Chapitre 15: Péripéties ferroviaires et retrouvailles


Un sentiment de panique se diffusa rapidement dans les wagons du monorail aérien, peu de temps après l'accident qui avait paralysé le métro entre deux stations. Les gens sortirent rapidement des armes à feu de tout type, du minuscule revolver à la mitrailleuse sophistiquée mais antique en passant par des fusils à pompe. Ren se sentit mal à l'aise d'un coup.

— C'est pas normal hein ? fit-il.

Mathieu secoua la tête pour dire que non.

— C'est un piège ! s'exclama soudain une femme dans la rame.

— Un get apens d'un assassin  ! Seigneur nous sommes tous fichus !

Partout les gens se plaignirent à propos des sommes d'âmes et de leur économies qui allaient partir en fumée.

— Me voilà impliquée au cœur d'un incident qui est sûrement un piège d'un assassin ! s'exclama une voix joyeuse au milieu des passagers. Qui est-il ? Combien de personnes vont s'en sortir ? Votre fidèle Charlie vous tiendra au courant !

Ren se tourna et vit une jeune femme aux cheveux blonds, accroupi à terre devant un immense sac à dos de cuir. Sa tignasse raide était attachée en queue de cheval, laissant deux mèches trop courtes libres sur les cotés de son visage.

Elle tenait un micro argenté devant le visage et relié à une sorte de station d'enregistrement radio miniature. Elle avait une chemise à manche longue et bouffantes, un pantalon taille haute pleins de trous au niveau des genoux, une sorte de corset en cuir avec de nombreuses ceintures et des bottes en cuir.

Elle tourna un œil bleu saphir vers Ren, l'autre étant masqué par un cache œil composé d'une sorte lunette de soudure en cuivre et d'un bandeau en cuir. Elle bloqua en le voyant. Des taches de rousseur assez discrètes parsemaient son visage de poupée. Avec une démarche de canard peu élégante elle se rapprocha de lui.

— Dis moi gamin, tu ne serais pas de sa famille par hasard ?

— Pardon ??

— Mathieu !! On se fait emmerder par la presse ! pesta Samirah en secouant son ami comme un prunier.

— Madame Levillier, c'est pas trop le moment, soupira Mathieu.

— Madame ??? s'offusqua la blonde. Je n'ai que vingt sept ans saleté ! Puis c'est toujours le moment pour faire un reportage ! Des assassins ont bloqué un métro et vont faire un vrai massacre, ça va faire monter l'audience ! ajouta-t-elle d'un air dément avec un immense sourire. Dites, de quel assassin pensez-vous qu'il s'agisse ? J'ai ma théorie là-dessus. Au fait jeune homme, tant que j'y suis, seriez vous le frère jumeau de Stone ?

Ren lança un regard de détresse à Mathieu et Samirah tandis qu'on lui mettait le micro en argent quasi dans la figure. Une des vitres du monorail explosa dans un vacarme monstre et des coups de feu retentirent au milieu des cris de panique de la foule. Ren se mit à l'abri derrière une des banquettes, le cœur cognant violemment.

D'habitude, il n'avait peur de rien. Mais c'était la première fois qu'il tombait au milieu d'une fusillade. Personne ne pouvait être préparé à ça. Il jeta prudemment un œil derrière une des banquettes, tremblotant légèrement. Son estomac se révulsa quand il vit Samirah gisant face contre  terre dans une marre de sang noir. Sa tête était sur le côté et le liquide rouge coulait d'un trou causé par une balle dans son front

Il plaqua une main sur la bouche, horrifié. Ça devait être la première fois qu'il voyait un mort, autant dire que ce n'était sûrement pas à force de voir des films qu'on pouvait s'y préparer. La pierre de récolteur que portait Samirah sur sa mitaine se mit à briller et des sortes de feux follet colorés s'en échappèrent et fusèrent vers le bout du wagon, en compagnie d'autres âmes. Toutes les petites flammes rejoignirent un autre récolteur porté en ras de cou par la fille situé dans le métro, celle qui venait de faire irruption et d'ouvrir le feu, tuant la quasi-totalité des passagers.

— Merde, jura Mathieu. C'est Malya, la numéro huit il me semble.

Ren jeta un regard rempli de peur difficilement dissimulée à cette fille. Dire que le premier « assassin » qu'il rencontrait était déjà dans le top dix... La fille avait la même sorte de tenue qu'on portait ici, mais adaptée à une vie de terrain, dans le genre aventurière post-apocalypse. Ses cheveux châtain se balançaient dans son dos et étaient tressés. Elle avait un masque noir qui lui cachait la bouche et des sortes de lunettes en métal steampunk sur les yeux. Son corps était fin et élancé et un pistolet fumait au bout de son bras.

