Chapitre 1 - Partie 2

Je remets convulsivement mon tee-shirt à l'intérieur de mon pantalon, machinalement, même si celui-ci est déjà correctement mis. J'ai opté pour un bas noir, un tee-shirt blanc légèrement évasé, ainsi que des converses. Des créoles dorées pendent à mes oreilles et un collier simple longe mon cou. J'ai essayé de faire un minimum pour le maquillage ; Mes cils sont allongés grâce au mascara, et mon regard intensifié grâce au trait de crayon. Mon père me répète sans cesse que rester naturelle est le plus important, cependant, je ressens cette sensation de vouloir plaire au premier regard. Les premières apparences sont souvent celles qui restent immuables. Cependant, je ne recherche pas à être au centre de l'attention, non, juste plaire et faire bonne impression.

Mes doigts jouent nerveusement avec mes cheveux ; geste récurant lorsqu'un stress quelconque m'emprisonne. Je n'écoute pas de musique, ce qui est rare lorsque je suis en trajet. Lors d'un déplacement, même court, mes écouteurs sont toujours dans une poche. La musique m'apaise et m'aide à réfléchir. Mettre les choses au clair dans ma tête, trier les informations assimilées dans la journée, qu'elles soient utiles, ou sans importance, d'ailleurs. Evidemment, je ne les ai pas pris aujourd'hui, pensant discuter avec mon père. Mais le silence prend tous les dessus.

Mon père est concentré sur sa conduite, me regardant par moment. Ses doigts glissent sur le volant, mais tremblent. Comme les miens. Nous devons tous les deux avoir ce sentiment de stress intense en nous, qui nous compresse le ventre et nous noue la gorge, seulement, les raisons ne sont sûrement pas les mêmes. Le silence persiste. Mes yeux sont distraits par les formes défilantes à travers la vitre. Mon souffle se coupe. Notre voiture se trouve dans les quartiers riches de Tokyo. J'observe des maisons modernes, symétriques, organisée et élégantes. Tout ce qu'y me semblait impossible de voir, un jour. Le jardin d'une seule maison –si on peut appeler ça comme ça- doit sûrement couter plus chère que notre logement à mon père et moi. Tout cet argent me donne des nausées. Tellement de millions réunit en une seule partie de la ville, si ce n'est pas pour dire milliards. L'argent que mon père mettrait toute une vie à gagner –même plusieurs-, alors qu'eux, le gagne en un mois.

Décidemment, ça me met mal à l'aise ; notre place n'est pas ici. Mes pupilles se baissent et regardent le sol poussiéreux de la voiture. Depuis hier, je n'ai même pas posé une seule question sur ses enfants. Ils doivent être heureux, ici, je suppose. A avoir tout ce qu'ils veulent, qu'ils ne manquent rien. Des stéréotypes plus qu'absurdes et stupides me traversent furtivement la tête. Non, ne pas juger avant d'avoir vu, l'erreur que j'ai sûrement faite avec Rouge. Le moteur se stoppe brusquement, stoppant toutes pensées. Je redresse la tête, pour me rendre compte que l'on est garé devant une maison au luxe sans nom. Toutes les maisons que j'ai pu voir auparavant ne valent rien, comparé à celle-ci. Ma boule au ventre reprend et remue douloureusement mon estomac. Je ne sais pas si tout cela est vraiment une bonne idée. Vraiment, je voudrais rentrer.

- Ne t'en fait pas, ça va bien se passer, sourit-il sortant de la voiture.

Ne réfléchis pas, Ren, ce n'est pas le moment. Ma main tremblante empoigne la poignée et ouvre doucement la porte d'une légère pression. Je sors. Mes jambes sont fébriles, je dois avoir l'air ridicule. Sans réfléchir, elles avancent vers mon père pour me placer à ses côtés et lui agripper le bras. Je sais qu'il me comprendra. Nous avançons vers la porte d'entrée qui se trouve un peu plus loin derrière ces pavés blancs âcres ainsi que ces haies taillées sur mesure. La pelouse est étrangement verte lumineuse. Même le gazon ici doit être chère à entretenir. De nombreux arbres et buissons sont placés ici et là pour décorer cet immense jardin. Mes oreilles sont attirées par un bruit qui me met en alerte ; le bruit d'une serrure. La porte s'ouvre violemment.

