Chapitre 30 : « Grandissons ensemble... »

Hello tout le monde ! Me revoilà, après deux semaines d'absence, pour vous livrer - enfin ! - le dernier chapitre (sans compter l'épilogue prévu la semaine prochaine). J'espère que vous êtes prêt.e.s, car moi non... 😭

Avant de vous laisser découvrir ce qui attend nos deux garçons, je voulais toutes et tous vous remercier infiniment d'avoir suivi mon histoire et de m'avoir encouragée. I Just Know It's Love a atteint les 30K vues ! C'est grâce à vous que je trouve chaque semaine l'envie et la passion d'écrire, prenant un plaisir fou à partager, à découvrir vos réactions, qui me stimulent et me poussent toujours à livrer le meilleur de moi-même. Alors infiniment merci.

Et sans plus attendre, ce chapitre qui est absolument gigantesque puisqu'il fait presque 20 pages ! J'espère que ça ne gênera pas trop votre lecture, mais comme c'est le dernier chapitre j'ai supposé que vous ne m'en voudriez pas trop... Bonne lecture !

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Mew

Novembre 2020

Je me fais l'effet d'un lâche. Venir récupérer des affaires en douce, un jour où Gulf est absent, uniquement pour éviter de le croiser. La blessure de sa perte est encore trop vive, la douleur si cuisante qu'un seul regard de sa part et je ne pourrais me retenir de fondre en larmes, terrassé de chagrin.

Alors que je fourre mes effets personnels dans un sac à la va vite, j'entends la clé grincer dans la serrure. Je me fige. Confrontation inévitable en approche. En entrant dans la chambre, Gulf laisse échapper un cri de surprise.

— P'Mew ! Qu'est-ce que tu...

— Je viens simplement récupérer quelques trucs. Je ne voulais pas te déranger.

— Dis plutôt que tu voulais m'éviter...

Je baisse la tête, coupable et penaud. Incapable de soutenir sa mine défaite plus longtemps, je l'attire brusquement dans mes bras et l'écrase contre ma poitrine.

— Je suis tellement désolé de nous infliger ça. J'espère que tu me comprendras, un jour. Promets-moi de réaliser tes rêves ?

Crispé au début par cette étreinte inattendue et désespérée, je le sens se relaxer peu à peu. Il reste cependant silencieux, se gardant bien de m'enlacer en retour. Sa respiration hachurée rythme les battements affolés de mon cœur.

— Promets-le, insisté-je, des sanglots dans la voix.

— Je te le promets...

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Nouvel an 2021

Je meurs à petit feu sans Gulf. Je disparais, je m'évapore. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, l'ombre de mon ombre. Et pourtant, je tiens bon. Je m'accroche à l'espoir de sa réussite, de son bonheur.

Mon état de santé, lui, se dégrade continuellement. J'enchaîne les séjours à l'hôpital, en proie au surmenage, rompu d'épuisement. Je tombe, je me relève. Ma mère, ma sœur et mon ami Boom me ramassent chaque fois à la petite cuillère. Et je continue d'avancer. J'ai choisi la carrière plutôt que l'amour, alors je n'ai pas le droit d'abandonner. La douleur qui me tenaille a d'ailleurs été mon seul carburant pendant les vacances de Noël, puisque j'ai écris toutes les chansons de mon prochain album d'une traite.

« Bonne année ! » s'élève la clameur des quelques amis rassemblés dans le salon de cette maison cossue, où nous célébrons la nouvelle année. Loin de Gulf, je ne me sens pas à ma place. La musique, aussi bien choisie soit elle, les discussions agréables, la nourriture appétissante, la compagnie de bon goût, tout me paraît décalé et d'une fadeur sans nom. Impersonnel. Une vie qui ne serait pas véritablement la mienne. Une anomalie. Plus rien n'a de sens, ni de saveur. Je suis comme déconnecté, engourdi, déphasé.

« Bonne année, mon amour... » murmuré-je pour moi-même, absent et profondément esseulé, tel un spectre errant parmi les vivants.

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Mars 2021

Il est si beau, si parfait, si talentueux. Il est mon tout. Et il est là, à deux pas seulement de moi. Nous honorons aujourd'hui notre dernier contrat publicitaire ensemble. Et je ne peux le toucher, ni le bercer, ni l'aimer. Ça me tord l'estomac. Je continue de faire bonne figure, de forcer mes rires, de paraître impliqué dans l'événement pour promouvoir une stupide marque d'électroménager. Ma poitrine me démange, mes entrailles me brûlent. Une souffrance qui me dévore comme une lèpre ravageuse, incurable. Je ne cède pas. Je ne cède pas. Je ne cède pas.

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Janvier 2022

C'est donc la dernière fois que je le vois avant son départ. Il ne m'en a pas informé, mais j'ai mes petits contacts... Je suis au courant de tout ce qui concerne Gulf, même après plus d'un an de séparation, même s'il pense que j'ai tiré un trait sur lui. Mild est mon meilleur indic, bien qu'il rechigne de plus en plus à me révéler les détails de sa vie, se faisant l'effet d'un « traître » selon ses termes.

Gulf hante mon esprit nuit et jour. Comment pourrait-il en être autrement ? Je suis son parcours, de loin, bouleversé par son succès. Il enchaîne les séries télévisées pour le grand public, les films à grand budget, et maintenant ce film d'auteur européen... Il a dépassé toutes les espérances que je fondais en lui. Il est incroyable.

Quant à moi, au delà de ma carrière de musicien, je suis aussi devenu producteur de séries TV. C'était mon rêve de pouvoir soutenir des programmes originaux, audacieux, bien écrits. Je n'ai jamais révélé mon inclination pour les hommes publiquement, cela ne regarde personne, pour autant je ne cache pas mon attrait pour les thématiques LGBT qui sont au cœur des séries que je finance. Un autre rêve m'anime, un peu fou... Offrir un rôle à Gulf, un jour.

Je l'observe de loin, tentant péniblement de me concentrer sur l'événement caritatif auquel nous participons tous deux, m'efforçant de ne pas laisser transparaître mes émotions.

Au cours de l'événement, il se retrouve à mes côtés. Son parfum caresse mes narines. Mon souffle s'accélère, ma gorge s'assèche, mon cœur menace de bondir de ma cage thoracique. J'ouvre la bouche pour lui dire quelque chose, n'importe quoi, lui souhaiter bon voyage, lui dire que je l'aime toujours à en crever... Ma main se lève pour tenter de toucher son épaule, puis retombe mollement le long de mon corps, lasse. Les mots que je voulais lui dire restent bloqués dans ma gorge...

J'avais prévu... j'avais prévu de le reconquérir. J'avais prévu de me jeter à ses pieds, d'implorer son pardon, de lui révéler tout l'amour et l'adoration qu'il m'inspire ! J'ai grandi, j'ai changé, et le regard des autres ne me fait plus peur. Je veux vivre mon amour en plein jour, affronter le monde sa main dans la mienne. Puis, c'est là que j'ai appris la nouvelle : Gulf allait partir pour Paris. Je n'avais pas le droit de lui couper les jambes en plein vol. C'était encore trop tôt... Je dois le laisser poursuivre ses rêves. La toile du Destin nous réunira un jour ou l'autre, je l'espère...

Puisses-tu être heureux, mon amour.

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Juillet 2023

Cette soirée de gala m'ennuie au plus haut point. Je me ressers un verre de champagne au buffet, excuse toute trouvée pour m'écarter du groupe superficiel que j'accompagne, et me noyer dans l'alcool au passage. Mon humeur est massacrante. Je trempe mes lèvres dans le breuvage, tentant de chasser le flux d'images désagréables qui engluent mon esprit.

