18. bousculés
TW : mentions de suicide et de harcèlement (rien d'explicite)
Et vous allez nous haïr, Sirius et moi.
Le 31 décembre, c'est-à-dire le soir même, une fête était prévue chez un∙e ami∙e d'ami∙e. James n'avait aucune intention de s'y rendre. Il ne l'avait dit à personne, ne voulant pas faire de peine, mais il n'était pas en état de revoir qui que ce soit et il n'avait pas assez d'énergie pour une nouvelle fête.
Il regarda les autres sourire toute la journée, se parer de paillettes en attente de la fête, prévoir ce qu'il fallait apporter ou se préparer à ce qu'il faudrait dire. Lui resta dans sa chambre. Il traina sur son téléphone pendant des heures sans rien faire d'autre, essayant de ne faire attention ni à la liste de choses à faire posée sur son bureau depuis deux semaines, ni aux rires de ses amis audibles à travers les murs. Il finit aspiré dans une spirale de vidéos courtes.
Dans l'après-midi il en fut tiré par l'ouverture de la porte de sa chambre. Il se rendit compte qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il avait bien pu regarder pendant toutes ces heures, c'était comme s'il avait cessé d'exister un moment. Seules quelques bribes lui revenait et il avait des chansons dans la tête.
Il leva la tête vers Sirius - ça ne pouvait être que Sirius, les autres auraient prit le temps de frapper avant d'entrer - qui lui souriait dans un accoutrement improbable et des paillettes autour des yeux. Ça lui allait quand même bien, parce que tout allait bien à Sirius, mais James ne put s'empêcher de rire.
« Oh ça va ! t'as vu ta gueule, toi ?!
- Je ne te permet pas ! J'ai beaucoup de succès je te ferait dire !
- C'est ça, tu parles. »
Sirius se jeta sur le lit à coté de son ami et se mit à jouer avec un coussin en le faisant jongler dans ses mains.
« Tu faisais quoi ?
- Je scrollais sur les réseaux sociaux tel le zombie perdu dans l'enfer numérique que je suis.
- Mhm. Et t'as pas songé à te préparer pour le réveillon auquel nous sommes censé aller dans une demi-heure ?
James souffla, se laissant tomber sur le dos pour regarder le plafond. Son téléphone sans batterie était mort à coté de lui, toutes formes de réconfort avec.
- J'y vais pas.
Il ne voulait pas regarder Sirius mais il finit par le faire quand même, trop conscient du regard que le jeune homme exerçait sur lui.
- Tu sais que je le vois quand tu ne va pas bien, hein ? Et que là ça va clairement pas, on s'en rend tous compte.
- Ça va.
- James. Pas à moi. Tu peux tout me dire tu sais ? Il y a une époque où on se disait tout.
Pendant une seconde James le détesta, juste une seconde. Parce que c'était faux. Ça fait des années qu'ils gardaient des secrets l'un pour l'autre. Sirius n'avait pas parlé à James de son homosexualité quand il l'avait découverte, il n'avait rien dit de la façon dont ses parents le traitait, il n'avait rien dit pour Remus, il était tombé dans la drogue et l'alcool dans l'indifférence générale. Encore aujourd'hui, James était persuadé qu'il ne sait pas tout. Il s'en fichait, désormais, parce qu'il avait appris à comprendre qu'il fallait des limites dans toutes les relations, même avec les personnes qu'on aimait beaucoup. Tout le monde avait le droit à un jardin secret.
Il manqua de le relancer sur ses propres secrets. Il ne le fit pas, il regarda le vide et prit une inspiration. S'il devait le dire à Sirius, il ne saurait pas par quoi commencer.
- J'ai juste l'impression d'être une très mauvaise personne.
Il ne vit pas la réaction de Sirius, il ne voulait pas la voir. Il avait peur que le ton de sa réponse ne soit moqueur et il sentit déjà son coeur se serrer à cette idée. Il se redressa et s'assit comme pour s'éloigner. Sirius fit de même mais pour le suivre. Il lui toucha doucement la joue pour lui faire tourner la tête puis le lâcha. Leurs yeux maintenant plongés les uns dans les autres.
- Ça n'existe pas les mauvaises personnes. Ni les bonnes personnes. On est tous un peu des deux. dit le garçon au cheveux longs, sans lâcher James du regard.
- Pourtant il y a des personnes qui ont commis des crimes, d'autres non. rétorqua l'autre.
- Les gens ont des raisons de commettre des crimes.
- Pas moi.
