Chapitre 21 : « C'est toi ma lumière »
Gulf
Je sens un corps ferme cramponné à mon dos, imprégner de sa chaleur ma peau nue. La lumière, filtrant à travers les rideaux couleur crème, se pose sur mes paupières encore lourdes de sommeil, me tirant un grognement mécontent. Je me tourne pour échapper à l'éclat cru du matin et me blottis contre le corps qui me fait face. La peau est douce, la poitrine musclée, et l'odeur enivrante, me donnant envie d'y frotter mon visage. Un mélange de gel douche à la noix de coco et une autre fragrance plus intime, plus musquée. J'enroule mes bras dans son dos large, en quête de contact.
Soudain, les événements de la nuit dernière me reviennent en mémoire, défilant à toute allure dans mon cerveau engourdi. Mew et son doux sourire heureux en me voyant arriver, ses gestes pudiques, mais son regard incandescent. Puis, sa réserve, sa peur de me blesser, cédant sous mon insistance et ma détermination. Enfin, son corps nu, son abandon... et le mien entre ses bras. Ma confiance inébranlable en lui. Des détails me font rougir. Sa langue dans les endroits les plus secrets de mon anatomie, la pulpe de ses doigts explorant les moindres recoins de mon corps, mes mots audacieux, comme « Daddy », (qu'est-ce qui m'a pris de dire ça ?!) rendant étonnamment ce moment intime encore plus excitant... Et surtout, son sexe imposant en moi, me conquérant entièrement, absolument, divinement.
Cette nuit, il m'a fait sien. Cette nuit, il était mien...
Mon cœur se met à s'affoler. J'ouvre les yeux, parfaitement éveillé désormais. Les délicieux tétons bruns de Mew, dressés sur sa poitrine à la fois tendre et solide, me donnent envie d'y poser les lèvres. Je lève mon regard, pour le surprendre en train de m'observer avec un sourire enjôleur et malicieux.
— Bien dormi ?
Une chaleur incontrôlable irrigue mes joues. Je me retourne et enfouis mon visage dans l'oreiller. Hier, j'étais totalement désinhibé, plus rien ne comptait si ce n'est ma quête de plaisir entre les bras de mon amant, et le besoin délirant de fusionner avec lui. À présent que la raison m'est revenue, un vif embarras s'infiltre dans ma chair.
— Alors, on est timide mon bébé ?
« Mon bébé »
Depuis cette nuit, ce pronom possessif a fait son apparition, me rappelant impérieusement que je suis tout à lui désormais. Je frémis d'un plaisir insoupçonné à cette idée, toujours intimement gêné par cette nuit torride. J'avais une vague idée de ce qu'impliquait la pénétration, mais notre étreinte est allée au-delà de mes espérances et des limites de mon imagination. Je n'avais jamais pris un tel plaisir de toute ma vie. Ce n'est pas du sexe, à ce niveau-là, mais le baiser de l'enfer et du paradis réunis. Ces pensées absurdes embrument mon cerveau peu matinal, me laissant pétrifié par l'intensité de mes émotions.
Je sens alors la bouche de Mew parsemer ma nuque de doux baisers humides. Je me détends sensiblement contre lui, laissant même échapper un petit gémissement de bien-être. Sa main se pose sur ma hanche, traçant des cercles imaginaires sur ma peau.
— Est-ce que tu vas bien ? chuchote-t-il dans mon oreille.
« Tu n'imagines pas à quel point je me sens bien » ai-je envie de lui dire. «... Et c'est bien ce qui me paralyse. » Je me contente de hocher la tête, appréciant la douceur de ses lèvres et la tiédeur de sa peau. Il me retourne et m'oblige à le regarder.
— Cette nuit à tes côtés était merveilleuse, me dit-il, telle une confession débordant de ses lèvres frémissantes.
Son visage penché sur moi, baigné par la lumière du matin, m'émeut profondément. Il m'apparaît tel qu'il est vraiment, dans sa nudité la plus totale, sa vulnérabilité secrète et sublime... Un cadeau de sincérité déposé à mes pieds.
Je pose la main sur sa joue.
— TU étais merveilleux... confessé-je à mon tour, ayant soudainement retrouvé la parole.