Mathieu murmura qu'il allait tenter de l'attaquer et compta jusqu'à trois. Ren voulut le rattraper en le voyant surgir de derrière la banquette et tendre son flingue droit devant lui. Le blondinet tira une balle et la détonation fit claquer les tympans. La balle ricocha sur une des protections d'avant bras en métal de la fille.

Elle riposta en lançant un couteau de combat. La tête de Mathieu partit en arrière quand il se le reçut dans le crâne, puis tout son corps chuta. Du sang gicla sur le sol du métro quand il heurta le sol. Ren détourna la tête, prêt à vomir son petit déjeuner. Sa tête se mit à tourner tant il se sentait mal.

Un dernier passager tenta de partir à l'assaut mais la fille lui tira une balle en plein crâne, sans même lui jeter un regard. Emporté par son élan son corps tomba en avant, puis un silence de mort s'installa. Il n'y avait plus personne de vivant dans la rame, à part cette assassin et Ren. Le jeune homme avait plaqué ses deux mains sur la bouche pour s'empêcher de faire du bruit avec sa respiration saccadée. Son cœur faisait un bruit si monstrueux qu'il avait peur que la fille l'entende.

Il allait se faire tuer, obligé... Il n'avait pas envie de mourir et se trouvait au pied du mur. Il suivit du regard les âmes de Mathieu qui rejoignirent le récolteur de l'assassin. Ren profita qu'elle change de wagon et ait le dos tourné pour ramper un peu plus loin à l'opposé de là où elle allait. Il évita soigneusement de regarder les cadavres de Mathieu et Samirah.

Il se posta tout au fond du wagon et lâcha un soupir. Il sursauta en voyant qu'il y avait déjà quelqu'un sur place.

— Raaah merdouille, j'ai emmêlé le fil de mon micro. Chier !

La journaliste blonde, accroupi devant son sac à dos, se tourna vers Ren et le fixa avec son œil gauche blasé, qu'elle cligna plusieurs fois.

— Ah t'es toujours là toi ?

— Qu'est-ce qu'on va faire ?? demanda Ren en se retenant de crier.

Sa voix qui partait complètement dans les aigus trahissait sa peur. La journaliste haussa les épaules et fronça les sourcils en voyant la dizaine de nœud qu'avait fait son fil de micro.

— Je l'avais enroulé nickel pourtant, je me demande comment ça peut faire des nœuds comme ça. Ça pourrait faire une petite chronique intéressante : les fils qui s'emmêlent tout seul alors qu'on les enroule bien.

— On va se faire tuer ?? questionna encore Ren.

— Si elle ne revient pas, on a une chance de s'en sortir. Mais de toutes façons cette fille est très minutieuse et revient toujours voir s'il ne reste pas des gens à tuer. Et elle loupe rarement ses cibles. Donc :désolé mon loulou, on est foutu.

Ren ne comprit pas pourquoi elle afficha un grand sourire. La jeune femme lui tendit une main agrémenté d'une mitaine en cuir.

— Je m'appelle Charlie au fait. De base Charlotte, mais ça fait trop nom de pâtisserie. Tu sais la charlotte aux fraises !

Ren lui serra la main d'un air un peu absent, plus inquiet à cause l'assassin qui rôdait que par les noms de gâteaux. Il inspira et se refit une contenance. Il était hors de question de craquer maintenant.

— Écoutez...

Charlie le coupa tout de suite, l'air en rogne et son visage vira au rouge.

— Comment ça « écoutez » ??? Je ne suis pas une vieille fille pour qu'on me vouvoie ou pour que l'on m'appelle « madame » ! On doit avoir que dix ans d'écart ! Ça sera « tu ». Puis d'abord : qui es-tu gamin ???

Évidemment elle venait de crier tout cela... Ren se crispa en entendant les semelles en métal des bottines de l'assassin marteler le sol pour revenir. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, la jeune fille arriva à leur cachette et leur braqua un pistolet dessus, les dominant de toute sa hauteur.

— Ça serait trop demandé une interview pour savoir comment tu as réussi à bloquer tout le métro  ? demanda Charlie avec un sourire forcé. J'étudie les méthodes des assassins...

Elle flippait, ça se voyait.

— Secret professionnel, répliqua la fille.