— Ah, tu es là, Mew ! On te cherchait, me lance un confrère musicien, bientôt suivi par le reste de la troupe composée de présentateurs télé et d'autres artistes.

Un joli gratin avec lequel j'apprécierais de m'encanailler habituellement, mais leur babillage me tape aujourd'hui sur le système. Je suis excédé.

— On parlait du nouveau film avec Gulf Kanawut. Les extraits sont... vraiment chauds !

Putain, est-il obligé de retourner le couteau dans la plaie cet abruti ?

— Il est tellement sexy... Il n'y a vraiment qu'un film européen pour faire batifoler ses personnages autant avec les femmes qu'avec les hommes, glousse Min, une chanteuse de bas étage.

— Le voilà qui embrasse une actrice américaine, puis se laisse peloter par un acteur français... Ton petit yai nong s'est bien libéré, raille James, un présentateur dont l'indiscrétion n'a d'égale que la grossièreté. J'aimerais bien goûter à cette bouche, moi aussi, poursuit-il, goguenard.

Je respire profondément, tentant de faire refluer le monstre de la jalousie qui enfle dangereusement en moi. Ce n'est pas la première fois que Gulf embrasse un partenaire à l'écran. J'ai finis par m'y habituer, bien entendu. Il est acteur, c'est son travail, mais ce film met mes nerfs à dure épreuve. Passion parisienne n'est pas encore sorti en Thaïlande, que les extraits déjà disponibles me lacèrent l'estomac. Les européens ont une façon toute différente d'aborder les scènes intimes. C'est beaucoup plus cru et explicite que par chez nous. Voir mon Gulf se faire toucher impudiquement par des femmes, et des hommes, me laissent un goût amer. Je suis tiraillé entre ma fierté de le voir s'accomplir et ma jalousie qui n'a pas lieu d'être, je le sais bien, mais c'est plus fort que moi.

Qui sait, il a peut-être même refait sa vie depuis longtemps, contrairement à moi qui suis incapable d'envisager la moindre nouvelle relation, bloqué dans le passé.

— Oh, ferme-la, intervient mon ami Nice, le seul qui soit digne de confiance dans cette industrie.

Le seul, ou presque, à savoir pour Gulf et moi. Un soir, peu de temps après son départ, alcoolisé et déprimé, au fond du trou, j'ai fini par tout lui raconter, pleurant dans ses bras comme un enfant. Entre Boom qui doit supporter ma dépression depuis trois ans et maintenant Nice, je me sens comme le boulet de service trainé par ses amis.

— Bah quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit de mal ? s'exclame James d'un ton outré, la voix stridente.

Je ne supporte plus ce type. Je vide mon verre d'un trait, avant d'être entraîné au loin par Nice.

— Ça va ? s'enquiert-il, inquiet.

— Hum... Ça pourrait aller mieux.

— Ne fais pas attention à cette bande d'idiots.

— Je suis jaloux, Nice, sifflé-je à voix basse. Jaloux à crever.

— Oh... Je vois... Je comprends. Ce ne doit pas être évident. Le mieux pour toi est d'éviter d'aller voir le film et de...

— Non !

— Quoi, tu veux aller le voir ?

— Évidemment ! Je suis sûr que Gulf crève l'écran. Je me dois de l'encourager...

— Mew... soupire Nice en m'éloignant davantage de la foule pour discuter plus librement, attrapant un petit four au passage. Pourquoi tu t'infliges tout ça ? Hein ? Rester obstinément célibataire, broyer du noir, espionner ton ex ?

— Je ne l'espionne pas ! grogné-je à voix basse. Je suis juste son travail.

— Tout ça tourne à l'obsession. Pourquoi tu ne te trouves pas un petit mec qui te mangerait dans la main ? Il a peut-être refait sa vie, tu sais...

— Putain Nice, ferme-la.

— Je suis désolé... Je m'inquiète juste pour toi. Et je ne suis pas le seul. Ta mère m'a confié ses craintes au dernier dîner de famille.

— Vous êtes lourds. Laissez-moi gérer ma vie. Gulf fera toujours partie de moi. Je n'ai pas prévu de l'oublier.

— Mew... Enfin... Tu l'as quitté. Toi, et toi seul. Personne d'autre.

— Je sais... Ça ne signifie pas pour autant que mon âme n'est plus à lui... dis-je en caressant instinctivement mon bracelet d'argent, symbole de notre amour.

Depuis son départ pour Paris, je le porte constamment ; je conserve un morceau de Gulf en moi, une marque de sa présence, chérissant l'espoir fou de regagner son cœur.

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Septembre 2023, avant première de Passion parisienne

Bon, okay. Avec mon gros pull, ma casquette enfoncé sur le crâne et mes lunettes noires, j'ai peut-être l'air d'un stalker qui espionne son ex, certes. Les mots de Nice me reviennent et m'irritent car il n'a pas tout à fait tort. Pourquoi suis-je incapable de seulement l'appeler ? Après son départ... J'ai tout imaginé. Il a changé de pays, de vie, peut-être m'a-t-il tout simplement relégué dans une boite à souvenirs. Un premier amour intense devenu un grain de poussière, virevoltant au vent dans la grande tempête de la vie...

Il a surement vécu de multiples aventures depuis notre rupture. Comment ai-je cru pouvoir le quitter et le reconquérir ensuite ? Je ne suis qu'un égoïste prétentieux. Comment ai-je pu croire qu'il m'aimerait toujours et m'attendrait bien sagement ? Lorsque je le vois si épanouis, je comprends qu'il a certainement refait sa vie, et que je n'ai plus le droit de m'immiscer dans celle-ci.

Et malgré tout, je n'ai pu m'empêcher de me rendre à son avant-première en toute discrétion. J'ai besoin d'assister à son succès, de vibrer à ses côtés, même terré dans son ombre. Car quoi qu'il arrive, il fera toujours partie de moi. Il sera toujours celui dont j'ai accompagné et encouragé les premiers pas. Je ne peux définitivement pas détacher mes yeux de sa lumière. Non. Je ne peux pas. Tu es mon tournesol.

Il est installé au premier rang, accompagné de ses managers et sa famille. Je m'assieds tout derrière, tapi dans l'obscurité. La séance commence. La musique du générique s'élève. Je disparais dans le film qui devient le temps de deux heures ma réalité. À la fin de la séance, je reste pétrifié et béat d'admiration. Quel acteur formidable... Gulf était déjà talentueux à l'époque de Tharntype, à présent il est devenu stupéfiant. Un miracle vient de se jouer devant mes yeux. Je ne ressens même plus d'émotion négative ni de jalousie, seul vibre l'émerveillement.

Une salve d'applaudissement s'élève dans la salle. J'entraperçois le sourire timide de Gulf qui se lève pour saluer le public. Même après tout ce temps, il est resté humble... Quel amour... Des larmes de fierté me montent aux yeux. Derrière son léger sourire, pourtant, je décèle une discrète mélancolie.

Es-tu heureux, Gulf ?

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Octobre 2023

J'attends dans une alcôve de ce bar chic, buvant compulsivement des gorgées de mon cocktail dont je ne perçois même pas le goût tant je suis distrait et nerveux. Autour de moi, une musique douce accompagne les gestes mesurés des habitués, des gens de la haute société qui trouvent ici luxe, calme et discrétion.

J'aperçois enfin celui que j'attends passer le pas de la porte, escorté par Tamp, mon garde du corps. Mild me rejoint, ses yeux malicieux plissés par un léger sourire ému.

— P'Mew... Comment tu vas ?

— Ça va plutôt bien. Je suis heureux de te voir.

— Tu m'as manqué... Depuis tout ce temps ! On ne te voyait plus.