Il sourit et niche son nez dans mon cou, qu'il frotte doucement, puis s'allonge sur moi, me recouvrant de son corps sculptural.
— Je t'aime...
Je ne réponds pas, comme figé de bonheur. Pour toute réponse, j'embrasse son crâne et enroule mes bras autour de sa nuque. Sans crier gare, il passe ses mains sous mes cuisses dans l'intention de me soulever, m'arrachant un cri de surprise.
— P'Mew !
— Il est l'heure. Tu crois que tu vas pouvoir paresser au lit toute la matinée. Allez, à la douche, petite marmotte.
Je me débats en riant, bien décidé à lutter pour grappiller encore quelques minutes de sommeil.
— Trop fatigué... marmonné-je en me retournant dans le lit, mon visage écrasé dans l'oreiller.
Je sens la couverture glisser sur mon corps nu, puis la main de Mew s'écraser violemment sur mon postérieur. Je me redresse, atrocement embarrassé. Vient-il vraiment de me claquer les fesses ? Il mordille ensuite doucement le bout de peau échauffée, comme pour soulager la brûlure de sa main.
— P'Mew ! protesté-je en me retournant sur le dos.
— Désolé, je n'ai pas pu m'en empêcher, feint-il de s'excuser, une lueur prédatrice au fond de ses yeux sombres.
— Tu comptes me réveiller comme ça tous les matins ? ronchonné-je.
— Tous les matins, hein ?
Un sourire narquois se dessine sur son beau visage. Beaucoup trop beau pour mon bien. Impulsivement, je lui balance un oreiller. Mew l'évite de justesse.
— Tu es gêné car tu viens de révéler que tu veux passer toutes tes nuits avec moi, c'est pour ça que tu m'attaques, chaton ?
Il est parfaitement calme. Amusé, même. A quatre pattes, il s'avance vers moi, le regard coquin et affamé, tel un félin fondant sur une biche blessée. Il me surplombe. Je me recroqueville sous lui, le fixant déjà avec désir. Toute velléité de rébellion s'est éteinte, fondue sous son regard à la fois autoritaire et enveloppant.
Je me mords la lèvre. Mew se penche sur moi, de plus en plus près. Son souffle caresse mes lèvres. Il m'embrasse profondément, me laissant sans la moindre volonté de protester. Il m'ensorcelle. S'il était un vampire, je lui tendrais le cou sans l'ombre d'une hésitation. Il pourrait me mordre à volonté, quitte à me laisser sans vie.
Cette fois, je le laisse me porter, en proie à l'envie irrésistible de me sentir petit dans ses bras forts. On entend alors toquer à la porte, figés dans une position peu conventionnelle. Je lance un regard de détresse à Mew. Il pose un doigt sur sa bouche, m'intimant à garder le silence et à le laisser gérer. Comme si j'avais d'autres plans, de toute façon.
— Mew ? Mon chéri ? Il va falloir y aller bientôt. Tu dors toujours ?
Je reconnais la voix de sa mère. Mon rythme cardiaque s'emballe. Pourvu qu'elle ne rentre pas.
— On est prêt dans trente minutes, ça ira ?
— On ?!
— Heu, Gulf a dormi là cette nuit.
Je lui jette un regard noir. C'est comme ça qu'il gère la situation ?!
— Tu ne lui a pas préparé la chambre d'amis ?
— On était tellement fatigué qu'on s'est effondré de sommeil après avoir un peu discuté dans ma chambre.
— Hum, je vois... Je vous attends en bas, alors.
Nous entendons les pas s'éloigner, Mew se laisse tomber sur moi en soufflant de soulagement.
— Ouf. On l'a échappé belle.
— Tu plaisantes ? C'est trop gênant, qu'est-ce qu'elle va penser maintenant ?
— Ne t'en fais pas. Ma mère t'apprécie beaucoup quoi qu'il en soit, et je suis sûr qu'elle ne se doute de rien, tente-t-il de me rassurer, en vain.
— Hum... Peut-être qu'on pourrait en parler à certaines personnes de confiance, après tout.
— Je ne sais pas.
— Mild le sait, lui.