Après un examen visuel plus complet, Ren se rendit compte qu'elle ne semblait pas si vieille que ça. Elle avait l'air d'avoir son âge même. Une adolescente qui se proclamait assassin et passait son temps à tuer, au point d'être dans le top dix ? Tout d'un coup, elle eut juste l'air d'une enfant capricieuse qui se la jouait.

— Dis, t'essaie de faire quoi au juste ? Te donner un genre ? T'es qu'une gamine et tu te la joues comme ça ? Ça craint...

Ren avait déclaré cela d'un ton calme, complètement en décalage avec ce qu'il ressentait quelques instants plus tôt. Charlie lui jeta un coup d'œil affolé avec un son étranglé mal étouffé.

— Pardon ??? lança la fille. Tu me cherches peut-être ? Attends...

Elle rangea son pistolet et se pencha vers Ren, le soumettant à un examen visuel minutieux. Ses sourcils se froncèrent au dessus de ses lunettes.

— Stone ? fit-elle.

Ren ne savait pas qui était ce Stone, mais ces allusions commençaient à l'agacer fortement. Quant il vit que la fille tentait discrètement de dégainer un couteau, sans doute pour pouvoir l'attaquer bien salement, il décida d'agir. Il lui saisit les épaules et lui flanqua un coup de tête dans le nez. La fille lâcha un cri de douleur et son poignard tomba à terre. Elle s'attrapa le nez en titubant en arrière et Ren attrapa le bras de Charlie.

— On se barre !

— Raaah mais lâche moi le mioche, je sais me lever toute seule  !

Elle se débarrassa du bras de Ren et se redressa. Elle lança son immense sac sur le dos, releva la tête et cria en pointant quelque chose du doigt. Ren se retrouva avec un couteau sous la gorge et les mains dans le dos sans comprendre. C'était l'assassin, qui venait de se reprendre et de l'attraper.

— Je ne sais pas qui tu es, mais sache que...

Ren lâcha un râle d'exaspération et balança violemment la jeune fille par-dessus son dos. Elle eut le souffle coupé au moment où elle se cogna contre le sol.

— La ferme. Tu me gonfles.

— Et si on s'en allait ? proposa Charlie en enjambant l'assassin.

Elle attrapa les portes du wagon et les écarta à la force des bras. Le vent se mit aussitôt à souffler, faisant s'agiter sa queue de cheval et la jeune femme jeta un œil en contrebas. Vingt mètres les séparaient du sol... Charlie sembla réfléchir et jeta un coup d'œil à Ren, l'air hésitante.

— Qu'est-ce qu'on attend pour y aller ? demanda le jeune homme en se rapprochant des portes du wagon.

Il lâcha un son étouffé quand il sentit un violent coup dans sa nuque. Une onde de douleur se propagea le long de son corps, lui paralysant automatique les muscles. Sa vue se troubla et ses jambes se dérobèrent sous son poids, le faisant tomber à terre. Il rampa à quatre pattes, les oreilles sifflantes. Une semelle s'écrasa dans son dos et l'air fut expulsé de ses poumons.

— Machin ! s'écria Charlie.

— C'est Ren !

— Tu le laisses ! ordonna la journaliste à l'assassin.

Ren eut des sueurs froides en entendant le claquement sinistre d'une culasse de pistolet. En un éclair, la journaliste se rua en avant. La fille assassin eut un sursaut de surprise et braqua le flingue en avant. Charlie s'écarta de la trajectoire et donna un violent coup avec le coude sur l'avant bras de la fille.

Elle se crispa et lâcha son arme qui se fracassa bruyamment au sol, mais réagit rapidement en envoyant un coup de couteau droit sur la journaliste avec l'autre main. La femme se baissa en vitesse et lui fit une balayette avec les jambes. L'assassin chuta à terre et Charlie la plaqua au sol.

— Lâchez moi !!! ordonna la fille.

— Fais de beaux rêves ma grande !

Charlie lui arracha son masque et lui colla une main sur la bouche et le nez, en la maintenant immobile au sol. La fille se débattit mais finit par se ramollir. Elle sembla lutter puis ses paupières se fermèrent et ses muscles se relâchèrent. Charlie se redressa prudemment et souffla en voyant qu'elle s'était bel et bien endormi. Ren se releva en se massant le dos, à la fois ébahi par les capacités de cette femme et n'y comprenant plus rien.

— Maintenant on y va ! s'exclama la journaliste.

— Comment...