Je sens une grimace contracter mon visage à ces mots. C'est dans la solitude que j'ai puisé ma seule consolation toutes ces années. Une solitude créatrice, mais une solitude quand même. Mild est resté un ami solide, d'une valeur inestimable. Néanmoins, même lui a fini par me voir m'éloigner peu à peu. Je ne pouvais m'empêcher de le questionner sur Gulf, et je crois que finalement, ça me blessait plus qu'autre chose...

— J'ai traversé des périodes... compliquées. Allez, je te paye un verre, enfin même plusieurs, je connais ta descente ! Raconte-moi toute ta vie !

À peine ai-je encouragé Mild à me mettre à jour sur ses péripéties, que voilà le moulin à parole reprendre du service. Impossible de l'arrêter. Ses projets d'acteurs mais aussi d'animateur télé, son emménagement prochain avec Grace... En une heure, me voilà au fait des moindres détails de sa vie. Nous discutons joyeusement, partagés entre confidences et hilarité. Enfin, Mild pose la question fatidique, avec un tel sérieux, que je me sens désarmé, vulnérable...

— Et toi, P'Mew ? Tu es heureux ?

— Autant que je peux l'être sans l'amour de ma vie à mes côtés, dis-je le plus sincèrement du monde.

Avec Mild, rien ne sert de mentir. Je n'en éprouve même pas l'envie. Il soupire, peiné, se pinçant les lèvres comme s'il se retenait de me dire quelque chose. Cela fait bien longtemps que j'ai arrêté de le questionner sur Gulf. Ce n'était pas sain, et je n'avais pas le droit d'utiliser mon ami ainsi. Pourtant, ce soir, la curiosité me déborde.

— Comment va-t-il, Mild ? S'il te plaît...

Il soupire une nouvelle fois, abandonnant toute résistance avant même d'avoir essayé.

— Depuis son retour, pas très fort.

Mon cœur se serre. Je ne supporte pas de l'imaginer malheureux.

— Pourquoi donc ? Sa vie semble incroyable vue d'ici...

— Pour les mêmes raisons que tu ne peux pas être complètement heureux toi non plus...

Un insidieux espoir serpente dans mes entrailles.

— Tu veux dire que... ?

- Oui ! Oui ! Oui ! tonne-t-il. J'en ai marre de vos bêtises. Tu lui manques autant qu'il te manque. J'ai essayé de le détourner du passé, mais c'est impossible. Il est encore amoureux, Mew... Je ne devrais pas te le dire, c'est le jardin privé de Gulf. Il m'en voudrait de t'en avoir parlé. Mais je ne supporte plus de le voir ainsi, cramponné au passé, s'interdisant d'être heureux.

Mon cœur palpite tellement fort que je sens mon sang battre dans mon cou et mes tempes.

— Mild... Bordel de merde...

— Quoi ? Qu'est-ce qui t'arrive ? On dirait que tu as vu un fantôme.

— Je pensais que Gulf m'avait oublié... Avant son départ pour Paris, j'avais prévu de le reconquérir. Je me sentais plus fort, plus mature, prêt à assumer une relation au grand jour. La carrière de Gulf avait bien décollé auprès du grand public, ainsi que la mienne. J'ai pensé qu'il était temps de nous retrouver. Je savais depuis le début que je l'aimerais toujours, qu'il nous fallait juste prendre un peu de recul... Et puis Gulf s'est envolé pour l'Europe. Qu'aurais-je pu faire ? Je l'ai laissé partir, et j'ai repoussé mes sentiments... Encore...

Mild me regarde avec de grands yeux écarquillés, une main couvrant sa bouche, l'air stupéfait.

— Tu veux dire que tout ce temps, vous vous morfondez l'un pour l'autre alors que vous désirez la même chose ?

— J'en ai bien l'impression...

— Mais quelle bande de crétins vous êtes !! tempête-t-il en me donnant un coup sur le crâne, inversant un geste que je lui destine habituellement.

— Aie ! Ça fait mal !

— Et briser le cœur des gens, ça ne fait pas mal, peut-être ? Idiots, idiots, idiots, s'énerve Mild, l'air véritablement contrarié. Tant de temps perdu... grommelle-t-il.

— Mild... Il allait vivre son plus grand rêve... Je n'allais pas débarquer, la bouche en cœur, et tout bouleverser ?

Mild m'observe longuement, semblant peser le pour et le contre.

— Je ne sais pas... Peut-être... consent-il à admettre. Tout ce que je sais, c'est que Gulf n'a jamais cessé de penser à toi.

— Et je n'ai jamais cesser de penser à lui...

— Qu'est-ce que tu vas faire, alors ?

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12 octobre 2023, Global Kinnaree Awards

Une nouvelle fois, l'émotion me saisit à la gorge. Gulf Kanawut, tu es une merveille, une perle rare.

Je ne peux plus être loin de lui plus longtemps, je n'en ai plus la force. Quand j'ai appris que nous serions au même événement, j'ai su qu'il fallait que je tente le tout pour le tout. En me dirigeant vers le balcon, j'ai encore plus le trac que sur scène plus tôt. La pluie est faible, légère comme une brume. Gulf se tient de dos, penché sur la rambarde, dans cette tenue incroyable que je n'oublierai jamais, le jour où je l'ai quitté.

À mesure que je m'approche, ma tension cardiaque s'accélère. J'arrive à peine à respirer...

— Gulf...

Il se retourne.

— P'Mew...

Une déflagration dans ma poitrine, dans tout mon être.

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— Je savais que le destin te mettrait à nouveau sur ma route, Gulf Kanawut... dis-je doucement, la voix serrée d'émotion.

— C'est aussi le destin qui te pousse à venir me reparler après des années de silence ? lance-t-il, méfiant.

Il se recule de moi comme s'il sortait enfin de son état de sidération en prenant conscience de ma présence.

Je ne suis pas surpris. Il n'allait pas me sauter dans les bras comme si de rien n'était. Mon chaton grognon a toujours eu de la fierté après tout.

— Non... Je... J'avais besoin de te parler, de te voir, expliqué-je maladroitement.

— C'est un peu tard pour ça, tu ne crois pas ? siffle-t-il, acerbe.

Bon, ce ne sera pas facile...

— Je suis désolé... Tant de fois j'ai voulu prendre de tes nouvelles, mais c'était trop dur.

Il pince les lèvres, comme s'il contenait une intense émotion.

— Gulf... Je... Je sais que je n'ai pas le droit de te dire ça aussi légèrement, particulièrement ce soir. Mais j'ai tellement lutté, toutes ces années.

Il fronce les sourcils, opaque au cheminement de mes pensées.

— Lutter contre quoi... ?

— Est-ce qu'on pourrait aller parler ailleurs... ? Il y a un jardin, à deux pas d'ici. Allons-y, si tu es d'accord ?

Il hoche la tête en un assentiment silencieux. Je n'ose pas le toucher, de peur de me voir encore rejeté, mais je ne le quitte pas des yeux tandis que nous nous faufilons pour quitter la salle de réception. Une fois à l'air libre, nous rejoignons le beau jardin de Lumpini, poumon vert de Bangkok. Sous ses grands arbres, les bruits de la ville disparaissent, assourdis par les feuillages... Un havre de paix en plein cœur de ville. Nous marchons en silence, nous gorgeant de l'air frais de la nuit. Gulf me jette des petits regards réguliers.

— Gulf je... Je suis si heureux que tu aies pu réaliser tes rêves. Tu te rends compte de ce que tu as accomplis ?

— Tu ne t'en es pas mal sorti non plus... dit-il d'un air timide, scrutant obstinément le bout de ses chaussures.