— Mild fourre toujours son nez partout. On ne peut rien lui cacher. Mais on peut lui faire confiance.
— D'autres méritent aussi de savoir...
— Oui, quand le moment se présentera. N'y pense pas trop, d'accord ?
Mew chatouille mon cou de son nez, faisant mine de me renifler.
— Allez, à la douche, chaton. On pue le sexe.
— À qui la faute...
Il lève un sourcil, piqué au vif.
— À toi, petit tentateur... gronde-t-il en léchant ma gorge.
— P'Mew... À ce rythme on n'arrivera jamais à sortir du lit.
Il me soulève soudain dans ses bras jusqu'à la salle de bain. Je me débats en frappant ridiculement son dos de mes petits poings, sous son rire moqueur. Il me dépose dans la cabine de douche. Ma gorge s'assèche. Il est nu devant moi, bâti comme un dieu grec. Instinctivement, je cache mon sexe de mes mains, avant de réaliser l'absurdité de mon geste. Je laisse alors mes bras retomber le long de mes hanches, apparaissant nu devant lui dans la lumière impitoyable du matin. Il me détaille de haut en bas et je frissonne sous son regard brûlant.
Il se rapproche pour allumer l'eau, m'englobe de son corps large comme un rempart. Je me niche contre lui, ne pouvant résister à embrasser ses pectoraux rebondis et moelleux, tétant même ses tétons qui me font envie depuis le réveil. Il pose sa main sur ma nuque qu'il masse lentement, tout en grondant de plaisir.
Nous passons de longues minutes à se câliner au lieu de se laver. Mon amant attrape enfin le flacon de gel douche, faisant couler le liquide gélatineux dans sa main. Malgré moi, ce geste me rappelle tout autre chose... J'avale ma salive. Mew me retourne et commence à me savonner sensuellement les épaules. Nous sommes bien vite entourés de vapeur aux effluves de noix de coco, engloutis dans un cocon moite et sensuel...
Ses mains glissent sur mes bras, mon dos, mes fesses, sur lesquelles il s'attarde tout particulièrement, il les malaxe sans pudeur, passe un doigt dans leur sillon. Je me crispe, avant d'expirer de désir à la sensation de son index qui me titille. Je bascule spontanément contre lui, sentant déjà un bâton de chair appuyer contre le bas de mon dos.
— Tu as mal ? me demande-t-il.
— Pas vraiment, je ressens juste un petit inconfort.
— J'ai envie de toi... souffle-t-il en massant mon entrée d'un geste tendre.
— Est-ce qu'on a le temps... ?
— Pour te faire du bien, j'ai toujours le temps...
Mew me plaque contre le mur de sa grande douche à l'italienne, avant de loger son sexe entre mes fesses, entre lesquelles il se frotte lascivement. Je tends naturellement le bassin, avide de contact. Il passe sa main autour de moi et saisit mon sexe dur, qu'il fait glisser dans sa grande main, taquinant mon gland du bout de ses doigts et empoignant ma longueur.
Je m'abandonne à ses caresses, me délectant de la sensation de sa main allant et venant sur moi aussi lentement que fermement, et de son gros sexe tendu, qui se presse à l'orée de mon anneau de chair encore ouvert. Nous finissons par jouir en silence, traversés de spasmes incontrôlables, les dents de Mew plantées dans mon épaule et les miennes dans mes lèvres closes et pincées.
Savoir les membres de sa famille éveillés, même s'il est impossible qu'ils nous entendent d'ici, nous enjoint à la discrétion. Nos ébats, dans cette cabine de douche transformée en hammam, nous laissent haletants. Le fruit de notre jouissance coule avec l'eau dans le siphon de la douche. Mew me retourne et dépose un langoureux baiser sur mes lèvres meurtries.
— Est-ce qu'on doit vraiment sortir d'ici ?
Il caresse ma pommette, le regard scintillant.
— J'aimerais bien qu'on n'ait pas à le faire, crois-moi. Mais pour le moment, nous sommes attendus, soupire-t-il.
Nous nous savonnons en vitesse et sortons de la cabine de douche. Mew attrape une serviette blanche et moelleuse dans un placard, avec laquelle il se met à me frictionner les épaules et les cheveux. Je me laisse faire, comme un bébé malléable.
