Chapitre 23
Newt
Bienvenue dans notre société. Vous serez jugé sur ce que vous portez, sur la musique que vous écoutez, ce à quoi vous ressemblez, comment vous agissez, avez qui vous trainez, et sur à peu près chaque autre trait de votre personnalité et vos imperfections, et on se moquera de vous pour qui vous êtes.
Profitez bien de votre séjour.
Thomas avait été le seul à ne pas me juger, mais c'était évident que ça ne durerait pas. Je suis même sûr qu'il regrette de m'avoir déposé ce sandwich la première fois. Pourtant il savait, je l'avais prévenu. Il savait à quel point j'étais bousillé à l'intérieur, les risques qu'il encourait en m'aidant. "Ça va aller". Laissez-moi rire. Je pensais que les phrases toutes faites, c'était pas son truc. Je m'étais trompé. Il est comme les autres, il croit pouvoir m'aider, et au final, c'est bien trop dur pour lui, alors il laisse tomber. La seule différence peut-être, c'est qu'au moins lui il aura essayé.
C'est sûrement pour ça que je n'aime pas dépendre des gens. Car les gens partent, tout le temps. Parce qu'à la fin de la journée, tout ce que tu as c'est toi, et toi-même, et ça devrait être suffisant.
Mais c'est toi qui est parti Newt. Je ne suis pas parti, j'ai été prendre l'air ou j'allais étouffer.
J'ai marché jusqu'au London Eye, et je me suis assis sur le même rebord où Thomas m'a récupéré la dernière fois. Le temps était à l'opposé de mon humeur. Il faisait beau, et presque chaud pour une journée d'hiver, le soleil ayant réchauffé l'air glacé de ce matin.
Mes pieds se balançaient dans le vide, j'ai pris le livre de Thomas et j'ai commencé à lire. Ça parlait d'un homme, mentalement déficient, à qui on fait subir toute une série de tests et d'expériences pour savoir si on pourra le rendre intelligent un jour. Et bien évidement, ça marche. Un certain temps, puis il redevient ce qu'il a toujours été. Ce bouquin représente parfaitement la société actuelle. On veut vous faire changer à tout prix, pour que vous rentriez dans le moule. Pour être "comme tout le monde". Mais si vous êtes plus intelligent que la société elle-même, malgré vos différences, celle-ci peut essayer de vous faire changer, réussir jusqu'à ce que vous vous en rendiez compte, et décidiez de rester qui vous êtes.
Je pensais que Thomas ne faisait pas partie de la société, que lui, il avait ses propres idées, savait découvrir les gens sans juger leur passé ou les conneries qu'ils ont pu faire. Mais j'ai toujours été bien trop naïf.
Je suis resté sur ce rebord plusieurs heures, jusqu'à ce que je finisse les 300 pages de ce livre. J'étais calmé, plus ou moins. J'en voulais toujours à Thomas de m'avoir accusé de reprendre de la drogue alors que je fais d'énormes efforts pour ne pas craquer, mais la tension et la colère s'étaient dissipées. Je suis descendu, et j'ai marché jusqu'à son immeuble. J'étais sûr qu'il n'était pas sorti, sinon il m'aurait retrouvé devant la grande roue. Ce que tu espérais secrètement. J'avais pris une décision, difficile, mais je ne changerai pas d'avis.
J'ai monté lentement les escaliers, pas seulement parce que j'avais mal à ma jambe, mais parce que je repoussais le moment de ma confrontation avec le brun. Arrivé à l'étage, j'ai pris une grande inspiration, et j'ai ouvert sa porte d'entrée.
- Tommy, je-
- Qu'est-ce qu'il fout ici lui?
J'ai relevé la tête vers le salon. Sonya était là, assise à côté de Thomas un air ahuri collé à la figure. Trahis deux fois en une journée. Je me sentais faible, impuissant face à ce spectacle répugnant. Sans rien dire, j'ai pris mon sac à dos dans la chambre, et je suis partis. J'ai à nouveau claqué la porte d'entrée, et j'ai dévalé les marches à toute vitesse.
