Chapitre 10 : « Se délivrer de la tentation »
Mew
Si j'ai éprouvé des sentiments ambivalents pour Gulf peu de temps après notre rencontre, que dire à présent ? Mon jeune compagnon et moi sommes plus proches que jamais. La barrière que j'avais tenté d'ériger entre nous a progressivement et irrémédiablement cédé. Je faisais péniblement en sorte de garder la tête froide, mais c'était sans compter l'audace inattendue de mon partenaire.
M'embrasser au premier atelier passait encore. C'était mignon, naïf et impulsif. Je pouvais mettre ça sur le compte de l'inexpérience. M'embrasser une deuxième fois, réellement, constituait déjà une source de tourments plus sérieuse, mais alors ce troisième baiser ardent voire impudique... Je ne m'en remets toujours pas.
Une chose en particulier hante mes pensées. Je suis presque sûr d'avoir senti l'excitation de Gulf alors qu'il m'embrassait avec passion. Ou bien est-ce mon imagination qui me joue des tours ? Mon cerveau est en ébullition à force d'y songer. En ce qui me concerne, j'ai acquis suffisamment d'expérience pour contrôler ce genre de réactions inopportunes, mais dans un autre contexte je ne suis pas certain que j'aurais pu rester insensible...
Où ce gamin a-t-il appris à embrasser comme ça ?
Mon supplice ne s'est pas arrêté là : d'autres baisers ont suivi, tendres ou passionnés, toute une gamme en fonction des besoins des scènes à préparer. C'est devenu tout ce qu'il y a de plus naturel entre nous : on s'embrasse sûrement plus souvent que les couples mariés. De plus, Gulf ne manque jamais de m'embrasser avec la langue. Je le laisse faire chaque fois, car tel est son désir et je ne saurais lui résister.
La nuit tombée, je convoque le souvenir de ses lèvres douces et pulpeuses. Je ne peux prétendre que je reste toujours de marbre en me remémorant ces sensations, mais je n'ai jamais franchi la ligne. J'aurais l'impression de manquer de respect à Gulf et je ne pourrais plus le regarder dans les yeux. Ce serait problématique, autant pour notre relation que pour le travail, alors j'attends juste patiemment que mon excitation redescende... étendu dans ce lit, ma prison de désir inassouvi.
Les effets secondaires de cette proximité nouvelle ? J'ai besoin de toucher Gulf sans arrêt, de ne l'avoir que pour moi seul. Je suis devenu outrageusement collant, dans le déni de notre comportement suspect. Avec égoïsme et imprudence, je profite de ces moments précieux, chassant cette sourde inquiétude qui cogne à la lisière de ma conscience.
À une certaine époque, je peinais à décrocher des rôles. Les refus s'enchaînaient et me laissaient avec un douloureux sentiment d'échec. J'ai donc pris des cours de théâtre avec une incroyable professeure. C'est elle qui m'a inculqué tout ce que je sais et notamment l'actor studio, une méthode que je me suis pleinement approprié, qui repose sur l'empathie avec les personnages. J'ai ainsi une nette tendance à prendre mes rôles un peu trop au sérieux. Entre Tharn et moi, il n'y a parfois qu'un fil ; à dire vrai, je joue davantage mon propre rôle agrémenté de la personnalité de Tharn, que le contraire.
Je me fait l'effet d'être un jeune homme de dix-huit ans inconditionnellement amoureux. Je ne connaissais pas ce sentiment dévorant de vouloir posséder quelqu'un à tout prix, de ne pas supporter les regards des autres posés sur lui. Mais Gulf ne m'appartient pas, il n'est pas Type et je ne suis pas Tharn.
J'évite d'y penser ; si je m'appesantis trop sur ces considérations, mon estomac se noue douloureusement. L'aveuglement est ma meilleure compagne.
Quoi qu'il en soit, Gulf et moi avons tissé une relation spéciale, nourrie de beaucoup de complicité et de tendresse (et d'un autre sentiment que je tente autant que possible de faire taire.) Je dois reconnaitre que mon jeune compagnon s'est rapidement abandonné à mes caresses, moi qui le pensais réfractaire à toute forme d'intimité à notre rencontre. Je me suis aperçu que sous ses airs timides, il était plutôt audacieux, et même parfois tendre, bien qu'il préfère surtout se laisser cajoler par mes soins. Je ne me plains pas.