— J'étais enthousiaste à l'idée de me rendre à cette cérémonie hier, et maintenant plus du tout.
— Tu adores les cérémonies de mérite pourtant.
— J'avais hâte de t'y retrouver, mais maintenant que tu es ici, avec moi, je ne veux aller nulle part ailleurs...
~~
Nous sommes accueillis dans le salon par les petits jappements d'une adorable boule de poils beige.
— Du calme, Chopper. Sois gentil avec mon invité.
Le dénommé Chopper, un petit poméranien aussi adorable qu'excité, me poursuit de ses aboiements stridents.
— Il est un peu... tendu avec les inconnus, s'excuse Mew.
— Je vois ça...
— Chopper, viens là.
La boule de poils montée sur ressort se précipite vers Mew pour se laisser caresser, toute docile à présent. J'observe ce spectacle avec circonspection. On dirait qu'il adore son maître, alors que moi, pas du tout... Après cette interruption canine, nous nous dirigeons vers la cuisine où sa mère, une jeune femme et Best sirotent calmement un café.
— Ah ! C'est pas trop tôt ! s'exclame P'Best, toujours enjoué le matin, contrairement à moi. Notre petit Gulf a encore eu du mal à se réveiller, c'est ça ?
— Ouai... quelque chose comme ça, bredouillé-je en me grattant nerveusement le crâne.
Sa mère et sa jeune sœur Jom, une demoiselle absolument ravissante, me saluent chaleureusement. J'essaye de paraître détendu, comme si je n'avais pas dormi chez ma belle famille pour la première fois, et surtout, ne m'étais pas fait prendre sous leur toit. Nous petit-déjeunons tranquillement, bercés par l'enthousiasme de la conversation et les jappements réguliers de Chopper.
— Tu veux essayer de le caresser ? m'invite Mew, qui a intercepté mon regard curieux dirigé sur cette petite bête farouche.
Je suis davantage chat que chien, habituellement. Peut-être Chopper a-t-il perçu mon allégeance à l'autre espèce, ce qui expliquerait son animosité ?
Je me laisser guider par mon petit ami au centre du salon, où nous nous asseyons en tailleur. Il me dépose quelques croquettes dans la main.
— Tiens, essaye de le nourrir.
- D'accord... Chopper ? l'appelé-je timidement.
Le boule de poils s'approche, faisant crisser ses minuscules pattes sur le carrelage. Il est mignon, quand même, bien qu'il me soit hostile. *
— Viens, petit.
Je lui tends ma paume grande ouverte pour l'inciter à se servir. Ses yeux vitreux me fixent avec méfiance. Il renifle ma main, avant de la lécher avec gourmandise. Me voilà heureux de me faire comme... accepter par son chien. Cette idée saugrenue est tout bonnement ridicule. Mew passe un bras autour de mon épaule. Je me perds dans son regard...
— Aie !
Ce petit chien hargneux a croqué mon doigt à la place de son petit déjeuner.
— On dirait que quelqu'un est jaloux... Fais-voir ta main.
Je tends mon doigt à Mew, sur lequel est apparue une légère marque de croc. Sa famille, Best et Boss, arrivé entre temps, sont en pleine conversation animée et ne nous prêtent guère attention, alors Mew embrasse mon doigt discrètement.
— Bisous magique, chuchote-t-il.
~~
22 février, cérémonie de mérite, anniversaire de Mew
J'ai failli m'endormir pendant le trajet en voiture, mais heureusement nous n'avons pas mis longtemps pour arriver au temple. J'aperçois déjà un cortège de journalistes et de fans qui nous attendent, agités et impatients. Parfois, j'ai l'impression d'être Lady Gaga. Qu'avons-nous fait pour mériter toute cette attention ? Une série à succès, certes, mais est-ce suffisant pour être accueillis ainsi par une foule de personnes surexcitées ? Je ne me sens pas légitime. J'ai toujours cette peur, enracinée en moi, de décevoir. Une pression s'abat sur mes épaules comme une chappe de plomb. Pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Je ne saurais le dire. Peut-être que mon abandon amoureux de cette nuit n'est pas étranger à ma soudaine vulnérabilité.
