Chapitre 53.
Newt observait le grand bâtiment blanc qui s'élevait devant lui. Malgré la verdure, le cadre plutôt rassurant, et les grands sourires que lui faisaient les gens, cet endroit lui donnait froid dans le dos.
Il aurait voulu partir en courant, et ne jamais remettre un pied ici. Mais il allait entrer et assister à ce foutu rendez-vous, pour Thomas.
Il a lié sa main à celle du brun pour se donner du courage, et ils se sont avancés vers l'entrée principale. Thomas s'est présenté à l'accueil après avoir passé les portes coulissantes, et ils ont été s'asseoir sur les sièges de la salle d'attente, vide.
- Ça va aller?
Newt a simplement haussé les épaules quand une femme d'une cinquantaine d'années s'est présentée devant eux, leur demandant de la suivre.
Newt
J'avais envie de vomir. Ça faisait déjà 5 longues minutes qu'on était dans le bureau de cette femme, et je n'avais rien suivi à la conversation. Je jouais nerveusement avec le bas de mon T-Shirt, le froissant de plus en plus quand la main de Thomas s'est posée sur ma cuisse, me faisant relever la tête en haussant les sourcils.
- Je vous demandais si vous vous sentiez prêt à tout ça? M'a demandé la femme blonde, un sourire qui se voulait rassurant aux lèvres.
Est-ce qu'elle a déjà eu des réponses positives à cette question aussi stupide?
- Enfin, est-ce que vous souhaitez changer, essayer de vaincre cette addiction?
- Essayer? J'ai dit, fronçant désormais les sourcils.
- Nous ne pouvons garantir un résultat à 100%, tout dépend du patient et de sa volonté. Une personne souffrant de dépendance à-
- Un drogué. Je l'ai coupé, avant de sentir la main de Thomas se resserrer sur ma cuisse.
Je l'ai regardé discrètement, il me fixait déjà avec de gros yeux. Je savais qu'il voulait que je me calme, que cette femme n'avait rien fait et qu'elle ne méritait pas que je lui parle mal. Mais c'était au dessus de mes forces. Pourquoi ne pas dire les choses comme elles sont? Je prends de la drogue, donc je suis un drogué. Point final.
- Oui... Donc une personne qui se drogue et qui ne veut pas s'arrêter, dont la famille l'a obligé à venir dans ce centre sera bien plus difficile à aider qu'une personne venant de sa propre volonté. Je voulais savoir où est-ce que vous vous situez, personnellement?
J'ai soufflé avant de prendre la main de Thomas dans la mienne.
- Je veux guérir, pour Thomas. Elle m'a fait un signe de tête pour m'encourager à continuer. Si ça ne tenait qu'à moi, je pourrai mourir d'une overdose que ça ne me dérangerait pas. Mais il souffre à cause de ça, et je ne peux plus le supporter.
Elle a hoché la tête inscrivant des trucs sur la feuille devant elle, et après quelques minutes, le rendez-vous était terminé.
Elle a dit qu'elle contacterait Thomas par téléphone pour organiser la suite, et c'est à ce moment là que j'ai réalisé ce qui m'attendait. Que tout ça devenait réel. Que ce n'était plus uniquement qu'une simple idée pour m'aider, mais bel et bien notre dernier recours et Thomas comptait bien l'utiliser.
Je me demandais si tout ça en valait la peine. J'aurai aimé pouvoir voyager dans le temps, pour savoir si affronter tout ce que je m'apprêtait à vivre donnerait quelque chose à la fin. Est-ce que je serais heureux, guéri et vivant avec le Thomas du début? Ou est-ce que je replongerais une fois sortie de là, que Thomas en aurait marre de moi et finirait par m'abandonner, comme tout le monde et alors je finirais mes jours dans un squat pourri et ne tiendrais que quelques années, si ce n'est quelques mois? La deuxième solution me paraissait la plus réaliste, compte tenu de ma force mentale aussi faible soit-elle.