- S'il te plait, ne rentre pas trop tard ! tente une voix féminine depuis la maison.

Avant d'avoir une réponse précise, la porte se referme dans un claquement infernal. Je tressaille. Des pas se dirigent en notre direction, puis des bruits de clés. Je me détache de mon père. Un homme, un adolescent. Je ne pourrais dire s'il est aussi jeune ou plus vieux que moi, même si ses traits montrent qu'il a sans doute une petite année de plus. Je le trouve grand, plus grand que moi, déjà. Des cheveux noirs et ondulé qui retombent nonchalamment sur ses joues qui sont parsemées de tâches de rousseurs. Des yeux en forme d'amendes à la couleur grisâtres nous fixent. Mes yeux papillonnent. Serait-il un fils de Rouge ?

- Bonjour, Ace, fit mon père, souriant.

Le silence lui répond. Ce prénommé Ace se contente de mettre sa veste qu'il portait à la main quelques secondes plus tôt. Son regard change subitement. Il se métamorphose en un sentiment de haine profond, une haine incompréhensible, où le feu explose, une haine que je n'arrive pas à déceler, qui est plus couramment appelé ; regard noir. Il passe près de moi, nous ignorant. C'est une blague ?

Mon visage affiche un faux sourire. Un moteur se met à ronronner, d'abord doucement, avant d'éclater dans un hurlement horrible pour les oreilles. Je grimace légèrement, étant sensible de cette partie. Puis, le sons devient de plus en plus lointain. J'entends mon père soupirer, comme ennuyé par les évènements précédents. Il reprend sa marche vers la porte et se contente de toquer doucement, sans forcer. Une voix féminine, la même que tout à l'heure, appelle deux noms qui me sont totalement inconnus –de plus, je n'ai pas pu entendre leur phonétique, la porte donne un effet pâteux à la voix. La poignée s'abaisse, la porte s'ouvre et mon souffle se coupe.

- Colin, tu es là ! sourit cette femme, Rouge.

Mes yeux clignotent, une, deux, trois fois. Ma conscience veut que cette réalité ne soit pas vraie. Elle refuse d'accepter que cette femme, devant moi, soit devenue ma belle-mère. Son visage est fin, des taches de rousseurs sont parsemées ici et là sur ses joues. Elle possède de magnifique yeux en forment d'amendes, légèrement tombant dont la couleur ressort principalement du marron. De longues boucles blondes tombent gracieusement sur sa poitrine cachée par une longue robe blanche. Elle est grande, fine et belle. Ses lèvres affichent un grand sourire heureux, je n'ai aucun doute sur ça. Tout est parfait chez elle, calculé au millimètre près. Même sa voix aigüe et douce me semble parfaite. Je colle un peu plus mon père, gênée, non, intimidée par cette femme. Ma timidité prend toujours les dessus, sans que je ne lui demande rien. Mes yeux fixent le sol, incapables de regarder plus haut. Mes joues chauffent et prennent une teinte rougie.

- Tu dois être Ren, dit-elle doucement. Entrez, ne restez pas dehors.

Mon père n'attend pas qu'elle le répète pour poser ses pieds à l'intérieur de la maison, je lui suis, instinctivement. L'entrée donne sur le salon ; gigantesque. Ma bouche s'ouvre, ébahie par ce que mes pupilles aperçoivent. Je sais, je rêve, c'est un rêve. Un rêve, un rêve, un rêve. Ma conscience, encore une fois, refuse de croire cette réalité si tentante.

