32. L'Ordre du Phénix

Tw : dysphorie, mentions de racisme

Au moment de frapper à la porte, toute la peur revint. Dans ces moments là, il fallait être déconnecté, regarder si elle appartenait à quelqu'un d'autre. Il fallait penser à son avenir, à tout les bénéfices qu'induiront cette situation et qui arriveront bien plus tard, James le sait. Il devrait rêver du jour où il fera des études qui lui plairont, un métier qui lui plaira, du jour où il pourra embrasser Regulus devant ses parents, leurs parler de lui ou d'un autre. Grâce à cet instant. Mais il en était incapable en ce moment. Son esprit restait encré dans le présent, rejouant en boucle les mauvaises réactions imaginaires, imprimant dans sa rétine cette maison d'enfance devant laquelle il se tenait. Il ne voulait pas qu'elle change. Il ne voulait pas que ça change. Pourtant il savait que ça devait changer, qu'on ne pouvait faire avancer une histoire en restant bloqué au premier chapitre. 

« Iels ne vont rien dire, mon pote. lui glissa Sirius alors qu'ils attendaient, plantés tout les trois sur le seuil, la main suspendue dans l'air avant de frapper. Iels n'ont jamais eut de problèmes avec moi. Ce sont des personnes tolérantes et raisonnables qui ne te voudront jamais de mal. Même s'iels ne sauteront peut-être pas de joie, iels ne te rejetterons pas non plus. Et si jamais iels le faisait, je serais là. On serait là, Regulus et moi, pour te défendre et te soutenir. 

Tu veux que je le fasse à ta place ? »

James secoua la tête en frappant quelques coups sur la parois, absent. Son coeur battait à tout rompre. 

« Tu n'es pas obligé de faire ça. » lui rappela Regulus.

Mais si, il le fallait. Il le savait. Il ne pourrait jamais avancer sans ça. Il ne pourrait jamais être la personne qu'il voulait être sans ça, il le sentait au plus profond de lui. Un frisson désagréable le parcouru quand il sentit la porte grincer, devinant déjà la silhouette de l'un de ses parents et imaginant une grimace sur son visage. 

De quoi as-tu si peur ? Tes parents sont super !  disaient les pensées des frères Black, derrière lui. Il avait honte d'avoir peur à leurs coté, eux qui avaient tout deux du fuir le domicile familial. Si lui redoutait le regard de ses parents, il imaginait à peine comme leurs ventres devaient s'être tordus à l'idée que leurs géniteur∙ices ne découvrent quelque chose d'inattendu à leurs sujet, de ce qu'iels pourraient leurs faire. Regulus devait avoir eut si peur, ce jour là, à Noël. 

Iels sont super. C'est justement pour ça que j'ai si peur de les décevoir. 

Mais ce n'était ni Euphémia ni Fleamont Potter qui se tenait derrière la porte. C'était deux yeux inconnus et pourtant reconnaissables qui leurs ouvrirent. Les yeux des Black. 

« Andromeda ?! s'exclama Regulus. Qu'est-ce que tu fous là ?

- C'est James, Sirius et Regulus ! cria-t-elle vers l'intérieur, ignorant les questions qui virent l'assaillir. 

Euphemia Potter apparu à ce moment là, fermant une porte derrière elle. James était bien trop surpris pour avoir peur, désormais. Ses objectifs lui étaient même sortit de la tête. 

- Les enfants ! On ne vous attendais pas aujourd'hui - merci Andromeda. Nous sommes en pleine réunion de l'Ordre. 

- Je croyais que vous en étiez parti∙es ? s'enquit James, mécontent que ses parents aient de nouveau à subir l'organisation et leurs idées parfois très limites, sans mots dire. Iels avaient tendance à laisser passer quand on leurs faisait des remarques racistes et ça ne plaisait pas du tout à leur fils. 

- Oh oui mais tu sais, avec les élections bientôt et Voldemort en tête, nous avons du faire des choix, mettre nos différents de coté et s'unir. C'est pas l'idéal, mais c'est notre seule solution. 

- On repassera peut-être plus tard, alors... déclara le jeune homme, bien décidé à ne pas rentrer dans le débat. Je voulais vous parler de quelque chose, à Papa et à toi... en privé. C'est important. 

- Oh non mon chéri, ça nous fait plaisir de t'avoir ! Et puis tu as fait tout ce chemin. Attends une quinzaine de minutes, qu'on ai fini, d'accord ? Surtout si c'est important. 

