Chapitre 23 : « La Lune est belle, n'est-ce pas ? »
Gulf
Mars 2020
« La Lune est belle, n'est-ce pas ? »
Un soir de mars. Une photo de Mew sur Instagram. Ainsi que cette légende mystérieuse.
Hum... Serait-ce un nouveau message codé ? Nous nous sommes lancés depuis peu dans une correspondance cryptée à travers les réseaux sociaux. À défaut de pouvoir révéler notre amour ouvertement, nous prenons comme un malin plaisir à semer une traînée d'indices énigmatiques ; mine d'or pour les détectives les plus déterminés. C'est notre manière toute personnelle de nous revendiquer l'un autre, malgré les interdits.
Que peut bien signifier cette phrase... ? J'observe le ciel, d'un noir d'encre cette nuit. Un petit morceau de Lune perdu dans l'immensité brille faiblement...
« Non » je réponds, lapidaire, un peu trop direct comme je le suis toujours.
~~
Depuis notre maisonnette en front de mer, je contemple le paysage. Une végétation luxuriante, une eau cristalline et des langues de sable blanc à perte de vue flattent mes yeux émerveillés. Jamais je n'aurais pensé m'envoler pour un lieu aussi paradisiaque, pourtant à seulement 1h20 de Bangkok en avion. Mes parents ont toujours privilégié les destinations à bas prix, préférant sillonner l'arrière pays à bord de la camionnette familiale. Les vacances farniente n'ont jamais été au programme.
Ces quelques jours loin de la capitale revêtent un goût de liberté inattendue. Le nez collé à la baie vitrée, je me gorge du tableau mirifique qui s'offre à moi.
— Tu viens m'aider à ranger ? On ira profiter de la plage juste après, je te le promets.
Notre plan a parfaitement fonctionné. Best a accueilli notre suggestion avec un vif enthousiasme, se prenant pour un agent des services secrets en mission. Il a tout préparé pour notre départ, avec l'aide de Boss, communiquant officiellement sur un week-end de travail au soleil. Nous avons pris l'avion en toute discrétion, ou presque, et nous voici donc à Phuket, l'une des plus belles îles du pays. Nos managers ont eux aussi loué une chambre dans le petit complexe de vacances où nous résidons, pour parfaire notre couverture.
J'entends à peine Mew m'appeler, tout absorbé que je suis par le paysage. Ma main se tend d'elle-même pour ouvrir l'immense baie vitrée, mais au moment où je fais glisser celle-ci, des bras musclés me soulèvent et me ramènent dans la chambre sans ménagement, me tirant un grognement mécontent.
— Ne sois pas si pressé, chaton... Aide-moi à ranger. Plus vite ce sera fait, plus vite on pourra sauter dans l'océan.
— Hum... Pourquoi est-ce qu'on doit ranger ? On ne reste que trois jours. Laissons les valises là où elles sont et allons-nous baigner ! ronchonné-je comme un enfant impatient et capricieux, fronçant les sourcils en une moue boudeuse.
Négligeant la demande de Mew, je fouille dans ma valise à la recherche de mon petit maillot de bain bleu, quand celui-ci m'attrape par la taille et me jette sur le lit, épinglant mes poignets sur le matelas au dessus de ma tête. Son odeur, en un instant, fait battre mon cœur. Finalement, rester bloqué au lit avec lui n'est pas une perspective moins séduisante que le plan d'origine...
— Tu vas être un bon garçon obéissant, sinon... me menace-t-il en mordillant mon cou.
Mon pouls s'accélère, comme à chaque fois que je me retrouve dans une telle proximité avec mon homme... « Mon homme ». Cette prise de conscience hérisse ma peau. Je frémis sous son souffle chaud, qui me ferait presque passer mon envie d'océan. Pourquoi ne pas me laisser envelopper par les bras de Mew, tout aussi attirants que des profondeurs bleues turquoise... ?
— Sinon quoi... ? susurré-je, frottant impudemment ma cuisse entre ses jambes.
Mew expire péniblement et pose une main ferme sur ma hanche, qu'il immobilise sur le matelas.
— Bébé... Ce n'est pas le moment... Ne joue pas avec mes nerfs, gronde-t-il.
— C'est toi qui a commencé en me plaquant sur le lit, je te rappelle. Ai-je mal interprété tes intentions ? continué-je de l'attiser en léchant mes lèvres, sous son regard déjà flou.
Il déglutit, dépose un chaste baiser sur ma bouche et se relève en soupirant de frustration.
