Chapitre 4 : « Il me protégera »
Mew
Le casting, la première soirée d'équipe, et déjà la première interview pour TharnType la série, avant une éminente cérémonie. Quel planning ! J'ai à peine eu le temps de respirer, ces derniers temps. Et ce n'est pas prêt de s'arranger, car dans quelques jours les choses sérieuses commencent avec les ateliers. Ce sont comme des cours de théâtre, pour s'imprégner des personnages, répéter les scènes, étudier le script. Une étape véritablement indispensable au bon déroulement du tournage dans quelques mois.
Mais avant ça, la production a déjà programmé une première interview pour Gulf et moi avec un grand media de divertissement. Je sens que tous les regards de l'industrie du boyslove, et du public, sont déjà tournés vers nous. TharnType déchaîne visiblement les passions avant même d'avoir commencé ! Sincèrement, je ne me sens pas anxieux. J'ai l'habitude que les projecteurs soient braqués sur moi. Je m'inquiète davantage pour mon jeune compagnon, Gulf. Il débarque tout juste dans ce monde qui peut apporter le meilleur, comme le pire. Il est si jeune et si doux, pour ce que j'en ai vu. Je n'aimerais pas qu'il soit malmené. En tant qu'aîné, je me dois de l'épauler autant que possible. J'ai toujours été quelqu'un de protecteur avec les plus jeunes (déformation professionnelle de grand-frère) c'est donc tout naturel pour moi d'adopter cette posture à son égard.
On est samedi, et au lieu de prendre du bon temps dans un parc, au cinéma ou encore devant Line TV ou Netflix, direction les plateaux pour notre premier interrogatoire.
~~
Boss, mon manager, est en train de régler les derniers détails avec l'équipe de journalistes à l'intérieur, tandis que j'attends Gulf à l'entrée de l'édifice. Il me rejoint quelques minutes plus tard en trottinant doucement, comme s'il avait peur de me faire attendre. Sa manager, May, lui fait un clin d'œil avant d'entrer la première. Il semble bien différent du jour du casting. Je m'étais déjà fait cette réflexion sur la péniche, mais ça ne m'avait pas autant sauté aux yeux qu'aujourd'hui. Il semble plus mature, plus élégant, aussi. Une belle veste en jean de créateur sur les épaules, et une mèche rebelle sur les yeux. Il est mignon... Je reste interdit quelques secondes, avant de le prendre doucement par l'épaule.
— Est-ce que tu veux y aller dès maintenant, ou tu as besoin d'un peu de temps ? lui demandé-je, soucieux de ne pas le presser.
— On peut y aller, me dit-il en souriant.
— Sûr ? Nous ne sommes pas en retard.
— Mais oui ! Je ne suis pas en sucre, tu sais.
— Comme c'est ta première interview, ce serait normal d'être intimidé.
— Ça ira.
Je sens que Gulf est quelqu'un d'introverti, certes, mais qu'il lutte sans cesse contre ce trait de caractère. Il n'est pas du genre à se complaire dans sa réserve. Je trouve cette attitude bien courageuse.
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Première interview
Après un bref passage au maquillage, nous voilà sur le plateau. Je suis rassuré pour Gulf, car la journaliste est vraiment douce, bienveillante et professionnelle. Pour connaître un peu le monde du show-business, a fortiori dans le boyslove, certains journalistes peuvent parfois être un peu... taquins, disons, pour être poli. Pour la première "interro", on ne pouvait rêver mieux. Autre bon point : il n'y a pas de spectateurs, puisque cette interview n'a vocation à être diffusée qu'après la sortie de la série. C'est intime et simple, en somme.
Les assistants nous installent sur deux chaises hautes face à Patty, la journaliste, et accrochent nos micros. Deux verres d'eau, quelques mots rassurants et un petit sourire à Gulf plus tard, nous voilà prêts pour l'épreuve de la toute première interview.
Moteur, ça tourne.
— Comment s'est passé votre première rencontre au casting, et qu'avez-vous pensé l'un de l'autre ? attaque Patty, en anglais.
Belle entrée en matière, je dois le reconnaître. Évidemment, on se n'est pas concerté avec Gulf. Il ne sait absolument pas ce que j'ai pensé, et moi non plus...
Je prends la parole en premier, déclarant tout en sobriété :
— Au casting, ils cherchaient un duo ayant une forte alchimie. J'ai tout de suite trouvé que Gulf jouait bien, mais aussi que nous avions un bon feeling, tous les deux. Je me suis senti bien avec lui tout de suite.
Gulf répond à son tour :
— J'étais timide, car c'était nouveau pour moi, mais P'Mew m'a aidé à transmettre mes émotions et m'a porté dans la scène. C'est aussi grâce à lui que j'ai réussi le casting.
Je suis... étonnamment touché par ces mots. Je ne pensais pas que Gulf m'attribuait une si grande part de responsabilité dans son succès à l'audition. J'ai envie de le taquiner, alors j'ajoute :
— C'est vrai qu'il était timide, il est même devenu tout rouge pendant notre essai, pouffé-je.
