourtant le reste du personnel médical pense qu'on est la même personne. Mais c'est faux. Je ne suis pas ce deuxième Alix Beleth...
— Mais il ne s'appelle pas Alix, percuta Angèle. Il s'appelle Pix... C'est notre ami... Alors pourquoi il est là ? Pourquoi il est dans ce dossier ?
— Pix... murmura Alix. Dans mon autre vie, c'est comme ça qu'on m'appelait... Mais à force de me faire appeler « Alix », c'est devenu mon nom...
Angèle regarda à nouveau la fiche d'information où leur ami était affiché. Pourquoi était-il là ? Elle ne comprenait plus rien. Elle feuilleta les quelques feuilles de la première partie du dossier. Là aussi, ce n'était que des rapports d'analyse.
— "Sujet violent. Placé à l'isolement" ? lut-elle sans en croire ses yeux.
— Qu'est-ce tu racontes ? demanda Derak.
— C'est marqué là. À propos de Pix. "Souffre de crises de démence" ? Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque ?
— C'est pas lui, ça peut pas être possible ! répéta le vampire plus pour se convaincre lui-même. Alix explique nous s'il te plaît !
— Vous... le connaissez ? Ce deuxième Alix ?
— Il s'appelle Pix c'est notre ami ! dit Derak. On se connaît depuis toujours !
— Enfin... depuis la cinquième du moins... Ce qui doit faire quatre ans... murmura Angèle.
— C'est peu pour dire toujours, remarqua Alix.
— Mais enfin Pix ne peut pas venir d'ici ! Il s'en souviendrait sinon ! Et puis, il n'a rien d'un démon...
Sa voix se brisa, puis Angèle se rendit alors compte d'une chose. Pix et Alix étaient des alter-ego. Si Alix était la version du Premier monde, le leur, ça voulait dire que son alter-ego Pix était forcément la version du Troisième monde...
Pix venait de ce monde souterrain.... Il avait vécu dans cette tour avan d'être "remplacé" par Alix... La preuve était sous leurs yeux, dans ce dossier.
— Alors c'est vrai tout ça... réalisa Angèle. Pix ne vient pas du même monde que nous ? Il vient d'un autre monde. Et on ne l'a jamais su.
— Je suis même pas sûr que lui-même le sache, dit Derak. M'enfin... On a un ami d'un autre monde.... (il marqua une pause, comme pour réfléchir ou encaisser la nouvelle). Pourquoi tu nous parles de tout ça au fait ?
Alix afficha un triste sourire en se tournant vers eux.
— Disons que ça fait partie des premières recherches du programme O.3... Des recherches sur les autres mondes et les alter-egos. Et vous deux, vous êtes là pour renouveler les sujets d'expériences de ce projet.
Décidément les choses devenaient de plus en plus inquiétantes. Ils avaient tous intérêt à sortir d'ici au plus vite. Angèle attrapa le gros classeur dans ses bras en demandant si l'emprunter était possible. Alix lui dit qu'il n'y avait pas de soucis étant donné que rares étaient les personnes qui s'aventuraient encore aux archives, avec la numérisation d'absolument tous les documents.
— Ça fera un peu de lecture, dit l'ange en se relevant. Toute cette histoire à propos de Pix m'intrigue. Qui est-il vraiment ?
— Une personne qui vient de ce monde et s'en souvient pas... répondit Derak. Vous auriez pas échangé vos places des fois ? Parce que c'est quand même bizarre que vous vous retrouviez chacun dans un autre monde qui est pas le votre.
— C'est l'hypothèse de Saurac. Elle sait très bien que je suis l'alter ego de son ancien sujet... Mais elle ne l'a jamais dit explicitement. Et grâce à moi, elle avance dans ses travaux de recherche sur les autres mondes. Bon on devrait y aller. Noëllya ?
Alix se leva et appela son amie en arpentant les rayons. Pour l'aider, Angèle et Derak la cherchèrent, mais aucune trace de la démone joviale. Ils sortirent dans le couloir en l'appelant.
— Où elle est passé ? grommela Alix. Nono !
— C'est pas elle là bas ? demanda Angèle.
Elle s'aventura prudemment dans la pièce d'en face, ouverte. Elle alluma la lumière en appuyant sur l'interrupteur minuterie et découvrit une salle informatique à priori, avec une porte donnant sur une pièce communicante sur la gauche. Elle vit Noëllya accroupi au sol sous un bureau, dans la continuité de l'encadrement de la porte.
— Elle est là ! appela Angèle. Noëllya tu viens ? On va rentrer à la chambre pour aller dormir.
Elle s'approcha et faillit trébucher sur quelques chose. Elle manqua de marcher sur des brisures de verre et de s'ouvrir le pied par la même occasion. Un gloussement sinistre lui donna des frissons.
— Tu viens ? répéta-t-elle en enjambant les bouts de verre.
— Mes pierres préééécieuses...
La voix haut perché qui venait de résonner était celle de Noëllya. Angèle finit par se blesser au pied et lâcha une larme de douleur. Elle se baissa pour retirer le tesson de verre qui lui était rentré dans les pieds et observa les morceaux translucides, puis un couvercle en métal un peu plus loin.
— On dirait un bocal de compote... fit-elle. Noëllya ?...
Sa voix mourut quand la démone tourna la tête vers elle. Son sourire était carnassier et exhibait l'ensemble de sa dentition pointue. Son regard était dément et une lueur jaune y brillait. Angèle se pétrifia sur place en la voyant ainsi.
— LES GAAARS !!! glapit-elle.
