Chapitre 18 : « Lucky to have you here »
Mew
En ce dimanche de janvier, je travaille à la programmation musicale de mon premier fanmeeting, sobrement intitulé « Mew Special Hour ».
Rencontre avec mes fans, chansons, danses et composition au piano rythmeront cet évènement tant attendu que je désire à mon image. Je prépare ça minutieusement depuis des semaines avec l'aide de Boss, planchant actuellement sur une composition toute personnelle.
Mon téléphone se met à sonner.
« Yai nong » affiche mon écran.
Je ne peux m'empêcher de sourire bêtement, complètement épris de ce garçon entré dans ma vie l'année dernière, qui a fait chavirer mon cœur sans rémission possible. J'ai une chance folle de l'avoir.
— Oui tua eng ?
— P'Mew...
Sa petite voix tremblante m'alerte immédiatement.
— Qu'y a-t-il ?
— Tu n'as pas regardé Twitter, récemment ?
— Non, j'ai été occupé toute la journée à la préparation du Mew Special Hour. Tu m'inquiètes, qu'est-ce qui se passe ?
Je l'entends respirer difficilement à l'autre bout du fil. C'est étrange, il ne m'a pas appelé en visio comme il le fait d'habitude.
Je fais la demande d'activation de caméra. Le visage de Gulf apparaît, froissé, défait. Ses yeux sont gonflés et rougis.
— Bébé... Qu'est-ce que tu as ?
— Des photos de Poom et moi ont fuité sur les réseaux sociaux, je ne sais pas comment, et certains fans sont en colère contre moi... explique-t-il d'un filet de voix faible.
Mon sang ne fait qu'un tour, de douloureux souvenirs se rappellent à moi. Les fans sont pour la plupart adorables et encourageants, nous ne serions pas là sans eux, mais une poignée de personnes toxiques gangrènent cet environnement. Ils pensent posséder les artistes. Dans l'industrie du boyslove, c'est d'autant plus délicat quand les fans, souvent jeunes et vulnérables, confondent la réalité et la fiction jusqu'au délire, croyant aveuglément que tous les couples d'acteurs sont en couple dans la vie. S'ils apprennent que l'un d'eux a une petite amie, ils peuvent se sentir trahis et devenir haineux. C'est un vrai problème dans cette industrie.
— Calme-toi, yai nong. Respire. Tout va bien se passer. Tu n'es pas le premier à qui ça arrive. Je sais que c'est impressionnant de voir ce déchaînement de haine, mais sache que c'est marginal. Tes vrais fans t'aimeront, quoi qu'il arrive.
Il renifle, un peu calmé par mes paroles.
— Tu crois ?
— Bien sûr ! C'est tout le temps pareil. Les scandales naissent aussi vite qu'ils disparaissent.
— Comment fais-tu pour rester aussi... serein ?
— Je sais ce que c'est... Et je sais surtout que tu es très aimé parmi les fans. Qui ne t'aimerait pas, enfin ? Il faudrait être vraiment stupide.
— P'Mew... Merci... sanglote-t-il.
— Je te protégerai, tu te souviens ?
Il hoche la tête, un demi sourire étire ses lèvres tristes.
— Tu as appelé P'Best, ou P'May ?
— Pas encore...
— Quoi ? Mais qu'est-ce que tu attends ?
— Je voulais t'appeler en premier...
Mon cœur se gonfle d'émotion... Gulf remettrait sa vie entre mes mains.
— Appelle tes managers, ils vont arranger ça. Et je te conseille de te préparer pour faire face aux journalistes...
— Les journalistes ? s'écrie-t-il, à nouveau paniqué.
— Je peux les voir d'ici se frotter les mains à l'idée d'un nouveau scandale à se mettre sous la dent. Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'une formalité. Sois droit, sincère, tel que tu es, tout se passera bien.
Il souffle, dépité et inquiet. Je perçois ses épaules trembler.
— J'ai envie de te prendre dans mes bras...
— Je voudrais que tu sois là, P'Mew.
~~
Janvier est un mois très dense. Notre calendrier est rempli à ras bord d'évènements, sans compter mon fanmeeting et un tournage très particulier dont le thème me trouble. Boss a suggéré d'organiser un faux mariage pour faire plaisir aux fans, en tant que Mew et Gulf.* J'ai été à la fois séduit par l'idée et effrayé. Est-ce que ce n'est pas un peu trop ? Gulf et moi essayons de cacher notre relation, alors ça me semble un rien imprudent.