L'entrée mène sur une immense pièce ouverte et lumineuse grâce à des baies vitrées qui entourent tout le lieu. Celles-ci donnent sur le jardin, encore plus important que celui de tout à l'heure. D'un côté, dans le salon, une table comportant huit places est placée non loin d'une cuisine, elle aussi ouverte sur le salon. De l'autre côté, l'espace vide est comblé par des canapés encerclant une télé haute définition, la dernière, et la plus chère du marché.

Une table basse en verre est posée au centre de cet espace, où plusieurs plantes en tout genre résident. Un peu plus à droite, en face des braies vitrées, y résident un escalier quart tournant. Tout est blanc, organisée et atrocement propre, avec certaine touche de noir.

- Vous pouvez vous asseoir, je reviens avec quelques gâteaux.

Je la vois marcher, guillerette et chantante vers sa cuisine luxueuse dernier cri. Mon père m'incite à m'asseoir sur une chaise. Je lui obéis, me plaçant à ses côtés. Mes yeux sont constamment attirés par le mobilier et distraits par les objets qui décorent la pièce. Tout à l'air de briller, pas une seule trace d'une petite poussière. Lorsque Rouge revient, les mains pleines de petits bols –à simple vu, je dirais qu'ils sont sûrement composés de cristal. Instinctivement, mon dos se redresse et mes mains se mettent à plat sur mes cuisses. Elle dépose délicatement les récipients sur la table. Nos regards se croisent, ses lèvres s'étirent et son expression devient mystérieusement douce. Mon corps est parcouru de spasmes. Cette femme m'intimide de par sa gentillesse, mais aussi par sa beauté. Je lui rends un sourire timide avant que mes yeux ne dévient sur le sol.

- Luffy, Sabo, s'il vous plait, je ne le dirais pas deux fois ! crie-t-elle d'un ton autoritaire et ferme, mais j'y décèle une certaine douceur.

J'entends des pas se précipiter plus haut, avant d'atteindre l'escalier. Un cri plaintif vient déchirer l'ambiance calme de la maison. Je vois Rouge plaquer une main contre son visage, totalement dépassée, puis soupirer lourdement. Je me tourne, curieuse d'enfin savoir à quoi ressemble le reste de ma nouvelle famille. Un garçon, ou plutôt un homme de grande taille descend lentement les marches, un sourire fourbe et fier encré sur le visage. Ses yeux sont ronds et ses iris d'un noir profond, semblable au charbon. Des cheveux blonds et ondulés tombent négligemment sur son front. Il est vêtu d'une chemise blanche pure et d'un jean simple. Déterminer son âge m'est impossible ; il semble cependant plus âgé que moi, mais ses traits fins qui entourent son visage me font légèrement douter.

- Où est Luffy ? demande Rouge, une expression neutre sur le visage, comme si c'était normal et habituel.

- Il arrive (il est pris d'un léger rire taquin).

Si je ne suis pas à la ramasse, et Dieu sait que je le suis souvent, celui-ci est donc Sabo – Luffy n'est pas encore là, j'en ai donc conclu ceci. Mes yeux refusent de quitter les escaliers, bien trop intrigués. Un garçon à l'air enfantin dévale les marches, puis glisse sur la rambarde des escaliers avant de poser ses deux pieds nus sur le carrelage blanc.

- Luffy, je t'ai déjà répété de ne pas faire ça, explique doucement Rouge.

- Hein ? Ah, désolé maman, j'avais oublié.

Il se frotte la tête, comme gêné d'oublier ces petits ordres futiles, puis un rire communicatif et idiot se glisse entre ses dents. Je ne peux m'empêcher de sourire en voyant son expression hilarante. Il possède des cheveux noirs et en bataille –et ça lui va plutôt bien. Son visage est simple, il me fait penser à un enfant. Des yeux ronds, aussi sombres que ceux de Sabo. Cependant, une cicatrice vient abimer sa joue gauche. Il porte un tee-shirt rouge aux manches courtes, ainsi qu'un pantacourt. Je l'observe s'approcher de nous, avec une démarche peu commune. Je refoule un rire. Ses yeux se posent sur moi. Ils papillonnent doucement, cherchant probablement une explication ou un raisonnement juste sur le fait qu'une personne comme moi soit là.