Aussi naturellement que je respire, j'ai ce besoin inexplicable mais impérieux de le tenir dans mes bras.
Parfois, dans des phases de cruelle clairvoyance, j'espère qu'on en finisse vite avec ce tournage, afin que je puisse retourner à une vie normale avant de devoir ramasser une nouvelle fois des morceaux de mon cœur à la petite cuillère. D'autres fois, je prie juste pour que cette aventure ne s'achève jamais.
~~
Tournage du teaser
Les ateliers ont touché à leur fin. Nous allons pouvoir passer à l'étape suivante, à savoir le tournage. Avant cela, il nous faut cependant tourner une petite vidéo pour attirer les futurs sponsors de TharnType. Nous ne filmons pas encore dans les lieux définitifs, mais dans les locaux de l'agence qui possède ses propres studios.
Gulf et moi avons veillé tard la nuit précédente, pendus comme à notre habitude au téléphone. Pour rien au monde je ne manquerais ces rendez-vous privilégiés qui sont devenus si précieux. Mon jeune compagnon est stressé par ce premier jour devant la caméra. Il me confie ses craintes dans l'espoir que je le rassure, un rôle que j'endosse avec plaisir, sans cesse désireux de le protéger. J'ai appris à connaître Gulf ; après un temps d'adaptation et une fois sécurisé, il se révèle toujours remarquablement talentueux. Il a juste besoin d'être un peu encouragé. Sur la fin des ateliers, il était parfaitement dans son élément. Notre chenille s'est transformée en papillon, devenant la mascotte du groupe, notre petit « yai nong » à tous. J'ai presque envie de lui trouver un nouveau surnom affectueux qui ne serait rien qu'à moi...
Aujourd'hui, ses jolis yeux de biche sont un peu gonflés par le manque de sommeil. Je le sens nerveux et n'hésite pas à le prendre dans mes bras pour apaiser son angoisse. Notre relation a dépassé le stade de demande de consentement systématique. Nous communiquons d'ailleurs largement à travers le langage corporel. C'est ce qui nous permet de mieux nous comprendre l'un l'autre.
— Hé... ça va aller, le bercé-je. Vois ça comme un entraînement au véritable tournage.
— Et si on ne trouve pas de sponsors car je ne joue pas assez bien ?
— Si dramatique ! Arrête de t'en faire pour ça, yai nong. Tu es ton propre ennemi quand tu doutes, tu le sais ?
— Oui, tu me connais bien... Mais c'est un sentiment que je ne maîtrise pas.
— Je sais. Mais je sais aussi que tu vas dépasser ça.
Nous commençons à tourner nos scènes séparément. Quand nous nous retrouvons à la pause déjeuner, il semble plus serein. Je n'en suis pas surpris ; la panique le gagne en général aussi vite que la détermination. Un peu bipolaire, mon Gulf.
Nous partageons notre repas avec Mild et Tee dans une ambiance légère. J'attrape parfois brièvement la main de Gulf sous la table pour lui transmettre mes encouragements. Le réalisateur semble confiant, convaincu par les rushes de la matinée, ce qui nous met dans de bonnes dispositions pour la suite. Une scène en particulier me rend un peu nerveux.
Gulf et moi allons être à demi nus dans une cabine de douche. Je ne devrais pas être impressionné, c'est une scène mineure au regard de mon expérience passée. Mais c'est Gulf... Il me fait souvent ressentir les choses comme si c'était une première fois.
Arrive enfin l'heure fatidique que j'appréhende pour des raisons tout à fait honteuses. Sans doute parce qu'au lieu d'en être effrayé, je la désire sans me l'avouer. Cette sensibilité exacerbée ne me ressemble décidément pas. J'arrive en retard sur le plateau, repoussant ma venue jusqu'au dernier moment. Mon cœur virevolte dans ma poitrine. Gulf se tient juste devant la cabine de douche. Il commence à se déshabiller en discutant avec Tee.
Mon cerveau décroche un instant en contemplant sa jolie gorge recouverte de grains de beauté, détails charmants s'il en est... J'avale ma salive.
— P'Mew, tu es enfin là ! s'exclame-t-il en m'adressant un large sourire teinté de soulagement, tout en se recouvrant d'instinct avec son tee-shirt.
— Et toi, tu es déjà à poil ?! plaisanté-je pour garder la face.