On est montés dans la voiture, aucun de nous ne parlait. Moi parce que j'essayais de me faire à l'idée, mais Thomas aurait dû être plutôt content que ça se soit bien passé, non?
J'ai tourné le regard vers lui, et la vue qu'il m'a offert m'a brisé le coeur. Il avait le regard dans le vide, se mordant la lèvre inférieure, et des larmes commençaient à perler aux coins de ses yeux. Encore une fois, il souffrait par ma faute. Est-ce que c'était parce que lui aussi réalisait?
- Tommy? Qu'est-ce qui ne va pas?
- Est-ce que tu étais sérieux quand tu disais que ça ne te ferait rien de mourir d'une overdose? Est-ce que tu le penses?
Il y avait tellement de peine dans sa voix et dans son regard que j'hésitais à lui mentir.
- Tommy, je-
- La vérité, Newt.
- Oui. J'ai soufflé. Une larme a roulé sur sa joue, j'ai approché ma main pour lui enlever mais il m'en a empêché en m'attrapant le poignet.
- Comment tu peux dire ça?
Il voulait vraiment qu'on ait cette conversation maintenant?
- Parce que c'est la vérité. Si tu n'étais pas entré dans ma vie merdique, je serais sûrement mort à l'heure qu'il est. Je continuerais de prendre ma dose, et je crèverais les yeux grands ouverts, allongé sur le sol dégueulasse d'un squat de merde. Et ça me serait totalement égal, parce que tu serais heureux, en sécurité.
- Ta gueule Newt ! Ta gueule, fermes-là je t'en supplie ! Il a crié en prenant sa tête dans ses mains. Il craquait totalement.
Je l'ai regardé sans rien dire, le voir dans cet état me détruisait. Il a fini par démarrer la voiture sans un mot jusqu'à ce qu'on arrive à son appartement. Je culpabilisais horriblement et il ne faisait rien pour arranger ça. Je me suis dirigé vers la chambre ayant besoin de réfléchir à tout ça quand sa main s'est enroulée autour de mon poignet.
- Tu ne réalises pas à quel point tu es important pour moi, n'est-ce pas?
Je me suis retourné pour lui faire face, en fronçant les sourcils.
- Tu crois aux fantômes, aux monstres sous le lit, mais tu ne crois pas en nous, pas vrai ? Ni en toi.
J'ai dégluti en baissant les yeux, j'avais honte.
- Regardes-moi. Il a relevé mon menton me faisant plonger mon regard dans le sien, il n'avait pas l'air énervé mais blessé. Épuisé. Tu vas écouter chaque mot que je vais te dire, les comprendre et te les rentrer dans le crâne, ok?
J'ai approuvé d'un léger signe de tête, j'avais l'impression d'être un enfant à qui on faisait la morale.
- Avant que je débarque dans ta vie merdique comme tu dis, la mienne ne servait pas à grand chose. J'avais une copine que je pensais aimer, un boulot étudiant, des études. Une bonne situation. Ça c'est ce que les gens, toi, voyaient. La vie du parfait jeune adulte. Tu veux la vérité? Tu veux savoir ce qu'était réellement ma vie avant que tu ne viennes foutre ton nez dedans Newt?
J'ai de nouveau acquiescé, le coeur battant à tout rompre. Alors je n'étais pas le seul à mentir, à lui cacher des choses sur ma vie.
- En réalité, je n'aimais plus Sonya depuis bien longtemps mais je restais avec elle parce que j'avais peur d'être seul. La solitude m'a toujours fait flipper. Elle avait changé depuis pas mal de temps, me faisait des reproches constamment, ne se préoccupait que d'elle. Elle m'a éloigné de tous mes amis par pure jalousie, et j'acceptais ça. On était tombé dans une routine dévastatrice. Il a soufflé en baissant les yeux. Je me suis rapproché de Dexter pour oublier tout ça. Il m'emmenait à ses soirées, en boite, on faisait la fête tous les week-ends et ça me détendait. Sauf qu'à force de sortir, à force de boire il m'en fallait de plus en plus.