— Tu as gagné, vil tentateur. Allons-nous baigner sans passer par la case rangement, et sans passer par la case câlin crapuleux non plus. Nous n'avons malheureusement pas le temps. J'aimerais te montrer les joyaux de Phuket !
Les effets du manque de son corps sur le mien se font déjà ressentir. Néanmoins, la perspective de me balader sur les plages de sable fin en compagnie de Mew me fait oublier l'espace d'un instant des besoins plus triviaux.
~~
Mew m'emmène à Freedom Beach, plage la plus secrète des environs. Pour ce faire, nous devons prendre un bateau depuis Patong, la station balnéaire la plus animée de l'île. Enfilade de bars, de restaurants, nuée de touristes et musique à forte décibel décrivent le mieux cet endroit aussi bruyant que festif. Il fut un temps, j'aurais été curieux de cette foule pressée et turbulente. Aujourd'hui, je n'aspire qu'à un peu de tranquillité. Nous ne nous attardons pas et sautons dans la petite embarcation amarrée sur le ponton.
Le vent salé fouette mon visage tout le trajet, mes mèches trop longues volent dans tous les sens. Pendant un fugitif instant, je surprends le regard caressant de Mew sur moi, l'air attendri. Il remet précipitamment ses lunettes noires, retrouve sa posture sévère, protectrice, et pose une main sur ma cuisse pour m'empêcher de tomber du bateau. Trop enthousiaste, je me penche dangereusement, tentant d'apercevoir des bans de poissons au fond de l'eau transparente.
Je me sens comme un gamin découvrant le monde.
Une fois à Freedom Beach, mon émerveillement ne faiblit pas. Cette crique, nichée à l'abri des regards, m'évoque un paradis perdu. Quelques personnes bullent ça et là sur leur serviette de plage, des rochers ou à même le sable, mais on est bien loin de l'agitation des plages de l'île envahies de touristes. C'est... étrangement calme. J'entends le ressac des vagues, des rires lointain emportés par le vent et les battements des ailes des oiseaux survolant l'île.
— Ça te plaît ? s'enquiert Mew.
— C'est... magnifique, dis-je, bouche-bée.
— Allons nous trouver un coin de paradis.
Mew a décidément l'air de connaître l'endroit comme sa poche. Je me demande s'il est déjà venu ici par le passé, et surtout avec qui ? J'aime son assurance lors de nos moments intimes, dans lesquels il me guide avec autant de maitrise que de douceur : il sait toujours ce qu'il faut faire. Cependant, je ne peux m'empêcher d'être curieux. Il n'ignore rien de mon passé (dont il n'y a pas grand-chose à dire en réalité, car à par Poom...) mais moi ? Je ne connais rien du sien, ou si peu. Je chasse cette pointe de jalousie malvenue et suis Mew à travers la plage. Nous prenons place dans un coin isolé entouré de rochers.
J'observe Mew un bref instant : dans son débardeur blanc, son short de plage et ses lunettes de soleil noires, il m'éblouit. Cet homme est à moi... Ma tension artérielle grimpe en flèche à cette prise de conscience. Je détourne le regard, ne souhaitant pas être surpris en pleine séance de contemplation amoureuse, et étends ma serviette sur le sable. Puis, je retire mon tee-shirt et mon short, apparaissant presque nu dans mon boxer de bain bleu vif. Impatient, je m'allonge sur la serviette et plonge mes mains dans le sable doux et chaud. La sensation des grains dorés entre mes doigts m'arrache un soupir de bien être.
Je sens alors une texture crémeuse et froide couler sur mon épine dorsale, ce qui me fait sursauter.
— Crème solaire, explique Mew en pétrissant mes épaules de ses grandes mains expertes.
— Je suis déjà hâlé par nature, ce n'est pas utile.
— Bien sûr que si. Le soleil tape fort ici, et ta peau est trop belle pour être abîmée.
Je rougis sous ses mots et ses attentions, me laissant masser en ronronnant. Je sens ses doigts dévaler mes épaules, mon dos, mes reins, glisser jusqu'à la naissance de mes fesses... Involontairement, nos dernières caresses me reviennent en mémoire et un début d'érection étire mon short de bain. Je suis tellement sensible entre ses bras...
— À mon tour ! clame-t-il, me tirant de ma léthargie.
Je me redresse et applique la crème sur ses larges épaules, ses pectoraux, ses bras, flattant chacun de ses muscles au passage, appréciant leur fermeté sous la peau douce.
— Je crois qu'il n'y a plus de crème... m'informe Mew, goguenard, interrompant ma contemplation rêveuse ainsi que mes attouchements appréciateurs.