— On est retard, Mew, alors à poil aussi et on commence la scène, intervient Tee tout en nous lançant un gentil clin d'œil.
Je retire mon haut à mon tour, sous l'œil fuyant de Gulf. Je n'ai pas à rougir de mon corps, que j'entretiens en faisant du sport. Gulf parait presque frêle à côté de moi, bien qu'il soit dessiné avec finesse et beauté.
La scène est assez courte : je dois me coller au dos de Gulf et lui embrasser l'épaule. Rien qui ne soit compliqué ou impressionnant. Et pourtant...
Peau contre peau...
Mon corps semble englober celui de Gulf qui tient à merveille au creux du mien, comme si nous avions été sculptés ensemble. Cela me rappelle nos siestes, sauf que cette fois je ressens la douceur de la peau de mon compagnon.
La scène ne requiert pas d'être nus, puisque seul le haut de nos corps est cadré. Nos pantalons, ceux que nous portons aux ateliers pour être à l'aise, sont très fins et souples. Je peux ainsi sentir l'arrondi des fesses de Gulf contre moi. C'est une sensation infiniment troublante. Je tente de l'ignorer en me concentrant sur la scène. Lui embrasser l'épaule et sentir son odeur ne m'aident pas davantage à chasser quelques pensées inavouables. Heureusement, la scène s'achève sans trop tarder. Sauvé par le gong, ou en l'occurrence, le clap.
~~
La journée se termine dans une bonne humeur générale. Pour fêter la fin des ateliers et cette première journée de tournage, Mild, Gulf et moi décidons d'aller boire un verre. Plus tard dans la soirée, l'équipe nous fait la surprise de nous rejoindre, accompagnée de Boss, Best et May. L'ambiance est à la fête et l'alcool coule à flot. Nous trinquons à notre triomphe prochain avec réjouissance.
Ce soir, le sourire de Gulf est inqualifiable, choyé par ses managers qui le félicitent chaleureusement. Ces derniers m'évoquent davantage des proches que de simples relations professionnelles. J'ai l'impression que chaque personne qui rencontre Gulf éprouve l'envie naturelle de s'occuper de lui... Il fait cet effet là sur les gens. Son caractère invite à la protection. Je me réjouis de cette image radieuse ; Gulf entouré d'amour pendant que je l'observe, fier, en retrait. Cette soirée s'imprègne dans ma mémoire comme la fin d'une première étape.
Gulf me rejoint enfin, un peu pompette. Je suis assis seul à table, pensif, tandis que les autres commandent au bar ou discutent avec animation au rythme de la musique. Il s'appuie contre moi sans réserve, ce qui ne lui ressemble guère. Sa main se pose sur ma cuisse.
— P'Mew... Merci d'être si gentil avec moi.
Je lui caresse le crâne, affectueux.
— Tu deviens sentimental à cause de l'alcool, toi.
— Pas du tout... Tu es le parfait grand-frère, tu sais. Merci de tout ce que tu fais pour moi.
Je suis touché, et en même temps... « grand-frère. » Oui, bien sûr, que pourrais-je être d'autre ? Je ne réponds pas, perplexe.
— J'ai hâte que le tournage commence, continue Gulf, qui tente d'articuler correctement en dépit de son état d'ébriété avancé.
— Moi aussi, yai nong, moi aussi.
« Grand-frère »
~~
Ce soir-là, je rallie mon appartement étudiant en taxi, bien trop alcoolisé pour prendre le volant. J'ai le cœur au bord des lèvres, à cause de l'alcool, et peut-être à cause des paroles de Gulf que je rumine. À quoi je m'attendais ? Il a Poom, après tout. Il aime les femmes. J'ai beaucoup trop tendance à l'oublier... Collègues, co-acteurs, frères. Tout simplement.
Je me laisse tomber dans le lit, sans même l'énergie de passer par la salle de bain. J'ai la tête qui tourne et des images de la journée défilent derrière mes paupières closes. Celles de la douche se présentent un peu plus souvent, obsédantes. Je me souviens de la douceur de sa peau, de ses jolis grains de beauté que je découvrais pour la première fois, de son corps parfaitement ancré au mien et de la sensation de ses fesses rebondies contre mon bas-ventre... Une bouffée de chaleur m'envahit et mon pénis se dresse dans mon pantalon. Et merde.