Il s'est arrêté de parler et a relevé ses yeux vers moi. Est-ce qu'il était en train de m'avouer qu'il avait lui aussi été dépendant? Thomas a passé ses mains sur son visage en soupirant, comme si parler de ça lui faisait toujours mal.
- Je rentrais de plus en plus tard, certains soirs pas du tout, on faisait la tournée des bars, et j'oubliais Sonya. Le problème, c'est que j'oubliais de payer le loyer, que j'allais moins en cours, que j'arrivais en retard au boulot. Mon patron m'a menacé de me virer si je n'arrêtais pas les conneries, et ma soeur m'a aidé à sortir de tout ça. J'ai arrêté de voir Dexter, mis mes études sur pause et demandé des heures supplémentaires au restaurant pour pouvoir payer mes loyers en retard.
- Sonya ne t'aidait pas ?
Il a rigolé légèrement, avant de secouer négativement la tête.
- Elle partait constamment en séminaire à l'autre bout du pays voire même à l'étranger. Est-ce qu'il croyait réellement à cette histoire de séminaire ? Ou il essayait juste de relativiser ? Alors payer le loyer, c'était sa dernière préoccupation. J'ai fini par sortir la tête de l'eau en tombant sur toi la première fois. Au début c'était juste pour faire une bonne action, je me revoyais en toi. Seul et paumé, dont l'entourage préfère voir couler plutôt que de l'aider. J'ai dégluti. Puis tu as disparu. Et plus les jours passaient, plus j'avais envie de te revoir, de savoir si toi, tu t'en étais sortis. Sauf que tu ne réapparaissais pas.
Malgré tout ce qu'il me disait, je ne voyais pas en quoi j'avais été bien pour lui. En quoi ma présence le rendait heureux. Ça le confortait juste dans l'idée de ne pas replonger pour devenir un minable dans mon genre. J'ai reculé d'un pas, penser que j'étais là aujourd'hui pour rappeler à Thomas les erreurs à ne pas commettre me faisait terriblement mal. Tu sais qu'il ne pense pas ça. C'est tout comme.
- Tu ne vois toujours pas où je veux en venir, pas vrai? Il m'a demandé avec un léger sourire aux lèvres.
J'ai secoué la tête, et il a soupiré en me faisant m'asseoir sur le canapé.
- J'étais en dépression pendant cette période Newt. Je buvais et sortais pour penser à autres choses et j'ai failli tout perdre à cause de ça. Après t'avoir aidé, j'ai voulu te revoir. Alors je me suis dis que la meilleure solution pour tomber sur toi était de retourner courir. C'était un bon compromis, je te cherchais, et j'évitais Sonya pendant quelques heures. J'ai fait ça pendant un an. Jusqu'à ce que je tombe sur toi en allant bosser. Et tu connais la suite.
Je ne comprenais toujours pas. Il avait repris le footing grâce à moi, ok. Mais je n'avais rien fait de plus.
- Sans toi je n'aurais pas repris le sport, je n'aurais pas réussi à sortir Sonya de ma vie. Je n'aurais pas réussi à sortir de dépression, et encore moins gardé mon boulot. Donc je n'aurais pas pu payer mes études ni mon loyer. J'aurai continué d'être manipulé, de me sentir seul. Ça te va comme explication? Est-ce que tu comprends enfin que tu es important pour moi?
Il a relevé mon visage face au sien, posant ses mains sur mes joues. Ses yeux brillaient tellement que je doutais qu'il n'allait pas fondre en larmes. Un silence s'est installé pendant lequel on s'observait mutuellement. Ça n'avait rien de gênant, au contraire c'était apaisant après tout ce que je venais d'apprendre. Thomas a caressé mes joues avec ses pouces avant de parler.
- Tu aurais peut-être crevé d'une overdose, mais moi j'aurai sauté du pont.
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