13. L'étrange Noël de Regulus Black (Partie II)

Même chose

Ce n'était pas la première fois que Regulus se sentait en danger. Il avait ressentit ce frisson de terreur et d'urgence par procuration dès les premières insultes que ses parents avait adressé à Sirius. Il avait senti son coeur devenir lourd comme une pierre le jour du départ de Sirius, après ce qu'avait fait les géniteur∙ices. Il avait cru mourir le fameux jour de la noyade, juste avant de prendre ce qu'il croyait être sa dernière inspiration, et, quand il s'était réveillé et qu'il s'était souvenu de tout, il avait craint par dessus tout la réaction de Monsieur et Madame Black, maudissant son corps d'avoir résisté. 

Pourtant désormais le danger était différent et bien plus fort. Il avait l'impression qu'on venait de lui annoncer sa mort imminente et, cette fois, il en avait peur. Si Evan disait quoi que ce soit c'était la fin de sa relation avec ses parents, les dit-parents qui payait sa maison, son école, qu'il arrivait à aimer encore un peu malgré tout, parce qu'il se souvenait de la façon dont sa mère l'avait regardé avec fierté, très longtemps au paravant, et dont son père lui avait parlé à des temps immémoriaux. 

Ce n'était pas grand chose à quoi s'accrocher, mais c'était toujours plus que le futur qui l'attendait s'il était jeté dans la nature, seul et sans repère. Il savait qu'on lui couperait les vivres immédiatement. Il serait à la rue, il ne savait pas comment s'y prendre pour travailler où que ce soit, il doutait d'en être capable. Son avenir, qui jusqu'à maintenant paraissait quelque chose de flou et d'incertain dans le pire des cas, était devenu un gouffre qui n'avait plus la moindre lueur de rédemption. Plus rien de l'attendait. Il ne serait plus rien. 

Il fallait qu'il empêche Evan de parler. Qu'il se lève, qu'il le trouve, qu'il invente un mensonge si c'était déjà dit, qu'il contre-car, qu'il prouve sa fidélité à quelque chose qui le répugnait, qu'il mente pour se protéger, quand bien même il n'avait jamais su mentir. 

Mais il était incapable de bouger pour une raison comme pour une autre, incapable de paniquer, bloqué dans un espace temps où tout cela avait des allures de rêves. C'était si gros que ça ne paraissait rien. 

La voix d'Andromeda le sortit de sa paralysie, le re-connectant à la réalité mais ne le rendant guère plus capable de penser :

« Regulus ?

- Je sais pas quoi faire, admis-t-il. 

- Pars avec moi. On a plus rien à faire dans cette famille, tu le sais. Tu ne pourras jamais vivre ici. Ça va te détruire, ça y est déjà arrivé une fois et ça recommencera. 

Une larme coula de l'oeil du jeune homme, bien faible témoin de tout ce qui venait de l'assaillir. 

Mais je ne suis plus un enfant dont on pourrait prendre soin, qui pourrait prendre un nouveau départ. Je suis adulte, je n'ai plus l'âge d'être sauvé. On attendra de moi que je me sauve tout seul. Et j'en suis incapable. Qu'est-ce que je vais devenir ? 

- Tu dis ça maintenant. répondit Regulus. Tu pourras jamais vivre avec moi... je sais rien faire, je pourrais pas finir mes études, je vais être à la rue, personne voudra de moi. Je suis trans et je crois que je suis autiste en plus, j'ai pas les mêmes capacité que vous tous, je vais... 

- Des tas de gens ont été à la rue, leurs vie n'est pas sans espoir pour autant. Et puis tu as toujours ton école, Regulus. Ton loyer est payé pour ce mois-ci alors, non, tu ne vas pas te retrouver à dormir dehors tout de suite. Tu es entouré. On va te trouver du travail, on va t'aider. Il faut juste que tu accepte de couper les ponts avec cette famille. Mais il faut que tu te décide vite, parce que vu ce qu'iels ont fait à Sirius, je crois que tes parents pourraient te rendre physiquement incapable de sortir d'ici. Mais tu ferais mieux de me suivre avant qu'iels ne comprennent où tu te caches. »

Regulus soupira. Il visualisait la famille toute entière autour du plat de résistance, occupée à débattre de son droit à exister, puis plus tard lui cracher à la figure comme ils l'avaient fait pour Sirius. Il avait été stupide de penser qu'il pourrait être un garçon à l'école sans que cela n'arrive tôt ou tard aux oreilles de sa famille.

« Tu penses qu'il n'y a aucune solution mais c'est pas vrai, reprit Andromeda, il y a en au moins trois : tu restes là en faisant semblant qu'Evan a mentit, tu restes là en assumant et tu risques ta vie, ou alors tu me suis. 