Mew pose sa main sur ma cuisse, comme s'il avait perçu mon état de tension. Je recouvre sa main de la mienne, sans même m'en rendre compte, pensif, les yeux perdus dans le paysage à travers la fenêtre.
Une fois arrivés, je parviens à me détendre. Mew m'apaise comme personne. Même les journalistes et leurs questions inquisitrices échouent à me déstabiliser.
— Où avez-vous dormi ? demandent-ils de but en blanc.
— Chez moi.
— Mais pourtant ce matin, vous avez posté un selfie depuis chez Mew.
— Oui, nous nous sommes retrouvés ce matin chez P'Mew, avant de partir pour le temple.
J'aurais dû deviner qu'on nous ferait la réflexion... Ce selfie était une mauvaise idée, nos fans ont toujours l'œil partout ! Des détectives en puissance.
— Hum... vraiment ?
— Gulf est une jeune innocente voyons, comment aurait-il pu dormir dans la maison d'un homme ? vient Mew à la rescousse avec cette excuse idiote, qui a au moins le mérite de faire rire tout le monde et de détourner l'attention.
Les journalistes rechignent à lâcher le morceau, mais nous tenons bon.
Après d'autres questions qui ne concernent pas notre relation (oui, ça arrive) les journalistes nous laissent retourner à nos occupations. Le temple, d'une grande superficie, peut accueillir de nombreuses personnes et possède également un immense jardin agrémenté d'une importante variété de fleurs aux couleurs vives. Il fait chaud, aujourd'hui. J'aimerais m'allonger dans cette tendre étendue de mousse verte, parmi les fleurs, et laisser les rayons du soleil caresser ma peau. Si seulement tout disparaissait autour de nous, à part ce jardin et Mew...
Si seulement nous étions seuls au monde, lui et moi.
Nous ne le sommes définitivement pas, et des devoirs nous appellent. Le plaisir enchanteur d'un repos champêtre attendra. Mew pose une main dans le bas de mon dos pour me guider dans le temple, décoré avec simplicité et élégance. Du bois vernis, des sculptures dorées dédiées à Bouddha et des bouquets de fleurs jaunes habillent subtilement les lieux. Une sensation d'équilibre domine. Mew ne me lâche pas d'un pouce. Il me colle contre lui, comme si j'étais son trésor jalousement gardé.
Au début, j'étais gêné par ses démonstrations d'affection en présence de sa mère. Mais ça ne semble pas affecter le moins du monde Mae Suporn. Au contraire même, elle affiche une expression ravie, nous couve de son regard bienveillant et attendri. Est-ce qu'elle... sait ? Nous n'avons pas été particulièrement discrets, en même temps, bien que Mew m'ait garanti qu'elle ignorait tout. Son regard perspicace me laisse pourtant penser le contraire.
La matinée s'écoule à un rythme lent, et je me sens particulièrement fatigué. La nuit a été trop courte. Ma tête s'alanguit parfois contre l'épaule de Mew, qui ne manque jamais de me bercer avec délicatesse. Pourquoi est-ce que je me sens comme une petite chose fragile en sa présence ? Avant de le connaître, je me targuais d'être plutôt... comment dire... virile et froid, mais depuis que j'ai goûté à la tendresse de ses bras, j'ai fondu comme neige au soleil.
Au cours de la cérémonie, nous avançons au centre du temple et nous asseyons sur nos genoux à même le sol. J'ai comme une sensation d'inconfort. J'ai prétendu que je n'avais pas mal, mais je ressens toutefois un léger picotement au niveau... d'une certaine zone de mon anatomie. Mew a été d'une douceur exemplaire, attentif à mes moindres réactions, mais je dois admettre qu'il est assez bien pourvu, et que son intrusion ne pouvait raisonnablement pas être totalement indolore. Mes fesses s'en souviennent encore.
Je grimace. Mew s'en aperçoit et fronce les sourcils, sans rien dire. Il serait plutôt gênant de me demander comment se portent mes fesses dans ce lieu sacré. Et pourtant, ma démarche légèrement claudicante n'a pas dû passer inaperçue.
