40. quelque part sur la Terre

Lorsque Regulus avait répondu à Pandora, se trouvant culotté de lui demander l'asile après l'avoir ignoré, il fut surpris de recevoir une réponse positive de sa part. Il fut aussi surpris quand elle lui envoya son adresse, très éloignée de Londres - le Pays de Galles, vraiment ? Et il le fut encore davantage en y débarquant. 

C'était une maison au bord de la mer, un lieu désert et mystérieux. Une grande plage vide surplombée d'un ciel nuageux mais face auquel on se sentait en paix. Regulus n'eut même pas le temps de se sentir perturbé par le changement. Il se sentit chez lui au premier pas qu'il fit dans la maison. Mais il ne fallait pas trop qu'il s'y habitue non plus, il s'était juré de ne rester là qu'une semaine maximum, pour ne pas être un fardeau. Ce n'était pas comme à la collocation, Pandora n'était pas sa soeur. 

« Regulus, mon ami ! s'écria celle-ci en le voyant arriver. J'espère que tu n'es pas une hallucination causée par mon impatience, je suis si contente que tu sois là !

- Je croyais que tu n'avais pas d'hallucination visuelle ? s'étonna Regulus. 

- C'est une blague de schizophrène. précisa Xénophilius en apparaissant dans un coin de la porte. 

Il avait toujours cette attitude timide mais bienveillante qui s'accordait très bien avec la personnalité de sa femme. Regulus du lever la tête pour le regarder, un peu jaloux qu'il soit si grand (les hommes trans n'était pas souvent grands, les hormones ou opération ne faisant grandir que dans de rare cas, ils atteignaient souvent les tailles moyennes des femmes. C'était un complexe chez Regulus, qui avait cessé d'espérer dépasser le mètre soixante). 

- Je n'ai même plus beaucoup d'hallucinations en ce moment, précisa son amie. Et j'ai trouvé des antipsychotiques qui ne me fassent développer si dyskinésie tardive, ni parkinsonime médicamenteux, un vrai bonheur ! »

Regulus ne comprenait rien, ce qui n'était pas rare lorsqu'il parlait à la jeune fille, mais il fit comme si de rien était, répondant à l'étreinte dans laquelle elle l'invitait. Elle faisait partit de la liste réduite de personnes à avoir le droit de le toucher. Liste qui ne contenait plus qu'elle d'ailleurs, James venant d'en être rayé. Il grimaça à cette pensé. 

« Entre, moussaillon ! Je t'en prie. dit la jeune fille en s'écartant de l'entrée. Ne laisse pas tes chaussures dehors si tu ne veut pas que des araignées dorment dedans. 

Cette fois par réflexe, il se tourna vers Xénophilius pour des explications. 

- C'est un test, nous faisons exprès de laisser nos chaussures dehors pour les araignées. 

- Oh. »

Regulus enleva ses chaussures et les posa devant l'entrée à coté des autres. Il n'avait pas peur des araignées, pas le moins du monde, mais il doutait que le moindre arachide n'aille risquer de s'aventurer dans une chaussure quand des poutres apparentes sur lesquelles tisser des toiles par dizaine étaient à disposition. 

L'intérieur de la maison ressemblait à un vrai repère de sorcier∙es. La cuisine était tapissée de placards contenant des fioles de toutes tailles remplies de toutes couleurs, et de drôles d'objets étaient suspendus aux murs. Le décor était si atypique et en même temps si familier que le jeune homme en oublia un instant ses problèmes. Paris, le passé, la dysphorie, James... lui semblaient bien loin. 

Du moins jusqu'à ce que ses hôtes de lui posent la question. 

Et il leurs raconta. Du début à la fin, de septembre à ce début juillet, étalant toute l'histoire d'amour sous un angle qu'il n'avait jamais abordé. Il ne essaya de ne pas y idéaliser James, lui dressant sans le vouloir un portrait peu flatteur. 

« Je pensais que ce serait le père de mes enfants, acheva-t-il, mais ça a duré même pas un an. Je me sens con. 

- Tu es sûr que c'est fini ? demanda Pandora. Ce n'est qu'une dispute, il y en a toujours dans une histoire d'amour et si ça ne la détruit pas, ça la rend plus bizarre.

- Plus forte. corrigea Xénophilus. 

- Je ne sais pas, répondit Regulus. J'ai l'impression qu'il ne me comprends pas. Il a pas ma vie. Il a pas mes problèmes. Il est pas suicidaire, ni trans, il a pas de traumatismes...