— J'ai fait ce que j'ai pu. Est-ce que... tu es heureux ?

— J'essaye, en tous cas. Je ne suis pas à plaindre, n'est-ce pas ?

Non... Mais tout comme moi, tu n'es pas complet, ne puis-je m'empêcher de penser. Finalement, je m'arrête net sous un grand arbre, et me tourne vers lui, bien décidé à tout déballer, incapable de me retenir plus longtemps.

— Gulf... Tu m'as tellement manqué... lâché-je d'une voix plaintive.

— Pourquoi... tu me dis ça aujourd'hui ? souffle-t-il d'une voix faible.

Ses yeux sont brillants, ses joues écarlates. De timidité ou de rage ? Je ne saurais le dire.

— Parce que je n'arrive plus à faire semblant, et que les choses ont changé.

Les jambes tremblantes, Gulf se laisse tomber sur un banc.

— C'est trop d'informations...

— J'ai beaucoup de choses à te raconter, c'est vrai... J'ai vécu ces trois dernières années dans un état presque second, un brouillard. J'ai l'impression d'avoir vécu un mauvais rêve dont je me réveille enfin.

Gulf braque son regard de biche suppliant sur moi. Il ne fait pas mine de vouloir m'interrompre, alors je poursuis, galvanisé.

— J'avais besoin de grandir seul, et de te laisser faire ton chemin. Mais tu sais déjà tout ça. On a grandi, sans l'ombre d'un doute. On a pu construire nos carrières, exister en dehors de notre couple. Et puis... La vérité, c'est que je ne t'ai jamais oublié. Cette histoire de destins liés, ça a toujours eu du sens pour moi, tu sais. Ce n'était pas des paroles en l'air. J'ai toujours chéri, au fond de mon cœur, l'espoir que tu me reviennes. Je ne savais pas quand, ni où. Je savais juste qu'il fallait te laisser t'envoler, pour mieux te retrouver un jour... Tu sais... J'ai voulu te reconquérir, mais je n'en avais pas le droit, pas à ce moment là. Ce n'était pas l'heure.

Son regard s'éclaire soudain, brillant de colère, ou d'espoir.

— Quoi, qu'est-ce que tu racontes ?! Quand ?

— Avant que tu ne partes pour Paris... C'est à cette période que j'ai décidé de porter notre bracelet, comme un message envoyé au Destin.

— Je n'y crois pas... Pourtant tu m'ignorais royalement...

— Je luttais pour ne pas me jeter à tes pieds.

— Pourquoi tu ne m'as rien dit ?!

— Est-ce que tu serais parti si j'étais resté ? Est-ce que tu serai parti si j'étais revenu ? Je n'allais pas tout gâcher en compromettant ton avenir... C'était encore trop tôt. Je devais te laisser t'accomplir... Et tu t'es merveilleusement accompli.

Je devine Gulf tenter d'encaisser ce que je suis en train de lui raconter, circonspect.

— Tu te moques de moi ? demande-t-il avec une froideur acérée.

— Quoi ? Non, jamais...

Il mordille sa lèvre avec nervosité. Des larmes embuent ses beaux yeux tendres. Sans pouvoir me contrôler, je me rapproche de lui pour saisir ses mains qu'il dérobe à mon emprise, s'essuyant rageusement les paupières.

— Tu crois que je suis un pantin ? Que tu peux me faire souffrir, m'aimer de loin, me laisser dans l'ignorance de tes vrais sentiments, puis débarquer la bouche en cœur, juste comme ça ?! C'est un jeu, pour toi ? élève-t-il la voix.

Il a le droit d'être en colère, bien sûr. Il a tous les droits sur moi, après ce que je lui ai fait subir. Toutefois, je ne regrette rien de mes choix. Je suis encore persuadé d'avoir pris la bonne décision. Les bonnes décisions ne nous rendent pas toujours heureux...

— Gulf... Je comprends. Tu peux me haïr autant que tu le veux...

— Je ne te hais pas... murmure-t-il pour lui-même.

— Réponds simplement à une question, d'accord ?

— Je t'écoute.

Le vent jouant dans les arbres crée une douce mélodie à nos oreilles et nous isole du reste du monde. L'expression de Gulf, sérieuse et blessée, me transperce. Je sens une fermeté, une rage et une détermination l'animer, comme je ne lui en avais jamais connu auparavant.

— Est-ce que tu aurais embrassé d'autres femmes dans les séries télé qui ont suivi Tharntype, si on avait encore été ensemble ?

— Je...

— Sois honnête.

Gulf prend le temps de réfléchir, l'air de débattre intensément en lui-même de cette question épineuse.

— Je... Je ne sais pas si j'aurais pu...

— Est-ce que tu serais parti à l'autre bout du monde, si on avait encore été ensemble ?

— Non... souffle-t-il, sans même réfléchir cette fois.

— Est-ce que tu aurais pu jouer de telles scènes d'amour, avec des femmes mais aussi des hommes ? Est-ce que tu te le serais autorisé, alors que notre relation était si fusionnelle, si pleine de possessivité ?

— Je... Non, je ne pense pas... Je ne sais pas ce que j'aurais fait...

— Laisse-moi deviner. Tu aurais refusé de nombreux projets, tu te serais empêché tant de choses, simplement pour préserver notre relation. Tu n'aurais jamais été libre de t'épanouir comme tu l'as fait...

— Peut-être... finit-il par concéder.

— Et surtout... tu aurais fini par avoir des regrets, et peut-être, qui sait, par me détester. Ce n'était pas notre heure, tu comprends ? Aujourd'hui, c'est différent, tout a changé... dis-je, suggestif, en plantant un regard rempli d'espoir dans le sien.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Tu sais très bien ce que je veux dire... murmuré-je en levant ma main pour caresser sa joue.

Au moment où mes doigts effleurent sa peau douce, un éclair zébrant le ciel noir nous surprend, une pluie diluvienne s'abat sur nous, me forçant à suspendre mon geste. Au lieu de ça, j'attrape le bras de Gulf et l'entraîne jusqu'à ma voiture pour nous abriter. Il ne rechigne pas. Tout comme les chats, il a toujours détesté la sensation d'être mouillé, il s'enrhume systématiquement.

Une fois au chaud, nous demeurons silencieux, nous reprenons notre souffle après cette course échevelée sous l'orage. La pluie crépite sur les carreaux. J'inspire lentement, me gorgeant de l'odeur de Gulf qui imprègne l'habitacle. Subtil mélange de parfum, de shampoing et l'arôme entêtant de son corps qui m'a toujours rendu fou. Sans plus attendre, je mets le contact et démarre la voiture.

— Où allons nous ?

— Chez moi.

Contre toute attente, il ne proteste pas.

~~

Je vois bien qu'il contient son émerveillement en découvrant le jardin spectaculaire de ma villa. J'ai toujours eu des goûts de luxe, contrairement à Gulf... J'en ai un peu honte, mais je ne peux pas m'en empêcher. Les affaires se portent bien, alors je me suis fait le plaisir d'acquérir une belle maison en périphérie de la ville. Comme je passe le plus clair de mon temps seul, chez moi, il me fallait un refuge au confort exemplaire. Gulf observe les lieux avec admiration.

— Est-ce que tu as fini par acheter une maison à tes parents ? lui demandé-je en allumant les guirlandes lumineuses du jardin, dévoilant une piscine où se reflètent la lumière de la Lune.

Il ne pleut plus à présent, seule une légère bruine se dépose sur nos peaux frissonnantes.

— Oui, je l'ai fait.

— Et toi ? Pourquoi vis-tu encore dans un appartement avec Mild ?

La surprise traverse son expression. Aie... Il me semble que Mild va s'attirer des ennuis par ma faute !

