Chapitre 19.1 : « Joyeuse Saint-Valentin »
14 février 2020, Saint-Valentin
— Avez-vous prévu de passer la Saint-Valentin avec Gulf ?
Les journalistes ne peuvent s'empêcher de nous questionner sur notre relation à tout bout de champ. C'est lassant, à force. Il nous arrive de ne plus savoir comment nous sortir de certaines situations périlleuses. Comme cette fois où Mew est venu me chercher à l'université en voiture, et que nous nous sommes fait repérer. Sans surprise, ça a fait jaser. On a bien essayé de mentir, avec l'énergie du désespoir, mais personne n'a été dupe de notre tentative d'excuses embrouillées, pas crédibles une seconde. Comment peut-on être acteurs et en même temps aussi mauvais menteurs ? On se le demande.
— Non, nous allons rentrer chacun de notre côté.
Mew ne ment pas cette fois. Nous n'avons réellement rien de prévu. Mon partenaire part aux aurores demain pour un évènement aux Philippine, alors on ne va pas fêter grand-chose, je suppose.
Ces paroles échangées il y a quelques jours, aux airs de confession, me perturbent au plus haut point. J'y pense continuellement. Était-ce simplement un moment d'égarement, grisés que nous étions par l'intensité dramatique de ces adieux devant notre public ? Des adieux transformés en explosion de joie, d'ailleurs, quand Mame nous a fait la surprise de nous annoncer une saison 2 pour Tharntype. (Et oui, les affaires reprennent !)
« Phi aime Nong. »
Ce n'était évidemment pas un moment d'égarement. Pourquoi est-ce que j'essaye encore de repousser l'évidence ? La sincérité de Mew crève les yeux. C'est comme si... Il s'était libéré d'un lourd fardeau, subitement. Quant à moi, mes sentiments ne font plus aucun doute, mais je me sens tellement vulnérable à l'idée de prononcer des mots pourtant si simples, mais aussi terriblement précieux. Ne garde-t-on pas les trésors à l'abri, pour ne pas qu'ils perdent de leur éclat ?
Avant de quitter l'évènement, nous offrons des roses à nos fans. Mew s'occupe de la distribution, tandis que je me tiens à ses côtés avec une réserve de fleurs pour assurer le réassort. Une fan saisit une rose tendue par Mew, puis, sans prévenir, m'en arrache une des mains, me blessant la paume au passage avec les épines. « Aie ! ». Mew se tourne vers moi et comprend immédiatement la situation en apercevant la chapardeuse filer avec deux roses au lieu d'une. Il fait les gros yeux et s'approche, peu soucieux de laisser en plan la file d'attente. Il attrape ma main avec vigueur, examinant les légères égratignures laissées par le geste brutal de la jeune fille, déjà loin. *
— Gulf ! Pourquoi tu te laisses faire comme ça, bon sang ?! Regarde ta main !
— Ce n'est rien Daddy, vraiment rien...
Ce surnom a tendance à m'échapper quand je le sens monter en tension, dans une tentative instinctive d'apaisement.
— Tu es toujours si gentil avec tout le monde, et les gens en profitent !
Je retire ma main avec élan, irrité.
— Arrête de hausser la voix, protesté-je. Tu sais que je déteste ça !
Je détourne le regard, contrarié. Il commence à me courir sur le haricot ce gaillard trop protecteur.
Il souffle, irrité, avant d'alterner nos places en me prenant un peu durement par les épaules.
— Bon, donne-moi les roses. Je vais m'en occuper.
Je les lui tends de mauvaise grâce, renfrogné.
J'adore qu'il prenne soin de moi, mais parfois son inquiétude dépasse les limites et le fait agir avec excès. Boudeurs, nous quittons les lieux chacun de notre côté. Ça me fait mal au cœur, car je ne le verrai pas avant plusieurs jours. Ce que je peux être têtu, quand je m'y mets. Dans la voiture, je regarde le paysage défiler, pensif. Ma mère conduit avec dynamisme, ma tête dodeline la contre la fenêtre. Je soupire de dépit.
— Tout va bien ? s'enquiert-elle.
— Oui...
— Une dispute avec P'Mew ?
Ma mère en fait, c'est madame Irma.
— Rien de grave.
— Ça arrive, entre amis proches. Ça s'arrangera, j'en suis sûre.