- Newt ! Newt attends !
J'ai entendu ses pas claquant sur les marches, et malgré la douleur, j'ai accéléré. Je retenais mes larmes, j'avais tellement honte. Honte de lui avoir fais confiance, de m'être laissé berner et honte d'avoir aussi mal au coeur par sa faute. J'ai poussé la porte de l'immeuble avant de me faire plaquer contre un mur. J'ai grimacé et essayé de pousser Thomas mais avec mes bras aussi fins que des brindilles ça n'a eu aucun effet.
- Laisses-moi t'expliquer ! Il a dit, essoufflé.
- Expliquer quoi? Que j'aurai pu me barrer n'importe où, ne jamais revenir, retourner dans le squat, tu t'en foutais éperdument tant que ta copine était là? Ne t'en donne pas la peine.
- Elle a débarqué sans prévenir Newt ! Elle voulait parler, alors je l'ai écouté.
- Je m'en fous Thomas, tu fais ce que tu veux mais ne viens pas te plaindre après.
Il a soupiré et m'a regardé droit dans les yeux. Notre proximité me mettait presque mal à l'aise tant l'espace entre nous était faible. Quelques centimètres tout au plus. J'ai dégluti avant de soutenir son regard, les sourcils froncés.
- J'ai voulu venir te chercher, mais elle est arrivée à ce moment là. Ce n'est pas parce qu'elle était là, qu'elle va y rester. Il disait la vérité, je le lisais dans ses yeux.
- Je m'en vais Tommy.
- Nan Newt, je t'ai dit qu'elle allait partir. Et je suis désolé pour ce que j'ai dis tout à l'heure, sincèrement. J'ai été trop loin et-
Il ne comprenait pas.
- Thomas, écoutes-moi.
- Je sais que j'ai déconné, ok? Que j'aurai jamais dû t'accuser, que j'aurai dû refuser que Sonya entre, que-
- Tommy ! J'ai crié et il a enfin dénié m'écouter. J'ai bien réfléchis, ça ne marchera pas. Je ne peux pas faire semblant de me sentir bien tout en étant dépendant de toi. Tout en sachant que m'aider te détruit.
Thomas a reculé de quelques centimètres, et là, j'ai su qu'il était blessé. Peut-être pas autant que moi, ou peut-être plus. Qui sait?
- Newt, est-ce que tu es en train de me dire que...
- Oublies-moi Tommy. Ça vaut mieux pour toi, comme pour moi.
Il me regardait, sans rien dire. Je savais que ce n'était pas mieux pour moi, mais ça l'était pour lui, alors quitte à lui mentir, si je pouvais sauver le peu de chance qu'il avait de vivre une vie normale et heureuse, je me devais de le faire.
J'ai détourné le regard ne supportant plus de voir la douleur dans le sien, et je suis partis. J'ai lutté pour ne pas me retourner une dernière fois vers lui, qui j'étais sûr, n'avait pas bougé, et j'ai continué ma route. Je ne retournerai pas au squat, ni dans la ruelle, car Thomas pourrait me retrouver bien trop facilement. Je n'ai aucune idée de comment j'allais m'en sortir, d'où est-ce que j'allais aller, comment j'allais survivre, mais au moins, Thomas irait bien.
Externe
Le cercle vicieux recommençait à nouveau. Plus les jours passaient, plus l'état de Newt se dégradait, et plus le chagrin de Thomas augmentait.
Le brun, dévasté et épuisé de toutes ses disputes avec Sonya lui avait ordonné de prendre toutes ses affaires et de partir. Définitivement. Il ne savait pas si l'avenir les réunirait à nouveau, mais il avait besoin d'être seul, sans reproche chaque jour.
Après le départ de Newt, il avait senti ses poumons se comprimer, et son coeur s'emballer. Il n'avait pas fait de crise d'angoisse depuis près d'un an maintenant et il savait ce que ça signifiait si elles revenaient.