Tant pis pour cette fois. Sous l'emprise de l'alcool, je m'abandonne à ces sensations que je tente de chasser depuis trop longtemps. Une citation célèbre me revient en mémoire : « le seul moyen de se délivrer de la tentation, c'est d'y céder. » Essayons ça. Ma main se dirige vers mon entrejambe que je caresse brièvement par-dessus mon pantalon pour tenter de me soulager.
Non, j'ai besoin de plus. Je me déshabille avec hâte pour libérer mon membre déjà gonflé... Des images du dos nu de Gulf dansent devant mes yeux, ainsi que de ses fesses se frottant contre moi. Le désir : 1. Les scrupules : 0. Ma main s'active sur mon sexe avec frénésie, à la recherche d'un soulagement urgent. Je n'en peux plus de ce désir frustré... Je finis par jouir violemment en visualisant le visage de Gulf lorsqu'il m'embrasse. C'est un orgasme dévastateur qui me laisse pourtant un goût amer.
~~
Mai
La douceur d'avril a finalement laissé place à la chaleur humide du mois de mai, provoquant ainsi la désertion des touristes. Les journées d'ateliers touchent à leur fin et le tournage va pouvoir commencer sous peu. L'équipe de TharnType se réunit justement aujourd'hui sur notre lieu de tournage définitif, à l'université de Mahidol, à Bangkok.
C'est une journée particulière ; nous rendons hommage à Buddha tout en priant pour la bonne fortune de TharnType. Le culte bouddhiste concerne 95 % des thaïlandais et je n'échappe pas à la règle. Très spirituel, il est fondamental pour moi de me recueillir en participant à des festivals ou à des cérémonies de mérite. Ces moments de communion sont profondément chaleureux, heureux, solidaires. Ils permettent de se recentrer sur soi-même. Ce dont j'ai grand besoin actuellement.
Gulf et moi avons poursuivi nos rendez-vous téléphoniques après la fin des ateliers, bien qu'ils se soient raréfiés. Nous avions tous les deux à faire, je suppose. Gulf a profité de cette libération pour passer plus de temps avec Poom. Je lui ai donc laissé un peu d'espace. Il était aussi plus raisonnable pour moi de prendre du recul, surtout si je voulais réussir à le regarder à nouveau en face après m'être masturbé en pensant à lui... J'essaye autant que possible de reléguer ce moment d'égarement dans les dossiers d'archives classés secret défense de ma mémoire.
Boss me récupère en voiture, direction le lieu de tournage. Il ne commente pas mes yeux fatigués même si je sens son regard interrogateur peser sur moi. Le sommeil me boude, récemment. J'ai aussi dû travailler d'arrache pied pour rattraper mon retard sur mes cours. Mes examens approchent à grands pas et même si j'ai des facilités, hors de question que j'obtienne mon diplôme sur le fil.
Quand j'arrive sur le campus où se déroule la cérémonie, mes yeux se mettent instinctivement à chercher Gulf. C'est une journée rayonnante, baignée de soleil, mais le sourire de Gulf quand il m'aperçoit semble plus lumineux encore. Je m'approche et pose ma main sur sa nuque. Son contact m'avait manqué.
Une aura magique enveloppe cette journée de printemps. Le campus est superbement décoré ; des fleurs, des paniers de nourritures et des gerbes de fruits colorés tapissent une grande table au centre de cette immensité de nature. Nous sommes tous bénis les uns après les autres, humant l'entêtant parfum dégagé par l'encens.
Plusieurs jours se sont écoulés depuis notre dernière conversation, Gulf et moi avons donc tant de choses à nous raconter ! Les autres disparaissent quand nous sommes ensemble, plus rien d'autre ne semble compter. C'est un phénomène vraiment étrange. Combien de fois les membres de l'équipe ont-t-ils dû se rappeler à nous, car nous ne leur prêtions pas attention, perdus dans notre monde ?
Aujourd'hui, c'est au-delà de tout... Après les bénédictions, nous nous installons dans l'herbe pour faire une photo d'équipe. Je recoiffe la chevelure rebelle de mon jeune compagnon et flirte ouvertement avec lui, sourd aux appels des autres.
« Hé, arrêtez d'agir comme si vous étiez seuls pour une fois, on essaye de faire une photo de groupe ! » nous interpelle vivement quelqu'un.
Nous revenons parmi les autres le temps de la photo.