- Je ne veux pas te décourager, Regulus. dit Xénophilius avec sagesse, mais tu ne rencontras jamais une personne qui sera exactement comme toi. Par conséquent, personne ne te comprendra jamais à cent pour cent. 

- Super, je suis foutu. 

- Non. Tu ne rencontreras personne qui soit pareil que toi, mais ça ne voudra pas dire que cette personne ne te comprendra pas. Vous ne serez pas d'accord sur tout, mais il y aura toujours des personnes prêtes à écouter et je crois que James en fait parti. 

Regulus fronça les sourcils, sans colère, considérant son interlocuteur. 

Pandora et lui n'était pas du tout pareil, par exemple, iels avaient pourtant l'air de se connaitre par coeur. Iels étaient comme un bon assemblage. Sirius et Remus par contre, étaient quasi-contraire, mais complémentaires. À y réfléchir, peut-être qu'il avait eu tort, en effet, peut-être qu'aucun de ses couples aussi fonctionnels soient-ils ne se comprenaient aussi bien qu'il le pensait. 

- Tout le monde a des défauts, continua Pandora. James en a, toi aussi. L'ensemble de ses défauts a mené à une dispute. C'est normal. La question est de savoir si tu es prêt à accepter ses défauts ou si tu penses que ça ne marchera pas. 

Regulus hocha la tête depuis le fauteuil dans lequel il était affalé, face au couple assis sur le canapé d'en face avec élégance. La salon était à leur image : mystérieux mais lumineux, étrange mais reconnaissable entre mille. Il se surprit à se demander si un jour il trouverait un endroit comme ça lui aussi, juste à lui.

(À lui et à James.)

- J'ai juste... peur. De tout rater avec James à cause de tout les trucs qui me sont arrivés. Tout le monde me dit qu'on ne peut pas aimer correctement tant qu'on est pas guéri∙e... ?

- Je n'étais pas guérie quand j'ai rencontré Xénophilius, contra Pandora. Je ne le suis toujours pas et il y a de grandes chances que je ne le sois jamais. Pourtant on s'est mariés, on vient d'avoir cette maison, on a des projets... Tant qu'on est l'un là pour l'autre ça marche très bien. Il n'est pas schizophrène, je ne suis pas trans, aucun d'entre nous n'est télépathe, mais ça fonctionne. 

- D'autres te diront que la grande force d'une relation c'est de communiquer. approuva son mari. Tu veux que James te comprenne : raconte-lui. »

Et cette phrase trotta dans la tête du jeune homme pendant bien longtemps sans qu'il ne sache quoi en penser. Bien après que Xénophilus ne l'ai prononcée.

Elle était là lorsqu'il accepta le thé qu'on lui tendit, lorsqu'il s'installa dans la chambre du grenier, lorsqu'il se promena près des vagues, les pieds dans le sable frais. Puis le jour suivant et celui d'après. 

Le monde avait l'air de s'être arrêté ici, c'était à en oublier tout le reste. 

Le travail qu'il devrait s'arranger pour reprendre au plus tard la semaine suivante, l'endroit où il pourrait bien aller ensuite, les notifications incessantes qu'il ignorait sur l'écran de son téléphone, la transition inachevée, le passé. 

Mais les bonnes choses avaient une fin et ce fut un sms de Sirius qui le sortit de son isolement, quelques jours plus tard, sous celui qui lui avait souhaité bon courage. 


Hello Reggie. J'espère que tu vas bien. 

Je sais que tu ne veux pas voir James en ce moment et je comprends mais, est-ce tu pourrais me voir, moi ? 

Je viens d'apprendre que Remus est malade et j'ai super peur. On pense que c'est peut-être une pneumonie. Si c'est le cas ça veut dire qu'il serait sans doute passé du VIH au sida on ne sait comment et... ça pourrait être grave. Je suis super inquiet et j'ai besoin de toi. 

Je suis désolé, c'est pas pour te forcer. On peut s'arranger pour que tu ne croises pas James si tu n'est pas prêt mais j'ai vraiment très peur. C'est peut-être égoïste mais j'ai besoin de mon frère. 

Et je crois que toi aussi tu as peut-être besoin de moi. Je sais à quel point nos parents ont pu avoir un impact sur nos vies et je crois que c'est à propos de ça que tu n'es plus là, alors, si tu as besoin moi je t'écouterais. Je sais ce que c'est. Je sais à quel point parler peut faire du bien. Je pense que ça pourrait nous apporter beaucoup à tout les deux.

Tu me manques. 

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