Je retire mes mains à la hâte, comme si j'avais été brûlé. Je suis toujours tellement intimidé par sa sensualité... Un petit enfant face à un dieu ne réagirait pas autrement.
— On peut aller se baigner, maintenant ? dis-je avec entrain, tentant de reprendre contenance.
— Je vais me faire un plaisir de te noyer chaton ! J'espère que tu cours vite !
Je m'élance vers la mer en riant, Mew à mes trousses, tel un requin carnassier poursuivant sa proie. Nous chahutons dans l'eau, oubliant le monde qui nous entoure. Il n'y a que le sourire de Mew brillant sous le soleil, son corps se fondant souplement dans la mer et ses mains qui attrapent ma taille pour me jeter férocement à l'eau, avant de m'enlacer avec une infinie tendresse.
— Et si on nous voyait... ? murmuré-je au creux de son cou avec inquiétude, alors que nous flottons dans l'océan, accrochés l'un à l'autre.
— Alors les choses deviendraient incontrôlables. Et on regretterait ce moment d'égarement. Pourtant, je ne m'éloignerais de toi pour rien au monde.
Cette vérité amère me transperce le cœur, mais je ne fais pas mine de me détacher de lui pour autant. Nous sommes incapables de quitter notre cocon océanique ; notre peau est léchée par l'eau salée et le soleil doux de cette fin d'après-midi. Après ce bain réparateur, nous nous écrasons sur notre serviette, des gouttelettes dégringolent sur notre peau échauffée.
Ce moment n'appartient qu'à nous. Plus rien n'existe, si ce n'est la morsure du soleil sur nos peaux humides, l'air marin et cette odeur de crème solaire qui chatouille délicieusement mes narines. Une parenthèse enchantée.
Nous nous endormons sur la plage, épuisés, tous deux victimes d'une grande dette de sommeil. Quand j'émerge enfin, je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais le soir est déjà tombé. Je constate avec effroi que la plage est déserte. Je réveille Mew, inquiet pour le trajet retour. Nous vérifions l'heure, et à notre grand désespoir, réalisons que le dernier bateau est parti trente minutes plus tôt. Notre situation ne s'arrange pas, lorsque nous entendons les prémices d'un orage gronder au loin.
— P'Mew, qu'est-ce qu'on va faire ?
— S'abriter, pour commencer.
Nous rassemblons nos affaires à la hâte et repérons une petite grotte, je ne dirais pas confortable, mais suffisamment accueillante pour nous y installer alors que les éléments se déchaînent au dehors. Je frissonne, encore dénudé. Mew me prend contre lui.
— On est vraiment nul... bredouillé-je dans son cou.
— Je dois dire que j'aurais pu être plus prévoyant... Désolé mon bébé. Je crois qu'on va devoir passer la nuit ici...
— Tu plaisantes ?
— Je crains que non... Mais regarde le bon côté des choses. On a toute l'intimité dont on rêve !
Un fou rire démentiel nous prend, face à cette situation ironique. On voulait de l'intimité ? Nous voilà servi !
— Robinson Crusoé, le remake à Phuket, lancé-je amusé.
Nos rires finissent pas faiblir et s'éteindre complètement, comme une flamme qu'on aurait laissé mourir d'elle-même. Nous n'entendons plus que la mélodie de l'orage tonner avec régularité et quelques gouttes d'humidité frapper durement le sol sablonneux de la grotte. Mew pose une main sur ma joue et plonge son regard dans le mien. Le temps suspend sa course.
— Tua eng... Je n'aurais pas pu rêver meilleur week-end...
— Moi non plus... Une grotte, ta peau, de l'orage. Juste nous deux. J'ai l'impression d'être dans un roman d'amour, pouffé-je.
Il m'embrasse, tout doucement, une myriade de frissons fleurit sur ma peau fraiche. Après quelques chastes baisers, le silence retombe. Une question en suspens, soudain, m'afflige... Peut-être la situation me semble-t-elle propice aux confidences.
— P'Mew... Je peux te poser une question ?
— Bien sûr. Dis-moi.
— Tu sais... je ne suis pas quelqu'un de très curieux, ni de très jaloux. Mais... j'ai l'impression que tu as tellement vécu, avant moi. Je me suis demandé, si tu avais eu beaucoup d'expériences amoureuses par le passé ?
Mew sourit, comme ravi par ma question pourtant inquisitrice.
— Alors comme ça, je ne suis plus le seul à être jaloux on dirait... ?
— Ce n'est pas ça ! Je suis juste... curieux... baissé-je d'un ton tout en rosissant.
— Je me demandais quand tu allais poser la question. Qu'est-ce que tu veux savoir ?