Puis, je me suis dit « plus c'est gros, plus ça passe ». Personne ne croira réellement que nous sommes en couple si nous organisons quelque chose d'aussi artificiel, n'est-ce pas ? Gulf, tout innocent qu'il est, comme à son habitude, a été très enthousiasmé par l'idée. Un enfant à qui l'on aurait promis une journée dans un parc d'attraction n'aurait pas réagi autrement.
Ce faux mariage a lieu dans quelques jours, pour fêter nos un an de rencontre.
Pour l'heure, Gulf et moi assistons à un évènement quelconque. C'est la première fois qu'il fait face au public et aux journalistes depuis l'incident. Entre temps, nous avons appris que l'Instagram privé de Poom avait été piraté, c'est ainsi que les photos dites compromettantes se sont retrouvées sur les réseaux, enflammant la base de fans.
Gulf essaye de faire bonne figure, mais j'entrevois son état de tension. Il irradie de stress sous ses airs impassibles. Mon petit ami est assez doué pour cacher ses sentiments en public, alors je lui fais entièrement confiance pour gérer la situation, mais j'angoisse malgré tout pour lui. Je ne veux pas qu'il soit blessé... Je ferais tout pour prendre les balles à sa place si je le pouvais.
L'évènement se passe bien, mais je ne peux m'empêcher d'être collant avec Gulf, au risque d'être un peu suspect. Au moment où nous quittons la scène pour faire une pause, une meute de journalistes fond sur nous. Je me serre contre lui en geste de protection, mais Best et Boss m'enjoignent du regard à le laisser seul. Je l'abandonne à regret dans ce piège vilement tendu. Une boule se forme dans ma gorge.
Je suis nos managers derrière le rideau où l'interview sauvage va se dérouler, fulminant.
— Pourquoi je ne peux pas rester avec lui ?
— Je sais que tu es inquiet Mew, c'est tout naturel, tu es son Phi protecteur. Mais Gulf doit apprendre à se débrouiller seul et à gagner en crédibilité par lui-même. Tu ne peux pas toujours être là pour le protéger. Allez mon garçon, haut les cœurs, ça va aller. Nong est plus fort que tu ne le crois, me rassure Best en posant une main sur mon épaule.
« Tu ne peux pas toujours être là pour le protéger. »
Cette cruelle vérité m'écorche le cœur.
Je reste calme, tendant l'oreille à l'interview, les poings serrés, pratiquement prêt à intervenir si jamais ça tournait mal.
— Pouvez-vous nous parler du drame qui s'est produit sur Twitter et de cette personne qui serait votre petite amie ? Qu'avez-vous ressenti ?
— J'ai été choqué, car je ne comprenais pas d'où cela venait. Mais s'il y a quelqu'un a blâmer, c'est moi seul, pour ne pas avoir été responsable envers les fans et envers mon ex petite amie.
Je secoue la tête en entendant cela. Gulf est bien trop gentil...
— Qu'en est-il de votre relation avec cette jeune fille aujourd'hui ?
— Nous avons décidé de réduire notre relation, car nous n'avions plus le temps de nous voir. Chacun a choisi de suivre son propre chemin.
— Regardez la caméra, dit durement un journaliste.
J'ai envie de frapper ce charognard, ni plus ni moins.
— Cela n'a rien à voir avec le drame sur Twitter, ou le fait que vous soyez célèbre à présent ?
— Non, du tout. C'est une question de manque de temps et d'intérêts différents, c'est entre nous deux seulement. Aujourd'hui nous sommes toujours capables de nous parler, nous sommes restés en bons termes.
— Qu'a t-elle dit au moment de la rupture ?
Sérieusement ? Comment osent-ils lui poser une question aussi personnelle ? Je bouillonne. Gulf continue de répondre aux questions du mieux qu'il peut, avec beaucoup de maturité et de courage. Les journalistes répètent les mêmes questions en boucle, poussant Gulf à bout, le poussant à la faute. Mais il parvient à rester calme et à contourner leurs pièges. Tel que je me connais, je n'aurais pas pu garder mon sang froid dans une telle situation. Je dois me faire violence pour ne pas m'interposer, les ongles plantés de rage réprimée dans mes paumes .