Il n'osa pas lui répondre qu'aucune de ses solutions ne lui convenait. Que pourrait faire Andromeda pour lui, au juste ? Il la connaissait à peine. Il la voyait au travers de quelques jeux d'enfances et d'un lien du sang abstrait, c'était tout. Que savait-elle de lui, de la transidentité, de son école, de sa situation ? Rien du tout. 

Elle pensait tout savoir parce qu'elle était plus âgée et qu'elle se croyait plus expérimentée sur la vie mais elle n'avait jamais été à sa place. Elle était prête à partir, oui, parce qu'une vie avec un homme qu'elle aimait l'attendait, qu'elle avait déjà un endroit où vivre et un travail, et si elle n'en avait pas, elle n'aurait aucun mal à en trouver tant elle savait s'y prendre avec les autres à leurs faire sentir comme s'ils avaient besoin d'elle en une rencontre. Regulus était loin de pouvoir en dire autant, loin d'avoir toutes ses choses qui lui permettraient de penser le futur. Sa vie à lui n'avait plus aucune chance de se rapprocher du chemin qu'on avait tracé pour lui. Andromeda avait juste à changer de sens, lui devrait se frayer un nouveau passage entre mille obstacles, coupant des ronces sur son passage. Andromeda ne voyait pas ça, évidement. 

Mais Regulus savait que s'il devait partir quelque part, ce serait chez Sirius.

Son fil de penser s'interrompit. Une soudaine lumière venait de prendre place dans le néant. 

Il avait besoin de parler à Sirius. Il pouvait rejoindre Sirius. Et peu lui importait à vrai dire que cela lui rappelle de mauvaises expériences parce qu'il avait vraiment besoin de son frère maintenant, et que celui-ci le lui devait bien. C'était la première fois qu'il exigeait quelque chose de lui depuis son départ. Il savait que lui comprendrait mieux, parce qu'ils partageaient des parents, parce que Sirius était queer aussi, et puis parce que chez Sirius il y avait Remus qui le comprendrait, il le savait, et puis surtout il y avait James. 

Dans le futur qu'il voulait il y avait une transition médicale, de la littérature, Sirius, peut-être Alice ou Frank et puis il y avait James. Et tout d'un coup tout ça paraissait bien plus atteignable, parce que ses parents n'étaient plus à prendre en compte. Il pourrait toujours empêcher Evan de parler ce soir, mais ça voulait dire des Noël de plus à passer là, dans une robe qu'il détestait avec une famille qui soutenait Lord Voldemort et une autre tentative de suicide à la fin - qui marcherait sans doute cette fois, parce qu'Andromeda avait raison sur ce point : il ne supporterait pas ça beaucoup plus longtemps. 

« Ok. 

- Ok ?

- Je pars. 

- J'ai une voiture, je peux t'héberger je-

- C'est gentil mais non. Je vais passer prendre mes affaires dans mon appart. Je ne vais pas y rester, je veux pas risquer que mes parents me retrouvent. Je vais demander à Sirius de rester chez lui pour quelques temps. 

Andromeda hocha la tête, semblant réfléchir à tout les autres paramètres. Mais elle n'avait rien à redire.

- Ok. Ok, super. »

Elle se leva du muret et Regulus aussi, chamboulé par tout ce qui avait changé en si peu de temps. Il avait l'impression de ne plus être la même personne depuis qu'il était entré dans ce jardin. 

L'esprit ailleurs, il senti la main d'Andromeda le tirer, il se sentit marcher sans tout à fait savoir où il allait, avançant à l'aveugle dans ce lieu bien trop connu. Kreattur ne réagit pas en les voyant passer, peut-être parce qu'il ne soupçonnait rien, peut-être au contraire parce qu'il était leurs allié, pour la dernière fois. 

Leurs périple hors du temps et de l'espace s'arrêta quand Regulus se retrouva à l'avant de la voiture garée au milieu de nul part dans un bout familier de cette fichue ville. Andromeda appuya d'un geste tremblant sur le bouton START/STOP, puis sur la pédale. Tout d'un coup la réalité revint les frapper en pleine face mais le garçon soupira juste. 

Il saisit son téléphone, réalisant qu'il n'aurait peut-être plus de forfait pendant un moment, puis cliquant malgré tout sur le compte instagram de Sirius dans la partie messages


Hey, 

c'est Despina 

Je peux venir chez toi ? 

Désolé de te demander ça comme ça mais il s'est passé beaucoup de choses aujourd'hui et je sais pas trop quoi faire. 

C'est fini avec les parents. 

Je suis parti.



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