— Tout ! dis-je avec un peu trop d'empressement pour être crédible quant à mon absence de jalousie.
— Ahahah. Je vois... Eh bien... Commençons par le commencement. Le petit Mew tomba amoureux pour la première fois à l'âge de deux mois. Elle avait la plus jolie couche de la nurserie et...
— P'Mew ! le réprimandé-je. Sois sérieux deux minutes...
— Bon. D'accord, dit-il en faisant mine de compter ses doigts, dans une nouvelle tentative de me provoquer. Je plaisante chaton ! J'adore juste te voir jaloux... se justifie-t-il sous mon regard grognon.
— Laisse tomber, dis-je en me retournant, trop embarrassé à l'idée de laisser entrevoir cette fragilité inhabituelle chez moi.
Mew m'enserre de ses bras et dépose de doux baisers sur ma nuque, parvenant à faire fondre ma mauvaise humeur. Je me détends contre lui, de nouveau enclin à écouter ses confidences.
— J'ai eu quelques petites amies au lycée. Rien de très sérieux. C'était plus des amies, en réalité, qui avaient fini par se frayer malgré tout une place spéciale dans mon cœur. Des baisers ont été échangés, mais rien de plus. À l'université, j'ai rencontré ma première partenaire sérieuse. Nous sommes restés ensemble... un an, je dirais. Ma première fois, c'était avec elle.
Je me crispe inconsciemment, une brûlante boule de jalousie se forme aux creux de mon estomac, s'y déversant comme de la lave en fusion.
— Mais... ce n'était pas... C'était machinal. Je ne ressentais pas ce que j'aurai dû ressentir. Je le savais, au fond de moi, mais je me mentais à moi même. Nous avons finis par nous séparer. J'ai eu deux autres petites copines ensuite, mais c'était toujours étrangement fade. Nos relations s'apparentaient plus à de l'amitié. Puis... un jour, j'ai rencontré un garçon. Il était dans mon cursus, une connaissance d'amis communs. Il me lançait souvent des œillades charmeuses... Au début je n'y ai pas vraiment prêté attention. Je me sentais vaguement flatté. Puis un jour, à une fête organisée sur le campus, il m'a mis le grappin dessus. Et là, j'ai compris. Le désir. J'ai compris ce que ça signifiait, vraiment. Après ça, j'ai quitté ma petite amie de l'époque et j'ai papillonné de garçon en garçon. J'avais l'impression d'avoir raté des années de ma vie que j'allais enfin pouvoir rattraper.
Imaginer Mew dans les bras d'autres hommes me fait mal. J'ai le cœur au bord des lèvres. Je ne pensais pas être capable de jalousie. Ce sentiment m'écrase douloureusement et je me sens presque trahi par moi-même, d'un caractère habituellement si détaché.
— Est-ce que ça va ? s'inquiète Mew, ayant sans doute perçu ma nervosité.
— Oui... continue.
— Après ça, je me suis abandonné dans les bras d'amants éphémères. J'ai eu quelques histoires, mais je cherchais l'âme sœur et les garçons que je rencontrais n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Ils finissaient invariablement par me tromper ou m'abandonner. J'ai toujours été... trop romantique. Rien de passionnant dans ces histoires frivoles. Mais j'avais accepté qui j'étais au moins, et c'était déjà beaucoup.
— Tu as déjà été amoureux d'un homme, vraiment ?
Mew me retourne doucement, son regard profond agrippe le mien. Son expression affiche un sérieux intimidant, presque effrayant, contrebalancé par ses douces caresses sur mes épaules.
— J'ai cru l'être, de tu sais qui... expire-t-il avec difficulté et précaution, comme on dépose enfin un lourd fardeau. Mais nous n'avons fait que nous briser. Il ne m'a apporté qu'un simulacre de sentiments et a anéanti ma confiance en moi, en les autres. Je n'ai pas été très tendre avec lui moi non plus, à vrai dire. Mais cette histoire est du passé. Laissons-la où elle est. Concernant l'amour véritable, il n'y a jamais eu que toi, mon amour... Avant toi, je n'avais jamais autant aimé.
— P'Mew...
— Voilà, tu sais tout. Tu es le seul maître de mon cœur... Tu en doutais ?
— C'est juste que... j'ai réalisé que je ne connaissais pas ton passé. Je ne suis pas quelqu'un de fondamentalement curieux, mais avec toi, je veux tout savoir.
— Alors je te donne la clé de mes secrets, tua eng.
Nous nous pelotonnons dans les bras l'un de l'autre, en quête de chaleur, bercés par les remous lointain de la mer et le tonnerre qui semble, tout à coup, moins effrayant.