« Donc vous êtes sûrs que c'est bien fini ? »
« Vous nous assurez que la séparation n'est pas liée au drame crée par les fans ? »
« Est-ce que vous êtes triste ? »
« Est-ce que votre séparation est liée à la promotion du faux couple que vous formez avec P'Mew ? »
https://youtu.be/-UTQrnZ1xvQ
Je n'ai qu'une envie c'est débouler, le soustraire à cette torture et le mettre dans ma poche pour que personne ne lui fasse plus de mal. L'interview se termine enfin.
Dès que Gulf ouvre le rideau et se tourne vers moi, j'aperçois son sourire de façade s'affaisser et ses yeux se remplir de sanglots contenus. Il me jette un regard de détresse mais s'éloigne vers les coulisses pour fuir la foule de curieux. Je le suis sans hésiter vers les loges. Quelques personnes du staff errent dans les couloirs, mais peu m'importe. J'attrape Gulf par le poignet et l'étreins puissamment. Il est tellement sous le choc de ce qui vient de se produire qu'il ne réagit même pas, sidéré, telle une poupée de chiffon abandonnée entre mes bras.
« Ça va aller... » murmuré-je dans son oreille en le berçant.
Je le serre à l'en étouffer, mais Gulf semble absent, comme sonné.
Du monde commence à se rassembler autour de nous, alors j'emmène Gulf dans notre loge où je le dépose dans le canapé. Ses yeux sont vitreux, son joli sourire a complètement disparu. Il se recroqueville en position fœtale, et je le rejoins en m'installant derrière lui, un bras possessif autour de son ventre. Je dépose un doux baiser sur sa nuque. Nous restons ainsi, muets. Des autographes à signer nous attendent, mais les fans patienteront...
— Merci P'Mew... sa petite voix s'élève dans le silence.
— Je n'ai rien fait. Tu t'es débrouillé tout seul, comme un chef.
— Merci d'être là, tout simplement.
— On est une équipe. On est Mewgulf, tu te rappelles ?
Il rit doucement, apaisé.
— Tu as raison.
— Peu importe ce qui arrive, je serai là, comme un point d'ancrage.
Gulf pose sa main sur la mienne en la serrant avec force, me transmettant toute sa confiance par ce simple geste.
On entend toquer à la porte. Boss apparait, affichant un air penaud, gêné de devoir s'introduire dans notre bulle.
— Les garçons ? Je suis désolé de vous déranger... Mais il va falloir y retourner.
— On arrive, Boss. Laisse-nous cinq minutes.
Mon manager referme la porte, les sourcils légèrement froncés, manifestement soucieux.
— Ça va aller, yai nong ? Tu as passé le plus dur. Les choses vont se tasser, maintenant, je te le promets.
— Hum hum... J'ai envie de dormir.
— Ça ne m'étonne pas de toi. Allez, encore une heure et on rentre.
Gulf se retourne et s'étire, laissant son ventre apparaître. Je ne peux me retenir de poser mes lèvres sur cette peau chaude et attirante.
~~
26 janvier 2020
Aujourd'hui est un grand jour, puisque je me marie ! Sauf que je n'ai jamais fait ma demande à Gulf, ni demandé sa main à sa famille, ni même acheté d'alliance. Malgré l'artifice de la démarche, j'ai une certaine émotion à revêtir ce beau costume pour le tournage du clip, que l'on diffusera lors du Mew Special Hour. Pour réaliser cette vidéo, j'ai choisi un cadre boisé et naturel, tel que je l'imagine pour mon vrai mariage. Nous avons donc loué des bungalow dans le parc national Khao Yai à trois heures de Bangkok, un véritable havre de paix.
J'entends toquer à la porte de ma chambre. Elle s'ouvre pour laisser apparaître Gulf, vêtu lui aussi de son costume. Il est magnifique. Je reste bouche bée quelques instants devant tant d'élégance. Il est si masculin et chic.
— Qui t'a autorisé à me regarder comme ça ? Nous ne sommes pas encore mariés que je sache, plaisante-t-il.
Je l'attrape par la taille pour le serrer contre moi.
— Hum... Tu sens bon... De quelle manière je te regarde, au juste ?
— Comme si... tu voulais me manger.
— Hum... Peut-être bien... continué-je à ronronner dans le creux de son épaule. Et marié ou pas, tu es à moi, je te rappelle, ajouté-je en lui mordant le cou.
— P'mew ! me repousse-t-il gentiment. Tu vas laisser une trace. Tu sais comment je marque vite.
— Désolé, me calmé-je.
— Où est ma bague ?
Je lève un sourcil.
— Ta bague ?