— Je sais, j'en ai pas l'air surtout avec mon gros sac à dos, mais je suis très douée au combat. Je dois avoir une corde ou un pistolet grappin là dedans d'ailleurs. Pour descendre.

— Non, mais comment tu as fait pour l'endormir ?

L'œil visible de Charlie se perdit dans le vide le temps d'une réflexion.

— Et bien... Les bracelets de mes mitaines contiennent une substance soporifique. C'est tout.

— Ah ouais... ?

Ren ne savait pas si c'était crédible ou non. Tout était possible après tout, avec ces histoires d'artéfact... À force de fouiller dans sa sac Charlie finit par trouver une corde et brandit sa trouvaille.

— Génial ! C'est dans ces moments là que t'es content d'avoir un sac sans fond et surtout n'importe quoi dedans. Je vais te faire descendre en rappel et je vais me débrouiller pour descendre moi-même. Je doute qu'il y ait des gens encore vivant... Il n'y a que deux wagons et à part nous, je n'ai vu plus personne.

Ren se tourna vers l'emplacement des cadavres de Mathieu et Samirah et sursauta en voyant qu'il n'y avait plus rien. Il se tourna dans tous les sens. Il n'y avait plus aucun corps dans la rame.

— Où sont-ils passé ??

— Ben, où tu veux qu'ils soient ? demanda Charlie.

Elle était en train d'attacher la corde aux banquettes du métro de façon à pouvoir faire descendre quelqu'un en rappel depuis la porte ouverte du train.

— Ils retournent dans leur lit ? proposa Ren en se grattant la tête.

— C'est ça ! s'exclama Charlie en applaudissant. Entre le moment où ils se font tuer et le réveil, il s'écoule cinq minutes environ. Cinq minutes avant de se changer en un nuage de cendre et de disparaître. Pour revenir bien au chaud sous les draps.

Ren se gratta la tête et décida de ne pas chercher à comprendre. Ça vaudra mieux pour la préservation de ses neurones.

— Tu penses réussir à descendre en rappel  ? demanda Charlie.

Ren pratiquait l'escalade depuis tout petit et en avait fait en plus en troisième. Il était tout le temps le premier à arriver en haut du mur et devait souvent engueuler celui qui l'assurait pour donner du mou lors de la descente en rappel. Ça ne devrait pas être insurmontable.

— Évidemment...

Charlie lança un parfait et lui attacha la corde autour de la taille. Ren la laissa faire puis demanda, n'y tenant plus trop :

— C'est qui Stone ?

Charlie serra le nœud de sa corde.

— T'es bien le seul à pas le connaître. C'est le pire assassin de la ville et pas seulement parce qu'il est le numéro un. Le personnage en lui-même est affreux. La manière dont il tue, ce plaisir qu'on lit dans son regard à chaque meurtre, le sourire qu'il n'efface jamais et le rire qu'il a à chaque massacre, tout ça fait de lui le pire. Physiquement tu lui ressembles, c'est pour ça que je t'ai demandé tout à l'heure si tu n'étais pas de sa famille.

— Je ne le connais pas...

Quelqu'un qui lui ressemblait... Dans ce monde, il avait croisé déjà deux personnes ressemblant comme deux gouttes d'eau à certains de ses amis. Des alter ego... Le sien serait ce Stone ? Il préféra ne plus penser à cela et s'avança vers le vide. Charlie lui demanda s'il était prêt à y aller puis fit doucement dérouler la corde, bien campée sur ses jambes.

Ren se fit descendre avec prudence et régularité. Il posa les pieds sur le sol pavé et détacha sa corde. Il était bien content de s'être sortit de ce métro qui avait ressemblé à une morgue pendant quelques instants. Surtout de s'en être sortit sans une seule égratignure. Quelque part c'était grâce à cette femme.

Charlie descendit sans difficulté du métro en se laissant glisser le long de la corde et se posa agilement au sol. Elle ramassa sa corde et la rangea dans le sac avant de sortir son micro et une sorte de station d'enregistrement miniature. Elle fit basculer une molette et récita dans son micro :

— Voici les informations de dernière minutes. Il semblerait que l'attaque du monorail aérien de la ligne B soit terminé. Pour rappel, le métro s'est stoppé entre deux stations au niveau de la rue du marché. Il s'agissait de l'assassin numéro huit, Malya, qui a organisé cette opération sophistiquée. Je n'ai aucune idée en ce qui concerne les pertes d'âmes. L'intégralité des passagers s'est fait tuer, à l'exception de moi-même et d'un jeune garçon nommé Ren. Par ailleurs ce jeune homme ressemble aux individus suspect que j'ai aperçu dans la journée. Votre fidèle journaliste continuera à vous tenir au courant des derniers événements.