Bien sûr que ça s'arrangera. Je ne m'inquiète pas vraiment pour ça. En revanche, je m'inquiète de ce sentiment inconnu naissant au creux de mes entrailles. Cette peine incommensurable de le savoir en colère contre moi, ou déçu. Comme cette fois, lorsqu'il a quitté le restaurant à cause de mon étourderie. Aujourd'hui, ce sentiment de perte et d'abandon est encore plus vif, empoisonnant chaque fibre de mon être. J'ai besoin de lui, il me manque déjà, mais je suis trop fier pour lui dire. Un dilemme presque physique me broie l'estomac.
Je regarde mon téléphone, au cas où il m'aurait laissé un message... Rien. J'ai peur, tout à coup. Qu'il se lasse de moi, de ma réserve, de mon caractère obstiné, parfois. Une insécurité vieille comme le monde me ronge, celle que ressente les amants passionnés, fusionnels, amoureux... Cette prise de conscience me gonfle le cœur d'une mélancolie insoutenable, teintée de peur. J'en ai mal, physiquement.
— Tu viens à la maison ou je te dépose à ton appartement, au fait ?
J'hésite. Je pourrais passer le week-end à regarder des films avec Grace et jouer à des jeux de société en famille, tout en faisant un barbecue dans le jardin. Au lieu d'être seul, roulé en boule comme un dépressif rongeant son frein. Mais Mew pourrait peut-être aussi faire une folie et passer chez moi à l'improviste, qui sait ? Un insidieux espoir me traverse.
— Mon appartement.
— Tu es sûr ? Tu vas être tout seul. Tu nous manques tu sais...
— Vous aussi, vous me manquez. Mais je dois être à l'appartement ce soir, coupé-je avec détermination, sans même prendre la peine de trouver une excuse valable.
J'ai l'impression que je vais être malade. Alors c'est ça, l'amour ? Un virus, mutant petit à petit jusqu'à nous transformer en un être fragile et dépendant de l'autre, en boule de douleur effrayée de l'abandon. Une sueur glacée coule dans mon dos. J'ai comme envie de pleurer. C'est la première fois que je ressens ça. Je me sens ridicule.
L'amour, ça rend fragile et ridicule, me dis-je, en colère contre moi-même.
~~
Roulé en boule dans mon lit, c'était prévisible, je ne cesse de regarder compulsivement l'écran de mon téléphone. Je sais que Mew avait du travail jusqu'à tard. Entre ses évènements solo, l'université et son projet de créer son propre Studio, il est assez occupé. Cela explique probablement son silence ? D'habitude, et malgré son emploi du temps chargé, il s'arrange toujours pour trouver du temps pour moi, tout attentionné qu'il est.
Je me retourne sur le ventre, prenant plaisir à penser à lui. Une image, en particulier, me revient. Au début du mois, Mew m'a enlacé avec possessivité lors d'un évènement public, comme à son habitude. Des journalistes filmaient la scène, mais l'un d'eux a eu la mauvaise idée de s'approcher d'un peu trop près. Depuis ma mésaventure avec les journalistes qui m'ont malmené, Mew est deux fois plus protecteur à mon égard. Sans hésiter, il a repoussé la caméra d'une main ferme en me gardant contre lui. Ce geste presque brutal, dans le but de préserver notre espace vital, a fait courir des frissons sur ma peau. Quand je convoque cette scène, les frissons renaissent, filant jusqu'à mon entrejambe.
La virilité de Mew et sa rugosité, parfois, me plaisent férocement, flirtant même dangereusement avec l'excitation sexuelle. L'espace d'un instant, j'oublie la colère, la déception, la frustration, la peur de mes sentiments violents. Je ne pense plus qu'à ses grandes mains sur moi. Je me sens si faible...
Des souvenirs de nos caresses torrides partagées dans ce bungalow se rappellent à moi. Sur mon lit est abandonné un pull appartenant à Mew, oublié lors de sa dernière visite. Machinalement, je l'attrape, fourrant mon nez dans la laine douce encore imprégnée de son odeur entêtante et masculine. J'en gémis à haute voix en me frottant contre le matelas, la tête recouverte de son pull que je sniffe comme un drogué en manque. En manque de ses bras, de ses baisers, de sa queue glissant entre mes cuisses. Des images tournent en bouclent dans ma tête. Mew torse nu, Mew se masturbant, me touchant, et surtout... son pénis imposant. Sa taille me laisse sans voix. Comment est-ce que ça pourrait bien... rentrer en moi ?