— Pfff, incapable de faire les choses correctement, cher mari.
— Si tu continues à me chercher, tu vas me trouver...
Ma main descend lentement dans le creux de ses reins avant de se poser sur ses fesses rondes que j'aime tant, quand la porte s'ouvre brusquement. Nous nous éloignons à regret, tentant de paraître innocents. Gulf fait mine d'ajuster ma cravate.
— Désolé, je ne savais pas que tu étais là, Gulf. J'aurai dû frapper.
Boss s'avance dans la pièce et dépose quelques affaires dans un coin en nous jetant des regards appuyés. Je pense qu'il se doute de quelque chose, bien qu'il n'ait encore rien dit à ce sujet.
— N'Gulf, tes parents te cherchent, au fait, l'informe-t-il.
— Ah bon ?
Mon "fiancé" m'adresse un regard dépité avant de quitter la chambre.
Ses parents sont très protecteurs, je m'en suis vite aperçu. Ce n'est donc pas toujours aisé de nous retrouver seuls. J'avais espéré que nous pourrions passer la nuit ensemble dans un bungalow perdu au milieu de cette forêt luxuriante, un cadre si romantique. C'est râpé.
Une fois seuls avec mon manager, celui-ci me fixe avec attention. Je me sens comme percé à jour par ses yeux insistants.
— Les parents de Gulf sont très protecteurs et sensibles. Ils ont les yeux partout. Faites attention.
Il m'adresse un clin d'œil avant de quitter la pièce.
Il est au courant de bien plus de choses que je ne le pensais... Son attitude me laisse penser qu'il sera davantage un allié, nous aidant à couvrir notre relation. Je n'en attendais pas moins de lui. Je me sens un peu préoccupé, cependant : je sais que les parents de Gulf me font confiance. Ils ont même déjà taquiné leur fils au sujet de notre relation. Mais s'ils apprenaient la véritable nature du lien qui nous unit, je doute qu'ils apprécient que leur petit protégé de vingt deux ans soit en couple avec un homme de vingt neuf ans bientôt...
Le tournage commence et une vive émotion me prend à la gorge à l'apparition de Gulf. Il emprunte le chemin boisé, niché dans ce décor champêtre de toute beauté, pour me rejoindre sous l'autel.
Tenir Gulf entre mes bras en costume de mariés, ce 26 janvier, un an après notre rencontre... Jamais je n'aurais imaginé ça ! Quand je pense que j'ai failli manquer cette audition, que j'ai failli manquer Gulf. Mais le destin en a décidé autrement...
J'ai tellement de sentiments pour ce jeune homme calme et un peu farouche. Je repense au premier jour de notre rencontre : il était juste là, assis seul, pendant que les candidats parlaient entre eux. Il était perdu dans son propre monde, un monde dans lequel j'ai finalement été invité.
Boss, le prêtre bénissant notre union dans la scène, prononce les mots fatidiques : « voulez-vous l'épouser ? »
Je caresse les mains de Gulf en plongeant mes yeux dans les siens. À l'intérieur de ses prunelles, je lis notre passé, embrasse notre présent, et devine notre futur, tel un livre écrivant ses pages au fur et à mesure. Je sais que le public s'acclamera « il joue si bien, c'est comme s'il ressentait vraiment quelque chose pour Gulf » mais à ce moment précis, je ne joue pas.
Je ressens vraiment quelque chose pour Gulf.
Le pépiement joyeux des petits oiseaux habille le silence, le soleil couchant baigne le visage de mon amant. Il a l'air ému, lui aussi. Est-ce simplement pour la caméra ? Gulf s'approche de moi pour m'embrasser, selon les indications du réalisateur. Ses lèvres effleurent les miennes, un tiède rayon de soleil nous caresse...
https://youtu.be/CCTIkWl0128
— Et cut ! C'était parfait.
Notre bulle de bonheur éclate soudainement, rattrapée par la réalité crue des caméras, du plateau et de l'équipe qui nous observe. Une image factice, rien de plus. L'envers du décor m'explose à la figure. The Truman Show. Une douleur me comprime l'estomac, et une sorte de rage inattendue se met à frémir sous ma peau.
Tout le monde adore ces moments romantiques : voir deux beaux garçons amoureux, cela fait palpiter les cœurs mais aussi les portes monnaie. La production gagne une montagne d'argent avec tout ça. Vendre un faux amour pour des ambitions capitalistes, ce n'est que cela pour eux... Mais pas pour moi. Mon amour pour Gulf n'est pas faux, bon sang...
