Chapitre 4 : Je veux juste manger un bout de gâteau

Confiance se baladait.
Elle papillonnait de droite à gauche.

Tout lui semblait plus facile maintenant qu'elle était Confiance.
Et elle avait l'impression que ce sentiment ne la quitterait jamais.

Mais évidemment, ce sentiment la quittera.
Et plus tôt qu'on puisse le penser...

Confiance s'arrêta devant plusieurs magasins sans y prêter vraiment attention.
Décoration ? Elle n'allait revoir sa chambre que dans longtemps.
Vêtement ? Elle en avait bien assez dans sa valise.
Sport ? Vous délirez ? Que va-t-elle faire avec ça ?
Mais un seul magasin capta toute son attention.

Une pâtisserie.
Une jolie petite pâtisserie, perdue au milieu du labyrinthe, du brouhaha.
On dirait qu'elle s'était perdue.
La pâtisserie voulait aller au Paradis, elle s'est retrouvée dans une ville bruyante et grise.
Confiance, comme attirée par un pouvoir magique mystérieux, poussa la petite porte et entra dans la pâtisserie.

Il y avait du monde.
10 personnes, 15 si on compte les chats qui se prélassaient sur la terrasse.

Il n'y avait que 2 serveurs.

L'un prenait note des commandes des clients en rigolant tandis que l'autre restait maussade.
L'un souriait ; l'autre grimaçait

L'un prenait des nouvelles des gens ; l'autre parlait froidement aux clients.
L'un respirait la joie de vivre ; l'autre plutôt la dépression.

Confiance s'assit sur une petite table, au fond.
Elle essayait de ne pas se faire remarquer.
Mais il le fallait bien, si elle voulait manger un gâteau.

Mais elle n'osait pas.
Et quand elle osa enfin, le bruit autour recouvra complètement sa toute petite voix fluette.
Confiance allait se décourager et partir.
Elle tourna sa tête et vit le serveur dépressif, carnet de note à la main, la regarder intensément.

Confiance allait s'enfuir en courant comme pour la mamie du train, mais quelque chose l'empêcha.
Serait-ce la gourmandise ?
Un peu plus de confiance ?
Que le serveur ai entendu sa demande et l'attende bien gentiment ?
Ou simplement l'horrible tristesse qui se logeait dans les yeux du garçon ?

Quoi qu'il en soit, Confiance lui sourit.

Le serveur était en train de partir.
Un morceau de Shortcake, une spécialité anglaise, pour madame... Vous préférez Mademoiselle ? D'accord, un morceau de Shortcake pour Mademoiselle.
Et avec ça ? Des biscuits ? Je note...
Je vous apporte ça tout de suite.

Confiance était très fière.
Quand elle a sourit à ce pauvre garçon, elle a tout de suite vu son regard changer.
Sa bouche s'était un peu étirée pour faire un petit sourire timide.
Il parlait plus doucement.

Et il l'avait appelé Madame ! Elle !
Confiance se mit à rire discrètement.

Elle n'est plus Confiance ; elle est Mademoiselle.
La Mademoiselle d'un garçon mélancolique.
Peut-être qu'ils sont pareils, au fond ?

Le serveur revint avec la commande de Mademoiselle.
Celle-ci lui sourit et le remercia, essayant de rayonner de bonheur, même si elle n'en avait pas.

Mademoiselle croqua dans le gâteau comme on croque la vie à pleine dent.
Elle se sentait heureuse.
Elle avait l'impression d'avoir trouvé le but de sa vie.
Elle voudrait ne plus jamais quitter cet endroit.
Mais voilà que la nuit tombe.
Les clients s'en vont.
La pâtisserie ferme.
Et Mademoiselle se retrouve, seule, devant le magasin, fermé.

Seule ?

Le serveur s'avança vers elle.
Où vis-tu ? Qu'attends-tu comme ça, devant la pâtisserie ?
Quoi ? T'aimerais qu'elle rouvre ? Bah... Demain matin, à 8h00, normalement...
Tu aimerais ne jamais quitter cet endroit ? T'es sûre que tu vas bien ?
Y a que du diabète et des gens là-dedans.
Y a rien de pire que le diabète et les gens.

Mademoiselle se souvint qu'elle avait éclaté de rire à ce moment-là, et qu'ensuite, ce rire avait contaminé le serveur triste, qui a commencé à rigoler lui aussi.

Adrien !

C'est tout ce qu'elle avait entendu avant de partir, le coeur plus léger.

Le lendemain, Mademoiselle revint.
Elle avait le coeur en fête, c'était un festival dans sa tête.

Elle voulut choisir une part de tarte au citron à manger sur place, mais elle vit un autre serveur s'avancer vers elle...
Elle ne laissa même pas l'autre serveur parler qu'elle se leva de sa chaise.

Le poing serré, la tête levée, avec tout le courage possible, elle surpassa son étrange maladie.
C'est avec un coeur battant la chamade, une âme qui hurlait de terreur, un cerveau qui essayait de la pousser en arrière, qu'elle avança.

Non, non, n'y va pas !

Mais Mademoiselle y est allé.

Adrien ? Heu... Il a démissionné ce matin... Il n'avait pas l'air très bien, alors j'avais cru qu'il voulait juste un congé... Mais il m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit, très sérieusement...

Non, non... Je ne reviendrai pas... Plus jamais... Nulle part...

Mademoiselle eut un vague sentiment d'inquiétude, de malaise, de désespoir et de tristesse.
Mais le problème est que ce sentiment est bien lointain... Bien ancien... Comme si...

Mademoiselle commanda une part de tarte au citron à emporter.

Une fois ça dans les mains, elle se retourna, se mit à courir.
Passa entre les tables.
Ouvrit la porte d'un geste brusque.
Bouscula des passants.
Se fit insulter, un peu.
Traça dans la grande ville.

Elle ne sait pas pourquoi, mais elle courait vers un point précis, et rapidement.
Elle voudrait bien s'envoler, là, maintenant, tout de suite !

Elle ne veut pas arriver trop tard... Comme la dernière fois... 

Un pont.

Le coeur de Mademoiselle rata un battement quand elle vit un jeune homme, les bras tendus, face au fleuve juste au-dessous de lui...
Mademoiselle accéléra la cadence, elle cria à s'en arracher les cordes vocales...

Adrien !

Il se retourna, étonné, et vit devant lui une jeune femme, qui avait crié à s'en arracher les cordes vocales, qui tombaient en avant...
Elle avait beaucoup trop forcé, son corps n'a pas tenu, celui-ci s'affaissait devant le jeune serveur...
Il avait beaucoup trop vu et entendu, son âme n'avait pas tenu, mais maintenant, il est parfaitement en vie, devant la jeune demoiselle...

9H01

Une minute était passé.
Adrien était toujours en vie.

22H41

Bientôt demain.
Adrien était toujours en vie.
Il marchait à côté de Mademoiselle, qui a retrouvé la santé.

Ils quittèrent la ville, ensemble, amis, reconstruire leurs vies détruites.

Mademoiselle voulait juste manger un bout de gâteau.
Mademoiselle voulait juste s'envoler.


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