Je me redresse subitement et saisis mon ordinateur, déglutissant douloureusement. Jusqu'ici je ne me suis pas autorisé à explorer ce fantasme, mais je ne tiens plus. Je dois savoir. Je lance une navigation privée, hésitant sur les termes à choisir. Mes mains tremblent.
« Sexe anal entre hommes. »
« Comment se préparer à une pénétration ? »
« La sodomie fait-elle mal ? »
Je rougis en écrivant ces mots si... précis. Ma respiration est difficile, se bloquant dans ma gorge, et mon visage me brûle. Je découvre un monde qui m'était jusqu'alors inconnu. Trop curieux, je cherche même honteusement : « porno gay ».
Gêne, malaise et désir se disputent en moi devant les images explicites qui défilent devant mes yeux effarés. Je referme rudement mon ordinateur, fébrile.
J'enfouis mon visage dans le pull de Mew pour me calmer, mais ça ne calme rien du tout, au contraire. Je retire mon short avec précipitation, faisant glisser ma main sur mon pénis tendu à l'extrême. Timidement, je fais descendre mon index de plus en plus bas, hésitant et tremblant. Des flash obscènes clignotent devant mes yeux.
N'y tenant plus, je suçote mon index et le pose sur mon anus, pressant l'anneau de muscle jusqu'à faire rentrer le bout de mon doigt. Je ne ressens rien de particulier, si ce n'est un vague inconfort. J'insiste un peu, imaginant les doigts de Mew à la place du mien, le sexe de Mew. La magie opère, instantanément. Je décolle. J'ai juste envie de jouir, de me débarrasser de mes insécurités et d'éprouver un bonheur limpide, instantané, libérateur. Mon doigt s'enfonce plus profondément dans mes chairs, mes cuisses relevées dans une position indécente, tandis que je me masturbe avec vigueur... Je veux Mew en moi, je l'aime, je le veux, je l'aime.
Je jouis en glapissant son nom.
Rompu de fatigue, je reprends péniblement ma respiration, allongé de tout mon long dans mon lit, à moitié dévêtu et recouvert de mon sperme. Je me sens sale, mais aussi étrangement apaisé, libéré, comme si le doux reflux des vagues avait remplacé la tempête qui grondait en moi.
Je me lève, direction la douche, toujours honteux de ce que je viens de faire... L'angle, mais aussi la peur, m'empêchaient d'aller vraiment stimuler cet endroit qui fait tant de bien, parait-il. Pourtant, le simple fait d'imaginer Mew effectuer ce geste m'a excité au-delà de l'imaginable. Je me remets à frissonner en secouant la tête. J'ai vraiment besoin de calmer ce désir infatigable et tyrannique.
Sous la douche, je tourne le bouton d'eau froide pour me remettre les idées en place.
~~
Je piétine nerveusement dans mon appartement. Il est déjà 22h. Toujours pas de nouvelles de Mew. Je vais mettre mon orgueil de côté et l'appeler, je ne tiens plus. J'attrape mon téléphone, m'apprêtant à ouvrir mon répertoire de contacts, quand « Khun Phi » s'affiche sur mon écran. Enfin !! Mon cœur manque un battement.
— Oui ? dis-je d'un ton en apparence décontracté.
— Yai nong... Je ne pensais pas que tu décrocherais.
Mince, j'aurai dû le faire mariner, me dis-je, mais j'en étais purement incapable.
— Que me vaut cet appel ?
Je grimace, mon ton est beaucoup plus froid et sec que je ne le voudrais.
— Je viens de terminer mon travail. Je dors presque sur mon bureau d'épuisement. Et je pense à toi...
— Tu penses à moi ?
— Oui... Toujours, tu le sais bien. Tu es le centre de mes pensées, le matin, la journée, la nuit. Je suis désolé pour tout à l'heure, je me suis encore emporté comme un idiot.
Je fonds à sa déclaration. Je ne peux guère lui en vouloir plus longtemps.
— P'Mew... je ne t'en veux plus. Mais s'il te plaît, ne t'emporte plus comme ça. Je suis assez grand pour prendre soin de moi. Tu n'as pas besoin de me disputer comme si j'étais un enfant inconscient. Tu dois me faire confiance.
