Fracturés - Partie 2 - XXème siècle
Bonjour bonjour ! Comment allez-vous ?
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J'invite à nous rejoindre (rassurez vous ce n'est pas une secte) ces quelques personnes sympathiques au profil à découvrir : MollieMoonlight AuroraEllana Skye766 ClemK0mSpacekru MeileneLibolt19
Ah, 20ème siècle ! Toi que je n'ai jamais connu, qui n'entendait point parler de la génération boomer et où les technologie actuelle n'en était encore qu'à ses balbutiements. Toi qui a connu deux des plus horribles guerres dont l'humanité se souvienne encore, le krach boursier de Wall Street mais aussi les années folles - les Roaring Twenties en anglais, si ça ne donne pas envie de rugir ce nom. Oh oui, toi qui a commencé à instaurer ce magnifique système qu'est le capitalisme et la société de consommation qui ont traversé les années jusqu'à nous. Aujourd'hui, nous nous attaquons à notre présent avec une œuvre qui date d'il y a pourtant 71 ans : Death of a salesman ou en français, Mort d'un commis voyageur, écrit par l'auteur américain Arthur Miller en février 1949. Pour varier les plaisirs, après avoir décortiqué un mythe antique, je vous propose de nous pencher sur cette pièce de théâtre (ce dessus, vous pourrez visionner pour ceux souhaitant travailler leur anglais le film qui a été réalisé en 1985 par Viktor Schlödorff - et je vous félicite si vous connaissiez ce réalisateur, vous êtes très cultivé, pour ma part je l'ai découvert en surfant sur la page wikipédia du film).
Willy Loman est un commis voyageur, c'est à dire, un vendeur ambulant qui vient toquer à votre porte pour tenter de vous vendre des choses, l'ancêtre du télé achat ou du démarchage téléphonique en somme. Mais plus qu'un commis voyageur, il est un commis voyageur raté. Il rêve de grandeur et de reconnaissance mais ne peut que constater son échec aussi bien dans sa vie professionnelle que familiale. Sa famille tombe en morceau. Entre son fils ainé, Biff, qui ne parvient pas à trouver de but à sa vie, continuellement déchiré entre ce que son père attend de lui et ce qu'il souhaite réellement, et son fils cadet Happy qui, bien qu'il soit devenu comme son père le souhaitait un commis voyageur à son tour, ne peut s'empêcher de souffrir d'un grand complexe d'infériorité, seule Linda, sa femme, semble être le membre stable de la famille.
Au cœur de cette famille qui tombe en lambeau sous les coups d'une société exigeant des Hommes un travail sans relâche, Willy s'abandonne aux illusions d'un passé glorieux pour échapper à son présent chaotique. Mais malgré tous ses efforts pour lutter contre ce système qui mange peu à peu ses biens et sa famille, la seule et unique solution qui s'offre à lui est la mort.
Dans ce récit, trois grands axes majeurs mènent la lente et presque imperceptible décente aux enfers de la famille Loman.
Tout d'abord, la confusion entre le présent et le passé. Tout au long de la pièce, nous suivons les chemins qu'emprunte l'esprit de Willy. Ce dernier confond régulièrement le passé et le présent, revivant presque littéralement des évènements passés. Cela nous permet de découvrir ainsi les éléments qui ont conduit la famille Loman a une telle situation. On y découvre par exemple le jeune Biff, prometteur, plein d'avenir aux yeux de son père car il est bon en sport et est plutôt bien bâtit. On y découvre également le jeune Happy, un jeune garçon qui tente désespérément d'attirer l'attention de son père mais qui passe toujours au second plan par rapport à son grand frère. Ces changements nous donne un aperçu de la confusion mentale de Willy. Celui-ci semble prisonnier du passé, prisonnier d'une gloire perdue - mais qui n'a en fait, jamais réellement existée. Il songe avec amertume aux opportunités qu'il n'a pas su saisir, comme lorsque son frère Ben, lui a proposé de venir en Alaska faire fortune avec lui et qu'il a refusé, prétextant trouver une situation plus stable là où il était.
Willy refuse d'affronter son présent qui est chaotique, préférant se réfugier dans le rêve d'un passé meilleur mais où tout commençait déjà à tomber en ruine. On rencontre certes un Biff très estimé de son père, mais également très arrogant, pensant ne pas avoir besoin d'étudier pour réussir, un Happy qui souffre déjà d'un complexe d'infériorité, un Willy qui en voulant impressionner ses fils, ment déjà sur la réalité de comment il est perçu et sur ses revenus et le tracas déjà présent des dettes à rembourser : les prémices de la situation actuelle des Lomans.