— Et pourquoi pas ?

— Tu n'as jamais voulu une maison pour toi ?

— Je ne sais pas... Pas pour le moment. J'aimerais repartir en Europe, tu sais, alors...

Un coup dans l'estomac. Pour autant, je ne rétorque rien et le guide dans le salon. Son regard se porte sur l'immense baie vitrée, puis le haut plafond blanc. Soudain, il éternue.

— Tu as besoin de te réchauffer et de te mettre au sec.

— Ça ira...

— Non, tu vas tomber malade. Suis-moi.

Je le pousse jusqu'à ma salle de bain et dépose un peignoir sur une petite chaise à son attention. Je capture son regard, et mon cœur s'accélère. Ses cheveux sombres, presque mi-longs, lui tombent devant les yeux. Ses clavicules délicates roulent sous sa peau dorée, ses grains de beauté m'hypnotisent. Ses yeux pénétrants semblent me défier. Je déglutis.

— Bon... Je vais te laisser un peu d'intimité, à tout à l'heure.

Sans un dernier regard, je referme la porte précipitamment, le cœur battant à tout rompre. Il ne cessera jamais d'attiser mon désir. Loin des yeux loin du cœur, dit-on ? Pas pour moi. En trois ans, il n'y a jamais eu que lui pour enflammer mes pensées. Combien de fois me suis-je retrouvé transi de désir au point de me toucher en pensant à lui dans le creux de mes nuits solitaires, son prénom roulant sur ma langue telle une prière, et son image envahissant mes paupières closes ? *

À mon tour, je me rends dans la seconde salle d'eau pour faire une toilette rapide, m'obligeant à refréner les appels de mon corps surchauffé. Mon anxiété, quand je pense au fait que Gulf ne me pardonnera peut-être jamais, fait de toute façon retomber mon excitation aussi vite qu'elle s'était manifestée.

J'enfile un pantalon souple et un débardeur blanc, puis regagne le salon pour attendre Gulf dans mon immense canapé gris perle. Après avoir envoyé un texto à Taz, dans lequel je m'excuse de mon départ précipité de la cérémonie, j'étends mes jambes sur la table basse et recouvre mes yeux d'un bras, assailli de fatigue. C'est le bruit de petits pas feutrés sur le sol qui me tire de ma somnolence. J'ouvre les yeux, battant des cils à la vision de rêve qui s'offre à moi.

Gulf se tient là, les cheveux humides ; des gouttes d'eau glissent dans son cou fin, sa gorge est découverte par les pans du peignoir. Une sublime et surnaturelle apparition.

— Ça va mieux ? lui demandé-je après avoir repris contenance.

Il hoche la tête, sans répondre, puis me rejoint sans hâte sur le canapé.

— Tu veux boire ou manger quelque chose ?

Il se contente une nouvelle fois de secouer la tête en signe de négation, implacablement muet. Mon regard se porte sur son cou, happé par une goutte d'eau dévalant sa peau. J'ai envie de la lécher... Je me contente de la recueillir de mon pouce. Le contact fait tressaillir Gulf, qui ferme les yeux et se mordille la lèvre. Nos cœurs se synchronisent, battant d'un même pouls. Nos respirations mêlées semblent envahir la pièce de leur sonorité.

— P'Mew... murmure-t-il, désormais adouci.

— Oui... ?

— Tu m'as manqué aussi...

« Tu m'as manqué aussi... » Ces simples mots m'étourdissent. Des sanglots montent dans ma gorge.

— Je suis tellement désolé de t'avoir rendu malheureux... lui confié-je d'une voix chevrotante.

Ma main se pose sur sa joue fraîche, et cette fois-ci il ne me repousse pas. Au contraire, il frotte sa joue contre ma paume, m'envoyant une infinité de frissons sous la peau.

— Je regrette de t'avoir blessé, mais pas nos parcours, ni ce que tu es devenu. Je n'aurais pas supporté que tu vives avec des regrets, tu comprends ça ?

— Qu'est-ce qui a changé en toi ? Tu as dit que beaucoup de choses avaient changé... enchaîne-t-il.

Je réfléchis, mûrissant longuement ma réponse, un trac profond s'empare de chaque fibre de mon être.

— Eh bien... Déjà, je n'ai plus peur d'entraver ta carrière. Tu as pu te réaliser seul. C'est une première chose. Deuxièmement, je suis plus solide, plus sûr de moi. J'ai réussi à faire ma place et à prouver ma valeur. Je ne vis plus sans cesse dans l'insécurité, la peur de l'abandon. J'arrive à me détacher du regard des autres. Et enfin... La société, elle-même, est devenue plus tolérante, plus acceptante, plus éduquée. C'est loin d'être parfait, mais je me sens prêt à assumer qui je suis vraiment aux yeux des autres. Je ne veux plus vivre dans l'obscurité. Et surtout, je ne veux pas vivre sans toi.

Pendant tout mon discours, les yeux de Gulf se sont agrandis de stupéfaction.

— Il y a une chose qui n'a pas changé en revanche... chuchoté-je en plongeant mon regard dans le sien.

— Quoi donc... ? souffle-t-il d'une petite voix.

— Mon amour et ma passion pour toi...

Des larmes se forment dans ses yeux sombres et perlent le long de ses cils, coulant sur ses joues plus creuses que jamais. Je pose mon front contre le sien et essuie ses larmes de mes pouces. Il s'effondre dans mon cou, pleurant tout son soul. Mes bras viennent enrouler sa taille fine. De longues minutes s'écoulent ainsi, sans que notre étreinte ne se desserre. Je suis incapable de le lâcher ; un noyé cramponné désespérément à son seul espoir de survie.

Des minutes, ou peut-être des heures plus tard, Gulf lève le nez. J'ai l'impression d'avoir été aspiré dans une faille spatio temporel, ou le temps s'écoulerait différemment. Je flotte dans un état second, Gulf dans mes bras. Seuls des respirations lourdes et des reniflements réguliers lézardent le silence. Nos regards s'agrippent. Mon souffle ricoche sur ses lèvres, ses lèvres divines qui m'ont tant manqué, hantant mes rêves et mes cauchemars, chacune de mes pensées, chacun de mes tourments, de mes désirs profonds.

— Gulf... Je...

La chaleur de son souffle vient se loger dans mon estomac, telle une lame de fond retournant tout mon être. Mon cœur danse une valse effrénée. Sa bouche se tend au ralenti, s'ouvre délicatement. Je la dévore du regard, affamé de leur courbe voluptueuse ; luisante de salive, rouge de passion, enivrante comme un vieux rêve. Je fonds sur elles avec l'urgence d'un condamné aux ténèbres découvrant enfin une source de lumière.

Nos lèvres se rencontrent enfin... C'est doux, tiède et réconfortant comme un retour à la maison après un long voyage, un bonheur primitif et enivrant.

Mon monde recouvre ses couleurs. Mes veines se gorgent de sang. Tel un estropié remarchant, un aveugle retrouvant la vue, on m'impulse la vitalité à nouveau. Et je m'abreuve ardemment à ce souffle de vie.

Nos lèvres se redécouvrent avec lenteur et révérence, semblant craindre de briser cet instant si précieux et fragile, suspendu à un fil. Bientôt, une faim vorace se substitue aux baisers timides. Plus je l'embrasse, plus je veux le goûter. Une folie me ravage l'estomac et les reins. Mon cœur bat si fort qu'il m'écorche la poitrine.

— Hum... P'Mew... gémit-il contre ma bouche, les yeux clos, perdu dans un rêve.