— Je suis désolé, quand il s'agit de toi, je ne me contrôle pas.
— J'ai cru remarquer.
— Je veux me faire pardonner. Allons dîner ensemble.
— Mais tu as un vol à cinq heures, tu vas être épuisé...
— Je m'en fous. Je veux te voir. J'arrive tout de suite.
— D'accord... Je t'attends.
J'avais raison de faire confiance à Mew. Mon intuition était la bonne. Comment aurait-il pu m'abandonner le soir de la Saint-Valentin ?
Il arrive une demi-heure plus tard. Je le rejoins directement dans sa voiture, pas de temps à perdre si on veut arriver à l'heure. Les routes sont embouteillées, comme toujours à Bangkok. Mew s'agace.
— Je voulais t'emmener dans un bon restaurant que mon ami Boom m'a fait découvrir, mais j'ai peur qu'on arrive trop tard.
— Boom ?
C'est qui, celui là ?
— Un vieil ami. Tu auras l'occasion de le rencontrer.
Je reste silencieux.
— Quoi, tu es jaloux ? me lance-t-il avec amusement.
— Pas du tout ! C'est juste que... je ne savais pas que tu allais dans des grands restaurants en tête à tête avec des amis.
— Pas jaloux du tout, hein ? insiste-t-il, narquois. C'est un amateur de gastronomie, c'est pour ça. Il n'y a que toi qui compte à mes yeux, tu le sais...
— Hum. Concentre-toi sur la route, phi, coupé-je court en rougissant.
Malheureusement, les cuisines sont déjà fermées à notre arrivée. Mew est foncièrement déçu. Je le rassure. Peu importe où nous dînons, ce qui compte c'est d'être ensemble. Nous trouvons finalement un stand de nourriture où l'on peut s'installer. Ce n'est pas précisément romantique, mais c'est quand même grisant de dîner ensemble à la belle étoile, rien que nous deux. Personne ne semble nous reconnaître, alors nous profitons du repas, les yeux pétillants, baignés par la lumière de la lune et des lampadaires.
J'ai faim de lui... Ses regards chauds posés sur moi me rendent fou. Il me nourrit régulièrement, essuyant mes lèvres du bout des doigts. Ses doigts magnifiques que j'ai imaginé en moi pas plus tard qu'il y a deux heures.
— Joyeuse Saint-Valentin, tua eng, me glisse Mew à la fin du repas
Je guette les alentours, mais personne ne semble prêter attention aux deux jeunes hommes perdus dans leur monde.
— Joyeuse Saint-Valentin, khun phi, soufflé-je en serrant sa main.
Nos yeux en disent pourtant bien plus.
~~
— J'espère que ça t'a plu... malgré les circonstances. Je suis désolé pour le fiasco d'aujourd'hui, me confie-t-il, penaud, sur le chemin du retour.
La ruelle est presque déserte, faiblement éclairée d'une lumière chaude et orangée.
— Ne t'inquiète pas, c'est passé maintenant. J'aurais été... triste de te laisser partir comme ça.
La nuit est tiède, nous nous baladons avec indolence en effleurant nos mains, sans la moindre envie de nous quitter. Nous nous dirigeons lentement vers la voiture, à reculons. Une bruine se met à tomber.
— Oh, mais qui voilà... Tu es si mignon...
Je sens un chat se frotter entre mes mollets. Il miaule, en quête d'attention. J'adore ces petites boules de poils. Je m'accroupis pour caresser l'intrus, sous l'œil attendri et dépité de Mew. Je produis des petits bruits incompréhensibles, complètement gaga de l'animal avec lequel je noue une sorte de conversation intelligible pour nous seuls.
— Tu as trouvé l'un de tes semblables, à ce que je vois. Étais-tu un chat dans une autre vie ?
— J'en suis sûr, Phi.
— Je suis allergique aux chats, tu sais.
Je me relève, laissant mon nouvel ami retourner à d'autres aventures.
— Je ne savais pas... Es-tu allergique à moi ? le provoqué-je.
Sans prévenir, Mew me plaque contre la voiture.
— Toi, je te mangerai, vilain chaton.