— Oh, vraiment ? demande Patty, tout à coup très intéressée et amusée.
Gulf et moi rions en nous rappelant ce moment, même s'il semble légèrement embarrassé. Tu croyais que je n'avais pas remarqué, Gulf ?
Patty enchaîne en nous demandant si nous avons ressenti de l'insécurité au moment du casting. Évidemment, non. Pour ma part, j'étais très détendu. Elle développe sa question à l'attention de Gulf :
— C'est une nouvelle expérience, pour vous, est-ce que vous êtes stressé, notamment compte tenu de l'expérience de votre partenaire ?
— Hum... Je pense... qu'il me protégera, répond Gulf de sa petite voix, dans un anglais hésitant, mais avec une franchise désarmante.
— Vraiment, que je te protégerai ? m'empressé-je de lui demander avec vivacité, oubliant un instant les caméras, étrangement troublé mais aussi amusé par cette touchante révélation.
— Oui, absolument, confirme-t-il avec confiance.
Suis-je aussi transparent que cela ? Gulf m'a déjà percé à jour, on dirait.
L'interview se poursuit avec aisance. C'est en anglais, à destination du public international. Je suis heureusement pratiquement bilingue, tandis que Gulf peine un peu plus, et me demande parfois certains mots de vocabulaire. Globalement, il se débrouille très bien pour une première.
La journaliste met enfin les pieds dans le plat (je me doutais que ça arriverait) en nous questionnant sur les scènes hot qui nous attendent. Imaginez le malaise, alors que Gulf et moi n'avons encore rien évoqué à ce sujet. Pour dissiper toute éventuelle gêne, j'opte pour l'humour, ma spécialité.
— C'est vraiment une grande première pour moi. J'ai si peur... des scènes d'amour, dis-je d'un air affligé, la main sur le cœur.
Patty éclate de rire, car elle sait pertinemment que ce n'est pas le cas.
Gulf prend à son tour la parole ; il ne semble pas trop embarrassé, ou alors il le cache bien.
— Je suis timide et un peu nerveux, oui, mais j'ai une personne d'expérience avec moi alors ça ira, dit-il en me jetant un regard timide.
Je déglutis. Qui aurait cru que l'innocent Gulf parviendrait à me troubler ? Je ne m'y attendais pas à celle-là. Bien joué petit Gulf. Un point pour toi, balle au centre.
Une nouvelle question pertinente de la journaliste adressée à Gulf retient toute mon attention :
— Est-ce que c'était votre choix d'aller vers du boyslove ? demande-t-elle.
Gulf prend quelques secondes de réflexion, avant de répondre avec une conviction que je ne lui connaissais pas encore :
— Pour être honnête, que ce soit du boyslove ou pas, ça ne fait aucune différence. Un acteur devrait être capable de pouvoir jouer n'importe quel rôle.
Que j'aime cette réponse... Derrière la timidité apparente, se cachent professionnalisme et maturité.
~~
Gulf a le sourire. Il est comme soulagé après avoir passé un examen avec brio. Nous sommes installés dans la loge, sur le canapé, afin de souffler un peu avant d'enchaîner avec la suite du programme. Des boissons et quelques encas nous ont été servis. Gulf sirote un chocolat chaud.
— Alors, ce baptême du feu ?
— C'était amusant ! s'exclame-t-il, tout sourire.
— Et tu t'en es bien sorti, lui dis-je en posant brièvement ma main sur son épaule, comme pour lui communiquer ma fierté.
— Vraiment ?
— Oui, vraiment. Un chef.
— Mon anglais laisse à désirer.
— Ne sois pas si dur avec toi-même.
— Comparé à toi, ce n'est pas bien brillant.
— J'ai six ans de plus que toi, et l'expérience qui va avec. Ça viendra. Je t'aiderai, le rassuré-je avec un clin d'œil. Et sinon... alors comme ça, je te protégerai ? enchaîné-je, taquin, en m'approchant de lui.
Retour aussitôt du Gulf cramoisi du casting. Il détourne le regard, embarrassé, et produit un petit son inintelligible entre le rire et la bouderie. Deux points pour moi.
— Fais comme si tu n'avais rien entendu, ok ?
— Ça va être difficile à oublier, rétorqué-je, malicieux, avec une voix charmeuse malgré moi.
Gulf me lance alors brutalement un coussin et quitte le canapé, grognon. J'éclate de rire. C'est amusant de le voir bouder. Je crois que ça va devenir l'un de mes passe-temps favoris.
~~
Line TV awards
Nous partons chacun en voiture avec nos manager respectifs, en direction du Royal Paragan Hall, une immense salle de conférence située dans l'un des plus grands centres commerciaux de la région, pour les Line TV awards. Une cérémonie d'envergure, puisqu'elle récompense le meilleur de l'industrie du divertissement en Thaïlande chaque année. Musique, télévision, séries TV.