Oui, je l'aime ! Je l'aime ! J'aimerais pouvoir le hurler à pleins poumons à la face du monde.
Je refuse que l'on vende mes sentiments en pâture comme une simple et vulgaire fantaisie. Des sanglots de frustration se forment dans ma gorge. Gulf me regarde avec incompréhension. Je n'ai même pas le droit de l'embrasser, de suivre mon instinct ni l'élan de mon cœur. J'esquisse un sourire triste, tentant vainement de ne pas l'inquiéter, avant de quitter le plateau sans un mot.*
~~
Je ne suis même pas allé rejoindre les autres pour le dîner. J'avais besoin de ruminer cette situation, d'être seul. J'aime assez flirter avec Gulf en public, jouer avec les fans, mélanger un soupçon de spectacle et de fantaisie à notre réalité, sans que personne ne s'en doute, certes. Mais pour combien de temps encore ? La prise de conscience de ne peut-être jamais pouvoir vivre notre amour au grand jour m'a durement frappé.
Sommes-nous condamner à vivre perpétuellement dans une mise en scène ?
Devoir agir comme un faux couple, sans pouvoir révéler notre vraie relation, quelle cruelle ironie...
Installé dans mon lit, je travaille le texte de ma nouvelle composition pour calmer mon anxiété, quand j'entends toquer timidement à la porte. Il est déjà 23h.
— P'Mew ? C'est moi, je peux entrer ? demande Gulf de sa voix douce en entrouvrant la porte.
— Bien sûr.
Il s'approche et s'assoit sur le lit.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Héhé, c'est une surprise...
Je continue à écrire en silence, sentant le regard de Gulf peser sur moi.
— Phi... Que s'est-il passé tout à l'heure ? Tu n'es même pas venu dîner. J'étais inquiet. Mes parents ne m'ont pas lâché. J'ai dû attendre qu'ils s'endorment pour pouvoir me faufiler.
— Tu as joué à Cendrillon alors ? Que va-t-il se passer à minuit, à ton avis ?
— P'Mew. Arrête de tout tourner en dérision. Je vois bien que quelque chose te tracasse.
Je soupire, vaincu par son regard suppliant. Je dépose mon carnet de chansons sur la table de nuit et le tire dans mes bras, de manière à ce qu'il se retrouve niché entre mes jambes, dos à moi. Je pose ma tête sur son épaule.
— Franchement, ce n'est rien dont tu dois te soucier. J'ai parfois des coups de blues avec cette situation. Ce faux mariage, c'était... J'ai du mal à supporter que ce qu'on partage toi et moi soit systématiquement transformé en spectacle, tu vois...
Il pose ses mains fines sur les miennes, entrelaçant ses doigts aux miens. C'est à son tour de me rassurer... C'est à son tour d'être solide et à moi d'être vulnérable.
— P'Mew... Ce qu'on partage toi et moi, c'est si spécial. Je me fiche de ce que pensent les autres et de l'image que l'on renvoie. J'espère qu'un jour nous n'aurons plus à nous cacher ou à jouer une mascarade, mais tout ce qui compte pour le moment, c'est ce qui se passe entre nous deux, entre ces quatre murs. Ça n'appartient qu'à nous. C'est ça qui est important.
— Tu as raison, tua eng... J'ai de la chance de t'avoir, tu sais ça ?
— On est une équipe, tu te rappelles, on est mewgulf !
— Ahah, c'est bien vrai...
Je le câline pendant quelques minutes, me gorgeant de son odeur, de sa nuque douce sous mes lèvres et de son ventre sous mes doigts. Il ronronne, comme un chaton. Je commence à avoir chaud, tout à coup. Je gémis malgré moi à la proximité de nos corps.
— Et tu sais ce qui n'appartient qu'à nous ? me demande Gulf après un long silence.
— Quoi donc ?
— Ça.
Gulf tourne son visage vers moi et m'embrasse avec voracité, sa main sur ma nuque.
— Ta bouche, ton corps... C'est à moi, et à personne d'autre, souffle-t-il entre deux baisers passionnés qui me laissent sans voix, le sexe déjà palpitant.
Gulf continue de me dévorer les lèvres. J'avale un gémissement de surprise en sentant soudainement ses fesses masser mon érection.
— Chaton... doucement. J'adore ce que te me fais, mais je suis inquiet pour tes parents.
— Hum... Pourquoi ?
