Tw : mention de harcèlement

Quand James avait claqué la porte de l'appartement ce soir là et qu'il avait aperçu l'unique paires de chaussures de Sirius dans l'entrée, il avait décidé de ne pas lui annoncer la grande nouvelle. Il avait décidé qu'il ne lui parlerait pas de l'avancé de ses relations avec son "crush", qu'il ne lui donnerait pas non plus de nouvelle de "sa soeur", et par dessus tout qu'il ne préciserait pas qu'il s'agissait dans un cas comme dans l'autre de la même personne. Lui n'était pas si remué que ça par cette nouvelle ne connaissant pas encore bien ni Regulus ni celui qu'il avait été. 

Après tout, ce n'était pas à lui de parler de ça à qui que ce soit, il n'était même pas sûr que c'était vrai. Ça collait, oui, mais un doute persistait. Regulus ne lui avait rien dit. Beaucoup d'indices le poussait dans ce sens, trop gros pour être des coïncidences, mais aucun qui soit une preuve irréfutable. Alors, non. Il n'en parlerait pas à Sirius.

Il se répétait ça quand il finit de cuisiner son repas du soir pour aller se poser avec, sur son lit, devant une video. Il estimait son repos bien mérité, lui qui avait travaillé toute la journée et même fait ses devoirs - ce qui relevait de l'exploit dans une université qu'il détestait autant. 

Mais il ruminait. Il pensait. Il ne pouvait pas parler à Sirius, mais il avait besoin de parler à quelqu'un∙e. Et parler tout seul n'était pas une solution valable avec un cerveau aussi plein et des murs aussi fins. Il ne pouvait pas non plus parler de Regulus à Regulus lui-même qui était devenu une sorte de confident depuis leurs premiers échanges. Surtout qu'il n'aimait pas le fait que cette partie de leur relation soit surtout à sens unique. Regulus ne lui parlait pas beaucoup de ses problèmes à lui. Et s'il était bel et bien le frère de Sirius, des problèmes, il devait pourtant en avoir. 

Il entendit la porte claquer à ce moment là et se redressa aussitôt. Remus, qui venait de d'arriver, se retrouva pris en otage face à James qui l'enferma dans la cuisine en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. La video était restée en marche sur le lit, de bol de nouilles au beurre s'y était sans doute renversé et maintenant les pupilles de Remus le fixait avec incompréhension. 

« J'ai besoin de parler à une bonne personne, se justifia l'autre.

- Euh... ok ? répondit Remus en déposant ses affaires sur la table sans lâcher son ami des yeux. 

- Sirius ne doit rien savoir. Personne d'ailleurs. Juste toi, je sais que tu sais garder un secret. 

Remus avait toujours été là pour garder les secrets des autres, on ne pouvait pas dire le contraire. Il était si habile pour ne rien dire que, pour qu'il révèle l'un de ses problèmes à lui, il fallait vraiment lui tirer les vers du nez, voir organisez des interventions. De son plus grand et lourd secret il n'avait rien dit à ses amis les plus proches avant ses quinze ou seize ans, dix ans après l'événement. 

- Qu'est-ce qui se passe ?

James tournait en rond, se perdant à un moment donné dans la plante que sa mère lui avait offerte et qu'il n'avait jamais arrosée. La pauvre chose était morte et desséchée. Il se rendait compte qu'en comparaison des choses qu'avaient vécues Remus, ses problèmes à lui ne représentaient pas grand chose.

... James ? 

- Oui. Pardon, hm... Tu vois, mon crush ? 

- Le gars qui a entrainé l'engueulade entre toi et Sirius ?

- Oui, lui. 

Il repartit dans une pause, poussant Remus à encourager :

- Alors, qu'est-ce qui se passe avec lui ?

- Ben, on s'est pas mal rapproché, on se parle sur insta, on a mangé ensemble aujourd'hui, il est venu me parler dans le train et il est super. Un peu shy mais intéressant, très humain et super beau. 

- C'est super, non ?

- Ouais, il y a juste un petit truc... 

Qui paraissait grotesque maintenant que James s'apprêtait à le dire à voix haute. Une coïncidence bien trop grosse pour être plausible quand bien même elle paraissait. 

- Vas-y, tu sais que je juge pas. 

- C'est le frère de Sirius. 

Remus fronça les sourcils et resta silencieux un moment, perdu. 

- Sirius n'a pas de frère. 

James leva les yeux au ciel.

- C'est "sa soeur", mon crush. C'est un mec trans. 

- Oh wow. Ok. 

Tu ne l'avais pas reconnu ?

- Je ne l'avais quasiment jamais vu ! Et puis ça paraissait tellement gros. C'est sur que son visage me disait un truc parce qu'il ressemble quand même beaucoup à Sirius mais j'avais pas fait le rapprochement. Et puis je suis pas sûr, il ne m'a rien dit c'est moi qui ai fait le lien après mon engueulade avec Sirius, peut-être que c'est pas le cas. Mais je peux pas demander à Regulus directement ce genre de truc, si ? 