Une quinzaine de minutes ? Ça paraissait le bout du monde, quinze minutes de doutes et d'angoisses, à imaginer le pire. D'un autre coté, après avoir attendu plusieurs semaines, qu'étaient quinze minutes de plus ? 

- Vous voulez boire quelque chose ? proposa Andromeda après que Mme Potter ne soit retournée participer à la réunion. C'était une situation étrange pour James, de voir cette fille qu'il ne connaissait par officier comme la maitresse de maison dans l'endroit où il avait vécu toute sa vie. Les invités ont ouvert une bouteille... 

- Pas d'alcool. S'empressa-t-il alors de préciser, fronçant les sourcils, aussi bien pour Sirius que pour ses parents. Rien que ça, ce n'était rien mais c'était un bon exemple du manque de respect que les membres de l'Ordre avaient pour les cultures des autres : iels auraient du être conscient∙es qu'en général on évitait d'apporter de l'alcool chez des musulman∙es. Ne t'inquiètes pas on va se débrouiller, je sais où les choses sont, c'est ma maison.... Euh... Je suis James en fait. Je crois qu'on s'est jamais vu∙es. 

- Vous avez du vous croiser au lycée, Andromeda y était encore quand on est arrivés. C'est la plus jeune des soeurs Black. » précisa Sirius.

Le garçon à lunettes lui fit un sourire forcé, n'admettant pas qu'il n'avait pas le moindre souvenir d'elle et déclenchant malgré lui un silence embarrassé. 

« Euh... bon... Si vous voulez regarder la réunion en attendant c'est pas interdit... 

Les garçons échangèrent un regard, surtout dirigé vers James.

- Pourquoi pas. Trancha-t-il. Ça nous changera les idées. »

Ils rejoignirent le bout du couloir et se faufilèrent dans le salon à pas de loup. C'était la plus grande pièce de la maison des Potter mais, occupée par plus d'une trentaine de personne, elle semblait bien étroite. James y reconnu de nombreux visages familiers qu'il n'appréciait pas plus que ça, d'autre qu'il était heureux de retrouver. Alice et Frank virent même se joindre à eux. Iels ne pouvaient pas se parler, cependant, parce que Fleamont Potter se tenait face à l'assemblée, dos à une large fenêtre qui donnait sur un petit jardin. Seul la main tremblotante cachée dans son dos traduisait son stress, sa voix portant un discours maitrisé. 

Il n'avait jamais été un homme très bavard, mais, dans l'urgence de la situation il était éloquent. James savait que dans une autre situation, durant un autre rassemblement, il n'aurait pas pris la parole de cette manière. Mais il était chez lui et il présidait, pour une fois. C'était dans les coutumes de l'Ordre du Phénix d'arranger un nouveau quartier général à chaque nouvelle réunion. Chaque fois, la personne qui avait arrangé ça se révélait bien plus apte à parler qu'ailleurs. Fleamont Potter n'avait jamais été assez alaise pour tenir un discours en dehors d'ici. Il était pourtant l'une des personnes les plus importantes à écouter dans le parti, les idées de Voldemort le touchant directement.  Des britanniques nés au Pakistan qui avait subit le racisme toute leurs vies sous de trop nombreuses formes et vécu dans la pauvreté, ça ne courait pas les salons chez les profils intellectuels des membres de l'Ordre. Et James savait par expérience qu'ils avaient bien moins l'occasion de s'exprimer que les vieux blancs bourgeois. 

Et là, ça le frappa. Ses parents participaient à un mouvement politique contre les idées intolérantes de Voldemort. Ses parents étaient prêt∙es à mettre de coté leurs différents, à subir les commentaires de chaque membres de l'Ordre sur eux, sur leurs origines, sur leurs classe sociale ou leurs façons de vivre pour oeuvrer à un monde meilleur. Jamais ses personnes ne rejetteraient leurs fils pour sa sexualité, ni son copain pour son identité de genre, c'était une évidence, et après le clin d'oeil tout doux que lui adressa sa mère, juste comme ça, il sut qu'il n'avait pas à avoir peur. 


Regulus, en revanche, sentait son corps se figer. Il se sentait tout sauf en sécurité dans un environnement pareil. Beaucoup des personnes qui l'entouraient avait été ses professeurs ou connaissait son nom. Son ancien nom. Parmi celleux qui ne le connaissait pas se cachaient d'autres qui ne comprendraient pas. Iels le verrait comme une fille et iels ne changerait pas d'avis. Il ne leurs en voulaient même pas. Il avait Sirius à coté de lui. Sirius qui était ce qu'il n'était pas : une meilleure version de lui. Un garçon cisgenre, sans problèmes de sociabilité, capable de tenir tête, beau, fort. Tout ce qu'il n'était pas. Et tout le monde le voyait. Lui-même ne comprenait pas comment il avait pu ne pas s'en rendre compte plus tôt. 