James sentit son regard se brouiller. Il allait pleurer. Tout était flou et tout était trop.
- T'as pas commis de crime ! répondit Sirius en haussant les sourcils.
- J'ai tué Severus Rogue ! s'écria James du tac au tac, en colère plus contre lui-même que contre son meilleur ami.
Sirius eut un mouvement de recul, ses sourcils se fronçant cette fois.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Severus s'est suicidé ! La seule personne qui l'a tué c'est lui-même !
- Mais je l'ai poussé au suicide ! Je l'ai harcelé. Si je n'avais rien fait, si je ne l'avais aidé au lieu de l'enfoncer il serait encore là.
- Tu n'en sais rien !
- L'école aurait put être le seul endroit où il se serait sentit heureux, comme ça l'a été pour toi pendant un moment, non ? Un sanglot le coupa mais il continua : À la place j'ai fait de cet endroit un cauchemar. Je l'imagine y aller tout les matins avec la boule au ventre en se disant, "Qu'est-ce que James risque encore de me faire ?" Et moi je m'en rendais même pas compte d'à quel point je lui faisait mal. Pour moi c'était un jeux. Je n'ai pas compris, je n'ai aucune empathie... Je suis un monstre.
Sirius secoua la tête en agrippant la main de James, tentant de le remuer.
- Tu n'es pas un monstre. Ça n'existe pas, les monstres. J'étais là moi aussi. On était tous là et on a tous participé. On a tous harcelé Severus alors on est tous des monstres. Mais on a changé. On a grandit, c'est passé !
- Ce n'est pas passé ! UN GARS EST MORT !
- Il est mort, oui. C'est horrible. Mais tu ne l'a pas tué. »
Sirius pris une pause.
« Écoute James. J'ai connu un petit garçon à lunettes qui m'a tendu la main le premier jour de collège alors qu'il savait très bien que je venais d'une famille de connards et qui me supporte depuis dix ans maintenant. Il m'a accepté immédiatement quand je lui ai fait mon coming-out, il a crée une compagne de prévention quand les gens emmerdait Remus parce qu'il avait le VIH, il a sauvé des petits qui se faisaient tabasser par des lycéens, en seconde. Ha oui ! Et il a fait de chaque jour que je passais à l'école une journée magique pour me sortir de ma vie de merde. Tous les jours lui et mon copain m'aide à ne pas retomber dans la drogue et sans lui, je crois que je serais déjà mort. Ce garçon, c'est toi, James. Pourquoi est-ce que tu ne vois que le négatif alors que tu as fait tellement de bonnes choses ? Moi à coté de toi je n'ai fait que me plaindre, m'enfoncer de plus en plus profondément alors que je savais que tu aurais été là. C'est moi qui est l'impression d'être une mauvaise personne quand je suis avec toi, James.
- Ce n'est pas pareil... tu avais des circonstances atténuantes. Tu vivais une période difficile.
- Et toi ? Tu sais on a pas à comparer nos problèmes, toi aussi tu as eu des galères, comme tout les ados.
- Pas des grosses galères. contrecarra le jeune homme. Je m'en souviens même plus.
- Pourquoi les tiennes seraient moins valides que les miennes, hein ?
- Parce que je n'ai pas eu de traumatismes, rien de grave. Rien qui justifie d'être un harceleur.
- Parce qu'il y a des choses qui le justifie, tu crois ? Alors quoi ? Tu as harcelé quelqu'un et ça doit de te hanter jusqu'à ta mort ? Tu n'as plus le droit de faire quoi que ce soit ? Oui c'était pas bien, c'était une erreur, une belle connerie même, qui a surement contribué à un événement malheureux... mais maintenant il faut que tu apprennes à vivre avec ! Avec. Mais vivre. Pas te morfondre en te disant que tu es une mauvaise personne de toute façon, ça c'est juste le meilleur moyen d'en devenir une ! Plus tu es tolérant envers toi-même, mieux tu te sentira, plus tu seras bon avec les autres. Tu veux être une bonne personne, commence par t'aimer ! Et il y a de quoi t'aimer !
- Vas dire ça à quelqu'un qui a été harcelé, que c'est son harceleur a fait son arc de rédemption et qu'il faut lui pardonner.
- Je pardonnerais à certaines personnes si elles me présentaient des excuses et qu'elles se rattrapait. contredit Sirius, même si son ami eut du mal à voir que qui il pouvait bien parler.
- Pas à tes parents.
- Mais parents ont fait dix fois pire que ce que tu as jamais fait à Severus.
