Les livres féministes peuvent ils être misogynes ?

Il y a quelques semaines, j'étais malade – si si je vous assure que pour le bon déroulement de l'article il est important que je vous raconte ma vie. Et comme je m'ennuyais sec, que je n'avais plus aucun livre sous la main et encore moins l'énergie d'aller en acheter un, et ben j'ai piqué dans la bibliothèque de ma mère au pif, et je suis tombée sur La cage dorée de Camilla Leckberg. - Si je voulais être un peu grinçante je dirais que ce nom rime pour moi avec roman de plage, ce qui est loin d'être déplaisant quand on a pas envie de se casser la tête. - Quel rapport avec la journée internationale des droits de la femme vous allez me dire. Eh bien c'est que ce livre a pour ainsi dire divisé son lectorat en deux façons troisième guerre mondiale littéraire – Babelio m'en soit témoin – sur ce qu'est le féminisme et comment on l'incarne dans une héroïne.

Bon on est bien d'accord, il est difficile de voir un consensus sur Babelio – même Marcel Proust n'a pas réussi cet exploit, c'est dire. Mais pour le bien de cet article, passons sur ce détail.

Trêve de blablaterie, plongeons au cœur du problème : laissez moi vous parlez un peu de l'héroïne si problématique de ce roman.

Faye est, au début du roman, une femme tout à fait soumise à son mari, Jack, qui ne nous le cachons pas, incarne très bien son rôle de connard en chef. Il est beau, il est riche, il est puissant, et elle, elle en est éperdument amoureuse. Mais attention, nous ne sommes pas dans Cinquante nuance de Grey, Faye est loin d'être la petite secrétaire toute fraîche et innocente : en vérité, Jack lui doit tout. Très tôt on introduit dans le roman que Faye est très intelligente, et que si l'entreprise de son mari est si fructifiante c'est surtout grâce à elle et à son génie ; lui n'est finalement qu'un opportuniste qui croit que tout lui est dû. Mais cette situation semble convenir à l'héroïne qui n'a alors qu'une seule pensée en tête : redevenir désirable à ses yeux. Car en effet, il semble de plus en plus la délaisser et même avoir honte d'elle, sans doute à cause de ces iiiimondes kilos en trop – oh mon Dieu.

Le tout bascule de manière assez classique : il l'a trompe, elle le découvre, ils divorcent, elle n'obtient rien du tout, pas un centime et se retrouve à la rue.

Bon. Ok. Et maintenant ? Eh bien maintenant il ne reste plus qu'à se relever – puisqu'elle est l'héroïne rappelons-le. Et comment on fait se relever un personnage quand on veut en faire un symbole de féminisme ? Un symbole de la revanche de la femme sur l'homme qui l'a blessée, trahie, humiliée ? On la rend badass, on la transforme en véritable Mary Sue, en la faisant adopter les mêmes comportements pervers qu'un homme.

Déjà, adieu cet horrible look de femme au foyer qui doit peser au moins 80 kilos – oh mon Dieu bis. Et bonjour la femme fatale qui est sportive, mince et chic, et se tape des petits jeunes au bar pour ensuite bloquer leur numéro.

Ensuite, bonjour le coup du destin, une amie très riche décide de l'aider et une autre amie lui propose de s'occuper de sa gamine – parce que oui, ils ont eu une fille, mais bon dont le rôle se limite à montrer que l'ex-mari n'est pas capable de s'occuper d'un enfant et pour le plot twist final. Grace à cet argent généreusement donné, elle monte sa boîte de cosmétique dont tout le marketing repose sur cet argument de femme blessée qui veut sa revanche, et en trois mois, elle devient multimilliardaire – parce qu'on le rappelle, en vérité c'est une femme très intelligente dont le potentiel a été gâché par l'emprise de son mari.

Et une fois cela fait, il faut détruire ce dernier. On lui prend donc son entreprise en en rachetant les parts, et comme de toute façon c'est un plouc qui lui devait tout, il ne peut rien faire contre elle, et on le séduit de la pire des manières pour lui briser le coeur comme il a brisé le notre – œil pour œil, dent pour dent. Et on le fout en prison, comme ça, la boucle est bouclée.

Bon évidemment, tout ce résumé est teinté de sarcasme. Car sous un message théoriquement féministe où la femme reprend les droits que l'on lui a injustement volé, on retrouve tous les clichés du patriarcat, avec une femme volcanique et intelligente, qui devient un homme comme les autres en en adoptant même les comportements nocifs.

Et tout ça soulève alors des questions, je trouve ça malsain, mais qu'en est-il en réalité ? Parce que d'autres personnes encense ce livre justement pour tous ces points que je critique : pour ces lecteurs, la revanche des femmes sur les hommes qui ont mal agit fait partie intégrante du mouvements féministes, de même que cette manière de reprendre ce que les hommes ont si longtemps confisqué (le droit de travailler, de s'exprimer, d'être libre).

La femme doit-elle être un homme comme les autres, sachant qu'elle n'est pas un homme ?

Et d'un autre côté, je ne suis pas non plus d'accord avec l'autre tendance qui viserait à sacraliser les femmes par les côtés qui font d'elles une femmes. Coucou la tendance New Age selon laquelle on pourrait se connecter à des cailloux via notre fabuleux « féminin sacré ».

Et pourtant, parmi les différents livres que je lis, je ne peux m'empêcher de toujours voir revenir une tendance ou l'autre, de manière plus ou moins extrême (ce livre se situant bien à une extrémité, il me fallait bien un archétype pour illustrer mon propos).

Je ne voudrais pas à travers cet article décrédibiliser le féminisme ; ce n'est pas mon propos. Le féminisme est un mouvement visant à mettre fin au sexisme, à l'exploitation et à l'oppression sexistes et à réaliser la pleine égalité de genre en droit et en pratique. Et je crois que l'on peut se battre pour cela sans tomber dans ces clichés réducteurs et genrés. Et je crois également qu'il est important de ne pas tomber dedans lorsque l'on écrit, de manière à ne pas les perpétuer.

Soyons simplement la femme que nous voulons être sans nous soucier des clichés assignés ! Libérons nous de tout ça à notre façon !

Bon je suis bien gentille avec mes slogans sans doutes pas terrible, mais comment alors, écrire une œuvre féministe sans tomber dedans ? Je crains qu'il n'y ait pas de bonne réponse à cette question, et que cela dépend profondément de la sensibilité de chacun. Je préfère par ailleurs laisser cette question ouverte et te demander à toi directement cher lecteur, comment tu définirais le féminisme et comment tu écrirais une héroïne ou un héros qui le serait ?

Sur ce, je te souhaite une bonne journée !

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