Dans un second temps, il nous faut nous intéresser au déni, qui est omniprésent dans la pièce. Willy ne reconnait que rarement qu'il n'a pas réussi à réaliser l'American Dream. Il refuse de voir également la situation de ses fils - et donc son échec en tant que père - et sa propre situation de sexagénaire vieillissant. Son monde entier est constitué sur des fantaisies, où il nie continuellement avoir failli à remplir ses désirs et ses espérances. En un mot : il se leurre lui-même sur sa réalité. Il ment continuellement à lui-même, mais aussi aux autres, exagérant ses chiffres de vente devant sa femme ou son patron. Bien qu'il y est des preuves que ce qu'il raconte ne soit pas vrai, il est si convaincu lui même de la véracité de ses propos qu'il entend difficilement la vérité et se met en colère lorsque l'on le contredit.
Si l'on peut considérer que Willy se ment pour échapper à cette réalité où il semble être le seul coupable de son échec, il n'est cependant pas seul pour s'enfoncer dans ce déni. Linda, sa femme, le seul personnage de la pièce pouvant être vu comme averti de réelle situation familiale, l'aide paradoxalement à se conforter dans son déni. En un sens, Linda, semble pire que Willy : elle connaît la réalité mais agit au contraire de ce qu'il faudrait faire. Elle le réconforte constamment, lui offre de multiples excuses - et ce même lorsque Willy dans un éclat de lucidité se rend compte que c'est peut-être lui le problème. Linda est l'incarnation du stérotype de la parfaite femme au foyer. Elle est la plupart du temps silencieuse et "soumise" à son mari. Elle supporte ses sauts d'humeur, est constamment à son écoute comme on le serait pour un enfant.
La dernière partie pourrait s'apparenter à de l'ordre et du désordre. Derrière ces termes somme toute hermétiques, on trouve tout un pan de la pièce. La vie de Willy - comme nous l'avons déjà dit - est chaotique. Pourtant, il tente d'y mettre de l'ordre grâce au déni en refusant de croire aux soucis qui viennent mettre "la pagaille" dans sa vie. Il tente de structurer l'instructurable. C'est là un réflexe purement humain : l'Homme est un être empli de Néant qui tente desespéremment d'Être (pour plus de précision, lire L'Être et le Néant de Sartre).
Mais Willy n'est pas le seul à toucher ainsi à ces deux notions contradictoire : ses fils y sont plongés également.
Happy n'est rien d'autre qu'un Don Juan qui joue avec les femmes de ses supérieurs toujours dans le but de compenser son complexe d'infériorité. Pour se venger de ne pas être aussi puissant qu'eux, il apporte le désordre dans leur foyer.
Biff quand a lui, a été détruit par le caractère paradoxale de son père. Accoutumé à être toujours félicité quoi qu'il fasse, même lorsque ce qu'il fait est mal comme lorsqu'il vole, il ne parvient pas à mettre de l'ordre dans sa vie. Il est partagé entre une haine virale contre son père - qui le force même à nié que celui-ci n'aille pas bien - et une volonté persistante de le satisfaire. Quand tout son être souhaite travailler dans une ferme, son esprit lui souffle toujours de façon pernicieuse que ce genre de métier n'est pas digne, qu'il serait mieux de devenir commis voyageur comme son père le souhaite. Lui aussi tente de mettre de l'ordre dans sa vie en désordre, de donner du sens à ce qui n'en a pas.
Nous avons posé les bases de l'histoire - j'espère ne pas t'avoir perdu en chemin - il est temps de passer à l'intérêt du texte.
La pièce est avant tout une critique de l'American dream et du capitalisme qui pousse à toujours plus produire et posséder, peu importe le prix - on pourrait qualifier ceci à juste titre "d'hérésie".
La finalité de la pièce est la mort, causée par un épuisement mental, une surcharge de contradictions et de déception. Ces dernières sont causées par un système social qui repose sur l'économie (à l'heure actuelle, le prestige social dépend du revenu de chacun en partie). Cette société dictée par l'argent et le gain appuieraient alors sur les brisures inné de l'individu, les fragilités déjà existantes d'un Homme, rendant l'accès au je assumé (et donc quelque part à la réflexion, à la raison) bien plus complexe.
