Chapitre 2 - Partie 2
Je dois retenir ma mâchoire pour ne pas qu'elle s'étale contre le sol. Plus loin, derrière les lignés d'arbres et buissons, mes yeux perçoivent une limousine, je répète : une limousine luxueuse noire semblable à celles que l'on retrouve dans des films à budget.
Je me sens vaciller doucement vers l'avant, mais me redresse. Mes pieds avancent, happés par cet objet qui m'est totalement inconnu. Mes paupières frétillent. Ma gorge déglutit pendant que mes doigts glissent et entourent la poignée soignée, propre et parfaitement lumineuse, semblable à un miroir.
J'ouvre l'immense portière coulissante, me laissant face à Luffy, un casque Beats coincé dans les oreilles. Lorsqu'il remarque ma présence, celui-ci glisse contre ses joues pour se loger dans son cou. Ses lèvres s'étirent sans tarder. Son aura joyeuse et dynamique fait toujours en sorte que les tensions palpables dans l'atmosphère disparaissent. Mes épaules se détendent, et je me surprends à lui rendre son sourire.
- Viens ici ! (il tapote la place à côté de lui).
- Désolée si je t'ai fait attendre, lui dis-je gênée. (sans m'en rendre compte, j'obéis à son geste explicite et me cale entre lui et un siège vide).
- T'inquiète pas, Ace prend tout son temps le matin, on part toujours au dernier moment, rit-il, comme si le comportement insolant de son frère était un jeu amusant.
Je ne daigne répondre. Je le fixe, le regardant de haut en bas ; un uniforme semblable au mien. Une chemise blanche, une cravate –je me dois de retenir un rire en voyant la sienne mal nouée-, ainsi qu'un pantalon aux mêmes motifs que ma jupe. Un silence divertissant s'installe entre nous ; nous cherchons mutuellement un sujet intéressant à présenter à l'autre. Nous nous regardons dans les yeux, un sourire accroché aux lèvres. Il prend une inspiration.
- Si le lycée te pose un problème, tu peux venir avec moi, sourit-il un air innocent collé au visage. (il semble tout d'un coup gêné et se gratte l'arrière du crâne) Ce sera sûrement... Bizarre, pour toi.
« Ce sera sûrement bizarre pour quelqu'un de ton ancienne situation » aurait suffi, au lieu de le sous-entendre. Un léger malaise s'installe en moi. Mes yeux s'abaissent et mon sourire s'efface pour laisser place à un rictus totalement improvisé et faux.
- Ne t'inquiète pas, déjà, je pense que je demanderais où se trouve ma classe, ce sera un bon début.
- Ouais, pas faux (un rire glisse entre ses dents). Je préfère te prévenir, mais au début, tu vas être total-...
La porte de la limousine s'ouvre d'un coup, faisant place à un garçon. Ce garçon aux cheveux ondulés de la semaine dernière. Celui qui nous a snobé, mon père et moi. Luffy, s'étant retrouvé couper dans ses paroles, reprend. Etrangement, mes oreilles n'arrivent plus à percevoir le son de sa voix. Seul un de mes sens est activé ; la vue. Les autres semblent ne plus vouloir m'obéir. Je l'observe monter, calmement, puis s'asseoir en face de son frère. Mes yeux le suivent, comme absorbés. Il place ses écouteurs dans ses oreilles, et a l'air d'augmenter le son de son téléphone en appuyant frénétiquement sur un bouton.
- Hey, tu m'écoutes ? boude Luffy, une moue étrangement enfantine sur le visage.
- Hein ? Ah, oui, excuse-moi (un faux sourire s'étire sur mes lèvres).
Il reprend à parler. Une machine à paroles. Luffy est quelqu'un d'extraverti. Rien qu'à notre première rencontre, je l'avais deviné. Il a toujours un sourire idiot encré sur ses lèvres, les gestes qu'il faut pour susciter des questions positives aux gens, des remarques drôles et inutiles à faire. Ce n'est pas un garçon détestable, loin de là. C'est comme s'il possédait le pouvoir de se rapprocher des autres, sans un effort particulier.
Sa voix continue de résonner dans la voiture. Un ronronnement fluide et léger s'impose à moi. Encore une fois, mon attention n'est plus portée sur ce que j'entends, mon ouïe se lasse et s'éteint. Mon regard fixe toujours Ace, et ne l'a pas quitté depuis. Ses yeux sont ennuyés et regardent passivement son portable.
Ses yeux d'une couleur grise à la limite du noir sont vides et n'expriment aucune émotion. Un léger frisson me parcours le dos, longeant délicieusement ma colonne vertébrale. Stop. Délicieusement ? Euh... On se reprend, du calme.
Je sens mes lèvres se pincer doucement entre elles. Ma gorge déglutit silencieusement avant d'avoir cette sensation d'être étroite, serrée. Ses iris se lèvent, nos regards se croisent et restent. Aucun mot n'est dit, aucun geste n'est fait. Mon cerveau refuse une nouvelle fois d'obéir ce que je lui intime. Mes pupilles n'arrivent pas à se détourner. L'espace ne semble plus avoir d'importance, le temps, les minutes, les secondes, n'existent plus. Ce n'est pas un simple duel de regards, non.