— Que vont-ils penser s'ils ne te voient pas dans leur bungalow ? Je ne veux pas être le prédateur qui a détourné leur fils du droit chemin...
— Ne t'inquiète pas, je trouverai une excuse. Je suis un très bon menteur... Maintenant tais-toi et laisse-moi m'occuper de toi.
Tout mon sang se dirige instantanément vers le sud de mon corps à ces mots. Gulf peut être tellement audacieux, parfois... Cette contradiction entre son apparente vulnérabilité et cette sensualité provocatrice, dans l'intimité, le rend follement attirant. Les émotions éprouvantes de cette journée, les baisers de Gulf et ce cul adorable se frottant contre moi sans retenue me font perdre pied. Je n'ai pas la force de résister.
Gulf se retourne et continue son exploration. Sa langue dans ma bouche, il caresse mes épaules et mon torse. Il retire mon débardeur avec empressement, détachant à peine ses lèvres des miennes dans la manœuvre, roulant toujours contre mon entrejambe, aguicheur.
— Tu es tellement sexy... laissé-je échapper.
Un sourire fier et malicieux s'épanouit sur son visage.
— Laisse-moi te toucher... souffle-t-il.
Je déglutis, déjà au comble du désir, incapable de répondre.
Gulf se mordille les lèvres en admirant mon torse nu. Il palpe mes épaules, mes bras, ma poitrine. Sa main caresse mon ventre et les vallons de mes abdominaux jusqu'à la ligne de poils sous mon nombril. Sa respiration devient douloureuse à mesure qu'il approche de l'épicentre de mon désir. Son regard se pose sur mon pantalon de jogging déformé par mon sexe dressé. Depuis le nouvel an, nous n'avons pas eu le temps d'approfondir notre exploration, alors autant dire qu'on a juste envie de se sauter dessus. Je dois même me masturber matin et soir pour ne pas bander en public, parfois... Gulf contemple le renflement quelques secondes avec hésitation.
— Ça ne mord pas, dis-je en riant, attendri par sa soudaine timidité.
Il ne réagit même pas à ma plaisanterie de mauvais goût, complètement absorbé. Il passe prudemment ses mains sous le bord de mon pantalon et le tire enfin, révélant mon sexe proéminent pleinement gonflé. Gulf sursaute, ne s'attendant pas à ce que je sois totalement nu sous le vêtement. Je le devine impressionné, mais aussi très excité. Son regard curieux et humide, qui fixe ma hampe dure et veinée, m'électrise encore plus. Mon gland fuit déjà. Gulf se lèche les lèvres, et rien que d'imaginer sa bouche indécente prendre mon membre me fait trembler de plaisir. Je chasse pourtant cette idée, presque gêné d'imaginer mon si précieux Nong faire une chose aussi obscène. Il contemple toujours mon sexe qui tressaute d'anticipation.
— Tu veux le toucher ?
Guidé par ma voix, Gulf approche sa main qu'il referme sur mon pénis turgescent. Je suffoque de plaisir, partagé entre ivresse et timidité. Il commence un mouvement de va-et-vient hésitant mais pourtant délicieux. Le jour où l'on ira plus loin, je mourrais probablement d'une overdose de plaisir.
Je suis hypnotisé par cette main délicate, douce et ferme à la fois, qui me masturbe avec lenteur.
— Bébé... expiré-je malgré moi sous les vagues de désir.
Je me pince les lèvres et m'agrippe au matelas pour m'empêcher de le plaquer sur le ventre et de le posséder là, tout de suite, et de le faire crier... Non... Il est bien trop tôt pour penser à ça ! Ressaisis-toi, bordel.
Le plaisir me submerge et je commence à gémir régulièrement sous les attentions de Gulf. Il est aussi adorable qu'excitant, alors qu'il contemple ma virilité, la bouche ouverte, émerveillé, comme s'il assistait à un spectacle incroyable pour la première fois. Je suis déjà sur le point de jouir, mais contre tout attente, Gulf s'arrête. Il retire sa main et sous mes yeux stupéfaits, il baisse son short, me dévoilant son joli sexe rosé et tendu que j'ai terriblement envie de goûter avec ma bouche...
— Qu'est-ce que tu fais ?
Gulf retire entièrement son short et s'allonge sur le côté. Il tourne le dos pour me laisser admirer les globes de ses fesses parfaites. Je m'étouffe à cette vue...
Putain de bordel de merde.
— Viens, contre moi...
