31. Masculinité
Tw : transphobie intériorisée (?)
On entendait des coups à toutes les portes. Savoir si Regulus avait une ouïe surdéveloppée ou si l'appartement était mal isolé, c'était autre chose. James n'était pas à ses cotés, chose rare à sept heures du matin, surtout dans une grosse période de déprime.
Il se redressa dans les draps froissés qu'il avait du s'accaparer dans son sommeil pendant que son amoureux les rejetait. L'un n'aimait pas être emmailloté, l'autre aimait la sensation d'un poids tout doux sur lui, comme s'il était de nouveau petit, caché dans une cabane avec son frère, à l'abris des foudres parentales. Le jour brillait déjà par la fenêtre dont personne n'avait fermé les volets. Regulus comprit que c'était les voix des autres qui l'avait réveillé, il tendit l'oreille.
« Il est sept heures ! grondait la voix faible de Sirius. Et c'est mon jour de congé.
- Justement, si on part maintenant on y sera tôt. Et je veux que tu sois là. Il est où Remus ?
- Chez ses parents. Il est malade et il ne vit pas ici légalement, tu sais. Regulus non plus d'ailleurs. Il serait tant de trouver une solution pour ça parce que le proprio va finir par s'en rendre compte et qu'on va passer un sale quart d'heure.
- Héberger son frère c'est la moindre des choses !
- Frère ou pas, s'il paye pas de loyer le proprio le verra pas de cet oeil.
- Il est pas obligé de le savoir, ça fait des mois et il s'est rendu compte de rien.
- Lui, peut-être, ce foutu concierge de Rusard, c'est autre chose. Il tardera pas à mettre son gros nez dans nos affaires.
- Regulus vit dans ma chambre de toute façon. Et puis c'est pas comme si on consommait une somme astronomique d'eau ou d'électricité. On sait pas cuisiner et Regulus voit dans le noir.
Comme pour le contredire, ce dernier se cogna a un meuble, attirant le regard de ses deux colocataires. Décidant vite de leurs faire un petit signe de main.
- Il a toujours été là ce meuble ? s'enquit-t-il en considérant la table basse en question.
- Je l'ai poussée hier pour chercher mon téléphone, j'ai du oublier de le remettre... désolé. répondit James, se tournant alors vers Sirius et enchainant vite : ET maintenant que vous êtes tout les deux réveillés on y va.
- On va où ? s'écria Regulus, un peu paniqué parce qu'il avait toujours besoin d'au moins une heure de préparation psychologique avant de se rendre dans un endroit surprise.
- Chez papa et maman Potter ! Pour que James ai une bonne grosse conversation avec elleux au sujet de son avenir.
- Et pas que de mon avenir, annonça ce dernier en regardant Regulus. Enfin... si tu es d'accord.
- D'accord de ? interrogea Sirius.
- Le dire à mes parents, pour... nous deux.
- C'est un coming-out ?
- Ouais, on peut dire ça...
- Il ne le verrons peut-être pas de cet oeil. lâcha Regulus sans réfléchir, attirant des regards confus. Je veux dire... S'iels comprennent que je suis trans, que à la base je suis une fille... on est dans une relation hétéro.
- Tu es un garçon, je te vois comme un garçon, je t'aime en temps que garçon. Je ne vois pas à quel moment notre relation à quoi que ce soit d'hétéro. Et puis iels ne savent pas que tu es trans et iels n'ont pas à le savoir.
- Je croyais que tu voulais être honnête avec eux ?
- À propos de moi, pas de ce qui te concerne. Tu as le droit d'avoir tes affaires perso sans que mes parents ne soient au courant. Ni moi, d'ailleurs. »
Mais Regulus était sûr qu'il ne ferait pas illusion bien longtemps. Il avait au mieux l'air d'un garçon de douze ans, au pire d'une fille travestie maladroitement, il le savait. Pour l'instant il n'avait pas d'autre choix. Quelque chose le trahirait tôt ou tard et ça lui faisait peur. Il se sentait comme un voleur, un usurpateur à l'idée de se présenter comme un "vrai" garçon, mais il se sentait ridicule, déguisé, quand les gens savait. Il avait peur d'avoir l'air d'un mauvais comédien qui jouerait un rôle sans rien y connaitre, persuadé de savoir faire. Il avait l'impression de s'approprier quelque chose quand il y pensait.
Lui n'avait pas été élevé comme un garçon, jamais éduqué à ne pas pleurer, à être viril, à ravaler toute la féminité qu'il pouvait contenir. Lui n'avait jamais subit les remontrances de ses parents parce qu'il avait piqué un rouge à lèvres à sa mère - et pas pour des peintures de guerre. Sirius, par contre, avait été viré de chez les Black pour moins que ça. Sirius lui en voulait-il ? De se prétendre garçon quand il n'avait pas vécu la moitié de ce qu'avait vécu les autres garçons ? Pas de bagarre à mains nues pour un rien, de passion pour les voitures ou d'équipes de foot préféré. Pas d'injonction aux conquêtes sexuelles ou de pression sur la taille d'un organe qu'il n'avait de toute façon même pas. Que savait-il de la masculinité, après tout ? Ils la cultivait tous depuis leurs naissance, lui n'avait commencé pour de vrai que quelque mois plus tôt.