Elle tourna une molette située sur sa station d'enregistrement et rangea son micro dans sa immense sac en cuir, qu'elle remit sur son dos.

— Tu dois sûrement loger à l'auberge de jeunesse. Ça tombe bien c'est sur le chemin de vers chez moi. Je t'accompagne !

— Euh oui. Attends, c'est qui ces individus suspect qui me ressemblent ?

— Oh eux. Mon compagnon les a croisé hier. Il leur a parlé, les a aidé, bref il a été en contact avec eux. Il m'en a parlé comme ça hier soir, je crois qu'il leur a laissé son ancien appartement et du coup il est venu squatter chez moi. J'ai dû les apercevoir vite fait ce matin. Ils sont ultra bizarre en tous cas, on dirait des monstres de fantasy ! Y avait un petit garçon qui devait pas avoir plus de dix ou douze ans, avec de grandes oreilles et des binocles, et une fille à la peau rouge ! Elle avait aussi des cornes de bélier noires sur la tête.

Ren se tourna vers Charlie, qui imitait justement les cornes sur la tête avec ses doigts , ne croyant pas ses oreilles.

— Matt et Sarah !

— Oh tu les connais. À vrai dire, ça ne m'étonne... Euh. Quoi tu les connais ??

— Ce sont mes amis.

Ils étaient ici alors. Ren n'était pas seul. Il n'était pas perdu tout seul dans un autre monde. Il devait absolument retrouver ces deux là pour pouvoir commencer à chercher un moyen de rentrer.

— Enfin une bonne nouvelle dans cette journée de merde ! s'exclama Ren. Ils sont où ?

— Ma foi... Aux dernière nouvelles, ils traîneraient dans le centre ville. Certains ont cru à des apparitions démoniaques, ou un signe de malheur. Genre le retour de la mort. Haha. C'est marrant quand même. Au final plus personne ne meurt, mais ça reste le mo... la ville la plus paranoïaque de toutes. Du coup tu fais quoi Ren ?

C'était évident ! Ren allait partir à la recherche de Matt et Sarah. Il fera un crochet à l'auberge histoire de boire un coup ou récupérer quelques affaires et ira ensuite au centre ville. Charlie frappa dans ses mains.

— Je peux t'accompagner ? J'aimerais bien me poser pour interviewer ces deux démons. L'idée me trotte dans la tête depuis ce matin. En plus j'avais des trucs à faire au centre ville.

Ren accepta, puis après dix minutes de marche, il traversa la rue entre deux diligences pour rejoindre l'auberge en face. De l'extérieur, ça ressemblait à une maison alsacienne. Suivi par Charlie, Ren poussa la porte d'entrée et se faufila dans le hall. La réceptionniste dormait sur son comptoir et un facteur déposait le courrier aux boites aux lettres.

Ren se dirigea vers le salon carré, pour ensuite aller au réfectoire et manger un bout, pour être tranquille le reste de la journée. Il s'arrêta au niveau des premiers fauteuils. Mathieu et Samirah étaient assis dedans et sirotaient un verre de sirop de menthe. Ils levèrent les yeux vers Ren, qui tirait la tête de celui qui venait de voir des fantômes.

— Ça va mec ? demanda Mathieu.

Ren les voyait encore gisant dans une marre de sang. Leur expression faciale figée par la mort. Des images atroces imprimées dans ses yeux. Et pourtant ils étaient là, sans la moindre égratignure. Ren se laissa tomber sur un tabouret en sentant une pression inconnue retomber.

— Ça va pas ? T'es tout pâle, remarqua Mathieu.

— C'est rien... Juste. J'ai pas l'habitude de tous ça...

Il se passa une main sur le visage, encore sous le choc.

— Dites donc, ça n'a pas changé ici ! s'exclama Charlie en faisant le tour de la salle de vie. Ça me rappelle le bon vieux temps, quand je faisais encore mes études de journalisme !

— Qu'est-ce qu'elle fait là, elle ? demanda Samirah.

— Elle m'a aidé et m'a sauvé la vie... Puis, on doit aller chercher des gens après...

— Toujours prête à aider quelqu'un ! J'allais pas laisser un gamin sans défense avec un assassin.

— Je sais me défendre ! répliqua Ren.

— Sans flingue ? demandèrent Samirah, Mathieu et Charlie en même temps.