Newt avait trouvé un nouveau squat, plus en périphérie dans lequel personne ne le connaissait, ni les médias, ni d'anciens drogués du squat de Gally. Il fumait, se piquait, sniffait, buvait, faisait tout ce qui pouvait le faire oublier à quel point il était con, et dans la merde. Il avait perdu tout le poids reprit chez Thomas et plus encore, perdu tout sens de la réalité, tout espoir aussi. Il avait viré de sa vie la seule personne qui se souciait de lui. Jamais il n'était tombé aussi bas, pas même après le procès. Là, allongé sur le sol, il était brisé en des milliers de morceaux.
Thomas était affalé dans son canapé, devant la télé, une cigarette à la main et l'autre dans la poche de son jogging sale. Il avait arrêté de fumé quelques années auparavant, et avait reprit après le départ de Newt espérant que ça allait atténuer sa peine.
Thomas
Je ne m'étais jamais senti aussi seul, et vide de ma vie. Qui aurait pensé qu'aider un sans-abri pouvait être aussi difficile, et douloureux? Ce n'était pas un simple sans-abri, Thomas. Et tu le sais. Non, c'était Newt. Mon Newt. Mon blond qui rendait les jours meilleurs et la vie plus légère malgré toutes la merde qu'il transportait dans son sac à dos. Malgré toutes les engueulades qu'on a eu en si peu de temps.
Alors j'étais là, sur le canapé qui avait accueilli Newt la première fois. J'avais demandé un congé maladie prétextant avoir la grippe. J'étais minable. Je n'avais même pas réussi à le convaincre de rester, à l'aider. Je lui avais répété tant de fois d'être fort. C'est ironique non? De dire aux autres de rester fort, alors qu'on y arrive pas nous-même.
Ça faisait bientôt un mois qu'il était partit, et que je comptais les jours. Un mois, et j'étais toujours dans le même état végétatif. Impossible de me le sortir de la tête. Impossible de me bouger. Ma joie de vivre était partie avec lui. J'avais été travailler les deux premières semaines après son départ, mais faire comme si tout allait bien, être souriant et aimable avec les gens était devenu bien trop difficile. J'avais besoin de ses nouvelles, de savoir qu'il allait bien, qu'il n'était pas retombé dans la drogue et l'alcool même si je savais que j'espérais l'inespéré. J'avais besoin de savoir qu'il pensait toujours à moi, de temps en temps. Besoin de savoir que je comptais pour lui autant qu'il comptait pour moi.
J'ai attrapé mon téléphone et fais défiler les quelques photos de lui et moi, prises quand il allait bien, ou mieux. Je me remémorais tous les moments passés avec Newt, d'il y a un mois à notre rencontre. Notre vraie rencontre. Ce moment où j'ai vu ce blond devant ma porte, prêt à partir parce que mon jogging avait duré plus longtemps que prévu. Courir, c'est ça dont j'ai besoin.
J'ai jeté mon mégot de cigarette, j'ai ouvert la porte et j'ai manqué de donner un coup de pied dans un gobelet posé par terre. Un gobelet de chez Starbucks. S'il y avait du chocolat chaud dedans, c'était lui. Ça devait être lui, il le fallait.
Je me suis baissé pour le ramasser, l'odeur du chocolat a envahie mes narines, et un large sourire s'est formé sur mon visage. J'ai doucement tourné le gobelet dans mes mains, et j'ai lu ce que Newt avait inscrit. Tout ce qui était écrit était Tommy, au feutre noir. J'étais déçu, pourquoi me payer un chocolat chaud sans raison ? J'ai tourné à nouveau le gobelet quand j'ai vu une petite feuille de papier pliée, et coincée dans le carton portant le logo. Je l'ai déplié de et j'ai lu.
Some do drugs, others go for a run, but at the end we're all just searching for that tiny space, perhaps a hole, that gives us shelter from the terrible reality of the world.
PS : If you want some news : Call me.
Il y avait griffonné un numéro de téléphone en dessous. J'ai pris mon portable les mains tremblantes, et j'ai composé le numéro inscrit par Newt.
- Tommy?
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