17. nouvelle normalité

Le soleil lui donne envie de vivre. La transition lui donne envie de continuer, le livre qu'il lit l'encourage à avancer. Le regard de James le rend aussi heureux qu'il le rend nerveux, qu'il le rend triste. James ne voudra jamais de lui, et d'un coup il pleut dehors, il doute de sa transition et le livre qu'il lit lui parait l'éclat d'une vie à laquelle il n'aura jamais le droit. Pourquoi a-t-il choisit une romance ? 

Parfois il se met à pleurer, parfois il a l'impression de ne pas avoir d'émotions. Parfois il a juste l'impression qu'il est si petit qu'il ne peut pas ressentir plus d'une chose à la fois, une drôle de fée clochette. Il sourit tout seul et il recommence à pleurer, d'être trop sensible seul, trop froid face aux autres. Il ne saurait pas leurs dire, il n'a pas assez de courage pour toutes les folies qu'il a besoin d'accomplir. Il voudrait obtenir une mammectomie, retourner à l'hôpital (peut-être, trouver de l'aide), demander à James ce qui ne va pas, rattraper le temps perdu avec Sirius, et avec lui-même. 

Avant hier, c'était sa première vraie fête. Il a dix-neuf ans et il voudrait être allé à plus d'une fête, avoir vécu plus de choses, quitte à avoir fait des erreurs. Mais il a tellement de choses à faire qu'il croit se retrouver de nouveau au pied d'une montagne. Il a été piégé dans le confort et ne veut pas en sortir. Il ne veut pas du jugement de Sirius, de Remus, pire, de James. Il voudrait n'être plus jamais dépendant du regard de personne mais, bon, la considération des autres vient avec l'amour. Il ne peut pas tout faire pour lui, il faut trouver des compromis. Savoir pour James sans lui faire de mal, par exemple. 

Alors il ne fait rien, il attend. Il devrait chercher du travail ou réviser mais il est bloqué par sa propre conscience sur le canapé du salon tandis qu'il dévore livres sur livres. Quand il n'en a plus il pique ceux de Remus ou cherche une histoire sur son téléphone. 

N'importe quoi sauf la réalité. 

« Hey. 

Sauf s'il y a James...

- Hey. il répond, levant les yeux des réconfortants labyrinthes de lettres. Il laisse les projections de son esprit se dissiper, les personnages et les paysages imaginaires disparaitre pour observer James.

Celui-ci a les yeux cernés, dernières traces des larmes de la veille. 

- Bien dormis ?

Il l'oublie toujours, celle-là. Il y a des codes qu'il n'aura définitivement jamais. Son coeur se serre, parce que c'est plutôt à James qu'il faudrait demander. 

- Et toi ? »

Il hausse les épaules. Bien sûr que non.

Regulus se décale pour lui faire une place sur le canapé, essayant de ne pas penser à la honte qui le parcours quand il pense à leurs étreinte de la veille. Il a été trop impulsif, il a oublié où il était et s'est senti trop en confiance, le genre de trucs qui brise la confiance. Il regrette. 

« Où sont Sirius et Remus ?

- Je sais pas. Ils travaillent peut-être, ou alors ils sont parti se faire une sortie, un ciné, un truc d'amoureux.

James sourit et la honte du second jeune homme est dissipée, il a juste envie de le reprendre dans ses bras. Il croit que son coeur s'arrête quand il demande :

- Tu veux faire un truc toi ?

- Quoi, aujourd'hui ? Tout les deux ? Pourquoi ?

- Pourquoi pas ? rit le jeune homme en réajustant ses lunettes. C'est les vacances. Et les derniers jours avant les bonnes résolutions ce qui signifie qu'on a le droit à de grosses conneries avant de prendre de nouveaux départs.

La perspective de passer du temps avec James le remettait dans une position de confusion. Devait-il être angoissé ou s'en réjouir ? Il aurait préféré laisser les choses se faire mais il savait que James lui demanderait de choisir. Il ne se sentait pas capable de prendre une décision, on le lui avait empêché et il se l'était empêché pendant très longtemps. 

... Et puis je veux échapper à Molly. (Devant le regard perdu de Regulus, il éclaircit :) c'est une de nos ami∙es, elle est un peu plus âgée que nous mais elle a déjà deux enfants. Il y a une manifestation contre Voldemort aujourd'hui pas très loin d'ici et elle ne veut pas emmener ses enfants là-bas donc Remus a proposé de les garder. 

- Je peux y aller ? 

- Quoi, où ? 

- À la manif contre Voldemort. 

