Chapitre 3 - Partie 1
[ Il me fixe de ses yeux impénétrables et vide de sens. Une odeur d'alcool et de cigarette s'empare aussitôt de mes narines, me les chatouillant. Je... C'est une blague ? ]
Je vois son corps se tendre et se courber de façon anormale et illogique. Il souffre. Je déglutis silencieusement.
Une force invisible et extrêmement convaincante m'empêche de m'approcher, comme une mise en garde brutale. Je l'aperçois compresser son ventre. Il y met sûrement toutes ses forces à l'entendre grogner comme il le fait. Je passe outre ce sentiment débile d'insécurité passagère ; il a besoin d'aide.
Mes pieds s'avancent prudemment, dans un silence frôlant l'effrayamment. Mes lèvres se pincent, une boule horriblement lourde se forme au creux de mes intestins. J'hésite, mais fini par déposer la paume de ma main le plus délicatement possible sur son épaule. Cela a l'effet d'une décharge.
Le corps d'Ace se crispe plus qu'il ne l'était, il titube anormalement. Il essaie d'articuler des mots, même des syllabes, mais son corps ne semble plus en pouvoir, ses forces et ses capacités de réflexion l'abandonnent au fil des minutes, noyées dans un surplus d'alcool. Ses yeux me foudroient violemment. Je n'y prête aucune attention particulière.
Nous restons ainsi pendant de longues secondes ; lui debout, tentant de reprendre un équilibre stable grâce au mur, et moi, devant, la main sur son épaule. Nos regards se croisent et se regardent. Comme plus tôt dans la journée, une tension palpable s'installe progressivement. Pas une tension désagréable, non, mais une tension irrésistiblement tentante. Nous nous cherchons l'un l'autre. Chercher dans le sens direct des faits ; trouver la moindre petite chose pourrait devenir une sorte de victoire futile et sans intérêt. Trouver une petite faiblesse ou force.
Le silence accompagne cette ambiance indescriptible. Mon ventre se tord délicieusement, mes yeux se détournent, comme s'ils acceptaient une soumission incertaine. Mon visage me brûle doucement et mes muscles se tendent d'une douleur agréable. Je déglutis une nouvelle fois. Ma gorge refuse d'avaler et émane un bruit salivaire immonde.
La gêne s'empare peu à peu de moi, ne me laissant aucune échappatoire. Mes lèvres articulent des choses insensées que je n'arrive même pas à déterminer moi-même. Je me sens... Totalement ridicule et impuissante.
Une aura semble peser sur mes épaules, m'obligeant à rester dans une soumission que je ne saurais décrire correctement. Je me déplace et me met à côté de lui.
- Je... Passe ton bras là (je lui montre mes épaules en les remuant doucement).
Sans broncher, il m'obéit. Son bras glisse lentement sur l'une de mes épaules, frôlant ma nuque et atterrissant sur ma deuxième. Je le sens prendre appuie sur le mur pour s'en dégager. Une partie de son poids me pèse sur le dos. C'était une très, très, très mauvaise idée, Ren, je me déteste.
Avec une difficulté sans nom, mes jambes peinent à se diriger vers le canapé. Mes membres tremblent. Je me presse, marchant à grandes enjambées.
Arrivée à cet objectif tant convoité par mes muscles déjà fatigués, je l'aide à s'allonger. Ses soupirs rauques se calment pour ne devenir que des petits. Je l'observe longuement, sans détacher mes pupilles de lui –c'est comme s'il possédait une capacité encore inconnue à attirer le regard des gens vers lui.
Mon cerveau entame un long et pénible dilemme ; devrais-je m'atteler et veiller sur lui cette nuit, ou bien m'en aller et le laisser dans cet état ? Ma conscience m'intime d'obéir à mes idées égoïstes. C'est vrai, après tout, je ne le connais que très peu. Son torse ondule en suivant le rythme devenu régulier de sa respiration. Mes jambes font le même trajet qu'y il a quelques minutes ; je pars dans la cuisine, prenant soin de choisir un verre et de le remplir à son maximum. Je fais volte-face et réitère ce même chemin –au passage ayant pris une bassine qui était posée sur un meuble de travail. Je m'empresse de le retrouver pour lui déposer le verre sur la table basse et la bassine près de lui.
Ses paupières sont closes et ses lèvres entrouvertes laissant circuler le son reposant de sa respiration Son avant-bras est posé nonchalamment sur son front, comme s'il cherche à se le protéger. Je soupire lourdement ; j'ai fait ce que j'avais à faire pour l'aider, je n'y suis pour rien s'il lui arrive une quelconque mésaventure par la suite.
Mes yeux me piquent frénétiquement. Concrètement, je crois que mon corps ne va pas tarder à brusquement me lâcher. Je titube jusqu'aux escaliers que je monte à une vitesse extraordinaire d'une tortue.
Monter trois étages me parait infernal et une véritable torture physique et mentale. Après quelques minutes de pur souffrance, je parviens enfin à atteindre cette maudite chambre. Demain, mon visage va être dans un sale état. Arrivée devant ce lit qui apparait à mes yeux comme un lieu béni et sacré, je m'écroule dessus. Mes paupières se fermes instinctivement, m'emportant au pays de Morphée.
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Le réveil a été une chose infernale. Mes membres sont lents, mon ouïe est saturé et met un temps fou à analyser chaque mot que quelqu'un prononce. Mes yeux possèdent maintenant des poches et d'énormes cernes viennent colorer le tout –sans parler des injections de sang dans la partie blanche de l'œil.