- C'est elle, Ren ? sourit-il de toutes ses dents (une expression communicative puisque j'entrevois sa mère sourire elle aussi).

- Oui, parle doucement Rouge, sous l'emprise du sourire de son fils. Allez lui dire bonjour.

Dans une sorte de spasme, je me lève, comme paniquée par les enchainements d'évènements brutaux et soudains. Il faudrait sérieusement que j'arrête de réfléchir et que j'apprenne à prendre les choses comme elles viennent. Arrêter de me focaliser sur des préjugés inutiles et sans intérêts.

Encore dans mes pensées, les deux garçons viennent tour à tour me serrer la main. Mes gestes suivent instinctivement les leurs. Ren, encore une fois, tes réflexions à la con ont encore pris les dessus. Par politesse, mes lèvres s'étirent, donnant un aspect faussement heureux, puisque –et je déteste dire cela-, ce sourire n'est qu'une facette. Je me rassois, regardant furtivement mon père qui semble s'être calmé depuis notre sortie de voiture.

- En fait, commença Rouge, rompant le silence progressif, nous aimerions vous parlez d'une chose, Colin et moi.

- Que vous allez vous marier ? On le sait, maman, sourit le garçon blond (Sabo, il me semble).

- Certes. Cependant, cela va devoir impliquer une autre chose, continua mon père.

- Nous allons vivre très prochainement ici, dans cette maison, tous ensembles.

Cette annonce m'arracha le peu de conscience qu'il me restait jusque-là. Cette sensation de malaise revient, s'emparant au complet de mon être. Ce même malaise qu'hier, lorsque mon père m'a annoncé son remariage. Une chose incompréhensible et probablement imprononçable compresse lentement mon estomac, lentement, se délectant de ce malaise naissant. A quoi je m'attendais, à part replonger dans ces sentiments compliqués et indescriptibles ? Je n'en sais rien.

Ce moment allait, de toute façon, arriver à un moment ou un autre. Ce jour tombé de nulle part où nous allions partir de la maison. Je ravale mes sentiments, ainsi que mes larmes susceptibles de quitter mes yeux.

- Ren, c'est surtout toi qui va être concernée, me dit doucement Rouge.

Je relève les yeux en sa direction, lentement, avant de lui accorder un sourire totalement faux et surjoué. Elle semble m'observer et m'analyser. Ma gorge est nouée, un nœud de sanglot et de larmes. Ma voix n'arrive pas franchir mes lèvres, le son est comme atténué. Ren, reprends-toi.

- Je... (je me racle difficilement la gorge) Oui ?

- Je tiens tout d'abord à te dire que nous sommes désolés d'annoncer tout cela... Très tardivement. Mais, aussi, nous avons pris cette décision à deux, en essayant de penser le maximum à toi.

- Il n'y a pas de problème, ment-je, toujours ce faux sourire accroché au visage.

- (mon père reprend la parole) Ton établissement actuel sera loin d'ici à présent. Et avec Rouge, nous avons décidé de te transférer dans le lycée de Luffy et... (à son expression, il semble hésiter) Ace, le garçon de tout à l'heure.

Reprends-toi, reprends-toi, reprends-toi.

- Ce nouveau lycée te permettra d'approfondir tes études, il est le plus réputé du Japon. Rouge... S'occupera te payer les frais de ta scolarité, continua mon père. (il pose une main sur mon épaule) Tous ces changements s'opéreront d'ici une semaine.

Tous mes membres se mettent à trembler. Ma tête souffre. Mon sang tape contre mes tempes. Ma peau est comme glaciale. Je vais devoir recommencer, tout, à zéro, encore une fois. 

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