- Oh... si tu veux mais c'est pas une manif tout à fait autorisée... et puis c'est une action, il faut faire parti de leurs mouvement pour y entrer. L'Ordre du Phénix, ça s'appelle. Fantaisiste, hein ?

- Tu n'y es pas, toi ? 

Il regrette parce qu'il sent que James se crispe. 

- J'y étais - tu te doute de ce que je pense de Voldemort mais... enfin... il y a des trucs qui m'ont fait partir. 

- Les trucs qui t'on fait-faire une crise d'angoisse hier ? risqua Regulus.

- Entre autre. Les remarques raciste dans ce groupe anti-raciste aussi. Il comprenait jamais que je risquais plus qu'eux si je me faisais arrêté. 

- Je suis désolé, marmonna Regulus en baissant les yeux vers ses mains, se rendant compte que son T-shirt dévoilait ses vieilles cicatrices. James les avait sans doute vues, il lui était reconnaissant de n'avoir rien dit. Il enfila vite un sweat-shirt pour les cacher et réalisa du même coup qu'il n'avait pas remis le binder qu'il avait enlevé pour dormir. N'importe qui étant passé dans le salon avait du remarquer la forme de ses seins à travers le tissus, ça le rendait malade. 

- Oh c'est pas de ta faute, dit James, le sortant de ses pensés.

- Tu dirais pas ça si tu savais toutes les horreurs racistes que j'ai pu sortir quand j'étais petit. 

- T'as été élevé comme ça, répondit James en haussant les épaules. Et puis ça fait longtemps, l'important c'est que tu ai changé. »

Son interlocuteur ne pensait pas que ça suffisait, mais il ne répondit pas. 


À dix ou onze heures ils sortirent en ville. Regulus s'arrêtait devant toutes les bibliothèques et James devant tout les cinémas. Ils finirent par rentrer dans l'un comme dans d'autre mais sans rien voir ni acheter. Ils parlèrent pas mal, un peu effrayé l'un par l'autre. Regulus voulait en savoir plus mais n'osait jamais poser de vraies questions, formant détours sur détours pour comprendre. 

Comme ils luttaient encore plus communiquer, ils passèrent devant un magasin qui vendait de grandes affiches de films avec de belles couleurs dans lesquelles ont avait envie de se plonger pour atterrir dans un autre monde. James sourit en pointant du doigt l'une d'elle, dans le fond d'une vitrine, des enfants devant un gigantesque ciel bleu en contre jour, à peine visible, le titre en grand. Stand by me. 

« C'est le film préféré de Sirius. Dit-il, et Regulus se sentit un peu bête de ne pas le savoir. Tu l'as vu ?

- J'ai lu le livre. 

Ça amusa le garçon à lunettes dont les yeux pétillants disaient "of course you did !". Comme s'il le trouvait magique. 

- C'était bien ?

- Tu sais qu'il ne faut pas me lancer sur les livres, plaisanta à moitié Regulus à qui on avait toujours dit qu'il pouvait devenir pénible lorsqu'il se perdait dans ses histoires.

- Pourquoi, j'adore quand tu parles de livres, t'as l'air épanoui. »

Pour la deuxième fois en trop peu de temps, Regulus rougit mais sourit et son coeur commença à battre plus fort, peut-être parce que c'était la première fois qu'on lui disait ça, peut-être parce que c'était James. 

Alors il lui raconta. 


Autour de quinze heure ils furent de retour dans l'appartement duquel leurs parvenait de petits cris d'enfants. James soupira, amusant son ami. Deux petits garçons roux étaient assis sur le sol du salon et gribouillait sur des feuilles, entourés d'un mur de jouet qui devait avoir été rapporté depuis chez eux. Remus s'était mêlé au jeux en tentant de dessiner le portrait de l'un des garçons tandis que Sirius, ayant visiblement abandonné, semblait réviser d'une main, gribouiller quelque chose d'abstrait de l'autre. 

« Traitre ! s'écria-t-il lorsque son meilleur ami franchit la porte, le pointant du doigt. Tu savais qu'ils venait et tu es parti. Un maraudeur ça n'abandonne pas les autres maraudeurs !

- Je m'occupais de ton petit frère ! plaisanta James pour se défendre, agrippant un peu trop brusquement Regulus par la manche. Il espérait que l'autre disait ça pour rire et qu'il ne le considérait pas comme un enfant dont il fallait prendre soins. Il ne s'écarta pas.

- Comment tu fais ça, toi ? J'ai jamais pu le toucher plus de dix secondes ! s'étonna Sirius. 

Ignorant un nouveau rougissement, Regulus pointa du doigt l'une des têtes rousses qui le regardait avec de grands yeux. 

- C'est qui, eux ? 