Un autre fait intéressant est ici que nous parlons de l'homme "civilisé", la société est peut-être aliénée, et surtout qu'elle renforce une blessure narcissique inconsciente. L'Homme se sentant constamment mesurer à d'autres dans la société d'aujourd'hui et développant ainsi plus facilement un complexe d'infériorité ou de supériorité par rapport aux autres (par exemple, nous sommes continuellement noté, depuis notre tendre enfance à l'école jusqu'à l'âge adulte, par notre fiche de paie, nous sommes noté dans la rue, par les autres qui juge notre comportement, notre paraître, on voit même des notations publiques apparaître comme en Chine). Willy est l'exemple parfait de cet homme civilisé.
De plus, cette fragilité psychologique induite par la société serait héréditaire et s'amplifierait même à travers les générations : des parents déjà brisés ne peuvent qu'élever des enfants plus fragiles encore (les plus radicaux diront alors qu'il n'existe plus d'adulte dans le monde actuel). Le je assumé serait alors toujours plus difficile à atteindre, la raison également. Si je poussais mon hypothèse plus loin, je pourrais peut-être le rapporter ainsi au silence mental qui s'installe toujours plus. L'Homme serait déjà tant aux prises avec son esprit morcelé auquel il n'arrive pas à donner de forme (on retrouve ici la volonté de structurer le néant pour être) qu'il n'arriverait plus à le concilier pour émettre un raisonnement. La peur d'échouer, une mauvaise motivation pour apprendre (les notes, la volonté d'être meilleur, de gagner plus, d'être estimé) et donc l'aliénation de l'apprentissage (on apprend plus pour nous même) font que l'Homme actuel n'apprend plus de manière raisonnée et ne parvient plus à utiliser ses connaissances par la suite pour sortir de son silence mental et accéder à sa liberté. Ici, nous abordons le cas de Biff et Happy qui ne parviennent pas à raisonner leurs actions, à agir comme des adultes. Ils sont prisonniers de leurs sentiments contradictoires et des fragilités transmises par leur père.
Nous pourrions ajouter à cette analyse l'importance du rôle de la figure paternelle dans cette pièce. Willy n'a jamais connu son père. Il tente d'être présent pour ses fils, afin de leur éviter ce manque qu'il a lui-même subit mais n'y parvient pas entièrement. La société de consommation est si exigeante qu'elle éloigne les parents de leurs enfants pour les mettre au travail, rongeant petit à petit le lien familiale. On pourrait même adapter cette analyse avec désormais l'omniprésence des smartphones qui nous sépare de plus en plus des autres. Le travail et le paraître deviennent alors plus important que les liens véritables.
Enfin que dire de Linda. Au delà du fait qu'elle soit le stéréotype de la femme au foyer et qu'elle ferait exploser une dizaine de féministes à chacune de ses répliques, elle est l'incarnation même de ceux qui sont au courant de la réalité de cette société qui nous mange à petit feu. Qui se rassure et rassure les autres, les aidant à se mentir.
Encore une fois, il nous faut faire un choix. Serons-nous des Linda, passif et muet devant une société qui nous tue ? Serons nous des Willys, créatures déjà brisées qui donneront à leur tour des enfants brisés ? Ou bien sommes nous déjà des Biff et des Happy ? Des enfants perdus qui ont tant de mal à donner un sens à ce qui n'en a pas ?
Nous pourrions rattacher ces pensées déjà exprimées dans notre passé : sommes nous des Sisyphes, condamnés à pousser notre rocher et à recommencer éternellement notre tâche jusqu'à la mort ? Sommes nous des Tantale, condamné à voir se faner nos rêves dès que notre doigt s'en approche ?
Mais plus important sommes nous heureux de ce que nous sommes ? Sommes nous heureux de notre situation ?
Il existe dans cette pièce tant de détails. On y aborde l'obsolescence programmée, les dettes qui s'accumulent, tant de rapport humains différents, complexe, emmêlés. On y voit aussi à quel point nous sommes rapidement dépassés par les nouvelles innovations, à quel point notre monde évolue vite, peut-être trop vite. J'aurais pu parler d'une autre oeuvre (des suggestions pour un futur article peut-être ?), de l'élevage intensif, des déchets nucléaires, de l'urbanisation, même du covid.
Je pourrais parler de cette pièce et de notre société des heures durant, mais plutôt qu'un long discours, j'espère vous avoir donné envie de voir la pièce et ou de la lire. J'espère que cette esquisse à peine brossée de notre société vous aura donnée à réfléchir...
Nous continuons notre voyage bientôt, mon ami. Ne désespère pas : reconnaître les bons côtés de notre monde est important aussi. Nous vivons tout de même à une bonne époque, où le confort atteint un paroxysme dans certains pays.
Nous nous retrouverons pour la troisième et dernière partie de Fracturé, et cette fois, c'est vers le futur que nos pas nous porterons.
A bientôt,
Frandesc.
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