Dans la voiture, j'observe le paysage, pensif. La nuit est tombée et les lumières de la ville éclaboussent mes yeux. Boss est à l'avant, côté passager. Il pianote frénétiquement sur son téléphone, occupé à organiser des choses et d'autres, comme d'habitude. Le silence me berce. Je repense à la longue interview que nous venons de donner. Un vrai bon moment, fait de rire et de complicité, qui nous a permis finalement d'un peu mieux nous connaître, Gulf et moi.
Une scène se rappelle à moi : la journaliste nous demandant de choisir entre une grosse somme d'argent et le véritable amour. J'ai toujours été un incorrigible romantique. C'est une affaire sérieuse, l'amour, vous ne trouvez pas ? C'est pour cette raison que mon premier baiser était assez tardif. Et j'étais déjà à l'université quand j'ai rencontré ma première petite amie sérieuse. Très soucieux de garder certains éléments de ma vie privée pour moi, je n'ai d'ailleurs pas répondu à la question sur notre premier baiser. J'ai botté en touche, comme Gulf, qui a répondu « ma mère ». Quel idiot, celui-là. Imitant Gulf, j'ai donc répondu « mon père ». Deux idiots, donc. La journaliste n'a pas été dupe de notre tentative d'évitement, mais, respectueuse, s'est gardée d'insister.
Pour ce qui est de la question du véritable amour, j'ai en revanche répondu, car nul besoin de confier des détails de ma vie intime dans ce cas. J'étais curieux de la réponse de Gulf. Celui-ci a également opté pour le véritable amour, après une hésitation toutefois, en ajoutant : « et nous pourrons gagner beaucoup d'argent ensemble. » Patty et moi avons éclaté d'un rire sonore en cœur. Il ne perd pas le nord, celui-là ! En repensant à ce moment, je me mets à rire doucement dans la voiture. Quel adorable idiot, vraiment. J'ai l'impression qu'il n'a pas fini de me faire rire.
Tout à mes pensées, je ne remarque même pas que la voiture est à l'arrêt. Nous y sommes. Gulf et May sont déjà arrivés de leur côté : mon jeune complice m'a envoyé un message pour savoir où nous en étions. Je te manque déjà, Gulf ?
~~
J'arrive dans la grande salle de cérémonie, au comble de l'excitation.
— Les autres sont installés là-bas, me lance Boss en m'indiquant la rangée du haut.
Je lui fais un petit signe de la main avant de rejoindre le casting.
Tout en haut du théâtre, je domine la salle du regard, prenant le temps de m'imprégner de cette atmosphère unique où règne une forme de magie et d'énergie indescriptibles. Même si, aux jeux des apparences trompeuses, ce milieu n'arrive pas forcément en dernière position...
Tout le monde est si élégant, agité et heureux ce soir. Cela faisait longtemps que je n'avais pas participé à des mondanités. Je salue quelques connaissances. Cette effervescence, c'est la vie que j'ai choisi de mener. Est-ce que je m'en lasserai un jour ? Je n'espère pas. J'ai encore tant de projets à réaliser, une liste longue comme le bras, à vrai dire. Je tourne la tête vers mes compagnons. Mild, Run, Tong et Kaownah rient à gorge déployée, déjà complices. On n'entend qu'eux, me dis-je, amusé. C'est alors que je surprends Gulf en train de m'observer fixement, silencieux. Je finis par les rejoindre, comme appelé par ce regard suppliant.
— Tu ne t'es pas perdu sans moi, au moins ? Je t'ai manqué ? demandé-je à Gulf, taquin, en le prenant par l'épaule.
C'est bizarre, je n'arrive pas à m'en empêcher... « Il me protégera. ».
— Arrête de te foutre de moi, plaisante-t-il en se dégageant de mon emprise.
— Alors c'est déjà la phase de taquinerie, à ce que je vois ! s'exclame Mild, moqueur.
— Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi, bougonne Gulf, même si je pressens que la situation l'amuse, au fond.
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Les lumières s'éteignent, le show peut enfin commencer.
Musiques, éclairages, ambiance : pas de doute, ce sont bien les Line TV awards. Les annonces des récompenses s'enchaînent dans une dynamique entraînante et festive. Tonnerre d'applaudissements, pluie de rires et concours de discours émus : la soirée bat son plein.
Enfin, les gagnants dans la catégorie meilleur baiser dans une série TV sont appelés. Des éclats de voix, puis deux beaux jeunes hommes s'avancent sur la scène. C'est le couple de Love By Chance, la précédente série écrite par Mame. Je le chuchote à l'oreille de Gulf, car je ne sais pas s'il a bien suivi l'historique des séries de ces derniers années. Je le soupçonne d'être un peu déconnecté de tout cela. Il hoche la tête, surpris et émerveillé à la fois. Ses yeux brillent d'un éclat singulier.
Alors que le couple vedette attire tous les regards sur scène, le mien ne quitte pas le beau jeune homme qui vient d'entrer dans ma vie.
~~
L'interview en question en version longue, sous-titrée anglais. (Il s'agit de leur toute première.)
https://youtu.be/KCposbrobF4
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