— La Lune est belle n'est-ce pas ?
- Oui. Elle n'est pas mal du tout, murmuré-je en contemplant du coin de l'œil un quartier de Lune veillant paisiblement sur notre étreinte.
~~
À l'aube, nous assistons, tels deux spectateurs clandestins, au plus beau panorama du monde : le lever du soleil sur la plage.
Cette vision poétique, camaïeux de lueurs pastel, nous réveille tout en douceur, comme dans un rêve. Somnolents et étrangement rassénérés, nous reprenons le chemin de notre location par le premier bateau. Notre allure dégingandée est assez comique. La lumière du matin nous surprend les cheveux en bataille, du sable collé sur nos genoux et le visage chiffonné, grelottant de froid. Mew me tient par l'épaule pour tenter de m'insuffler un peu de chaleur. Après cette nuit, je ne rêve que d'une chose : un bon bain chaud !
À l'approche de notre hébergement, nous passons devant le petit café de notre résidence de villégiature. Les yeux dans le vague, je ne suis pas très attentif à notre environnement. Une voix nous interpelle gaiement, nous faisant bondir de surprise.
— Bah alors ! Vous êtes bien matinaux.
Best, installé sur la terrasse, profite des premières heures du jour en sirotant un café. Oups... Mew et moi échangeons un regard gêné, honteux de notre nuit à la belle étoile inopinée.
— Comme tu vois ! On voulait voir le lever du soleil sur la plage, déclare Mew, imperturbable.
Quel fieffé menteur !
— Ah mes garçons... Je crois que je commence à comprendre les fans et leurs yeux en cœur ! Vous êtes vraiment les plus adorables ! glousse-t-il.
Nous avons passé le reste du week-end à nous balader dans la vieille ville et à visiter quelques lieux incontournables, comme le Wat Chalong, plus grand temple bouddhiste de l'île et le Big Buddha. Le reste du séjour a rimé avec baignade (sans nuitée impromptue dans des grottes, cette fois) et dégustation de spécialités locales. Des fruits de mer au bord de la plage de Patong, des salades de papaye et des roti, ces fameux pancake salés ou sucrés, que je préfère au lait concentré, ont ravi nos papilles.
Je voulais profiter de chaque minute, chaque seconde, me gorger des paysages et des saveurs comme on collectionne des souvenirs. Nos nuits, pleines de chaleur et de tendresse, ont achevé d'embellir ce voyage singulier. Court, intense, parfois imprévu, mais surtout inoubliable.
~~
Couvre feu
Nous avons été bien inspirés de partir en escapade début mars, car peu de temps après notre retour, le couperet est tombé : couvre feu. Télé travail obligatoire et interruption de tous les rassemblements. Je ne réalise pas encore l'absurdité de cette situation inédite. Comme l'effroyable impression de vivre en temps de guerre. Les auditions pour le casting de la saison 2 et les ateliers ont été repoussés. Les tournages, les événements, tout s'est brutalement interrompu. De mon vivant, je ne pensais pas être témoin de la terre s'arrêtant de tourner.
Un désœuvrement recouvre le monde, tel un manteau d'obscurité.
Pendant nos longues journées de vide, nous en profitons pour travailler à certains projets laissés de côté. Mew avance sur la création de son Studio, il noue des liens avec des investisseurs, s'occupe de toutes les démarches administratives nécessaires. Sa détermination et son sérieux sans faille m'impressionnent. Quant à moi, de nouveaux projets se dessinent également. Best m'a appelé, survolté, pour me proposer de rejoindre un groupe de chanteurs composé d'acteurs de boyslove, comme moi. Je suis resté franchement sceptique, au début. Moi, rejoindre un... Boysband ? « C'est un chouette coup de pouce pour ta carrière, et ce sera amusant ! : » m'a assuré Best. Mew m'a également encouragé, alors j'ai rejoins les « BOYFRIENDS ». Autant dire que Grace, ma sœur, s'est bien foutue de ma pomme quand je lui ai annoncé la nouvelle.
En attendant la reprise de nos activités, Mew et moi faisons des live pour maintenir le contact avec nos fans. Il est bien difficile de garder notre sérieux et de jouer aux simples collègues en pleine promotion de notre série, quand nous ne faisons que nous manquer cruellement. La distance est une vraie torture, surtout après ce voyage où nous avons été si complices, ouvrant une nouvelle dimension de confiance dans notre relation.