Il m'embrasse. Je le laisse faire. Il pourrait tout me faire. Je n'ai plus aucune volonté quand je suis avec lui. Je mollis entre ses bras, à sa merci. Son baiser devient vorace, demandeur, presque enragé. Je réponds avec fougue, passant ma main dans sa nuque, enroulant ma langue à la sienne.
— Tu vas tellement me manquer, souffle-t-il après ce baiser étourdissant.
— Toi aussi... J'avais si peur qu'on ne se voit pas ce soir, que tu me quittes sans un mot.
— Je n'aurais jamais fait ça, yai nong, tu le sais bien.
Je niche ma tête dans son épaule. La bruine devient plus épaisse, humidifiant nos vêtements au passage. L'air se rafraîchit et des frissons parcourent ma peau nue. Mew embrasse ma gorge et me serre contre lui avec possessivité, ses bras forts refermés sur ma taille.
— Je t'aime tellement, expire-t-il douloureusement dans mon cou.
Je me fige, pris de cours. Mon cœur se met à tonner dans ma cage thoracique comme un tambour, ou un orage. Un fracas désordonné et assourdissant. Mew se redresse et me jette un regard embarrassé.
— Excuse-moi... tu n'es pas obligé de répondre quoi que ce soit. J'avais juste besoin de te le dire.
Je reste silencieux, encore sous le choc de ces mots si purs, si simples. Je prends conscience qu'ils ne me font pas peur comme je l'aurais cru, au contraire, ils m'enveloppent d'une douce chaleur, comme un baume. Je pose ma main sur sa joue brûlante, légèrement rugueuse d'une barbe naissante. Je me noie dans son regard sombre, dangereux comme une tempête mais aussi doux comme le calme d'un lac au matin.
— Je t'aime aussi... Je t'aime, Mew Suppasit.
— Oh, tua eng... Je t'aime, je t'aime, je t'aime, Gulf Kanawut, récite-t-il sans plus pouvoir s'arrêter.
Il me serre contre lui si fort que je ne sais même plus où se trouvent les limites de nos deux corps.
~~
Je n'ai pas dormi de la nuit.
Je me retourne dans le lit, gémissant dans mon oreiller et battant des jambes sous l'excitation. Mew m'aime, il m'aime... Je l'avais deviné, bien sûr, surtout après ses deux déclarations consécutives, mais entre l'entendre à demi mot en public et l'entendre si limpidement dans l'intimité, ce n'est pas pareil. Je frissonne, fiévreux. Je me sens malade, malade d'amour. Les choses deviennent vraiment sérieuses. Ces mots, je ne les dis pas à la légère, jamais. C'est comme si nous avions scellé... Une sorte de pacte de confiance, et ce pacte, je veux l'honorer. Est-ce que je serais capable de l'aimer comme il le mérite ? Je dors d'un sommeil hachuré, nerveux.
Une vibration me tire de ma somnolence. J'attrape le téléphone posé sur ma table de nuit. C'est Mew. Il m'a envoyé un selfie pris depuis sa chambre d'hôtel. Il a l'air fatigué, mais toujours aussi beau. « Je suis bien arrivé. Prends soin de toi en mon absence, tua eng. Je t'aime ». Je ne vais jamais pouvoir me rendormir. Je pourrais peut-être bien ne plus jamais dormir.
Le lendemain, hagard, encore épuisé par ma nuit sans sommeil, je ne manque pourtant pas de suivre l'évènement de Mew en direct sur mon ordinateur. Je pique du nez, sirotant paresseusement un chocolat chaud.
— Qu'avez-vous mangé le soir de la Saint-Valentin ? l'interrogent des fans trop curieux.
— Un gros chat, répond Mew, en fixant la caméra. *
Je m'étouffe presque avec ma boisson. Un gros chat ? Est-ce que j'ai l'air d'un gros chat ? Il ne perd rien pour attendre. Mais il me manque, cet idiot. C'est bientôt son anniversaire, et je ne sais toujours pas quoi lui offrir. Je me creuse la tête, espérant une illumination soudaine. Je ne suis pas doué pour ça. C'est Mew l'homme attentionné d'entre nous deux. Je soupire, pensif. Je pourrais peut-être appeler Boss, ou sa mère ? J'ai beau y réfléchir, rien ne me vient. Enfin, si... J'ai bien une idée, depuis hier en réalité. Oserai-je ?