~~
— Ça vous dit de regarder le teaser ? Nous avons reçu la version définitive, nous propose Mame après la cérémonie.
Gulf et moi sommes vraiment enjoués à l'idée de découvrir ces premières images. Le fruit de notre travail devient un peu plus concret chaque jour. Mary, la chargée des réseaux sociaux, propose de nous filmer tandis que nous découvrons la vidéo. Pourquoi pas. Y a-t-il des moments où nous ne serons pas filmés à partir de maintenant, après tout ?
Assis l'un à coté de l'autre, nous voilà aussi nerveux qu'excités. Quand les premières images apparaissent, je serre fort l'épaule de Gulf.
« J'ai dû faire cette prise onze fois » commente-t-il devant la première scène.
Nous rions en nous remémorant des souvenirs de ce jour-là : Gulf n'ayant pas le droit de toucher son plat pendant une scène où il avait faim, ou lorsque Type met les affaires de Tharn sens dessus dessous avec un rire machiavélique.
En visionnant les scènes un peu intimes, à savoir celle de la douche suivie de l'esquisse d'un baiser dans l'ombre, notre réaction immédiate est d'éclater d'un rire nerveux. C'est étrange de nous voir ainsi. Je broie l'épaule de Gulf qui étouffe un adorable couinement gêné.
— Qu'est-ce que vous ressentez ? demande Mame, hors champs.
— Ça a l'air vraiment bien, déclare Gulf.
— Pourquoi vous avez un si grand sourire, les garçons ?
— Je me sens juste un peu timide...
Et moi donc... Surtout en sachant à quel acte je me suis livré ensuite... Je me sens véritablement honteux. Les acteurs ne sont pas censés être attirés par leur partenaires quand ils sont professionnels.
On se papouille comme d'habitude, Gulf étendu sur mon torse tandis que je caresse ses cheveux. Autour de nous, le staff désinstalle le matériel, mais au lieu de proposer notre aide, nous demeurons imperturbables dans notre cocon. Le reste disparaît, comme d'habitude. Cette position nous avait manqué... Mild et Run dessinent des cœurs dans l'air pour nous charrier. Je n'y prête même plus attention, me contentant de mimer un "jaloux" muet avec les lèvres.
— Nong... est-ce que tu veux dîner avec moi, ce soir ?
On peut très bien être professionnels et partager un dîner ensemble, pas vrai ?
Je présume que ce serait bénéfique de passer du temps seul avec lui, en dehors du travail. Je sens Gulf se contracter. Mince... J'espère qu'il n'interprète pas mal ma proposition, véritablement sans arrières pensées.
Il se retourne pour me faire face.
— Phi... Je suis désolé. Je vois Poom, ce soir. Je lui avais promis.
— Oh, bien sûr.
— Mais ça me fait plaisir que tu me le proposes.
Je hoche la tête, un peu contrarié, tentant toutefois de ne rien laisser paraître.
— Nous allons nous voir tous les jours sur le tournage, de toute façon.
Ouch. Je n'avais pas l'intention de lancer une pique, mais ça y ressemble pourtant étrangement... Gulf semble, l'espace d'un instant, déçu de ma réponse.
Je rentre chez mes parents pour le week-end, décidé à me plonger dans des révisions de dernières minutes avant mes sessions d'examen. Il est hors de question de me laisser abattre.
~~
J'ai passé mes examens de fin d'année il y a quelques semaines, point d'orgue de cette dernière année universitaire avant, je l'espère, l'obtention de mon diplôme de master. Quelques jours avant le début du tournage, l'équipe de TharnType est invitée à une cérémonie prestigieuse : les Sri Siam Suwannaka Award Ceremony. Ma mère m'apporte le costume que je vais porter pour l'occasion. Son sourire vaut tout l'or du monde.
— Mon chéri... commence t-elle en me caressant la joue. Tu vas être si beau, ce soir.
Je souris, un peu tristement.
— Qu'y a-t-il ? Je t'ai trouvé morose tout le week-end. Tu as peur d'avoir raté tes examens ?
— Ce n'est rien. Merci pour le costume, lui dis-je en lui embrassant la joue.
— Tu es sûr ?
Un silence s'installe. Ma mère me rejoint, s'asseyant à mes côtés sur le lit. Elle est capable de détecter mes moindres variations d'humeur comme personne.
— Tu peux tout me dire, tu sais ?
— Je sais. Mais tout va pour le mieux.
