Chapitre 3 - Partie 2

[Ma tête hoche et mes yeux m'interdisent de regarder autre part. Un nouveau silence. Mes lèvres n'ont plus la force de bouger. J'ai l'impression que mon cœur se compresse dans une lenteur inchangeable. Je n'arrive plus à pleurer. Mes larmes ne coulent plus, elles sont comme asséchées.]

                                                                                                 .

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- Ren ! Réveille-toi ! On est arrivé !

Mes paupières s'ouvrent sous ces appels infernaux. Mon cerveau met un temps fou avant d'assimiler les thermes que Luffy a précédemment prononcés.

Je marmonne faiblement un « oui » avant de me lever avec la grâce d'un homme soul. Je peine à rejoindre l'extérieur de la limousine. Mes jambes sont horriblement lourdes. Mes pensées se noient lentement au plus profond de ma tête. Tout comme ce rêve. Apparaitre ainsi aussi brusquement en s'emparant de mes souvenirs abrupts ne doit pas recommencer. Tout cela appartient au passé. Ma mémoire semble avoir analysé chaque détail, chaque mouvement pour en avoir fait un cauchemar aussi méticuleusement travaillé et ordonné. Ce souvenir proteste dans ma tête et surgit plus régulièrement qu'avant. Cette scène n'a jamais voulu me quitter et m'a marquée de son encre indélébile à vie, cherchant à me briser.

Mes jambes se dirigent sans réfléchir vers l'accueil, où la vieille dame d'hier continue à tapoter frénétiquement le clavier de l'ordinateur. Pour une génération totalement perdue dans les progrès de la technologie, je trouve qu'elle ne se débrouille pas si mal. Je me présente devant elle, pris dans un silence que je ne pourrais qualifier. Elle semble finir une phrase, puis relève les yeux vers moi.

- Que cherches-tu ?

- Mon emploi du temps. Hier, je ne l'ai pas reçu.

Son siège à roulettes fuse vers le fond de la salle. Elle observe les piles de feuilles parfaitement organisées, en tas impeccables. Elle chuchote régulièrement mon nom, suivi de ma classe, comme si elle cherchait à ne pas oublier. Ses doigts s'attèlent méticuleusement et fouillent la moindre pile. Puis, après une bonne minute d'attente, elle revient, une feuille colorée de couleurs fades dans les mains. Elle la pose sur le comptoir et me scrute.

- Quelques modifications pourront être opérées durant l'année scolaire.

- Merci (mes doigts agrippent le papier et le range nonchalamment dans mon sac).

Avant que je n'ajoute quoi que ce soit, ses yeux sont déjà happés devant son écran, et ses doigts, toujours en train de tapoter fébrilement les touches. Je ravale un commentaire désobligeant ainsi qu'une mine renfrognée, et me les réserve pour plus tard. Je me dirige à l'extérieur, en oubliant pas de mâcher un « au revoir » totalement surfait.

La politesse n'existe pas pour rien, merde. Je m'assois posément dans les marches de l'escalier, pour sortir de mon sac le papier qu'elle m'a donné précédemment. Mes yeux parcourent rapidement mon emploi du temps. Les journées de mon ancien lycée ne sont pas si différentes de celles-ci. Les matières principales la matinée et les secondaires l'après-midi.

Je peux même terminer plus tôt, le vendredi. De plus, ce soir, je pourrai assister au cours de philosophie, une de mes matières favorites. Le sujet le plus intéressant est sans doute la psychologie humaine. Comprendre la motivation des gens m'a toujours intriguée. La psychologie elle-même m'intrigue.

La cloche sonne, résonnant dans tout le lycée. Je fais un bond, surprise. Je fixe une dernière fois l'emploi du temps, mémorisant la salle où aura lieu la première heure de cette matinée. Histoire-Géographie en compagnie de mademoiselle Nico.

Cette professeur est particulièrement fascinante ; je veux dire, sa méthode d'apprentissage est recherchée et intéressante à écouter. Ses cours sont loin d'être ennuyants et soporifiques comme certains de mes anciens professeurs. Comme quoi, il y a peut-être du bon dans tout cela.

Divaguant dans mes pensées, je range une nouvelle fois la feuille dans mon sac et me lève, lentement, pour ensuite emprunter les escaliers. Je grimpe les marches sans chercher à me presser. J'arrive à la salle où je me poste devant la porte, appuyée contre le mur. Personne. Il semblerait que je sois la première arrivée. Je patiente, réfléchissant encore, dans mes pensées. Des élèves défilent devant moi. Ils rigolent, parlent et plaisantent entre eux.

Cela me rappelle au combien je suis seule. Un cri transperce le couloir, me faisant sursauter une énième fois. Une voix aigüe fuse en ma direction, prolongeant mon prénom. Interpellée, je me tourne, surprise, vers Vivi, complètement déchainée.

J'ai le réflexe de reculer d'un pas, un sourire penaud accroché au visage. Elle se montre plus vivace que moi, et m'agrippe la nuque avant de me serrer contre elle. Ma conscience n'arrive plus à analyser ses situations régulières et soudaines, totalement improvisées. Je sens mes joues rougirent doucement, et ma main vient tapoter délicatement son dos, lui intimant silencieusement d'arrêter.

