1- Une belle journée qui commence.



Caelyn



J'entre à pas de loup dans la chambre de Nael et constate qu'il est déjà levé. Il se regarde dans le miroir à sa taille en essayant de se recoiffer tant bien que mal, mais force est de constater qu'il n'arrange pas sa tignasse brune. De dos, il ne me remarque pas. Trop concentré à chantonner une comptine apprise à l'école en fixant ses cheveux. Alors, à quatre pattes, j'arrive par surprise le chatouiller. Il se tortille dans tous les sens en essayant de voir qui est cette créature qui l'attaque et, entre deux gloussements de rire, il appelle à l'aide. J'adore entendre son rire d'enfant et voir son petit sourire doux, innocent.

Pour finir en beauté cette séance de chatouilles qui dure bien trop longtemps et qui risquerait de lui faire vider sa vessie, je le serre par derrière dans mes bras, laissant retomber mes quelques mèches blondes sur sa petite bouille. Il essaie de se dégager tant bien que mal, et à force de se dandiner dans tous les sens, il change de sens. À bout de souffle, il finit par abandonner et pose sa tête sous la mienne. Je le sens prendre de grosses bouffées d'air comme s'il avait couru un 500 mètres, mais petit à petit, il se reprend. La pièce se fait de plus en plus silencieuse.

Peut-être entend-il mon cœur qui bat pour lui, pensais-je avant de lui demander quelque chose qui lui fera prendre sa mine d'enfant pris en flagrant délit.

— Depuis quand es-tu levé ? M'enquis-je d'une voix douce.

Repoussant légèrement son petit corps afin d'apercevoir ses yeux d'Onix, je le vois fixer le sol, un sourire au lèvre. Il lève les épaules comme signe qu'il ne sait pas, mais les dizaines de jeux différents étendus sur le sol prouvent qu'il s'est amusé depuis un moment, puisqu'ils étaient tous rangés à leurs places la veille.

Le matin, il a toujours du mal à aligner des syllabes. Se réveiller bien plus tôt que prévu peut jouer sur son humeur du matin. Alors, pour clore cette discussion qui ne mènera nulle part, je le prends dans mes bras et me relève. On passe par le couloir où logent des centaines de photos de lui et arrivons dans le salon pour le déposer comme d'habitude sur le petit canapé. J'attrape la télécommande et mets Gulli. Pour son petit bonheur, « T'choupi à l'école »est au rendez-vous ce matin.

Je le laisse à son dessin animé et m'approche de la table où est déjà préparé notre petit déjeuner pour chacun.


Par la remarque de Vincent il y a quelques jours, je prends soin de limiter ma quantité d'aliment lors du lever, malgré qu'aujourd'hui aussi, mon envie irrépressible de dégommer la montagne de pancakes restante est présente. Pourtant, sans que je le souhaite – ou sans en avoir le droit –, ma main s'approche de l'assiette des petites crêpes comme pour en reprendre quelques unes. Mon geste se fige lorsque je l'entends.

Ses pas lents, ses yeux perçants qui se posent sur moi, ses traits et ses mains crispés. Sans même le voir, je le devine. Il s'approche de moi, pose ses doigts à gauche de ma taille et la serre. Son visage se rapproche du mien, bien trop.

« Qu'est-ce que tu fais ? Tu en as déjà beaucoup, non ?» chuchote-t-il à mon oreille droite.


Ma culpabilité arrive tout de suite après la fin de sa phrase.

Mes kilos en trop qui font de moi une honte pour lui.

Le rebond de mon ventre qui ne veut pas partir depuis l'accouchement.

Lui qui disait que j'étais si belle. Et qui, maintenant, ne cesse de me faire des remarques à propos de tout ça.

Je ne l'ai toujours pas regardé, mais je sens son regard qui, malgré la grosseur de mes courbes, ne peut s'empêcher d'atterrir sur ma poitrine.


Je ramène ma main le long de mon corps et guette avec avidité le plat dans lequel je voulais me servir. Comme signe d'abandon, je m'installe à ma place et grignotte doucement le plat tel une petite princesse.

C'est comme ça qu'il veut me voir manger. Avec lenteur, sans bruit et sans gourmandise. Comme si sauter le repas ne serait pas un problème.

Nael me rejoint vivement à table après m'avoir entendu m'y installer, tandis que Vincent prend son assiette, sa tasse de chocolat chaud – son péché mignon – et s'en va.


Je reporte mon attention sur mon petit ange qui dévore les pancakes et les fixe avec adoration. Entre deux bouchées, il s'esclaffe en me disant que c'est super bon et qu'il espère que je cuisinerai toujours pour lui, même adulte. S'il ne m'empêche pas de sortir voir mon fils.

Pour rajouter un peu d'ambiance, je prends mon téléphone dans la poche de mon blazer et mets de la musique sur la petite enceinte qui repose près de l'évier en marbre. La chanson Flowers de Miley Cyrus passe en première, et je ne m'empêche pas de m'ambiancer dessus en balançant les bras n'importe comment, ce qui n'échappe pas à mon trésor. Un petit rire s'échappe de sa gorge et, tel l'imitateur qu'il est, il recopie chaque geste que je fais, aussi farfelus qu'ils puissent être. Je fredonne les paroles, mais avec ses bouchées d'ogre, impossible qu'il puisse faire pareil sans s'étouffer. La musique terminée, une autre s'enchaine, plus calme cette fois. J'arrive alors à terminer ma maigre portion de déjeuner sans me dandiner dans tous les sens, et attends qu'il finisse son assiette plus remplie que la mienne.

Je porte un peu de jalousie à son égard pour la liberté que lui laisse son père. Pourtant, quand je pense à ce qu'il entend et ce qu'il voit une fois à la maison, je l'envie moins.


Un enfant ne devrait pas être témoin de la violence déguisée en amour entre ses parents.



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