- Ça ne veux pas dire que ça ne l'as pas fait souffrir.
- James »
Ils s'interrompirent. Parce que ça ne menait nul-part. James reniflait beaucoup et avait de enlevé ses lunettes pleines de buée pendant une seconde. Sirius était à ses cotés, contre lui et il ne savait pas bien ce qu'il attendait de lui.
« Stop. reprit-il. Tu te torture pour rien.
- La mort de quelqu'un. C'est pas rien.
- Si je te disais que j'avais fait du mal à quelqu'un, tu penserais que je mérite de mourir ?
James se tourna vers l'autre, perplexe, il trouvait cette situation hypothétique très moyenne mais décida d'entrer dans le jeux parce qu'il le faisait toujours avec Sirius.
- Bien sur que non ! il s'écria sans réfléchir. Personne ne mérite de mourir. Je ne souhaite la mort de personne, je pense que tout le monde mérite de vivre, que les tuer ce serait se mettre à leurs niveau. Que ça ne ferait que rendre le monde encore pire. Et je crois aux secondes chances.
- Mais pas pour toi, hein ?
James soupira. Bien sûr qu'il était plus exigeant envers lui-même : il ne pouvait pas faire trop de choses qui déplairaient à son esprit, il allait passer toute sa vie dedans !
- C'est pas pareil.
- Pourquoi pas ? Pourquoi t'aurais pas le droit à une seconde chance ? »
James versa une nouvelle larme que Sirius essuya du bout des doigts. Et tout d'un coup ils réalisèrent à quel point leurs visages étaient proches l'un de l'autre.
Et puis tout se passa très vite, savoir si c'était une rupture avec le monde ou leurs pieds débarquant violemment sur Terre c'était une autre histoire.
D'un coup, Sirius l'embrassait. James y répondit un peu, un moment, peut-être parce qu'il était perdu. C'était sans douté déjà arrivé au court d'une soirée, d'un pari, au collège ou au lycée. Mais cette fois c'était plus que ça parce que ça ne visait pas à faire rire ou à prouver quelque chose à qui que ce soit.
Mais James visualisa le visage de Remus à qui il ne voulait jamais faire de peine. Celui de Regulus qu'il aurait aimé toucher de cette façon.
Il posa ses mains sur les épaules de Sirius pour le repousser en douceur. Il ne voulait pas lui faire de peine mais c'était une connerie, il le savait. Ils le savaient tout les deux.
- Sirius arrête. Faut pas faire ça. Tu peux pas faire ça à Remus.
Et tu ne peux pas nous faire ça.
Sirius pleurait lui aussi quand ils se séparèrent. Il se détourna de James en réalisant ce qu'il avait fait.
- Merde.
Merde
Merde
Désolé. »
Un juron pour Remus, un juron pour lui-même, un juron pour avoir planté un coup de couteau dans l'amitié qu'il partageait avec James depuis si longtemps. Toute la confiance en lui que Sirius avait plus tôt semblait s'être envolée.
Il se leva assez vite et partit de la chambre, sans un mot.
Il ferma la porte, laissant James encore plus seul qu'il ne l'était avant son entrée.
Il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et se fermer un peu plus tard, soulignant le départ de tout le monde.
Ou du moins il le croyait.
À minuit il sortit enfin de sa chambre à la recherche de quelque chose en guise de repas du soir, toujours d'humeur morose. Il n'y avait rien dans le frigo, aussi finit-il par se faufiler bredouille dans l'appartement noir pour regagner la porte de la chambre.
Il s'arrêta un moment, réalisant la présence à moitié endormie de Regulus, allongé sur son canapé/lit mais les yeux ouverts. James avait l'impression que même dans l'obscurité on pouvait voir les sillages qu'avaient laissé ses larmes. L'anxiété l'habitait, la peur de perdre Sirius en plus. Il avait l'impression que c'était la fin du monde.
« Bonne année. murmura Regulus et James trouva que son chuchotement était le son le plus rassurant qu'il ait jamais entendu. Un petit pansement sur son coeur en morceau.
- Bonne année. » Il répondit.
« Je peux dormir là ? » lâcha-t-il tout bas, au bout d'un moment.
Regulus hocha la tête et se décala pour lui faire une place. Il espéra que l'autre n'entendait pas son coeur tambouriner dans le silence et ne pouvait pas lire dans ses pensés. Il osa poser une main dans celle de Regulus qui la serra en retour. À se stade de toute façon, plus rien n'avait d'importance.
C'était la nuit, il penserait à tout ça à son réveil.
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