- C'est bien moi, dis-je.

- Je ne resterais plus seule en classe, maintenant, sourit-elle naïvement.

Ses bras se décollent de mon corps, pour que ses yeux gris me toisent de haut en bas. Un sourire d'enfant vient embellir son visage. Mes lèvres s'étirent elles-aussi, imitant les siennes. J'ai pu remarquer, même avec le peu de temps que j'ai passé en sa compagnie, qu'elle était loin d'être une fille complexe, ou qui se prend la tête.

Au contraire. Elle est douce, souriante et communicative. On peut lire en elle comme dans un livre. Elle est loin d'être difficile à comprendre Vivi est... Normale. Comme des gens normaux. Et ce genre de petit détail me manque.

Mademoiselle Nico ne tarde pas, et se présente devant la salle avant que la deuxième sonnerie obligatoire retentisse. Un cliquetis aigu résonne, puis la porte s'ouvre. Ses fines et longues jambes franchissent le seuil de celle-ci, pour venir s'asseoir au bureau. Les élèves l'imitent, s'installant à leur place.

Elle farfouille ses fiches à l'aide de ses doigts maigres, puis les relis, et relève la tête pour saluer poliment ses élèves. Je suis Vivi dans un silence des plus complets. Je me place tranquillement à ses côtés avec une spontanéité qui me surprend moi-même. Je sors sans attendre mes affaires, et en profite pour rendre à Vivi ce qu'il lui y appartient. Ses yeux s'agrandissent et ses pupilles se contractent ; elle est surprise.

- Tu as réussi à tout rattraper ? En une seule nuit ?

- Oui, dis-je gênée. Ton écriture est simple à lire et à comprendre.

- Tu es... (elle marque une pause, semblant chercher ses mots) Géniale. Franchement, dit-elle, un sourire timide encré aux lèvres. Merci.

- Voyons ! C'est à moi de te remercier, rigolé-je doucement face à cette expression adorable.

Je l'observe ranger ses affaires. La professeur a, auparavant, déjà commencé son cours qui se concentre sur un nouveau chapitre de géographie.

Ses dires sont extrêmement intéressants, elle rentre dans des détails qui sont loin d'être futiles et sans importances et anime son cours par de courts reportages et quelques photos prises sur le net. Mais, étrangement, mon attention est portée sur autre chose et refuse de s'y détacher.

Vivi crispe anormalement ses doigts. Ses lèvres se tendent, s'ouvrent, mais rien ne sort. Aucuns sons. Ses yeux hésitent machinalement la direction qu'ils doivent prendre. Je l'entends soupirer, parfois, comme pour chercher à vaincre une angoisse, une crainte.

Je m'oblige à la fixer, détaillant chaque trait de son attitude. Ses lèvres s'entrouvrent, ses poumons inspirent profondément, mais elle se ravise. Elle remarque ensuite que mes yeux sont posés sur elle. J'observe ses joues rougirent timidement, pour afficher un faux sourire.

- Qu'est-ce que tu as ? osé-je. - Tu veux me dire quelque chose ?

- (ses muscles se tendent, et ses dents viennent mordiller sa lèvre inférieure) Comment tu- ?

- Tes mimiques me racontent tout, la coupé-je.

Elle clignote frénétiquement des yeux, ne comprenant sûrement pas à quoi je fais allusion. Mais quoiqu'il en soit, je m'avance lentement sur ma chaise, les bras croisés sur la table, la fixant sans gêne, lui montrant que je suis à l'écoute. Sa lèvre inférieure continue à souffrir doucement et son regard est fuyant.

- Le matin, je te vois descendre de la limousine de... (elle marque une pause et cherche ses mots timidement) De la famille D. Je me demande seulement quelle genre de relation tu entretiens avec eux. C'est plutôt intimidant de parler avec toi, tu sais. Je veux dire, de discuter avec quelqu'un qui possède ce genre de relation avec une famille comme celle-ci.

Mon corps se pétrifie lentement. Les mots me manquent, je ne sais quoi répondre. Sa remarque est plutôt simple à comprendre, mais, pour une raison qui m'est inconnue, un malaise résonne en moi et se délecte de mon attitude gênée. Je range nerveusement mes crayons dans ma trousse, et répond sans réfléchir. Mon regard imite le sien, quelques secondes auparavant ; il est fuyant.

- On ne vous a pas prévenu ? Quoi que, ce n'est pas au lycée de le faire (je ris faussement). Nous sommes une famille recomposées. Je suis leur... Demi-sœur.

Mes lèvres n'ont pas pu s'empêcher de butter contre le mot qualifiant mon nouveau statut dans cette nouvelle famille. Le visage de Vivi s'apaise doucement. Un sourire de satisfaction vient s'afficher sur son visage. Je penche la tête, attendant silencieusement qu'elle m'explique pourquoi cette question lui trottait dans la tête. Mais, j'ai compris, quelques secondes plus tard, que cette discussion s'était arrêtée. 

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