10. choix

tw : un peu de dysphorie, manque de confiance en soit. + Infodump sur la pop culture parce que vous lisez la fanfic d'un gars qui écrit sur Harry Potter depuis ses quinze ans, sérieux vous vous attendiez à quoi ?

Trente minutes de bus tout les matins ce n'était pas bien long en comparaison du trajet que les autres devaient faire. Du point de vue de Regulus, ça dépendait des jours. Quand la dernière place à gauche au fond du bus n'était pas disponible et qu'il restait debout, c'était long. Quand il avait oublié son livre du moment ou que les mots lui donnait mal au coeur, ça l'était aussi. Nouvelle expérience : quand il apercevait James Potter au devant du même bus et hésitait à aller lui parler durant tout le trajet, c'était le pire. 

Le voir pour de bon était perturbant, avoir le pouvoir de l'épier sans qu'il s'en rende compte aussi, surtout en considérant qu'il lui suffirait de tourner la tête pour que cet équilibre se rompe. 

Regulus ne pouvait décemment pas se concentrer sur ce qu'il lisait, son cerveau ressentant la présence du garçon à quelque pas de lui, son coeur palpitant de stress. Il fallait qu'il aille lui parler. 

Mais il ne pouvait pas aller lui parler comme ça, il n'avait même pas pris la peine de bien s'habiller ce matin là, et puis, il ne savait pas ce qu'il pourrait bien lui dire. James avait l'air si cool, de son coté, si confiant, si sympathique. Il avait bousculer un homme à qui il avait offert les excuses les plus adorables du monde, l'air très sincère. Comment faisait-il ? Regulus était jaloux de cette assurance et sûr que James penserait de lui qu'il était ridicule, l'air d'un enfant qui n'avait rien vécu, trop moche pour être une fille et trop féminin pour être un garçon. Ça le déprimait. 

Il tenta d'ignorer la situation, replongeant les yeux vers son livre. 

« Il l'avait appris : les choix se font en l'espace de quelques secondes et se paient le reste du temps. » lut-il.

Regulus ne croyait en aucune divinité et était en général très pragmatique, mais, parfois, il aimait interpreter des événements comme des signes du destin. Il lisait ce livre depuis la veille, mais il s'était déjà persuadé que c'était son livre préféré. Pour la première fois on y parlait des solitaires, des vrai∙es solitaires sous toutes leurs formes, de celleux qui avait choisit à celleux qui subissait. Il se retrouvait différemment dans chacun∙es des personnages, surtout dans leurs défauts, mais, parfois, il avait envie d'entrer dans le roman pour les secouer. De l'extérieur, iels paraissaient si passif∙ves. C'était excusé par leurs problèmes et c'était agréable de voir leurs vies résonner contre la sienne, mais il était désespéré de lire leurs années passer et de voir leurs vies stagner. Iels accomplissaient des choses malgré tout et c'était beau de voir que leurs isolation ne les empêchait pas de vivre, mais restaient ces demons qui les dévoraient. C'était réconfortant de se dire que, lui aussi, quand il aurait peut-être trente ans il retrouverait une personne qu'il se rendrait compte d'avoir toujours aimé, solitaire comme lui. Que quand il aurait peut-être trente ans il serait enfin lui-même avec une vraie transition, un metier qu'il aimerait et émancipé de ses parents... 

Mais merde, pourquoi pas maintenant ? 

L'univers te tend les bras, James est devant toi, tu peux toujours essayer d'aller lui parler puisque tu en brûle tellement d'envie que ton cerveau ne fait que s'embraser. Au pire, quoi ? S'il te rejette peut-être que c'était lui qui ne valait pas le coup. Pourquoi toujours toi ?

Après tout il n'avait regretté aucunes de ses dernières decisions spontanées.

Il sentit comme de petits picotements doux parcourir son corps tendit qu'il marchait avec une certaine gène jusqu'à James qui lui tournait toujours le dos, accroché à l'une des poignées en plastique du bus. Il n'allait pas le toucher pour l'interpeller, il n'aimait pas toucher qui que ce soit, aussi essaya-t-il seulement de capter son regard. Il y avait beaucoup de bruits, il craignit qu'on ne puisse pas l'entendre alors il parla distinctement, détestant la façon dont sa voix sonnait si aiguë. 

« Salut. C'est Regulus. 

Le regard de James s'éclaira, il lui fit un grand sourire dont l'autre était sûr qu'il le ferait à n'importe qui. 