~~
Malgré la distance, nous nous sommes appelés chaque jour. « Je t'aime » ne manque jamais de me dire Mew à la fin de nos conversations. C'est comme si les vannes avaient cédé, il ne se retient plus. « Tu es timide, tua eng ? Ne fuis pas mon regard. » Comment soutenir ce regard lourd de sens, et ces lèvres me murmurant des mots si cruellement doux, qui me font frissonner ?
« Je suis timide, Phi. »
« Ne le sois pas. »
« J'ai peur, Phi. »
« N'ai pas peur. » «
Mais Mew ne m'a pas seulement dit des mots doux, il m'a aussi dit : « J'ai envie de te déshabiller. » « Tes lèvres me manquent. » « Je veux goûter ta peau. » me laissant écarlate.
En l'absence de Mew, je suis parvenu à apprivoiser quelque peu les soubresauts de mon cœur, mais une autre menace se profile à l'horizon. Une étrange épidémie, venue de Chine, commence à se répandre dans le monde. On parlait d'une gripette ces dernières semaines, je n'y avais absolument pas prêté attention, mais les choses commencent à devenir sérieuses. Il se murmure même que le gouvernement prévoit de fermer les lieux publics, et d'instaurer un couvre feu. Quelle folie ! Je peine à croire que cela soit possible. Nous ne sommes pas dans un film de science fiction. Et pourtant, la rumeur commence à enfler.
Mew m'est finalement revenu de son voyage. Nos retrouvailles ont été explosives.
Ce soir-là, nous étions conviés tous deux à un dîner mondain. Mew est venu directement depuis l'aéroport, suscitant la méfiance. Serait-il revenu avec la maladie dans ses bagages ? Pourrait-il transmettre quelque chose à Gulf ? Furieux de ces accusation infondées, je n'ai pas hésité à le nourrir avec mes propres couverts, pour faire taire les mauvaises langues, leur montrer à tous que Mew a ma confiance absolue. Nos yeux n'ont cessé de se chercher, Mew me susurrant dans l'oreille à quel point je lui ai manqué.
Après la soirée, mon bel amant me ramène chez moi. À peine avons-nous passé la porte, qu'il me soulève comme un fétu de paille et me porte dans ses bras. Mes jambes s'accrochent à sa taille naturellement. Il me dépose dans le lit, dévorant mon cou de baisers affamés, tel un animal aux abois.
— Tu m'as tellement manqué, ahane-t-il contre ma peau.
Je ne l'ai jamais vu aussi sauvage.
— Déshabille-toi, ordonne-t-il.
Sans même réfléchir, comme hypnotisé, je commence à déboutonner ma chemise et mon pantalon de costume. Mew m'observe un temps, avant de m'aider en arrachant presque mon pantalon et mon boxer au passage, me tirant un cri de surprise. Il me bascule sur le lit, me fixe de ses yeux enflammés.
— J'ai envie de te faire quelque chose dont je rêve depuis un moment...
Je déglutis, partagé entre la panique et l'excitation. Sans quitter mon regard, il embrasse mon ventre en gémissant, ce qui fait courir de douces vibrations sur ma peau. Il passe ses mains entre les pans de ma chemise qu'il écarte, contemplant mon torse nu et offert, se mordant les lèvres. Il embrasse l'un de mes tétons et le mordille, avant de le suçoter comme un bonbon.
— P'Mew...
Mew déguste mes tétons avec avidité. Mon sexe répond plus que positivement à ces sensations inédites, déjà enflé et dégoulinant d'anticipation. C'est tellement bon. Mew continue d'embrasser chaque parcelle de ma peau découverte, plus bas, toujours plus bas. Ma respiration s'accélère. J'ai fermé les yeux d'extase. De timidité, aussi. Son menton bute contre mon pénis. Je baisse les yeux vers lui, le découvrant en train de se lécher les lèvres. Ses pupilles sont d'un noir de pétrole.
— J'ai envie de te sucer... murmure t-il, son souffle chaud caressant mon gland sensible.
Je peine à respirer, à parler. Je hoche simplement la tête. Mew pointe sa langue et la pose avec une lenteur insoutenable sur mon gland luisant. Je vais jouir instantanément, ce n'est pas possible. Il enroule sa langue puis lape ce bouton de chair sensible, sans même me quitter du regard, avant de m'engloutir avec gourmandise. Je hoquette sous la sensation divine de cette cavité humide et soyeuse autour de ma hampe. Il commence à sucer lentement, me tirant des gémissements réguliers, puis il accélère la cadence en me prenant profondément dans sa gorge. C'est chaud, mouillé. C'est merveilleux. Il s'occupe si bien de moi... Instinctivement, je remue les hanches, en quête de délivrance.