Ren garda le silence.

— C'est compliqué.

— T'es vraiment bizarre quand même, dit Mathieu. Tes vêtements sont très étranges, j'en ai jamais vu ici, t'es partiellement amnésique, tu flippes pour rien devant les trucs normaux et tu ressembles trait pour trait à quelqu'un d'ici.

— Bonjour le bas peuple ! lança une voix.

Ren se retourna et vit un garçon au teint bronzé et aux yeux verts s'avancer en agitant la main. Ses cheveux étaient courts et noirs. Il était en train de manger un gâteau immense et fourré de crème pâtissière.

— Voilà notre mécano fauché favori Darel, ricana Samirah.

— Je suis pas fauché ! C'est juste que les fins de mois sont difficiles !

— On est le trois...

— Salut l'inconnu à la coupe de douille ! Moi je suis Darel, l'homme à tout faire de l'auberge et... y a une nouvelle mode en ce moment ou quoi ? C'est quoi encore ces vêtements ?

— Mais foutez-moi la paix ! Je vais boire un coup et je me casse !!

— Tu vas où ?

— Chercher des gens !

Ren se leva de son tabouret et marcha à grandes enjambées vers la salle de restauration. Charlie lui lança qu'elle attendrait à l'entrée. Le jeune homme lâcha un okay et bifurqua dans le self. Son épaule bouscula une personne qui sortait et qu'il vit au dernier moment.

— S'cuse je t'ai pas vu, dit Ren.

— Nan c'est moi.

Le jeune homme s'arrêta sur place en reconnaissant la voix. Il se tourna vers la personne qu'il venait de bousculer, qui elle aussi s'était arrêté et retourné. Deux billes couleur acier le fixaient. Ren et Nya se regardèrent en chiens de faïence pendant plusieurs secondes. La jeune fille commença à ricaner puis à rire de façon hystérique, une main posée sur le front.

— Évidemment ! Sur tout le lot, je dois me retrouver avec le pire de tous ! L'univers le fait exprès !

Ren voulut hurler et frapper un truc pour se calmer tant il fut enragé d'un seul coup. Pourquoi ?? Sérieusement, pourquoi elle ?? Ç'aurait être n'importe qui d'autre, mais non : c'était cette sale peste qu'il retrouvait en premier ! Ses dents grincèrent toutes seules et il tourna le dos à Nya pour aller chercher son verre d'eau. Il le but d'une traite et repartit en sens inverse, toujours suivit du regard par la jeune fille.

— J'imagine que tu ne demandes pas qu'est-ce que je fais là ? Tu vas où d'abord ?

— Ah toi ne me suis pas !!! Tu restes là !

Il ignora sa réaction déroutée et rejoignit la salle de vie, où les autres étaient en train de papoter. Il entendit des bruits de pas précipités et lâcha un soupir enragé, sans se retourner.

— J'ai quand même le droit de savoir où tu vas !!! hurla Nya. Sérieux on pourrait pas se poser cinq minutes, histoire de faire le point de la situation, au lieu de m'envoyer bouler comme ça ?? Au cas où tu l'aurais pas remarqué : on est dans un monde parallèle !

— Tu la fermes, je veux pas t'entendre, ordonna Ren en faisant volte face.

Nya se stoppa net et déglutit en croisant son regard jaune de bestiale. Elle se sentit bien petite tout d'un coup face à lui.

— Si tu veux savoir, je pars chercher Sarah et Matt. Seul. T'as intérêt à pas bouger d'ici, si tu veux pas que j'étale ton sang sur le pavé.

Sur ces paroles qui lui étaient venues toute seules sous le coup de la colère, Ren donna un coup de pied à la porte d'entrée pour sortir. Adossée contre un lampadaire, Charlie le rappela et le poursuivit dans la rue. Son sac à dos immense et sa queue de cheval s'agitèrent dans tous les sens quand elle courut pour le rattraper.

— Hé dis donc, c'était tendu comme échange, c'était qui ?

— Personne. Un insecte sur ma route.

— C'est trop étrange. Quatre personnes avec les mêmes vêtements d'origine inconnue. Mmmmhh. Est-ce que je passe ça à la chronique du soir ? Nan, ça m'apportera rien, en plus les gens ne croient pas à ces histoires d'invasion. Ou le retour de la mort, si ça c'est pas débile d'ailleurs... Ah quoique ! Oh merdouille j'avais oublié ! fit-elle en se frappant le front. Le centre ville est par là. Normalement je les ai aperçu ce matin même en partant de chez moi. C'est à cinq minutes en métro, le double en taxi mais après l'incident je doute que des métros circulent.