À la fin des bénédictions, les moines nous autorisent à reprendre notre place initiale. Trop fatigué et endolori, je glisse à quatre pattes sur le parquet vernis pour atteindre notre destination, la main de Mew posée dans le bas de mon dos. Je l'entends pouffer de rire derrière moi.
— On aurait dit un petit chat, dit-il dans mon oreille après nous être rassis plus loin, une main possessive sur ma cuisse.
— Je préfère éviter de marcher...
— Tu as mal à tes petites fesses ?
Et voilà, nous y sommes. Parler de mes fesses dans le temple. J'aurai préféré éviter... Je rougis et détourne farouchement le regard.
— En tous cas, elles me donnent bien envie...
Je le fusille du regard cette fois, écarlate.
— Ce n'est qu'une juste revanche de ton numéro de séduction d'hier... ajoute-t-il, taquin.
Ne jamais aller dans un temple après une nuit d'amour, noté-je dans mon esprit. Nous n'avons rien suivi de la cérémonie, ou presque, tels des élèves dissipés pendant un cours barbant. Si par miracle notre flirt est passé inaperçu, je veux bien me faire moine !
~~
— Je vais devoir y aller, à présent, annoncé-je devant la foule de fans réunis.
Je sens la surprise et l'incompréhension se peindre sur le visage de Mew, qui ne s'attendait pas à ce départ précipité. Il me regarde avec un air chagrin, tandis que je m'éloigne après avoir fait mine de le saluer. Son regard semble m'appeler, me retenir. « Où vas-tu ? » et pourtant, je suis déjà loin. Mew sourit à l'assistance pour maintenir les apparences, mais il est manifestement désemparé par mon départ abrupte. En réalité, je retrouve ma complice, Mae Suporn, qui a prévu un gâteau d'anniversaire pour son fils.
— Je te laisse le lui apporter, me dit-elle.
— Vous êtes sûre ? Vous ne préférez pas le faire ?
— Oh, je pense qu'il sera heureux si c'est toi...
Un sourire en coin étire ses lèvres. Je rejoins Mew, le gâteau dans les bras. Son visage s'éclaire en me voyant revenir.
— Décidément, tu as le don d'être toujours la plus belle surprise, me chuchote-t-il à l'oreille.
Un picotement de bonheur, teinté d'une angoisse sourde, me parcoure l'échine. C'est trop beau pour être vrai, tout ça. Il doit y avoir un piège, ne puis-je m'empêcher de penser.
Après la cérémonie, le temple se vide peu à peu. Les moines nous saluent et nous adressent un rayonnant sourire. Je ne lis en eux que bienveillance. J'aimerais tant retrouver cette émotion positive sur le visage de tous, que l'on puisse un jour s'afficher au grand jour. Pour Mew, cette éventualité est hors de question. Je le comprends, je ne suis pas non plus du genre à exhiber ma vie privée. Ceci étant, je ne goûte pas les cachotteries, les parfums de secrets. Je suis entier, j'aime et je vis, fidèle à moi-même.
J'aimerais pouvoir annoncer notre relation, un jour prochain, ou du moins ne pas la cacher. Je serais prêt à affronter une armée d'homophobes, s'il le faut. Ma carrière ne m'importe pas tant que mes valeurs morales. Mais je sais Mew traumatisé par son passé, alors je me garde d'insister.
Il nous faudra encore du temps.
Mes pas me portent vers le jardin gorgé de lumière, où j'éprouve le besoin de me reposer en attendant que Mew ne finisse de saluer ses invités. P'Best vient à ma rencontre.
— Ça va, mon garçon ? me demande-t-il, les yeux plissés d'inquiétude.
— Oui... pourquoi ?
— Tu m'as l'air... fatigué, et tu boites même légèrement.
Mes joues s'enflamment de honte. Trouver une excuse. Trouver une excuse.
— La fatigue joue sur mes articulations, tu sais. J'ai juste besoin de me reposer...
Je me sais très mauvais menteur, alors j'espère que Best ne posera pas d'autres questions. Sa grosse main s'abat sur mon épaule.