Ma langue vient chercher la sienne et un feu d'artifice éclot dans mes entrailles. Il n'y a plus de douceur, de tendresse, seulement une faim insatiable et désespérée l'un de l'autre. Mes mains se referment sur ses joues pour approfondir le baiser, ou plutôt cette morsure de désir qui me donne le vertige. Je lèche ses lèvres, suce sa langue, avale ses soupirs, fouille sa bouche sans même prendre le temps de respirer, me délectant de son odeur, du goût de sa salive, de la violence de son désir.

C'est tellement bon que je pourrais mourir.

C'est tellement bon que ça me fait mal.

Nos larmes coulent et viennent s'échouer sur nos lèvres, mourir sur nos langues. Jamais une telle passion ne m'avait habité. Lorsque nous nous détachons, à bout de souffle, un filet de salive relie nos lèvres meurtries. Nos yeux se ferment, le temps de reprendre nos esprits. Après quelques minutes, je les rouvre pour contempler son visage. Je réalise alors que Gulf a l'air épuisé, somnolant contre mon front. Toutes les émotions de la soirée ont dû l'achever.

— Gulf... allons-nous allonger. Tu tombes de sommeil.

Il hoche la tête sans répondre, se laissant tomber contre moi comme un enfant privé de ses forces. Il est toujours si fatalement mignon... Je le porte dans mes bras, le conduis jusqu'à ma chambre. Gulf ne proteste pas et s'accroche à mon cou. Je le dépose dans mes draps, sous la couverture, et viens me coller à lui en l'installant sur ma poitrine. Sa respiration lente et apaisée me berce. Je caresse ses cheveux. Le temps, une nouvelle fois, ne semble plus avoir de prise sur nous.

— P'Mew... perce-t-il enfin le silence d'une voix douce, luttant farouchement contre le sommeil. Raconte-moi ta vie. Raconte-moi tout ce que j'ai raté. Je veux tout savoir. Tes joies, tes peines, tes réussites, tes rêves. À quoi ressemble ta vie aujourd'hui ?

Je souris avec tendresse, amusé par cette curiosité.

— Il y a beaucoup trop de choses. Je ne peux pas tout te raconter en une nuit, voyons.

— Raison de plus pour commencer maintenant, pour ne pas y être encore l'année prochaine.

— Hum... D'accord... Par quoi je commence ? réfléchis-je à haute voix.

— Et si tu commençais par me parler de tes chansons ? Ce qui t'inspire ? Elles sont toutes si belles, toutes si... tristes.

Je pousse un profond soupir, jouant avec quelques mèches ondulées sur son front.

— C'est nous deux... Rien que nous deux... Rien d'autre ne m'inspire.

Gulf attrape ma main, qu'il vient poser sur sa joue, se frottant doucement à elle. Une tendresse indicible m'emplit la poitrine ; irrigue abondamment la terre desséchée de mon cœur.

— Tu as dû tellement souffrir alors... compatit-il.

— Probablement autant que toi... Tu m'as manqué à en crever. Je n'arrive pas à croire que tu sois là, dans mes bras. Est-ce que je rêve ? Aie ! Qu'est-ce qui te prend ?

— Je te pince. Visiblement, non, tu ne rêves pas.

Gulf lève la tête pour planter son regard malicieux dans le mien. Je me penche vers lui, lui ravissant un baiser. Je l'embrasse mollement, m'impregnant de chaque relief de ses lèvres.

— Non... Je ne rêve pas. Je te sens parfaitement. Ton odeur ensorcelante, tes lèvres si douces, ton goût qui m'avait tant manqué...

— P'Mew... gronde-t-il.

— Quoi ?

— Tu es toujours un incorrigible charmeur... Ça ne prend plus avec moi dorénavant, me lance-t-il, espiègle.

— Tu es sûr... ? soufflé-je tout contre ses lèvres en reprenant mon baiser, beaucoup plus brûlant et demandeur, le laissant cette fois-ci sans voix.

Notre baiser s'approfondit, je me faufile sous la couverture pour l'enlacer fermement ;  je me nourris de sa bouche, de ses soupirs.

Nos halètements résonnent dans la pièce, douce et érotique complainte. Vorace, j'embrasse sa gorge, sa nuque, son oreille, puis j'écarte doucement les pans du peignoir, dévoilant la rondeur de ses épaules parsemées de grains de beauté. Épaules que je mordille en grognant de convoitise. Les doux gémissements de Gulf coulent en moi comme du miel.

— Et toi tu es toujours aussi magnifique... Laisse-moi t'aimer... Je t'en prie... Je te veux tellement...

— Oui... Aime-moi... Aime-moi... Je te veux plus que tout...

Bientôt, il se retrouve à demi-nu tout contre moi. Un trésor que je redécouvre, n'ayant rien perdu de son éclat. Ses clavicules délicates, ses épaules rondes, ses tétons adorables... Je plonge sur eux, les lape comme d'irrésistibles gourmandises, tirant à Gulf d'exquis couinements de plaisir. Il s'agrippe à mes cheveux. Je lève les yeux, contemplant cette merveille enfin retrouvée. Une émotion me comprime la gorge.

Je fonds sur son corps après m'être débarrassé de mon débardeur, animé d'une passion dévastatrice. J'épingle ses poignets sur le matelas et niche mon nez dans ses aisselles que j'honore de mes lèvres, lapant ses poils, bouillant du besoin de me repaître de lui. Ma bouche volage papillonne ensuite sur son thorax, ses tétons encore, dont je ne me lasse pas, son ventre, toujours aussi moelleux et adorable, ses côtes, puis son aine, que j'inspire profondément, me gorgeant de son odeur comme un toxicoman en manque.

Mon regard migre vers le sud, où je devine un renflement sous le tissu. J'y frotte ma joue. Gulf gémit. J'infiltre ma main dans l'ouverture du peignoir, l'écarte jusqu'à découvrir son sexe qui se dresse instantanément sur mon menton. Je tressaille, subjugué, jurant presque tant cette vue m'excite et m'émeut à la fois. Trois ans d'abstinence, ça rend fou... Trois ans sans lui, surtout. Est-il possible de canaliser ce désir qui me fait perdre tout sens commun ?

— P'Mew... P'Mew... halète Gulf au-dessus de moi.

Il frissonne en sentant mon souffle chaud effleurer son gland humide et sensible.

Je peux presque sentir son cœur battre à travers sa virilité tiède et gonflée. Cette délicieuse colonne de chair m'appelle... Je dépose un baiser sur son extrémité, la lape délicatement. Gulf tremble. Je le taquine longuement, léchant et suçotant, jusqu'à le rendre fou. Son goût et sa texture m'emplissent la bouche, divins. Ses hanches s'agitent en tous sens, cherchant à s'enfoncer plus encore. Je le prends enfin entièrement en bouche, savoure son appétissante longueur sur ma langue, la fais glisser jusqu'au fond de ma gorge. Mon sexe palpite douloureusement à cette sensation, imbibant déjà le coton de mon pantalon d'un liquide de désir pur.

Pendant que je le suce avec ardeur, semblant me nourrir de lui après une interminable famine, Gulf amène une de mes mains à ses lèvres. Il glisse indécemment mes doigts dans sa bouche, y enroulant lascivement sa langue. Des picotements de désirs me foudroient. Je devine ce qu'il veut... Je me redresse pour l'embrasser avec passion, amoureux de ses lèvres impudiques, puis promène mes doigts trempés de sa salive sur l'arrondi charnu de ses fesses. Je retiens avec peine un râle de désir.

— Ça m'avait tant manqué... éxpiré-je tout contre son oreille, suffocant.

Gulf plante ses ongles dans mon dos en creusant instinctivement ses reins, la gorge offerte, les yeux clos. Le visage du désir. D'un doigt curieux, je chatouille son orifice tendre et serré, si doux.