— Au pire on y va à pied, proposa Ren.

L'idée de monter dans ces engins étranges qui ressemblait à un mix entre des diligences et des voitures à vapeur ne le tentait pas trop. Charlie approuva et ils se mirent en route. Cependant Ren se sentit suivit après cinq minutes. Il eut juste le temps d'apercevoir la tresse bleu marine de Nya se cacher dans une entrée d'immeuble. La moutarde lui monta au nez. Il s'avança à grandes enjambées vers la jeune fille.

— T'es sourde, débile ou bien les deux ??? Qu'est-ce que t'as pas compris dans : reste à l'auberge ???

— J'allais pas me tourner les pouces pendant que monsieur part tout seul chercher nos amis !! répliqua Nya en sortant de sa cachette. On est tous perdu dans un monde inconnu, je pense qu'on pourrait...

— Qu'on pourrait quoi ?? coupa Ren d'une voix sourde.

Le visage de Nya se décomposa et sa combativité habituelle semblait avoir disparu. Elle lâcha un « euh », gêné.

— Qu'on pourrait quoi ??? tonna-t-il à nouveau.

— Rien j'allais dire une connerie plus grosse que moi, souffla Nya en reprenant un air fâché.  Bref ! Je pars chercher Sarah et Matt avec toi, que tu le veuilles ou pas !

— Bah justement je le veux pas !!!

— Mais moi si ! Je m'entends bien avec Sarah ! Si elle est là, comme la dame journaliste le dis, je peux pas la laisser dans la mouise ! Puis à plusieurs on s'en sortira mieux.

— Tu me gonfles. Joue les pots de colle si ça te chante. Vas pas chialer si tu te perds ou te fais crever, prévint Ren.

Il inspira longuement, mains dans les poches de son jean et rejoignit Charlie qui poireautait un peu plus loin. Nya le suivit à distance raisonnable. La jeune femme se retourna et Ren vit alors qu'elle discutait avec un homme, cigarette aux lèvres. Une forte odeur de nicotine le fit tousser.

— Ah Ren, je vais devoir vous laisser, s'excusa la jeune femme. J'ai un truc à régler avec Scorpio... Tu sauras trouver ton chemin ?

Ren acquiesça et observa l'homme qui se tenait aux côtés de Charlie. Il était grand, assez bien bâtie et avait le teint basané. Ses cheveux noirs tirés en arrière formaient une longue tresse qui lui tombait dans le dos. Il avait de petites rides au coin de ses yeux cernés et des sourcils épais et noirs. Dans sa posture, il semblait assez las et blasé. Il devait avoir la trentaine.

— C'est qui ? demanda-t-il d'une voix grave.

— Un gosse que j'ai rencontré dans l'accident du métro tout à l'heure. On s'est entraidé !

— T'es pas de la famille de Stone par hasard ? continua l'homme en tirant sur sa cigarette.

— Non...

Il en avait assez qu'on lui pose cette question, d'autant plus qu'il ne l'avait jamais rencontré. Mais pour l'instant, Ren restait focalisé sur les yeux de l'homme. Il n'en avait jamais vu de tels. Ses iris jaunes étaient légèrement géométriques et possédaient les motifs d'un topaze. C'était très déroutant. Et familier.

— Bon les enfants je vous laisse ! lança Charlie. On se re-croisera sûrement, mais ravie de vous avoir rencontré ! Essayez quand même de pas vous déchiqueter l'un l'autre ou de ne pas vous faire buter et perdre vos âmes. Allez salut ! Tu viens Scorpio ?

— Attends. Ce gosse...

— Oui oui, il lui ressemble ! coupa Charlie de façon trop enjouée.

Elle lui attrapa le bras et l'obligea à la suivre. Ils affichèrent tous deux des sourires forcés, comme si se regarder avait fait passer un message, puis les deux disparurent dans la foule. Ren les suivit du regard en se disant que c'était un drôle de duo.

— Le mec a la tenue de Jack Sparrow ! fit Nya, émerveillée. Sans le tricorne et le manteau mais c'est dans l'idée ! Trop stylé !!!

— Su-per ! lâcha Ren, un peu trop violemment.