— Tu en as fait beaucoup ces derniers temps, tu mérites bien des vacances. On devrait s'organiser une virée à la plage, prochainement, qu'en dis-tu ?
— Ça me ferait très plaisir, P'Best.
— Alors c'est vendu !
— Merci. Tu es le meilleur. Je vais dans le jardin, d'accord ?
— Oui, bien sûr. Je gère les fans, va profiter du soleil. À tout à l'heure.
Il m'ébouriffe le crâne, me couvant de ses yeux tendres et rieurs.
Le soleil de midi est à son apogée, éblouissant le paysage d'une ample lumière mordorée. Je m'appuie contre la fontaine en pierre à l'effigie de Bouddha, appréciant ce moment de langueur relaxante, ce silence calme et enveloppant teinté de rires joyeux au loin. Je balaie le jardin du regard, me gorgeant de cette vision luminescente, envahie d'herbes hautes, de fleurs fuchsia, bleus et violettes piquées ça et là, mais aussi de tournesols dorés, la tête tournée fièrement vers le soleil. Je ferme les yeux, des points lumineux dansent sous mes paupières. Une brise légère chatouille ma nuque.
Quelques minutes plus tard, j'entends le froissement de pas s'enfoncer dans l'herbe fraîche, puis une peau chaude se coller à la mienne. Instinctivement, je pose ma tête sur l'épaule de Mew, sans même ouvrir les yeux. J'ai reconnu son odeur. Il me caresse la tête.
— C'était le meilleur anniversaire de ma vie.
Je pouffe.
— Je ne te crois pas.
— Et pourquoi pas ?
— Je suis sûr que tu as dû avoir des anniversaires bien plus spectaculaires, avec beaucoup de cadeaux, des fêtes incroyables, et une ribambelle d'amis autour de toi. Cette année est particulière. Même un anniversaire, c'est du travail, illustré-je en montrant le lieu de ma main, en référence à son événement de la veille et à cette cérémonie en présence des fans.
À qui fait-il vraiment plaisir, si ce n'est à ses fans ?
— Peut-être bien, mais cette année il y a une chose qui fait toute la différence.
J'ai l'impression d'être nu à nouveau sous son regard pénétrant.
— Tu es là.
J'avale ma salive, sans détourner le regard de ses yeux magnétiques.
— Tu m'as changé. Et tu as changé. Tu ne le sais peut-être pas, mais tu as tellement évolué depuis notre rencontre. Tu n'es plus ce garçon timoré et farouche. Tu es devenu confiant, tu sais ce que tu veux. Tu t'es épanouis. Tu me fais penser à ces tournesols là-bas, gracieux, solaires, fièrement dressés dans la lumière... *
— P'Mew... C'est toi, ma lumière.
J'ai l'impression d'entendre nos cœurs battre à l'unisson, jusqu'à recouvrir tous les bruits environnants de leur mélodie grave et organique. Comme je l'avais rêvé plus tôt, tout disparaît autour de nous. Le monde se fige. Le temps se suspend.
Notre bulle éclate soudain, lorsque l'on entend quelqu'un s'approcher.
— Les garçons ? nous appelle la mère de Mew.
— Oui, maman ?
Mew reprend aussitôt contenance, comme si rien ne s'était passé. Il a ce don de s'adapter à chaque situation, qui me laisse admiratif.
— Tout va bien ?
— Oui, on profite simplement du soleil.
Mae Suporn s'approche et s'adosse elle aussi contre la fontaine, elle ferme les yeux et laisse les rayons du soleil caresser son visage. C'est une belle femme, dont Mew a hérité les traits ciselés et harmonieux. Nous restons tous trois ainsi, dans un silence agréable. Le brouhaha diffus des invités quittant le temple est à peine perceptible, créant une douce harmonie à nos oreilles.
— Merci d'avoir été là pour Mew, N'Gulf, brise-t-elle soudain le silence.
— Avec plaisir, dis-je poliment.
— Sache que tu seras toujours le bienvenu à la maison. Et cette fois, Mew te préparera la chambre d'amis... ou pas, d'ailleurs, ajoute-elle en nous adressant un clin d'œil complice.