— Tu as toujours été un enfant si doux mais aussi si combatif. Tu as toujours su surmonter les obstacles. Quand les castings te refusaient, tu ne t'es pas laissé abattre et tu as repris des cours de théâtre. Après cette histoire avec... tu sais qui... tu es remonté en scelle. Peut-être un peu vite, d'ailleurs... J'admire ta persévérance, mais je ne veux pas que tu sois blessé.
— Qu'est-ce que tu essayes de me dire, maman ?
— Je veux que tu sois heureux, mon fils, c'est tout ce qui compte. Je ne veux pas que ce monde, aussi attrayant soit-il, devienne une source de tourments.
— Ce n'est pas le cas.
— D'accord. Ça se passe bien avec ton nouveau partenaire ?
— Oui, on ne peut mieux. On a une belle complicité.
— Il est très mignon, mais aussi très jeune...
— Oui. C'est le cas. Est-ce que je suis censé déchiffrer un message ?
— C'est juste que... Ah, laisse, mon chéri. Je te fais confiance pour prendre soin de toi-même. Mais sache que je suis là, s'il y a quoi que ce soit.
Elle me tapote la jambe et me transmet, à travers son regard tendre, l'amour inconditionnel qu'une mère éprouve pour son enfant.
~~
Tout le gratin de la scène Thaïlandaise s'est réuni ce soir, affublé de tenues de toute beauté. J'attends dans le hall, vêtu de mon beau costume bleu nuit. Mes co-acteurs me rejoignent, tous plus chics les uns que les autres. On se complimente en paradant comme des coqs, excités par cette soirée. Le temps passe, il est presque l'heure de rejoindre la salle et je ne vois toujours pas Gulf. Ça commence à m'inquiéter. Mame s'aperçoit de mon état de tension.
— Ça va, Mew ?
— Oui, oui... Mais pourquoi Gulf n'est-il pas encore là ?
— Il ne t'a pas prévenu ?
— Non ? Que se passe-t-il ? la pressé-je, inquiet.
— Hé, tout doux. Il a juste eu un contretemps. Un souci avec son costume, mais il arrive. Pourquoi es-tu si tendu ?
Oui, pourquoi ?
J'aperçois enfin Best, suivi de Gulf derrière lui, qui trottine adorablement.
Son sourire s'illumine quand il m'aperçoit.
— P'Mew ! J'ai cru qu'on arriverait pas à temps.
— C'est bon, ne t'inquiète pas.
J'observe sa tenue. Il porte un beau costume bleu, similaire au mien, mais plus lumineux. Il est... magnifique. Sa beauté irradiante me coupe le souffle. Je l'observe de haut en bas, avant de me concentrer sur son visage. Ses lèvres sont si attirantes.
— Allons-y, lui dis-je en lui attrapant la main.
Pendant la cérémonie de remise de prix, je ne peux m'empêcher de toucher la paume de Gulf discrètement. J'ai envie de m'enfuir de cet endroit surchauffé et de l'emmener avec moi. J'ai envie... Je me mords la lèvre en y pensant. J'ai envie de lui arracher ce costume et de le blottir contre moi, et plus encore...
— Ça va, phi ?
— Ça va, je réponds sans lui adresser un regard.
Vu mon état de tension, il ne vaut mieux pas.
Je suis extrêmement sensible à sa présence tout à coup, encore plus que d'habitude. Ça me brûle presque. Nous avons si souvent été dans des positions plus intimes, et je parvenais pourtant à ne pas me laisser submerger, alors pourquoi ce trouble ici et maintenant ? Est-ce l'effet du costume, la sensation de manque, la douleur de le savoir inaccessible ou encore mes méfaits passés qui ne m'ont, de toute évidence, pas délivré de la tentation ?
Dans quelques jours à peine, c'est le début du tournage. J'espère survivre à ces émotions déroutantes et être capable de rester détaché. Il serait embêtant qu'une érection ne me surprenne pendant nos scènes. Perdre le contrôle de cette manière ne me ressemble absolument pas... Rester professionnel. Rester professionnel. Rester professionnel.
Qu'est-ce que tu m'as fait, yai nong ?
~~
Un chapitre de transition, avant celui du tournage, qui sera certainement beaucoup plus long et développé. Mew commence à ressentir du désir pour Gulf. Comment va-t-il gérer ça par la suite ? À très vite !
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