— Oui, oui, oui... m'invite Gulf à l'explorer, au comble du besoin.

Je caresse doucement son entrée, gravant dans ma mémoire chacun de mes gestes et de ses adorables sons, comme pour une toute première fois. Mon index perce enfin son petit anneau de chair, et coulisse lentement en lui. Sa moiteur chaude m'enserre, me fait vaciller dans un monde de délices. Mon sexe tressaute et des perles de désir coulent déjà abondamment dans mon pantalon. J'embrasse sa gorge, la mordille, l'aspire entre mes lèvres, sur lesquelles je sens son pouls battre furieusement.

— Mon bébé... haleté-je, retrouvant naturellement les mots doux qui n'appartiennent qu'à nous.

Ses jambes s'entremêlent aux miennes, et d'une main fébrile il atteint l'élastique de mon pantalon pour le faire descendre sur mes cuisses. Ma hampe lourde se dresse sur mon ventre et Gulf vient y appuyer son propre membre. Pendant que je le doigte avec plus de vigueur sans cesser de savourer ses lèvres, il se frotte à moi.

— Bébé... oui... c'est ça... l'encouragé-je pendant qu'il ondule lascivement contre moi.

Mon sexe est si sensible que je pourrais jouir dans la seconde, mon doigt profondément logé en lui. Il s'arc-boute, aux abois, un besoin ardent semble le posséder. Plus rien n'existe si ce n'est la quête de sa libération imminente. Je veux lui faire du bien, le sauver du mal qui l'a rongé, lui faire voir des étoiles. Je veux me dédier entièrement à son plaisir.

Soigner son âme.

De mon pouce, je frotte doucement son gland, d'un geste tendre, tout en fouillant en lui à la recherche de son point d'extase. C'est si bon de sentir la moiteur et la chaleur de ses profondeurs, de lui apporter tant de bien seulement par la magie de mes doigts. Gulf a toujours été si sensible... Je me souviens, la première fois que je l'ai exploré à cet endroit, il s'est répandu à la seconde où j'insinuais une phalange en lui... Je l'entends gémir de plus en plus fiévreusement contre mon oreille, alors qu'il s'empale avidement sur mon doigt, au bord du précipice.

— Ah... Oui... Oui... P'Mew... Encore... Oui... Juste là...

Cette caresse est tellement érotique, je dois lutter pour ne pas me faire emporter par les vagues impétueuses de l'orgasme.

— Oh... Je vais bientôt... Je vais bientôt...

— Lâche tout mon bébé... Oui, vas-y... C'est ça...

Ces quelques mots semblent l'autoriser à s'abandonner, puisqu'il glapit longuement en se cambrant, traversé d'intenses soubresauts. Sa semence chaude inonde mes doigts. Je retire mon index avec délicatesse et le serre contre moi, embrassant son front, ses cheveux, ses oreilles, son nez et enfin sa bouche soyeuse. Je le laisse retrouver son souffle en le berçant paresseusement. Puis, je l'allonge sur le dos et reprends mes caresses sur son corps, loin d'être rassasié de sa peau. Je le dévore, de long en large. Je veux le goûter, absolument partout. Ma langue vient se nicher dans tous les recoins de son anatomie ; aisselle, nombril, son sexe au goût salé de sa semence, puis ses testicules que j'avale longuement, inspirant son arôme musqué.

— P'Mew... C'est trop, trop...

J'écarte ses fesses, sans tenir compte de ses supplications, et déglutis en contemplant sa petite ouverture rose et serrée. J'inspire son odeur, puis glisse le bout de ma langue sur sa peau moite. Une lave de désir se déverse dans mon ventre, lèche mes reins. J'ai toujours adoré cette caresse si intime, elle donne le sentiment de le connaître et de le posséder au plus profond de lui-même. Je le dévore goulûment, pendant qu'il se tortille. Son sexe a déjà repris sa pleine forme. Le mien est tellement dur qu'il me fait mal.

— P'Mew...

— Oui, amour ?

— Fais-moi tien... Je suis prêt. Fais-moi tien... m'implore-t-il.

Je me redresse pour l'embrasser voracement, quand je réalise une chose importante.

— Gulf, bébé... Je, je n'ai pas de préservatif, l'informé-je en grimaçant, plus que contrarié.

Son regard se voile... Ses mains, qui étaient possessivement plantées dans mes épaules, se détachent soudain et retombent sur les draps.

— Est-ce que... tu as connu d'autres personnes, après moi ? demande-t-il avec difficulté.

Je comprends ce que ma question lui a laissé entendre, alors que ne je pensais en réalité qu'aux précautions d'usage, au cas où.

— Quoi ? Non, non.... Il n'y a jamais eu que toi, mon amour...

De nouvelles larmes, de soulagement cette fois, baignent ses joues. Je devine la frayeur qui a dû lui nouer l'estomac à l'idée que j'ai pu être intime avec d'autres que lui. L'imaginer dans d'autres bras que les miens me soulèvent également le cœur.

— Et... et... toi ?

Je suis terrifié de sa réponse, mais j'ai besoin de savoir.

Il porte une main à ma joue, un sourire doux et tendre sur les lèvres.

— Je n'ai jamais aimé ni désiré une autre personne que toi...

— Oh, mon amour... Mon amour... Je t'aime tant. Je t'aime tant.

— Je t'aime aussi... sanglote-il.

J'embrasse sa gorge avec ferveur, puis glisse mon sexe contre ses chairs moites et légèrement ouvertes. Je relève mon visage, capture son regard où dansent des étincelles, puis caresse ses larmes de mes pouces.

— Tu es ma merveille, tu es mon tout. Je t'aime à la folie.

Je l'embrasse délicatement ; caresse d'une plume sur sa bouche. Et enfin, je me fonds en lui. Tout doucement, avec une précaution infinie, tandis qu'il gémit langoureusement. Il est tellement, tellement serré. J'ai l'impression de le reconquérir et de renaître. J'étais un être morcelé, la poitrine béante.

Me voilà désormais entier, plein et comblé, complet.

Je le pénètre avec lenteur, désirant sentir chaque grain, chaque relief de son intérieur. Je garde les yeux ouverts, sans jamais quitter son visage défait de bien-être.

— Je t'en prie, regarde-moi mon amour... Regarde-moi, supplié-je en enserrant sa nuque, collant son front contre le mien.

Je me noie dans ses pupilles, m'évapore de bonheur en lui. Chaque coup de rein, lent et profond, revêt un goût de paradis retrouvé. D'ordinaire silencieux pendant l'amour, je me surprends à gémir, fort, à chaque poussée. Je ne retiens plus rien. Je suis entièrement moi-même, vulnérable, sans fard ni posture, démasqué. Des larmes s'échappent de mes paupières, tombent sur le visage de Gulf ; ses yeux magnétiques et sa bouche entrouverte sur des soupirs délicieux.

— Tu es... mon tout... mon paradis... mon âme.

Je retrouve ses lèvres, respirant à travers son souffle. Il me serre si fort, ses jambes enroulées autour de ma taille et ses bras accrochées à mon cou, que j'ai l'impression de fusionner avec lui. Je ne ressens même plus les limites de nos deux corps soudés l'un à l'autre, vibrant à l'unisson dans une danse somptueuse, furieuse et absolue.

— Tu es si doux, si chaud, si bon... Mon merveilleux amour... Mon tournesol... continué-je de le bercer de mots doux, m'unissant à lui avec une vénération indescriptible.

Puis, sans crier gare, Gulf se redresse et me fait basculer sur le dos, se retrouvant au-dessus de moi. Mes mains viennent se poser d'instinct sur sa taille fine, les siennes sur mon torse. Il braque un regard déterminé dans le mien, puis commence à se mouvoir avec une grâce et une lascivité insoutenables.