Mew et moi nous redressons d'un même élan, comme pris en faute. Mon sang bat furieusement dans mes tempes. Vient-elle de sous-entendre... ?
— Qu'est-ce que tu racontes ? On s'est juste endormis... baragouine Mew sans conviction.
Les mères savent tout, c'est bien connu.
Mae Suporn sourit toujours, comme si elle connaissait le plus beau secret du monde.
— Les garçons... soupire-elle en se redressant pour se mettre face à nous.
Elle attrape nos mains, qu'elle pose l'une sur l'autre.
— Vous êtes libres d'aimer, libres d'être vous, libres d'être heureux. Je suis là pour vous, je veux juste que vous le sachiez. Il est bon d'avoir des alliés dans ce monde de brutes.
Je cherche le regard de Mew, interdit, dans l'attente d'un quelconque signe de sa part. Une teinte rosée mange ses joues. Son visage est impassible, mais ses yeux écarquillés d'étonnement le trahissent.
— Ne sois pas gêné, mon fils. Qui tu aimeras, j'aimerais...
Mew ne dit toujours rien, mais il pose sa main sur celle de sa mère avec une grande pudeur. Quant à moi, je suis seulement capable de rendre son sourire à Mae Suporn, crispé de surprise et de nervosité mêlées.
— Merci... souffle soudain Mew, les larmes aux yeux.
Le tableau est étonnant : Mew et moi les mains toujours jointes, et celle de la mère dans celle du fils.
Un cercle de mains unies.
Nous avons désormais deux alliés, Mae Suporn et notre meilleur ami Mild. Et peut-être Boss, qui serait au courant d'après Mew. Ce cheminement de pensée guide mes yeux vers nos deux agents au loin, en pleine conversation à l'entrée du temple. Devrait-on leur en parler ouvertement ? Devrait-on nous constituer une armée d'alliés, pour nous aider à avancer dans ce monde de brutes, où les préjugés n'ont d'égal que la malveillance ? Devrait-on faire confiance à d'autres qu'à nous-mêmes ?
La main de Mew se met à broyer mes doigts, comme s'il avait peur de me perdre. Je devine ses pensées. Il me veut pour lui seul. Son secret le plus pur, le plus beau, que rien ni personne ne peut entacher. Aimer secrètement n'est pourtant pas la solution pour préserver notre relation.
Aimer secrètement est notre malédiction, notre fardeau, et non une fin en soi.
Nos agents avancent désormais vers nous. Mew commence à retirer sa main de la mienne, par instinct de protection, mais je l'en empêche, lui lançant un regard suppliant. « Il est temps ». «Tu es devenu confiant, tu sais ce que tu veux. Tu t'es épanouis. » m'a-t-il dit tout à l'heure. Il n'a pas tort. Malgré mes épisodes de doutes, je sais ce que je veux. Et je veux que nos agents, qui sont aussi nos amis, rejoignent le camp des alliés de notre relation.
Boss et Best sont à présent face à nous, les sourcils froncés devant l'image insolite qui s'offre à eux : nos mains liées, Mae Suporn tout sourire, le visage anxieux de Mew et mon expression déterminée.
— Qu'y a-t-il les garçons, quelque chose ne va pas ?
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* Première rencontre entre Gulf et Chopper ( la veille au soir en réalité et non le matin comme dans mon histoire.)
https://twitter.com/RanaWaanjai/status/1369927260950650880
* Je n'avais pas prévu de faire référence au "mon tournesol" si tôt dans l'histoire, mais encore une fois ce sont les personnages qui ont devancé l'auteure... C'est venu naturellement à ce moment précis, sans que je ne contrôle rien. Ils ont décidé à ma place.
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Il me semblait sensé que la mère de Mew se pose des questions et arrive à la conclusion qui s'impose. J'en ai profité par la même occasion pour poser les fondements du questionnement "Doivent-il révéler leur relation, et surtout, à qui ?" Et enfin, les prémices de la jolie histoire du soleil et du tournesol...
Un petit chapitre de transition, encore assez calme, avec un mini cliffhanger ! Je ne veux pas dire que la tempête va se lever, mais enfin... On ne sait jamais avec eux ! 😏
À bientôt !
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