Et le ciel, dehors, était trop blanc à lui exploser les yeux. Le brouhaha nouvellement déclenché bien trop fort, la foule trop dense, trop proche de son corps et empiétant sur son espace. Il ne se sentait pas bien. 

« Reg ? Tu veux qu'on sorte ? » 

C'était Sirius. 

Incapable de parler, il hocha la tête et ils zigzaguèrent de nouveau entre les corps jusqu'à la sortie. Là, il aurait du pouvoir respirer mais c'était impossible. Si ses sens n'étaient plus brouillés, Sirius et la dysphorie étaient toujours là. 

Après de longues minutes à ne faire qu'écouter les sons étouffés qui leurs parvenait depuis l'autre coté du mur, Regulus soupira et décida de lui raconter. D'expliquer à Sirius ce que ça faisait. Pourquoi il pouvait être jaloux de lui, honteux, très heureux mais de façon bancale. Cette sensation que ce serait comme ça pour toujours. 

« Quand on était petits, demanda Sirius  à la fin, tu ressentais ça aussi ? Tu savais que tu étais un garçon ? 

- Non. Je ressentais ça, je me sentais mal, très mal, mais je ne savais pas pourquoi. Je n'ai pas su pourquoi avant il y a un ou deux ans. 

- Comment t'as su ? 

- Je ne sais pas tout à fait. J'ai essayé de parler de moi au masculin, de cacher ma poitrine, me faire passer pour un gars de temps en temps sur internet, juste pour voir. Je me disais que c'était peut-être ça, depuis le début, qu'au pire ça ne coutait rien d'essayer... J'avais raison. J'ai commencé à aller mieux exactement à ce moment là. Pas pour tout, il y avait et il y a toujours des périodes sombres, j'ai d'autres problèmes, j'ai toujours été bizarre même au delà d'être trans, mais... ça a quand même changé beaucoup de choses. 

- T'as du te sentir super seul. 

- Ouais. 

Sirius soupira s'enfonçant pour de bon dans le canapé qu'ils avaient envahit durant le monologue du cadet. (Il avait du être improvisé porte-manteaux car on y comptait une montagne de couches de tissus, si bien qu'il était difficile de déterminer sa couleur originale en dessous).

- Quand j'ai découvert que j'étais gay c'était pareil. Au fond je le savais depuis un moment. J'avais jamais regardé une fille de ma vie, mais... ça m'a quand même fait un sacré choc. Et puis j'étais encore chez les parents, avec tout mes amis qui étaient hétéros... L'ironie c'est que maintenant plus aucun d'eux ne l'est. 

- Tu ne savais pas ? Remus n'était pas très discret à ce sujet... 

- "Il ne lisait que des romans gays", c'est le genre de trucs que toi tu remarques. Moi je ne lis pas. Rien ne ressemble plus à un bouquin qu'un autre bouquin quand on lit pas. Et puis j'étais dans un tel déni que même si deux mecs s'étaient embrassés sur la couverture je leurs aurais trouvé un alibi hétéro. Je crois que j'en serai encore là sans Remus. Il s'est assumé avant moi et c'est lui qui m'a fait comprendre que... tu sais. Ça irait. Toi tu n'avais personne pour ça, si ?

- Des personnages de fictions, quelques internautes, des ami∙es en ligne à l'autre bout du monde dont je n'avais jamais vu les visages, ouais. Dans ma classe en troisième il y avait un mec trans mais je n'ai jamais eut le courage d'aller lui parler. Et puis je ne savais pas encore... »

Ils durent s'interrompre, car la porte s'ouvrit et que tout le monde commença à en sortir détruisant le nouvel habitat des deux frères en récupérant leurs effets. James les rejoignit au bout d'un moment, se séparant de Frank et Alice pour s'assoir à coté d'eux sur le canapé, dans l'entrée. 

« Ça va ? demanda Regulus. 

- Ouais. répondit James, sincère. Mieux. » 

Son expression ne changea même pas au moment où, les invités parti, sa mère et son père eurent enfin le temps de s'installer près de lui pour l'écouter. À l'intérieur non plus il n'était même plus effrayé. La réaction dont il aurait rêvé aurait été un "ok" indifférent suivit de quelques instants de gêne. Il savait que ce ne serait pas le cas, qu'iels y auraient des questions et des remarques maladroites, ou déplacées, mais il était prêt. 

Plus ou moins. 

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