Que penserait le père de James, issus d'une génération encore plus pointue sur les questions du genre ? Que penserait sa mère, qui avait appris à vivre en temps que femme dans un monde où être une femme était passible de mort, sans autre choix ? Lui avait choisit la solution de facilité en passant dans le camp des garçons, c'était ce qu'elles disaient... pourtant il avait plutôt l'impression que dans un camp comme dans l'autre il ne serait jamais accepté. Jamais tout à fait l'un, jamais tout à fait l'autre.
Mais il avait ressassé ce genre de pensées trop longtemps. Les vécus de tout les hommes étaient différents, au fond, non ? James n'avait pas le même vécu que celui de son père, de Sirius, de Remus ou même de Peter. Ils n'avaient pas les mêmes âges, origines, orientations sexuelles et romantiques. Pas les mêmes vies, les mêmes intérêts ou les mêmes problèmes. Alors être trans c'était peut-être aussi juste un vécu masculin de plus. Était-ce une excuse ? Les garçons lui en voulait-il de se considérer comme un garçon lui-même ?
Quand il trouva le courage de leurs poser la question, un peu plus tard, dans le train - vide à cette heure-ci. Sirius rit, en faisant tomber son sac à dos par terre.
« C'est pas drôle ! protesta Regulus.
- Tu réfléchis trop, petit frère. Les gars sont trop imbus d'eux même pour se sentir menacé par ce qui est ou pas de l'appropriation. Si tu veux tout savoir, j'étais plus content d'avoir un frère, ça nous rapproche. De quoi j'aurais parlé avec une soeur ?
- De garçons ? De maquillage ? De vêtements ? Tu aurais plus de point commun avec n'importe quelle soeur qu'avec moi.
- Une soeur hétéro et normie ? Elle m'aurait jugé plus que n'importe qui ! Et jamais elle aurait quitter la maison familiale. Une soeur ça aurait été une autre Bellatrix. Une Andromeda au mieux. Je préfère un frère queer.
- Tu as une vision désolante des femmes. fit remarquer James, plaisantant à moitié. Elles sont toutes différentes et de biens meilleures personnes que la plupart des hommes.
- Reg', méfie toi, ça veut dire qu'il retombe dans une phase Lily Evans. »
Regulus rit, mais ses doutes étaient trop forts pour ne pas y croire au moins un peu. James n'était jamais sortit qu'avec des filles. Que lui trouvait-il ? Était-ce sa part féminine qu'il aimait ? Le voyait-il vraiment comme un garçon, comme il le prétendait ? Était-ce même possible ? Lui-même voyait encore parfois comme une fille quand il se regardait dans le miroir.
« Je t'aime parce que tu es toi. dit James en lui prenant les mains, voyant que son visage s'était fermé. Si tu avais été une fille je t'aurais aimé aussi, si tu n'avais été aucun des deux aussi. Ça n'a pas d'importance pour moi.
- Ça en a pour moi. Que tu ne me vois pas comme une fille ou pas.
- Je ne te vois pas comme une fille !
- Tu faisais une très mauvaise fille, Reg', de toutes façons. assura Sirius.
- Parce que je fais un meilleur garçon ? Je ne suis pas assez masculin, je sais pas m'imposer, j'ai un "corps de fille"...
- Tu fais une meilleure personne, coupa James. Plus heureuse et forte. C'est l'important, non ? Tu ne vas pas non plus tomber dans les failles des hommes et de leurs masculinité toxique. Tu es un homme et je dis pas le contraire, mais avant tout tu es toi, et tu es Regulus. Et comme tout les hommes tu as trouvé et trouvera encore ton identité et ta masculinité par la même occasion. Et je t'aime comme ça.
Regulus sourit. Sirius aussi, mais sa présence fit que les deux autres ne firent rien de plus que se serrer la main, voulant s'embrasser. Celle de James tremblait. Regulus avait presque oublié que pour lui aussi c'était un jour difficile. Un coming-out était toujours une épreuve. Il se souvint comme il avait eut peur de dire son prénom à l'école, puis de tout avouer à Sirius, de l'angoisse qui lui tordait le ventre à l'idée que ça parvienne aux oreilles de ses parents... Il reprit, aussi bien pour lui que pour son copain :
- Avant, je me réveillais en me disant que c'était le dernier jour de ma vie parce que j'avais envie de mourir, que je tiendrais pas longtemps comme ça. Maintenant je me réveille en me disant que je vais être Regulus et que ça va aller. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top