- Oh, salut ! Je commençais à croire que je te trouverai jamais. 

- Je suis pas du genre à parler aux gens en général. 

Il regrettait déjà d'avoir dit ça, réfléchissant à tout ce qu'il savait sur l'art des conversations et tout ce qu'il convenait de dire. Il avait déjà oublié de demander comment ça allait, quel cours il avait. Cet échange avait quelque chose d'artificiel qui ne lui plaisait pas du tout, et, quand il sentait le silence les séparer par un nuage de gène il eut envie de s'enfuir. 

James le sauva en pointant du doigt le livre que le jeune homme tenait toujours à la main, les pages coincés entre ses doigts pour marquer le chapitre. 

- Tu lis quoi ? 

- La solitude des nombres premiers. C'est un roman italien. Ça parle d'une fille et d'un garçon qui sont tout les deux très solitaires pour différentes raisons et ça raconte leurs histoires au fil des années, de l'enfance à l'âge adulte. C'est vraiment le portrait de deux êtres humains complexes avec des qualités et des défauts, je trouve que c'est rare des personnages si réaliste. Il faut faire abstractions des quelques passages dégueulasses mais c'est un super livre. Je ne le lis que depuis hier et j'ai presque fini, je l'ai dévoré. 

Soudain parler était bien plus facile, mais il eut peur de s'être trop étalé. James ne s'intéressait sans doute pas à ce livre ni à la littérature, il ne voulait pas l'ennuyer. Mais l'autre sourit. 

- Ça à l'air cool. Comme tu peut le deviner je n'ai jamais ouvert autre chose qu'un comics mais je prend note. 

- Oh, j'ai pas de pré-jugés, c'est pas parce que tu n'as pas lâché ton téléphone du trajet que tu n'es pas capable de lire un roman, j'en serai pas arrivé à cette conclusion. 

- Ça veut dire que tu m'as regardé tout le trajet. » Taquina James ce qui fit virer Regulus au rouge tomate. 

Toutes ses tentatives d'avoir une bonne interaction avec le jeune homme venaient d'être réduites à néant. 

« Tu lis en italien ? demanda James pour changer de sujet, amusé de la gêne de son interlocuteur mais ne voulant pas le mettre trop mal à l'aise non plus. 

- Ouais, j'essaye. Je voudrais apprendre. Pour l'instant je ne m'en sort bien que parce que c'est proche du français... Je parle français. Mais du coup je comprends mais je serai incapable de te faire une phrase en italien. 

- Trop cool. C'est fort quand même. 

James sourit et retourna les yeux une seconde, Regulus en profita pour l'observer de plus près. Il le trouvait magnifique, même dans un bus bondé de monde qui traversait un quartier pas bien fameux, mais il ne savait pas encore si c'était parce que James lui plaisait ou parce qu'il avait envie d'être lui. Ça lui semblait toujours injuste cette façon dont certains hommes avaient la chance d'avoir ce truc que les garçons avaient mais qu'il n'avait pas. Le genre qu'il voulait.

Deux virages et ils seraient à l'université. 

- Tu... lis quoi du coup ? il tenta.

- Des comics, des mangas, n'importe quoi avec des images. J'ai du mal à me concentrer sur des gros livres. J'ai lu des trucs quand j'étais enfant mais si ça m'intéressait vraiment beaucoup. Mais jamais plus de trois cents pages. J'aimais bien Narnia

- Oh. J'ai beaucoup aimé aussi. J'arrive pas à croire que Tolkien ait pensé que c'était un mauvais livre quand on voit comment il a écrit ses bouquins à lui ! Dix pages de descriptions sur l'herbe à pipe des hobbits, tu parles d'une bonne intro. 

- Tolkien a dit ça ?

- Oui. Il est surestimé, je te jure.

- Je sais pas, j'ai juste vu le Seigneur des anneaux. Et les films Hobbits je crois, quand ils sont sortit. 

- J'ai juste lu les livres. 

- T'es bizarre. » rit James mais, avec sa voix à lui, ça sonnait plus comme un compliment. 

Ils sortirent du bus cote à cote et se retrouvèrent en peu de temps confrontés à la façade de l'université, à devoir prendre des directions différentes. Regulus ne savait pas bien s'il pouvait estimer que l'interaction s'était bien passée ou non. 

« T'as quoi ?

- Maths. Et toi ?

- Une matière quelconque avec un nom interminable. On mange ensemble ?

- Euh... ouais... ? »

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