Nous sommes fin mars, et j'actionne comme depuis plusieurs semaines la caméra de mon téléphone depuis mon petit appartement, attendant que Mew me rejoigne en direct. Je me recoiffe, désireux de paraître mignon malgré l'angle de vue selfie peu flatteur. Je porte un simple tee-shirt et un short. Je suis chez moi, après tout. Je ne vois pas pourquoi je devrais faire un effort particulier. Quand Mew apparaît enfin à l'écran, allongé et détendu dans son canapé, mon cœur s'affole, comme si je ne m'habituais jamais à son magnétisme. Pendant près d'une heure, nous discutons de choses et d'autres, oubliant jusqu'à la présence des fans, flirtant subtilement, sur le fil de l'intime. Best et Boss suivent le live en direct, ils veillent au grain.
Nos discussions dépassent le simple cadre de la série. Nous ne pouvons nous empêcher de creuser et d'interroger nos envies, nos ambitions, notre vision du couple et du futur. Nous parlons même du fait de vouloir des enfants, dans un troublant moment d'abandon. Mew me confie vouloir appeler son garçon Alexander. « Ton enfant sera étranger ? » me moqué-je. Avoir des enfants avec P'Mew, qu'est-ce que cela donnerait...? ne puis-je m'empêcher d'imaginer, l'espace d'un court instant, songeur.
Au cours de ce live, la tension monte entre nous, électrique et inéluctable. Nos regards se cherchent, nos lèvres se mordillent, mon érection se réveille doucement sous ce regard de braise qui semble vouloir me transpercer à travers l'écran. Mes cuisses nues se retrouvent parfois dans l'angle de la caméra, et je surprends le regard de Mew parcourir ma peau, à la fois gourmand et... contrarié, presque dangereux.
— Gulf, tu ne t'es toujours pas réconcilié avec Chopper ? me demande-t-il au cours de notre échange vidéo.
— Je n'ai rien contre Chopper, mais je ne sais pas pourquoi, il continue à me mordre.
À notre retour de Phuket, nous avons fait quelques live dans la maison familiale de Mew. Chopper n'a jamais cessé d'être un peu hargneux avec moi, aboyant et me mordant les doigts, comme s'il ne supportait pas ma présence près de son maître.
— Serait-ce parce que tu as volé quelque chose qu'il aime... ?
Mon cœur s'accélère.
— Comme quoi ?
— Réfléchis-y...
J'avale ma salive, sous le regard troublant de Mew. Le roi du flirt, celui-là...
Heureusement, à travers l'écran, on ne peut pas percevoir mes joues s'empourprer. Je coupe court à la conversation en embrayant sur un autre sujet. Au moment de raccrocher, Mew me demande :
— À quel point tu aimes P'Mew ?
— Autant que P'Mew m'aime... je réponds avec malice, m'humectant les lèvres.
Ses prunelles sombres s'allument dans la seconde, incandescentes. Je raccroche, fier de mon petit effet.
https://youtu.be/U0LaEnrtV8w
« Vous ne faites aucun effort... » m'envoie instantanément Best sur Line. J'entends presque son ton dépité à travers ses mots. Qu'y pouvons-nous... Nos limites sont durement mises à l'épreuve en cette période de disette affective... et sensuelle.
Après le live, j'entreprends de me préparer un casse croûte pour le dîner. L'heure du couvre feu a déjà sonné. Je souffle, ennuyé de cette situation. J'ai presque envie d'écrire à Mew : « Tu me manques... » mais je n'ose pas.
Pendant que l'eau chauffe, je réfléchis, les yeux dans le vague, aux projets qui nous attendent. La carrière solo de Mew, son Studio, son éventail de projets musicaux, TharnType saison 2, dont nous attendons encore le script, et les balbutiements de ma propre carrière musicale, bien que j'aimerais poursuivre dans le jeu et le mannequinat. Aurons-nous le temps de nous voir comme avant ? Mon esprit dérive vers un futur encore incertain, que je redoute autant que j'ai hâte de découvrir.
Le fil de mes pensées est interrompu par la sonnette de ma porte d'entrée. Je sursaute, complètement pris de court. Un voisin, peut-être ? Un de mes camarades étudiant ayant besoin de quelque chose ? Je vais ouvrir, perplexe.
Mon cœur manque un battement. Devant moi se tient Mew, affublé d'un gros sweat noir, la tête couverte d'un bonnet et ses lunettes de soleil sur le nez. Un petit sourire coquin étire avec un charme indescriptible ses lèvres rose pâles.
— P'Mew ! Mais qu'est-ce que tu fais là ?
Il me saute dessus sauvagement et attaque mes lèvres sans prévenir, avant de claquer la porte derrière nous.
— Tu m'as trop manqué.... avoue-t-il entre deux baisers pressants.
