- Qu'est-ce que... parvient à murmurer Lana.

Un cygne élégant d'au moins deux mètres de haut se tient tranquillement derrière Ray et moi. Ce dernier caresse délicatement l'aile du grand oiseau. Une femme marche droit vers l'animal, et le traverse comme un fantôme. Lana n'en est que plus troublée. Elle vacille, prise de vertiges.

- Lana !

Je cours vers elle pour la soutenir.

- Tout va bien ? je demande, inquiète.

- Je... j'ai des hallucinations, je crois...

- Rassure toi, tu n'es pas la seule à le voir, ce cygne est bel et bien réel.

- Comment une créature pareille peut exister ? Et comment se fait il que les passants ne la voient pas ?

- Parce qu'à l'âge adulte, on perd la capacité de voir les merveilles du monde...

En effet, un petit garçon sur le trottoir d'en face ne peut détourner le regard de l'animal, alors que sa mère ne remarque rien.

Soudain, Ray monte sur le dos de l'oiseau en marmonnant :

- On devrait y aller...

- Oui, bonne idée ! je confirme en m'installant derrière mon ami.

Lana hésite apparemment. Elle s'approche tout doucement de la créature, méfiante. Je lui tends la main en souriant. Lana décide qu'elle me fera confiance pour cette fois. Elle saisit ma main et grimpe sur le magnifique animal. Celui-ci commence à battre des ailes pour décoller, s'élevant petit à petit dans le ciel. Lana enlace ma taille pour ne pas tomber, et je rougis un peu malgré moi.

Le cygne bat délicatement des ailes, rendant la promenade lente et agréable.

- On va où ? questionne la nouvelle. Et comment ce fait il que personne ne remarque la présence de trois enfants volant dans le ciel ?

- Le cygne possède une bulle invisible qui l'entoure, permettant de le cacher lui ainsi que tous ceux qui se tiennent à moins d'un mètre de lui, explique Ray. Quant à notre destination, tu la connaîtras bientôt...

Au bout de cinq minutes de vol, un énorme nuage apparaît. Grâce aux nuances du soleil couchant, le nuage se colorent d'un arc-en-ciel pâle, allant du vert pomme au rose bonbon. Le cygne s'approche du concentré de vapeur jusqu'à entrer dedans. Une sorte de parking les attend, remplie de cygnes de toutes les tailles et toutes les couleurs.

Un skateur portant un petit micro contre sa joue nous aborde.

- Ticket ou pass de nuit ?

- Pass, répond Ray en tendant à l'homme une carte qu'il scan avec un petite lampe bleu ciel.

Le skateur lui rend son pass et emmène leur cygne un peu plus loin. J'emmène mes amis vers une porte automatique coulissante. Deux gardes du corps imposants nous arrêtent.

- On est tous les trois, j'assure. Fille, fille, garçon.

Les deux hommes s'écartent pour nous laisser passer.

- Pourquoi tu leur a dit ça ? s'étonne Lana.

- Pour entrer dans le Nuage de nuit, il faut être en couple et décliner notre genre.

- Et comment ils peuvent savoir si on dit la vérité ou pas ?

- Il ne le savent pas, je ricane juste avant de rentrer dans quelqu'un.

Je lève les yeux et repère le visage à l'air idiot de mon frère.

- Tu fais quoi ici, Paolo ?

- Je fais ce que je veux ! rétorque-t-il. Je vois que tu as ramené ta nouvelle copine...

Il s'avance vers Lana, tout sourire, suivi de Hidji.

- Viens, on va te montrer des trucs incroyables ! sourit Paolo avant d'entraîner la nouvelle à l'autre bout de la salle, son ami congolais sur les talons.

Je tente de les suivre, mais ils ont déjà disparu dans la foule.

- On va au bar, Clarisse a dit qu'elle serait au comptoir jusqu'à vingt-et-une heures, m'invite Ray.

J'attrape sa main et nous avançons à travers la foule d'adolescents qui se battent pour entrer dans les différents salles du Nuage de nuit : casino, cinéma, salon de striptease,...

Nous arrivons finalement au bar, l'endroit le plus bruyant. C'est là qu'ont lieu les meilleures bastons, les bras de fer les plus intenses, les hurlements les plus stridents, les concours de mangeurs les plus fous, les danseurs les plus sexy.

On aperçoit Clarisse au comptoir qui s'entretient avec un petit garçon d'environ dix ans.

- ... es sûr de les avoir vu ? intertoge la blonde.

- Oui, dans la salle de concert ! affirme le garçon avec enthousiasme. Ça commence dans cinq minutes, la salle est déjà pleine à craquer !

La jeune fille est figée. Elle lance finalement son tablier, ses rollers et son petit chapeau à Ray, avant de filer hors du bar.

- Je vous laisse gérer pendant mon absence ! ordonne-t-elle juste avant de partir.

Je pose volontier le petit chapeau de serveur sur ma tête, qui me va plutôt bien.

- Enfile la tenue entière, ce sera mieux, conseille Ray.

J'acquiesce et cours dans les toilettes mettre une robe trouvée sur une étagère, avec le tablier et les rollers. Je prends un plateau et traverse la pièce en glissant sur le plancher avec mes patins à roulette. Je sens quelques regards admiratifs posés sur moi, et rosis légèrement. Malheureusement, ma malchance l'emporte. Je trébuche et tombe en renversant tous les verres que je portais. J'espère sincèrement que quelqu'un va venir m'aider à me relever...

J'ai de la chance, car mon vœu s'est réalisé, je vois une main pâle devant mon visage. Je la prends,et m'apprête à remercier la personne qui m'a aidé, juste avant de reconnaître... mon frère. Habillé en servante. Cet idiot.

- Paolo ! appelle une voix derrière nous.

C'est Hidji, qui a décidé d'imiter Paolo.

- Alors, que penses-tu de notre nouveau style vestimentaire ? questionne mon frère.

- Hideux.

Les deux garçons sourient, avant d'entamer une danse aguicheuse. Des filles comme des garçons les regardent avec envie. Je me tourne vers Ray à la recherche de soutiens, mais il a disparu. Et puis, je me souviens :

- Où est Lana ?

Mon cher frère est prit au dépourvu :

- Euh... je...

Soudain, les portes s'ouvrent grand et la salle est assaillie d'un vacarme incroyable. Une foule entre en scandant un hymne incompréhensible. Mes amis et moi sommes bousculés et allons nous réfugier au fond de la salle. C'est là que je croise un regard paniqué, celui d'une personne portée par le groupe. Une personne qui n'a rien demandé, mais qui est maintenant exhibée comme une star par cinquante autres personnes : Lana.