Ma conscience s'est envolée loin, très loin.
Je me place derrière lui, glisse mon sexe entre ses fesses tendres, juste sous ses testicules chaudes, pour me frotter doucement. Je crois défaillir. Il serre ses cuisses aussi fines que fermes en agitant son bassin d'avant en arrière pour y emprisonner mon membre épais et dur, tout en guidant ma main sur sa propre verge pour le masturber. Je ne me fais pas prier et caresse sa hampe à la peau délicate, fièrement dressée pour moi seul.
Cette position m'électrise et enflamme mon esprit : j'imagine déjà la sensation de son cul serré me prenant en lui... Cette image me fait basculer : un dernier frottement et je me mets à jouir férocement et bruyamment en mordant la peau tendre de son cou, tandis que Gulf tremble contre moi en se déversant lui aussi. Son essence chaude imprègne mes doigts. Des étoiles dansent devant mes yeux. J'embrasse langoureusement sa nuque pour reprendre mes esprits.
— Tua eng... Comment fais-tu pour être aussi... tentant ? Je n'arrive pas à me maîtriser quand je suis avec toi.
— C'est toi qui me rends comme ça, P'Mew...
C'est terrible, plus je touche Gulf, plus j'ai envie de le toucher. J'ai l'impression de développer une sorte d'addiction à son corps. La peau appelle la peau. Il me rend fou et j'en veux toujours plus... Gulf a posé sa tête sur ma poitrine nue, qu'il redessine du bout de ses doigts fins.
— Dis-moi... quand est-ce que tu as éprouvé quelque chose pour moi, la première fois ?
Je repense à notre conversation le lendemain de son anniversaire. Gulf m'avait déjà posé cette question, et j'avais promis de lui répondre à condition qu'il soit sage.
— Tu penses avoir été assez sage pour mériter ma réponse ?
— P'mew... minaude-t-il d'une petite voix adorable. Je ferai tout ce que tu veux. Je suis un bon garçon, je suis sage.
Ce ton innocent mêlé à ce regard de braise m'enflamment les reins. Je me mords la lèvre et ferme les yeux pour faire refluer le désir qui me consume à nouveau. C'est insensé d'être sensible à ce point à ses charmes.
— Arrête ça... Tu vas encore me faire perdre mon sang froid.
Il sourit avec malice, tout à fait conscient de l'effet qu'il provoque sur moi. Je dégage une mèche de son front, le contemple amoureusement.
— Hum... Laisse-moi réfléchir...
— Est-ce que tu as eu envie de moi au premier regard ? me demande-t-il sans ambages, avec un aplomb inattendu.
Je commence à croire que le plus timide d'entre nous deux, c'est moi. Il cache bien son jeu. Un diable tentateur sous un visage d'ange.
— Je t'ai trouvé joli garçon dès le début, oui, je ne m'en cache pas. Mais tu avais l'air si farouche et innocent que l'idée de te toucher ne m'a pas traversé l'esprit. Puis, au fur et à mesure, je suis tombé sous ton charme... Tu as été tellement audacieux lors des ateliers. J'ai été scié que tu m'embrasses de cette manière.
— C'était pour te séduire, khun phi.
— Vraiment ?
— Oui, en quelque sorte... J'avais envie de te faire tourner la tête. Je voulais jouer avec les limites, je le reconnais volontiers maintenant.
— Vilain garçon...
J'embrasse à nouveau ses lèvres en laissant ma main dériver sur la naissance de sa fesse, petite et douce, que je pétris durement.
Après ces quelques baisers et caresses torrides, je continue de lui livrer ma version :
— Et puis... Après la scène de la douche, pour le tournage du teaser, tu te souviens ?
— Oui ?
— Eh bien... je me suis touché en pensant à toi...
Gulf écarquille les yeux de surprise à cette confession.
— Vraiment ?
— Oui... T'avoir contre moi dans cette position, ça m'a franchement excité. J'étais déjà fou de toi à cette époque.
— Je suis désolé de t'avoir fait traverser tant de choses pendant si longtemps.
— Tu n'as rien fait de mal. Ton seul tort est d'avoir été trop charmant, tua eng...
Après quelques câlins platoniques, Gulf quitte mes bras en s'étirant, se donnant du courage pour regagner son bungalow. Nous ne pouvons raisonnablement pas passer la nuit ensemble, c'est beaucoup trop risqué. Subitement, je pense à quelque chose d'important dont je n'ai pas encore pu lui parler :
— Au fait, je vais t'envoyer une musique sur Line, j'aimerais que tu l'apprennes, lui dis-je tandis qu'il se dirige vers la porte après un dernier baiser volé.