— P'Mew... Mais... tu n'as pas le droit d'être là...
— Je m'en fou. Je te veux. Tu m'as trop excité avec ton petit short...
Je gémis entre ses bras, me laissant entraîner jusqu'à mon lit.
— Et puis surtout, il n'y a que moi qui suis autorisé à te voir comme ça... gronde-t-il, menaçant. Je tenais à te le rappeler.
Il s'attaque à mon cou, grignotant ma peau, l'aspirant entre ses lèvres avec insistance.
— Tu vas laisser une trace ! protesté-je en me dérobant.
— C'est exactement ce que je compte faire, chaton... Laisser une trace, pour montrer que tu es à moi.
— On est... censé... faire... le contraire je te rappelle... dis-je entre deux baisers.
— Je n'y peux rien si tu provoques mon instinct possessif... Déshabille-toi...
Mew se redresse et retire son bonnet ainsi que son sweat, me laissant admirer sa musculature. Je l'imite, hypnotisé, n'ayant aucune intention de lui résister. Nous nous laissons emporter par nos caresses, brûlant de désir l'un pour l'autre. J'oublie l'eau, que j'entends frémir au loin sur ma petite plaque de cuisson. Seul nos étreintes comptent.
Cette nuit, Mew brandit fièrement un lubrifiant à la cerise qu'il étale sur mon orifice, et me fait jouir en léchant mon intimité, mélangeant sa salive au goût sucré du gel. J'écarte mes fesses pour lui, perdu dans des abymes de délice, tandis qu'il enfonce sa langue chaude, habile et curieuse, encore et encore et encore... et encore... Jusqu'à me rendre fou. Je me tortille, m'ouvre et me liquéfie, m'abandonnant pleinement à son emprise sensuelle. Il peut bien faire de moi ce qu'il veut. Je ne suis plus qu'un tas de nerfs et de chair aux abois, réclamant avidement la délivrance. Mon orgasme, d'une puissance ravageuse, me surprend allongé sur le dos, les jambes relevées sur les épaules de Mew, alors que sa bouche dévore goulument mon intimité indécemment exposée.
Entre deux étreintes, Mew laisse des suçons sur mes cuisses et mon cou, que je vais avoir toutes les peines du monde à dissimuler... Mais au cours de ces prochains jours loin l'un de l'autre, je pourrais caresser l'empreinte de ses baisers... Tatouages éphémères dans ma chair, profonds dans mon âme.
Les jours passent, le manque se creuse. Chacun travaille à ses projets personnels en attendant impatiemment la fin de la captivité.
Un soir, début avril, Mew pique à nouveau ma curiosité via Instagram.
« La Lune est belle, n'est-ce pas ? »
Que signifie réellement cette phrase mystérieuse, qui semble recouvrir un sens caché ? Curieux, j'interroge Mew, en privé cette fois.
« Regarde mieux » me dit-il laconiquement.
Alors je regarde par ma fenêtre, prenant tout mon temps pour contempler le ciel nocturne. La Lune est-elle belle ? Oui. Elle l'est. Elle se découpe, blanche, brillante, pleine, sur le ciel d'un noir charbonneux. Je me perds dans sa contemplation, comme attiré par des abysses. Cet astre, me dis-je, veille sur tous ses enfants, le ciel, la terre, les êtres vivants qui composent ce monde. N'importe qui, d'où qu'il soit, peut observer cette bille phosphorescente. Nous demeurons tous, quels que soient nos rêves, nos ambitions, nos différences, sous le même ciel. Une émotion vibrante me prend à la gorge. Bien qu'éloignés durant cette période, Mew et moi sommes toujours reliés l'un à l'autre par cet astre lumineux, comme des fils invisibles reliant nos cœurs.
— Oui, elle est vraiment belle dis-je à mon tour sous son message Instagram, heureux d'avoir enfin compris.
Dans la seconde, Mew m'appelle en visio.
— Alors, tu as enfin vu ? me demande-t-il.
— Je crois avoir décodé l'énigme, khun phi.
— Quoi qu'il arrive, tua eng, je serai toujours près de toi. Sache que c'est aussi une manière de dire je t'aime dans l'art de la langue japonaise...
— La Lune est vraiment très belle ce soir, alors...
— Gulf... J'ai envie de toi...
— P'Mew...
Je ne suis pas habitué à l'entendre me dire ces choses en dehors de nos moments intimes. Je rougis furieusement, déshabillé par son regard.
— Moi aussi... finis-je par souffler, laissant mes yeux errer sur ses belles épaules musclées.
— Touche-toi pour moi, mon ange. Et je me toucherai pour toi.