- William et Charlie Weasley, répondit Remus en jetant un dernier coup d'oeil au portait de celui qui devait être Charlie. 

- Je m'appelle Bill, j'ai quatre ans ! s'écria alors William (ou Bill) avec fierté en mettant une main sur son torse. Il fixait Regulus en plein dans les yeux ce qui lui fit penser que même à quatre ans ce petit avait plus de codes sociaux que lui. C'était presque comique.

L'autre enfant, Charlie, adopta le même genre de comportement, tombant à moitié quand il forma le chiffre trois avec ses petits doigts. 

- J'ai finit ! annonça-t-il quand la présence des deux nouveaux arrivants ne fut plus une distraction suffisante. Il brandit son dessin haut. On supposa que c'était une chose magnifique dans son coeur, mais, de l'extérieur de son cerveau il était difficile de voir autre chose qu'un amas de gribouillis rouge et jaune. 

- C'est Remus ? demanda Bill en fixant son frère. 

- Bah non c'est un dragon. 

- Mais on avait dit que tu dessinais Remus ! C'est les règles !

- Je préfère les dragons ! 

- Mais c'est de la triche !

Plus leurs conversation avançait, plus il était difficile de comprendre ce que les frères se disaient, ils avaient cet sorte d'accent qu'on les enfants et ces mots qu'on emploie qu'à cette période et qu'on perd quand on ne les entends plus. On aurait dit qu'il parlait dans une autre langue que seulement eux comprenait. Regulus se sentit très vieux, d'un coup, alors même qu'il avait l'impression qu'il encore il avait leurs âges. 

- Charlie adore les dragons » précisa Remus en tendant au petit la peluche en forme de dragon qui trainait par terre. 

James vint s'assoir à coté de Sirius et Regulus prit le coin de la table, en face de Bill. 

« Je peux jouer ? il murmura en prenant un crayon. 

- Je veux changer de jeux ! s'écria Charlie au même moment. 

- Cache-cache ?

- Mais je veux être un dragon ! »

Tandis que le premier ne sortait pas de sa phase dragon, le second s'efforçait de paraitre plus grand et commençait par poser des questions sur tout et n'importe quoi. La partie de cache-cache en fut handicapée car ils finirent tout deux par oublier qu'ils étaient censé se cacher ou trouver quelqu'un. Les questions et les dragons prenaient trop de place pour ça. Ils s'en rendirent vite compte mais cette tendance atteignit son pic à l'heure du gouter quand Bill fixa Remus en lui demandant :

« Pourquoi tu prends des médicaments ? 

Remus, qui avait saisit sa boite de médicaments et espérer les prendre en toutes discrétion loin des enfants, fit une grimace. 

- Je suis malade, répondit l'autre, diplomate, en choisissant un et en remplissant un verre d'eau, renonçant à cacher les cachets.  

- Malade d'où ?

- De partout. J'ai un virus. Un virus qui me fait attraper tout les virus. 

- Ça fait mal ? demanda cette fois Charlie. 

- Ça dépends. Maintenant il y a ces médicaments qui font que je peux vivre presque normalement sans rien attraper, j'ai beaucoup de chance. Quand cette maladie a été découverte beaucoup de gens sont morts. 

- C'est contagieux ? demanda Bill, content de connaitre ce mot. Parce que quand il était petit Charlie a eu la farizelle. Il fallait pas s'approcher de lui si on l'avait jamais eu sinon on avait des boutons partout. 

- La varicelle ! corrigea le plus petit en criant. 

- Bon, assez de questions ! décida Sirius. Le premier qui va se laver les mains à droit à un plus gros gouter. 

- C'est bien tu les habitues déjà au capitalisme. 

- Je prévoyais évidement de leurs donner le même gouter, soupira Sirius en pinçant la joue de Regulus qui se recula avec un "hé !"

- Vous êtes allés où ? demanda Remus. 

Regulus le considera un instant. Il ne s'était jamais demandé pourquoi Remus prenait des médicaments et l'apprendre comme ça lui faisait un petit choc. Parce qu'il avait compris et que ça ne pouvait être que ça : séropositivité. Avec ce mot lui venait en tête pleins de clichés, pleins de questions, beaucoup de surprise. Depuis quand ? Comment ? Ça ne te fait pas peur ? Il n'avait même pas lu de romans là dessus. 

- Juste se balader... et manger un bout. » répondit James à sa place. 

Il ne fallut pas beaucoup plus de temps pour que Regulus se perde de nouveau dans ses songes, cette fois peuplé des préoccupations habituelles, celles qui tournaient en boucle à défaut d'être prononcée. 

Il se sentait bien. Il avait aimé cette journée, c'était ça, la nouvelle normalité ?

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