— Pourquoi, phi ?
— J'aimerais qu'on la chante ensemble lors de mon évènement... Ça s'appelle I Just Know It's Love.
~~
Mew Special Hour, 2 février 2020
« Tout ce que je sais c'est que je t'aime,
Si tu écoutes, tu comprendras probablement,
Laisse-moi continuer à t'aimer
S'il te plaît n'essaie pas de m'arrêter
Car après ça, je pourrais ne plus jamais aimer personne d'autre... » *
Gulf avance enfin sur scène lors de la dernière partie de mon évènement. Tout ce temps, il attendait en coulisses. J'avais hâte qu'il me rejoigne. Sa voix est tremblotante, peu assurée, mais ses yeux brillent d'un éclat de confiance absolue. Quand je lui ai envoyé la musique, il n'a pas cillé, simplement appris les paroles sans protester. J'avais peur de sa réaction, inquiet qu'il me questionne sur ces paroles évocatrices livrant l'évidence. « Ce n'est qu'une chanson, ça ne veut rien dire » s'est t-il probablement persuadé. Cela ne m'étonnerait guère de lui.
Il changera peut-être d'avis lorsqu'il entendra, dans un instant, la chanson que j'ai composé... pour lui.
I just Know It's Love
I Just Know It's Love
Nous chantons en cœur, le public s'exclame. Notre relation fait encore l'objet d'un spectacle, mais qu'importe, la vérité se trouve dans le creux de nos cœurs, forteresse imprenable où seuls Gulf et moi régnons.
Après le duo, je m'installe au piano, les mains tremblantes. Gulf n'est pas censé être là, mais j'ai besoin de lui, plus que tout. Il croise mon regard apeuré, mon appel inconscient de détresse. Bafouant le script, il prend place à mes côtés face au piano pour me soutenir. Je pose mes doigts peu assurés sur les touches pâles, brisant brusquement le silence intact de la salle. Chacun retient son souffle.
Gulf savait que je travaillais secrètement à une composition, mais il la découvre ce soir pour la toute première fois.
« Je suis juste une personne ordinaire sans valeur
Mais tu as croisé mon chemin et tu as changé ma vie
Les jours ont désormais du sens
Grâce à toi, grâce à toi
Tu me donnes la confiance d'aller de l'avant
Grace à toi, grâce a toi
Tu me donnes la force de me tenir debout à nouveau
Grâce à toi, grâce à toi
Toi, seulement toi
Sans toi ce jour-là, je ne serais pas là aujourd'hui
Sans toi près de moi, mes rêves ne se réaliseront jamais
Ma vie n'avait pas de sens mais tu l'as rendu si précieuse
Merci de rester avec moi
Je me souviendrai de la chance que j'ai de t'avoir ici... » *
Si ma voix était un peu vacillante au début de l'interprétation, les notes coulent désormais comme du miel. À travers cette chanson douce, c'est pourtant un cri violent qui jaillit de moi, une supplique, un aveu.
Ni plus ni moins... qu'une déclaration d'amour.
https://youtu.be/z04oCMVEC9s
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* On me dit dans l'oreillette que c'est apparemment Mew et Gulf eux-mêmes qui ont eu l'idée du mariage en réalité. C'est très possible, j'ai aussi entendu des choses allant en ce sens. Si c'est bien le cas, j'ai donc fait le choix de ne pas le mentionner. Petite liberté de ma part. Mon histoire est déjà assez romantique comme ça, ce serait too much.
* Oui, j'ai versé dans le cynisme, je m'en excuse. Cette partie n'était absolument pas prévue, ça devait rester tout mignon cui cui les petits oiseaux, mais j'ai eu cette troublante prise de conscience.
* I Just Know It's Love, de Lipta (Qui a donc donné son titre à mon histoire).
* Lucky to have you here, composition de Mew vraisemblablement écrite pour Gulf.
Désolée pour ces traduction de parole en français probablement un peu approximatives.
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Oui je sais, il est très très niais ce chapitre... Que voulez-vous, Mew est un incorrigible romantique ! (Enfin, il est aussi de plus en plus excité je dois dire 😏🍑.)
Comment notre petite biche effarouchée va-t-elle réagir à cette déclaration à peine déguisée ?
À très vite pour le savoir !
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