Je déglutis, n'ayant jamais pratiqué le sexe à distance. Je m'étends sur mon lit, m'efforce de caler la caméra tant bien que mal et me déshabille devant l'objectif. Mew ne rate pas une miette du spectacle.
— Montre-moi, plus bas...
— D'accord...
Pendant que je m'installe de manière à ce que la caméra cadre mon sexe déjà dur, Mew en fait de même, me dévoilant la force de son désir pour moi.
— Sois un bon garçon pour moi, et laisse-toi guider, d'accord ?
— Tout ce que tu voudras, phi...
Un sourire narquois se dessine sur ses lèvres.
— Suce tes doigts pour moi, mon ange.
— Dacc-daccord... bredouillé-je.
Confus et embarrassé, mais prêt à tout pour satisfaire mon phi, je porte mes doigts à mes lèvres, que je suçote obscènement. Un doigt, puis deux, puis trois... Mew gémit, le regard voilé, une adorable grimace de désir peinte sur le visage. De la salive coule entre mes doigts. Tout en me fixant, Mew commence à se toucher. Je suis hypnotisé par sa grande main veinée effectuant un lent mouvement de va-et-vient sur sa hampe épaisse. Je l'imite, suivant son rythme sur mon sexe. À travers l'écran, je l'entends respirer avec force.
— Maintenant, mets tes doigts en toi...
— P'Mew...
C'est si coquin, si excitant... Une sensation de chaleur nait au creux de mon estomac. Un frémissement avant l'ébullition. Mes joues me brûlent. Je commence à me caresser du bout des doigts. C'est la première fois que je me touche ainsi devant lui... Je l'ai souvent fait, dans l'intimité, les paupières closes envahies de son image, rêvant de ses longs doigts à la place des miens. La mâchoire de Mew se décroche à la vision impudique que je lui offre. Timide mais salement échauffé, j'insère enfin un doigt au fond de mon intérieur brûlant. Ma respiration s'épuise... Mes yeux se remplissent de larmes. Je suis probablement écarlate.
— Phi...
— Continue... C'est ça... Mon bon garçon.
Bientôt, je me retrouve avec trois doigts en moi, cherchant désespérément à atteindre ma prostate. C'est bon, mais pas aussi bon que la virilité de Mew, ni même ses doigts habiles. Je veux le sentir emboutir ce faisceau de nerfs sensible, me délivrer de toute cette tension sexuelle.
— C'est bon, mon bébé. Tu te fais du bien ?
— Oui... mais ce n'est pas assez, pas assez...
— Imagine ma bouche sur ton sexe bébé... Imagine que j'entre en toi, fort et dur...
— Phi...
Il ne m'en faut pas plus pour décoller. Je jouis violemment, suivi par Mew qui bascule lui aussi dans le plaisir. Nous ronronnons d'extase, tous deux conquis et comblés par cet « échange » de caresse singulièrement intime en dépit de la distance. Après avoir retrouvé nos esprits, nous échangeons des mots doux pendant encore de longues minutes, incapables de nous quitter.
— Je t'aime... J'ai hâte de te tenir dans mes bras... me dit Mew avec émotion.
— La Lune est belle, tu ne trouves pas ?
— Plus que jamais...
Quelques jours plus tard, Mew dépose sa marque MSS « Mew Suppasit Studio ».
Je découvre le logo, stupéfait. « THE MOON IS BEAUTIFUL »
La Lune pourra-t-elle toujours rayonner aussi intensément au dessus de nos têtes ? ne puis-je m'empêcher de me demander. Le bonheur est si total, si violent, si irradiant qu'il me fait peur. Si on me l'arrachait, que deviendrais-je alors ? Plus rien n'aurait de sens. Une nuit sans Lune. Un corps amputé. Un cœur en miettes.
Le bonheur présent côtoie une pointe de doute indescriptible, tel un troublant présage dont je ne parviens pas encore à percer le mystère.
~~
Un chapitre transitoire, où il ne se passe pas grand chose, si ce n'est Mew et Gulf flottant sur leur petit nuage à Phuket, puis par écran interposé lors de ce couvre feu qui nous a offert des live mythiques. Pas de dispute à l'horizon, pour une fois ! La mer est calme. Mais je ne peux pas dire pour combien de temps. La météo MewGulf est imprévisible.
Petite information concernant la progression de cette histoire qui est déjà bien avancée : je pense qu'il doit rester 10 chapitres grand maximum, sans doute moins. Je n'arrive pas encore parfaitement à le définir. Mais disons que le voyage amorce doucement sa descente vers sa destination finale...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top