Sincèrement, je ne saurais décrire ce qu'il se trame à cet instant précis entre nous. Une atmosphère calme, mais soulevée par une tension électrique. Son regard, ses yeux, ses émotions, tout me semble inaccessible. La psychologie chez les gens m'a toujours intéressée. Certain gestes, tons de voix où même regards veulent tout exprimer. Que ce soit un regard rempli de tristesse, à des lèvres tremblantes ou une voix cassée. Le corps est une âme vibrante et sensible qu'il ne faut pas prendre à la rigolade. Mais chez lui, rien. Ni dans son regard, ni dans son expression. Ca me chiffonne, me stresse, me rend dingue.
Mon corps bascule vers l'avant, coupant notre contact visuel. Je manque de me retrouver à terre. Mon buste se redresse, fixant l'extérieur. Je perçois des personnes de mon âge au même uniforme que moi ; nous sommes arrivés au lycée.
- Tu viens avec moi ? Je vais te montrer l'accueil, sourit Luffy, s'apprêtant à descendre.
- Oui, j'arrive, bégayé-je.
Je me précipite vers la sortie, manquant une nouvelle fois de me ramasser au sol. Okay, rester naturelle ; le principal. Merde ! Mon sac est resté dans la limousine ! Je me retourne et me retrouve face à Ace. Mon corps se stoppe dans un tiraillement électrique qui me parcourt de haut en bas. Mes doigts se crispent, mes yeux doivent être plus ronds qu'à la normal, ma respiration se saccade anormalement. Un léger sourire fourbe nait sur ses lèvres, il se rapproche lentement de moi, jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres.
Il est grand, trop grand. Mon cou se tord pour pouvoir regarder son visage. Je lève mes mains, comme pour contrer une attaque non désirée, quelque chose que je n'aurais pas voulu faire ; ce garçon m'intimide. Il me pousse, sans délicatesse, et passe son chemin. Mes paupières papillonnent frénétiquement. La gentillesse est actuellement morte, cordialement. Mes bras sont soudainement amenés vers le bas ; mon sac vient de réapparaitre. Oh.
- Ren ! Je t'attends ! hurle Luffy près d'un immense portail blanc ouvert vers l'extérieur.
Je cours vers Luffy, qui a l'air de s'amuser à me voir ainsi. Courir est un de mes nombreux points faibles aussi stupides les uns que les autres. Si l'effort est trop grand, ma gorge se serre jusqu'à ne plus pouvoir respirer l'air. Mes poumons se bloquent et une douleur atrocement irritable s'empare de mes côtes. Je rejoins Luffy.
- Où est l'accueil ? Je vais me débrouiller seule, ne t'en fais pas.
- L'accueil est tout droit. C'est une vieille femme qui s'en occupe, tu ne peux pas la louper. Tu es sûre, hein ? Parce que je peux t'accompagner, dit-il naïvement en pointant l'endroit en question.
- T'inquiète pas, j'suis une grande fille, ironisé-je en laissant un rire irrégulièrement débile passer entre mes lèvres. Je te laisse, tu es sûrement attendu.
- Ouais, rigole-t-il. Si jamais tu as un problème, je serai dans la cours.
- Je retiens.
Il me salue d'un geste de la main, que je lui rends, sourire aux lèvres. Il me parait un peu trop content, puis part d'un côté de la cours. Je soupire doucement ; un soupir entre un rire et l'exaspération.
Je suis contente, non, heureuse de savoir qu'un de mes demi- frère est là pour m'orienter, mais il ne faut pas que je me repose entièrement sur lui.
Je me dirige machinalement vers l'accueil, objet de toutes mes pensées. Mes pas assurés se retiennent de plus en plus, à chaque mètre parcouru. Un imposant bâtiment se trouve devant moi, avec plus de cinq étages. Des immenses bâtisses blanches barrent la route de pavés, joyeusement organisés et rectangulaires. Tout est propre, pas une once de saleté. De l'herbe entoure tout le bâtiment. Des arbres cerisiers sont placés ici et là de façon tout à fait symétrique.
J'aperçois des groupes d'élèves, légèrement plus âgés que moi, rire, ou bien travailler leur cours. Mes jambes avancent de plus en plus lentement. Ma gorge se bloque, ma salive n'arrive pas à être correctement avalée. Je relève la tête et vois, accrochée au mur blanc, survolant toute la cour et la zone de l'école, une horloge indiquant les courants de huit heures moins le quart. L'aiguille des secondes trottent lentement.
Le temps me paraît long et imprenable. Mes pupilles restent sur cette horloge, me privant d'autres pensées. Même ce lycée sent l'argent à plein nez. Les matériaux utilisés sont couteux et précieux. Mes jambes continuent d'avancer, mes pieds tâtent doucement le sol ; me voilà arrivée devant une grande porte faite d'un vitrage impeccablement soigné.
Je me pince les lèvres et regarde à l'intérieur. Ma respiration se bloque à nouveau. A ma gauche se trouve ce qui semblait être, du moins, les casiers des élèves –ou plutôt des cubes transparents magnifique- répartis et arrangés au centimètre près. Ils sont organisés par rangées. De longues et symétriques rangées. En face, se trouve un escalier demi tournant menant au premier étage. Puis, à ma droite se trouve plusieurs bureaux équitablement répartis. J'abaisse la poignée et presse la porte contre l'intérieur. J'entre sans me poser d'autres questions futiles.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top