Il se remit en route, bien en rogne et cogna dans un caillou sur sa route. Nya lui glapit de l'attendre et Ren l'ignora royalement. Il était déjà dedans jusqu'au cou avec cette histoire de monde parallèle, il fallait en plus qu'il se retrouve avec Nya... Vraiment ça pouvait difficilement être pire. Il essaya de relativiser un peu. Il allait très certainement retrouver Matt et Sarah et ensemble ils trouveront une solution pour rentrer. Il pesta en voyant que Nya marchait trop lentement par rapport à lui et peinait à suivre la cadence.

— Tu te grouilles ou pas ??? cria-t-il.

— Tais-toi c'est bon ! J'en ai marre, tu me gueules tout le temps dessus !!

— Tu le mérite !

— Quoi, c'est encore à cause de cette histoire quand on était au collège, c'est ça ??

Ren se raidit sur place.

— J'estime avoir déjà payé ! poursuivit Nya. Œil pour œil, dent pour dent, comme on dit. Ok, je t'ai fait vivre l'enfer, mais toi t'as failli me crever un œil ! Je pense qu'on...

— Je t'interdis de terminer cette phrase !!! hurla Ren en faisant brutalement demi-tour. On n'est pas quitte !!!

— Arrête de me gueuler dessus punaise !! C'est pas possible d'être aussi rancunier. J'aimerais juste trouver une solution pour que tout ce cirque s'arrête.

Ren n'en crut pas ses oreilles quand il entendit ce tissu d'absurdité. Il lâcha un rire jaune. Il allait faire une crise de nerfs si ça continuait.

— Trouver une solution ? répéta-t-il. C'est pas toi qui disait : je te pardonnerai jamais salaud ??

— Si mais... Je pense que la situation est suffisamment merdique pour qu'on arrête de se chiffonner...

— Ouais, mais t'as oublié un truc ma cocotte, c'est que moi non plus je te pardonnerai jamais ce que tu m'as fait subir. « Saute du toit, t'apprendras à voler et au pire les dieux te donneront des pouvoirs dans ta vie future » !

Nya tira une grimace, l'air honteuse et baissa la tête, pour éviter de le regarder en face. Ren poursuivit, en fulminant :

— Si t'as envie de pardonner ton bourreau  de t'avoir découpé la paupière, je t'en empêcherai pas parce que tu dois être maso, mais sache que t'auras strictement rien en retour ! Jamais !

Il souffla par le nez comme un taureau en colère et se retourna pour poursuivre sa route. Nya releva craintivement les yeux. Ils se fixèrent sur une silhouette sur le toit d'un immeuble. Elle plissa les yeux et son cœur s'arrêta de battre pendant un cours instant. Elle reconnut cette sensation infernale d'être observée par la mort en personne, comme à son arrivée à l'auberge. Elle eut juste le temps de voir un éclair argenté suivit d'une forte détonation.

Sans réfléchir, elle se jeta en avant et donna un violent coup d'épaule à Ren. Le jeune homme valdingua en avant et se ramassa sur le pavé en s'écorchant de tout son long. Ses poumons lui firent un mal de chien quand l'air en fut expulsé.

— Bordel qu'est-ce qui te prend ??? hurla-t-il.

Sa voix mourut quand il vit une giclée de sang jaillir du flanc de Nya. Elle toussa et cracha le liquide rouge. Elle chuta sur le pavé en gémissant, face contre terre. Une balle lui avait déchirée le ventre. Une vision qui effrayerait et choquerait n'importe qui. 

— Mais putain !!! Plus débile que toi, tu meurs !!! cria Ren en se redressant.

— Ne me touches pas ! souffla faiblement Nya en le voyant s'approcher. Ton inquiétude hypocrite, tu peux te la mettre là où je pense !

Le jeune homme s'immobilisa sur place. Nya se serra le ventre pour ralentir le débit de l'hémorragie. Son sang tachait le pavé. Ren serra les poings.

— Fais pas la maligne ! Tu vas te vider de ton sang au cas où tu l'aurais pas remarqué !

— Je vais pas mourir pour si peu ! Puis d'abord... T'en a pas rien à faire de moi ? rappela Nya d'une voix sourde, l'air haineux.

Ren se crispa et fronça les sourcils.

— Parfaitement ! Crève si ça te chante ! J'en ai rien à battre !

Une détonation retentit. Son cœur rata un battement et il plaqua une main sur sa joue en sentant quelque chose de chaud le frôler rapidement. Une balle se planta dans un mur en brique en faisant sauter le mortier. Ren fit volte face et chercha d'où venait ces balles. Il aperçut une silhouette sur les immeubles d'en face.

Puis il se vit lui-même en train de sauter du toit...

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