- Attends attends, stop. Il s'appelle Regulus ? Comment as-tu pu ne pas faire le rapprochement avant ? 

- C'est improbable comme situation !

- Ok admettons, bref. Et donc ?

- Et donc c'est terrible !

- Quoi, qu'il soit trans ? 

- Je m'en fiche de ça. Mais c'est le frère de mon meilleur ami !

- Et alors ? C'est un nouvel interdit que je ne connais pas ?

Quand ils étaient au collège Remus avait passé un certain temps à ne pas comprendre la règle qui disait qu'il ne fallait pas sortir avec l'ex d'un ami. Ça et un paquet d'autres règles. Les seules qu'ils n'hésitaient pas à enfreindre étaient celles qu'il trouvaient stupides. 

- Oui ! Sirius va devenir fou s'il apprends que je sors avec son petit frère !

- Tu veux dire le petit frère qu'il a abandonné dans une famille violente, avec qui il espère renouer et avec lequel tu ne sors même pas encore ? Ouais, je suis sûr que ça rendrait fou n'importe qui... ? ironisa-t-il de la même façon dont on posait une question. Tu te tracasse trop. 

- Je sais pas quoi faire.

La détresse dans la voix de James était bien trop perceptible à son goût. Remus n'en savais rien, à vrai dire personne ne savais rien de la culpabilité qui le rongeait depuis un moment déjà, bien avant Regulus, et de la peur qui l'habitait depuis de faire les choses mal sans y prendre garde, de réduire en poussière ce qu'il aimait sans même sans rendre compte. 

- James, je vois pas le problème là. Il faut que tu m'aides a comprendre, tu es sûr qu'il n'y a que ça ? »

Bien sûr qu'il n'y avait pas que ça.

Il y avait l'école, la nouvelle pression de la vie d'adulte, ce putain de cerveau, les fois où il se souvenait des choses horribles qu'il avait pu faire, les fois où il s'en voulait de s'en vouloir parce que ces choses horribles n'allaient pas devenir meilleures juste en y pensant, cette solitude qui le hantait jusqu'au fond de ses os, cette envie de pleurer tout le temps, Lily, le passé, l'avenir, ce qui pourrait arriver à Sirius... Une longue liste interminable qui formait un sac de noeud dans sa tête impossible à démêler. Il ne saurait pas par quoi commencer s'il devait expliquer ça à quelqu'un. Il sentait le chagrin tenter de s'échapper de ses yeux. Il étouffa un sanglot. Remus avait assez de problèmes comme ça. Sirius avait sans doute besoin de lui, il avait sans doute envie de rejoindre Sirius, il ne voulait pas le retenir plus longtemps. Ses préoccupations étaient stupides. Regulus ne voudrait sans doute même pas sortir avec lui. Il ne lui plaisait sans doute même pas. Et de doute façon, il ne méritait pas de sortir avec qui que ce soit après ce qu'il avait fait. 

Le regard de Remus s'était fait plus inquiet et ce qui fit réaliser à James qu'il était muet depuis trop longtemps. Il n'avait pas envie qu'on le console, même pas qu'on lui pardonne. Il voulait remonter le temps depuis le début et tout refaire différemment. Inviter Severus à les rejoindre le premier jour au lieu de se moquer de lui, au moins être indifférent. Réagir la première fois qu'il avait vu ses blessures au lieu de le traiter de fou, lui tendre la main, rendre sa vie meilleure au lieu de le pousser dans le gouffre pour de bon. Mais c'était trop tard. Et il n'avait même pas réalisé à l'époque qu'il était en train de le harceler, parce qu'il pensait que ce n'était pas ça, le harcèlement. Il avait été trop stupide pour faire le rapprochement entre les spot anti-violences scolaires et ce qu'il faisait subir à Severus. Comment avait-il pu ne pas le voir ? Ou était son empathie ? Pourquoi n'avait-il pas écouté les vaines protestations de Remus face à ses "blagues" ? Pourquoi Remus avait-il laissé faire les choses, d'ailleurs ? Non, ce n'était pas à lui qu'il fallait reprocher ça. Même pas à Sirius. Sirius n'avait fait que prolonger le cycle de la violence qu'il vivait chez lui sur quelqu'un d'innocent mais James... James n'avait pas vécu de violences. Il n'avait aucune excuse. 

« Tu veux que j'aille chercher Sirius ?

- Laisse-moi tranquille ! » s'écria James, sans même contrôler ses paroles. S'en voulant aussitôt de s'emporter et s'en voulant que Remus ne se vexe même pas, qu'il murmure juste "Ok, je te laisse". 

Il ne méritait pas ça. Il méritait qu'on l'abandonne pour ce qu'il avait fait. Pourquoi avait-il tout ? Severus, lui, n'avait plus le droit à rien. Et lui exigeait un copain, lui exigeait une vie alors qu'il en avait volée une.