— Donner jolie pierre précieuse à moi ??? demanda Noëllya. Rendez ce que vous nous avez pris !!!
Angèle hurla en la voyant bondir sur elle. Une force invisible la saisit et la ramena rapidement en arrière, la faisant léviter au dessus du sol. C'était Alix, qui venait de la tirer de là avec ses pouvoirs. Il la réceptionna et se plaça devant. Derak demanda à Angèle si elle n'avait rien, vérifiant en même temps.
— J'ai eu la peur de ma vie... C'était Noëllya !
— Bon, sa perfusion doit être vide... fit Alix. Les effets du produit calmant ont dû se dissiper.
Noëllya pointa sa tête dans l'entrebâillement de la porte, toujours avec un air dément. Elle déambula vers eux, avec une démarche de pantin. Alix fit reculer Angèle et Derak, les protégeant avec les bras écartés.
— Noëllya... S'il te plaît. On va te ramener aux infirmiers et ils vont te remettre le petit produit calmant... Sois tranquille et suis-nous.
— Saletés d'humains de l'autre monde ! Nous vous détestons !
Noëllya leur bondit dessus en un éclair. Alix tomba à la renverse quand la démone lui griffa le visage, puis l'éloigna avec ses pouvoirs. Derak se dégagea et se plaça en position d'attaque. Puis il se souvint qu'il n'avait plus ses pouvoirs à cause de cette imbécile de perfusion. Il serra les dents pour de bon et retira l'aiguille de son bras. Des gouttelettes de sang perlèrent le long de son bras blanc.
— Si tu veux pas être blessée, reste loin de nous. Sinon tant pis pour toi : les mages d'Occlasia Academy ne font pas dans la dentelle !
— Non ! supplia Alix en lui agrippant le bras. Pitié ne la blesse pas ! Elle n'y est pour rien... Je t'en supplie...
Angèle eut le cœur brisé en voyant le jeune homme se mettre à pleurer. Sa voix s'était cassée et il continuer à implorer Derak de ne pas blesser son amie.
— C'est bon arrête de geindre, finit-il par pester. La vache, ça se voit que Pix et toi vous êtes les mêmes, pas un pour rattraper l'autre en terme de jérémiades.
Il réfléchit à la meilleure stratégie possible pour pouvoir fuir.
— Bon on va jouer à un jeu, proposa-t-il en craquant ses poings. Ça s'appelle le jeu de la machine à laver ! Tu veux jouer ?
— Oh oui !! s'exclama Noëllya. Et après je vais vous tuuuuer ! Avec du sang !
— Tu m'en vois ravie, ricana Derak en faisant une référence.
Il colla ses doigts entre eux et Angèle recommanda à Alix de s'accrocher. Il saisirent chacun un bras de Derak. Ce dernier activa son pouvoir. Aussitôt le couloir se mit à tourner lentement autour d'eux. Il se redressa petit à petit jusqu'à atteindre la verticale.
— On est parti ! s'exclama Derak.
Alix et Angèle ne purent s'empêcher de crier quand ils partirent en chute libre le long du couloir à la verticale. Noëllya hurla de terreur elle aussi et ils tombèrent tous dans ce grand puit qu'était devenu le couloir. Derak aperçut la porte de la cage d'escalier et annonça un changement de gravité imminent. Le couloir entier pivota à nouveau et la chute changea de sens, direction les escaliers.
Ils chutèrent dans l'espace au milieu quand soudain un froid glacial se répandit dans la cage d'escalier. Angèle loucha sur un flocon de neige qui flottait devant son nez. De la glace se matérialisa soudainement entre les marches et bloqua la descente. Derak changea le sens de la gravité juste à temps, évitant de justesse un vrai mur de glace.
Dans une explosion de petits morceaux de glace, Alix et Angèle furent projetés contre un des murs et Derak contre le « plafond » des marches. Ils se ramassèrent avec douleur contre leur sol respectif. Aucun d'eux n'était dans le sens conventionnel de la gravité... Le vampire se redressa, tête en bas par rapport à la normale et observa l'immense mur de glace qui leur avait bloqué la route.
— C'est dingue ! s'écria Alix. J'ai l'impression d'être normal et pourtant je suis sur le mur ! C'est le monde à l'envers !
Angèle était également contre un des mur, l'escalier et Derak à l'horizontale et Alix au dessus d'elle et la tête en bas. Elle ne ressentit aucun vertige à cause du fait d'être sur le mur. Elle avait plus l'impression que c'était le bâtiment qui avait tourné. Pour l'instant c'était plus cette soudaine glace surgit de nulle part qui l'inquiéta. Elle aperçut Noëllya pointer sa tête et remonter les marches de l'escalier. Elle ne parut pas perturbée le moins du monde de voir deux personnes sur les mur et un au plafond.
— Vive le vent d'hiver ! chantonna-t-elle.
— Elle a des pouvoirs de glace ?? glapit Angèle avant d'éternuer a cause du froid.
— Euh... Oui, répondit Alix. C'est elle qui vient de faire cette muraille de glace.
La glace recouvrait en effet une bonne partie des escaliers et bouchait leur échappatoire. Ils ne pouvaient plus que monter, à condition que la démone soit d'humeur à les laisser partir. Ce qui ne semblait pas être le cas. Elle ricanait bizarrement et les fixait avec des yeux et un sourire malsain.
— Vous allez être tout congelé comme les langoustes ! s'exclama Noëllya en faisant virevolter des flocons de neige dans ses mains. Jouons à un jeu : ça s'appelle un deux trois soleil. Le premier qui bouge sera congelé et bougera plus jamais. Que le jeu commence !
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