— Mon bébé...

Il ondule et danse sur mon sexe, allumant un incendie dans mon sang. Gulf a tellement changé... Il n'est plus cet oisillon tombé du nid. Il est fort, décidé, déterminé et insolent, d'un tempérament de feu. Une tempête de flamme qui réchauffe mon âme esseulée.

— Tu es merveilleux... ne puis-je m'empêcher de le louer, admirant sa beauté folle et indécente.

— P'Mew... Tu es mien. Plus jamais je ne te laisserai partir, halète-t-il en s'empalant sur mon sexe toujours plus vigoureusement.

— Plus jamais... Plus jamais... Je te le promets.

— Jure le moi... murmure-t-il en imposant maintenant à son bassin un rythme lent et lancinant, bloquant de ses mains fermes mes hanches qui se soulèvent d'impatience.

— Je te le jure... Je t'aime plus que tout.

— Aaah...

Il se cambre, sa tête bascule en arrière, son expression transpire d'extase. Il libère mes hanches pour me permettre de le pénétrer sans relâche, me laissant éperdu, noyé, enivré. En transe.

— Fais-toi du bien mon bébé, oui, c'est ça...

Il se meut de plus en plus rapidement sur mon sexe, me chevauchant à un rythme endiablé. Je suis à bout. Je vais bientôt imploser et jaillir en lui...

Me briser de bonheur sur les rivages de son corps, et enfin ressusciter dans l'enveloppe de ses bras.

— Ah P'Mew... Oui... Je t'aime ! Je t'aime ! hurle Gulf en s'effondrant sur mon torse.

Il frotte frénétiquement son sexe contre mon ventre en m'embrassant furieusement, atteignant enfin sa délivrance.

Sa langue chaude et délicieuse, ses chairs tendres et serrées qui m'avalent en lui, son odeur affolante, sa peau frémissante, sa semence coulant sur mon ventre : je chavire, c'est vertigineux. Je rugis dans sa bouche et répands mon essence en lui à mon tour, tout en l'etreignant violemment.

Nous basculons, ensemble, dans un abyme de bonheur insensé, céleste.

De la buée s'est déposée sur la fenêtre de ma chambre, nos respirations mêlées s'apaisent... Je caresse le crâne de Gulf, légèrement humide de transpiration. Ma main chemine jusqu'à son dos nacré de sueur, ses fesses veloutées que je caresse distraitement.

— Merci... Merci d'être là, merci de me pardonner, merci de m'avoir ramené à la vie, dis-je tout bas.

— Ne me quitte plus jamais, répète-t-il encore avec autorité, ses yeux pénétrants férocement plongés dans les miens.

— Plus jamais.

Il m'embrasse avec dévotion, laisse planer ses lèvres sur chaque parcelle de mon visage.

— Je vous aime tant, Mew Suppasit... murmure-t-il à mon oreille.

Après un silence à peine troublé par le ronronnement paisible de nos soupirs, il reprend la parole.

— Tu sais... Je suis heureux de pouvoir réaliser mes rêves. Mais des rêves, il y en a d'autres... Depuis le début c'est toi, mon plus grand rêve...

Des filaments de bonheur me traversent de part en part, mon cœur se gonfle tant que je pourrais m'envoler au firmament.

— Toi aussi tu es mon plus beau rêve... susurré-je contre ses lèvres.

Toujours enfoui en lui, je sens mon sexe se réveiller et pulser à nouveau. Gulf me jette un regard interrogateur.

— Désolé je... Ça fait long, trois ans d'abstinence, qu'est-ce que tu crois !

Un sourire fend son joli visage, avant de se muer en fou rire communicatif. Nous roulons sur le lit, nos corps toujours emmêlés et reliés l'un à l'autre, prêts à nous aimer toute la nuit durant...

Nous retombons sur le matelas, épuisés et à peine rassasiés, des heures plus tard. En sueur, les membres endoloris, recouverts de nos fluides et de nos essences intimes. Je crois pouvoir affirmer que je n'aurai jamais fini de me repaître de lui...

— P'Mew ?

— Oui tua eng ?

— Continue de me raconter toute ta vie, s'il te plaît.

— C'est vrai... On a été légèrement distraits par nos ébats, pouffé-je.

— Trois ans c'est long, tu l'as dit.

J'embrasse tendrement le bout de son nez.

— C'était si long que j'ai cru mourir... Mais maintenant je ne te lâcherai plus jamais. Tu me complètes, Gulf Kanawut. Je veux qu'on grandisse ensemble, pour le meilleur et pour le pire. Je ne veux plus cacher notre relation. Tu es mon souffle, mon ancre, mon horizon.

— Ça ferait une belle chanson, me taquine-t-il, mais je perçois une vive émotion dans sa voix tremblotante. Oui, P'Mew, grandissons ensemble, pour le meilleur et pour le pire...

— Alors... Où j'en étais...

~~

Je me réveille en pleine nuit, l'esprit cotonneux et le corps engourdi. La soirée me revient en mémoire, et je souris comme un bienheureux, me lovant contre Gulf... qui a disparu. Sa place est encore chaude, pourtant laissée vide. Une pointe de stress m'envahit. Je me lève avec élan, dans le plus simple appareil.

Dans le salon, personne. La cuisine. Personne. La salle de bain. Toujours personne. Mon rythme cardiaque s'accélère. En revenant au salon, je réalise alors qu'il fait frais... De l'air s'infiltre par la baie vitrée ouverte. Je m'approche, et c'est là qu'il m'apparaît. Gulf, totalement dénudé, planté en plein milieu du jardin, perdu dans la contemplation du ciel étoilé.

Je ne peux m'empêcher de sourire à cette vision surréaliste, m'évoquant l'image d'Adam se dressant fièrement dans le jardin d'Éden. Je m'approche de lui et enserre sa taille par derrière, nichant mon nez contre sa nuque, inspirant sa fragrance unique.

— Tu ne dors pas... ?

— Je regarde le ciel.

— Ah oui ?

— Regarde la Lune.

Je lève le nez, m'abîme dans la vision magnétique du disque phosphorescent qui veille sur nous, paisible. Bas, immense et d'une lumière surnaturelle.

— La Lune est belle ce soir, tu ne trouves pas ?

— Oui, mon tournesol, elle est magnifique.

~~

* Référence au chapitre précédent. Gulf se demandait à qui pensait Mew dans "le creux de ses nuits solitaires".

~~

Et voilà... J'espère que vous êtes plutôt satisfait.e.s de cette fin. 🤞 Ils se retrouvent, évidemment ! Je n'aime pas les tragédies, je suis une incorrigible romantique accro aux happy end, je ne leur aurais jamais fait ça voyons. Par contre, j'aime bien faire souffrir quelque peu mes personnages (et mes lectrices/lecteurs au passage) sinon quel intérêt ? 😈 J'ai beaucoup aimé lire vos théories sur Mew ! Vous aviez raison : il n'a jamais cessé de veiller sur Gulf, de loin, et le bracelet signifiait bien qu'il était prêt à enfin vivre son amour au grand jour. Et fait amusant, c'est encore grâce à Mild qu'ils se (re)trouvent ! Qu'est-ce qu'ils feraient sans lui ?

Pour celles et ceux qui estiment qu'il manque des éléments (comme par exemple : vont-ils finalement révéler leur relation ou pas ?! Comment va réagir l'entourage ?) c'est normal ! N'oubliez pas qu'il reste un ÉPILOGUE, et qu'il va donc encore se passer des choses héhé.

Donc RDV la semaine prochaine, sans faute, pour le véritable bouquet final.

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