Ayant pris un retard considérable ce matin ; les cases petit déjeuner ainsi que « cheveux brossés » se sont retrouvées supprimer. Je monte mollement dans la voiture... Je veux dire limousine. Mon corps est irrésistiblement attiré par le sol. A chacun de mes mouvements, il est menacé de basculer.
Je me presse de m'asseoir à la première place que je trouve. Luffy me fixe, et je ne saurais décrire s'il se sent amusé ou inquiet de me voir ainsi. Mes yeux balaient faiblement l'espace ; au moins, je ne suis pas la dernière. Néanmoins, je ne pense pas qu'il viendra, son état d'hier ne lui laisse pas vraiment le choix de toute façon.
Je somnole doucement, ma tête vacille, une, deux, trois fois. Mes yeux se ferment mais s'ouvrent dans des spasmes incontrôlés. Je ne dois pas céder, et rester éveillée ; dormir ne m'aidera sûrement pas à combattre cette fatigue lassante et non voulue.
Plusieurs minutes passent, mais rien ne se produit. Luffy ne semble pas s'inquiéter plus que cela ; il tapote frénétiquement les touches de son portable, ce sourire béat qui le qualifie au mieux ancré sur les lèvres. Devrais-je prévenir de chauffeur ? Lui dire que cela ne sert à rien de patienter, et qu'il faut se rendre au lycée ?
Mes pensées se trouvent subitement brisées lorsque la porte de la limousine s'ouvre violemment. Mes yeux dévisagent l'interlocuteur ; Ace. Je l'observe enjambé sans difficulté le sol de la limousine, et s'asseoir sur le siège le plus proche de lui. Mes lèvres s'efforcent de ne pas afficher un rictus abominable. Il est venu. Je ne m'y attendais pas. Pourtant, son état d'hier ne lui permettait pas d'assister aux cours d'aujourd'hui.
Son visage possède un air calme, neutre, comme s'il s'ennuyait constamment. Ses traits sont étrangement distincts et aucune imperfection ne vient abimer son visage. Ses mouvements sont fluides et ne s'attardent pas. Aucune trace qu'une quelconque fatigue.
Je sens mon corps vaciller doucement en avant, toujours attiré par le sol. Mes paupières sont horriblement lourdes et mes pupilles me brûlent. Je commence à regretter ces longues heures de rattrapage. Dans un effort ultime, mon dos se colle délicatement contre le dossier. Mes paupières se ferment lentement, et une vision noire m'apparait.
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Des cris fusent du salon ne me permettant pas de comprendre un traitre mot. Mes genoux sont plaqués contre ma poitrine, mes yeux pleurent, encore et encore.
Des larmes viennent rouler doucement contre mes joues pour ensuite s'effacer dans mon cou. Les pleurs, les larmes ne servent pourtant à rien, mais mon corps en a décidé autrement.
Des spasmes réguliers me surviennent dans la gorge, parfois, mais mes mains arrivent à les étouffer et les cacher. Les hurlements ne cessent pas.
Ma tête m'alerte une douleur inqualifiable, mon visage est rougi d'une honte que je ne peux expliquer et mon corps est paralysé. Mes mouvements me semblent flous et vagues, mon cerveau est embrumé par toutes ces larmes incontrôlables.
Après de longues minutes qui m'ont paru des heures, le son de la porte d'entrée tonne violemment. Interpellés, mes membres entament une marche, descendant fébrilement les escaliers. L'obscurité imprègne l'espace et l'ambiance morbide de cette maison. Mais je n'ai pas peur. A ce moment-là, je n'en avais pas peur.
Je fixe la lumière se faufilant dans cette pièce noire. Je m'avance, happée par celle-ci. Mes doigts glissent lentement contre le bois de la porte, pour y trouver mon père assit, là, dos à moi, les mains plaquées affreusement contre sa nuque et son front frôlant la table.
Le silence règne. Plus un geste, plus un cri, plus un bruit. Rien. Un calme pesant et assourdissant. Je m'approche doucement, ne voulant pas briser ce calme absolu. J'attrape une chaise et m'y assoit. Mes yeux observent la table. Ma gorge est serrée, les mots ne passent pas, alors j'attends, les mains posées sur les cuisses.
J'attends un signal de sa part. Je l'entends pousser un soupir rauque, puis les légers frottements de ses vêtements, m'indiquant qu'il s'est redressé. Ses yeux sont rouges, injectés de sang, ses lèvres sont abaissées, laissant place à un visage envahi par une tristesse que je n'arriverais pas à décrire.
- Elle est partie, commença-t-il, la voix rauque et saccadée.
- Elle reviendra ? arrivé-je à articuler.
Il balance frénétiquement sa tête de droite à gauche dans une lenteur effrayante. Je baisse de nouveau les yeux, et le silence emprisonne une nouvelle fois la pièce. J'entends ses ongles frapper nerveusement la table, émettant un léger bruit d'impact.
- Elle a trouvé mieux ailleurs.
Ma tête hoche et mes yeux m'interdisent de regarder autre part. Un nouveau silence. Mes lèvres n'ont plus la force de bouger. J'ai l'impression que mon cœur se compresse dans une lenteur inchangeable. Je n'arrive plus à pleurer. Mes larmes ne coulent plus, elles sont comme asséchées
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