— J'en veux plus... plus... laché-je, sans réfléchir à la portée de mes mots.
Mew se redresse, jusqu'à me surplomber. Ma respiration est sifflante, douloureuse, je vois trouble à travers mes yeux embués, et mon visage me brûle. J'ai envie de ses doigts en moi, mais je n'ose pas le lui dire.
— De quoi as-tu besoin ? souffle-t-il d'une voix rauque contre mes lèvres.
Je reste muet, osant à peine croiser son regard. Il attrape ma mâchoire pour me forcer à le regarder droit dans les yeux.
— Dis-le moi.
J'avale ma salive.
— Tes doigts... en bas... entre mes cuisses, tu sais...
— Oh, bébé...
Mew redescend sur mon corps, bavant presque de désir. Il écarte mes jambes, contemplant le secret de mon intimité offerte. Instinctivement, je me crispe et referme les jambes. Mew caresse mes genoux puis l'intérieur de mes cuisses. Dans l'une d'elles, il dépose un baiser carnassier, aspirant ma peau. Ça laissera probablement une marque.
— Détends-toi, mon ange...
Il fait courir un long doigt sous mes testicules, descendant toujours plus bas... Puis, il le porte à ses lèvres pour le sucer langoureusement. Nous n'avons pas de lubrifiant, me dis-je. Je n'y ai pas pensé. Je n'avais pas vraiment... prévu ça. Mew repose sa bouche sur moi, tétant paresseusement mon sexe qui retrouve enfin les délices de ce fourreau humide. Puis, je le sens. Ça y est ! Il effleure mon ouverture serrée du bout de son doigt humide de salive. Mon dieu, ça m'excite au-delà des mots. Je sens à peine sa première phalange tenter de s'introduire en moi et m'ouvrir prudemment, que déjà une déferlante de plaisir me traverse ; je jouis directement dans la bouche de Mew qui m'avale goulûment.
— Khun phi, je suis tellement désolé... m'excusé-je piteusement après avoir émergé des brumes de l'orgasme.
Mon amant se redresse, un sourire au coin des lèvres.
— Ne t'excuse pas, tu es délicieux.
Cette nuit-là, j'ai dormi de mon meilleur sommeil entre les bras de Mew, apaisé, heureux, traversé de rêves à l'indécence pure, mais aussi plein d'amour et de tendresse.
J'en veux tellement plus. Toujours plus. Je me sens prêt à m'offrir à lui.
~~
* Je n'ai pas retrouvé la vidéo en question, mais cela se passe à peu près comme décrit ici. (Gulf n'a pas été blessé à ma connaissance par contre, c'est un rajout de ma part). Il paraît que le dîner de Saint-Valentin était justement pour se faire pardonner de l'emportement de Mew. (Simple rumeur). J'ai essayé d'être fidèle à la réalité, ce n'est donc pas une dispute sortie tout droit de mon chapeau juste pour le plaisir du drame ahah.
Edit : vidéo retrouvée https://twitter.com/lilkaleroux/status/1356297024774287361?s=19
* Le moment "j'ai mangé un gros chat " https://twitter.com/mewrichu/status/1252816944031338504?s=19
~~
C'était un long cheminement intérieur pour Gulf ce chapitre (couvrant donc le 19 et le 19.1). Accepter les "je t'aime" de Mew, déjà, et ce faisant accepter ses propres sentiments, cette passion qui le consume et le tourmente, l'inquiète, même. C'était un nouveau palier à passer pour ce pudique garçon qui tombe finalement amoureux pour la première fois. Et aussi, accepter de se donner à Mew, physiquement... Tout un programme ! 😏
(Je suis moi-même toute émue des premiers je t'aime ! 🥺)
J'espère que ça vous a plu, malgré les quelques obstacles qui se sont dressés sur le chemin. J'avais prévenu, ce n'est pas toujours un long fleuve tranquille entre ces deux là, mais c'est ça qu'on aime aussi ! Ca rend la passion bien meilleure. 🔥😈
À bientôt !
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