XII


Je relis la lettre une dizaine de fois au moins. Enfin je suppose, j'ai arrêté de faire le compte. Je ne vois même plus clair tellement je pleure. Sa lettre est... Tellement bouleversante. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Mon Nicolas veut mourir. A vingt ans il veut mourir. C'est affreux. Je ne sais plus trop quoi dire qui pourrait l'aider maintenant. Il a perdu ses parents de manière horrible, pour les deux. Comment ne pas être traumatisé en vivant de telles choses? 

Cette lettre m'apporte tant. Tant de réponses, tant d'éléments manquants... Mais elle me met en colère d'une certaine façon. Je suis abasourdie que sa mère ait agi comme ça avec lui. Elle m'écoeure. Comment peut-on faire ça à son propre fils? En tant que maman, cela me révolte! Cette lettre me laisse sur un sentiment de peur aussi. Je ne comprends pas trop le sens de ces derniers mots? Il ne veut plus vivre? Il ne veut plus qu'on essaye? Il ne veut plus de moi? Il ne va quand même pas tenter de suicider?

Je me rends compte alors que si, il en est capable. Nicolas n'est pas seul comme c'est la nuit et que Franck a promis de dormir dans le canapé mais j'ai la trouille qu'il s'enferme dans sa chambre et qu'il fasse une connerie avec ces morceaux de verre qui trainent partout. Prise de panique, je bondis de mon lit, saute dans mes chaussures et pars. 

*****

Franck fronce ses sourcils quand il m'ouvre la porte, étonné de me voir débarquer au plein milieu de la nuit. 

- Sarah? Ca ne va pas?

J'ai le coeur au bord des lèvres tellement je suis nerveuse, tellement j'ai peur de ce que je vais découvrir. 

- Je vais dormir ici, lâché-je. 

Il ricanne en refermant la porte tandis que j'avance déjà vers la chambre de Nicolas. Je m'arrête, me retourne et croise son regard taquin.

- Ca s'est bien passé?

J'ai l'impression que je demande cela cinquante mille fois depuis ce matin.

- Il s'est levé, a été encore malade puis il s'est douché.

Je hoche la tête, appuie sur la poignet de la porte. Je suis quand même soulagée par ce que Franck vient de me dire. Il n'a pas pété un plomb, c'est déjà ça. Je referme la porte derrière moi. La chambre est plongée dans le noir le plus complet et bercée par la respiration lente de Nicolas. Il dort. Je soupire en m'avançant doucement. Les morceaux de verre craquent sous mes semelles, et je respire seulement  quand je m'assieds sur le bord du lit. J'enlève mes chaussures. Je lève les yeux au ciel en me rendant seulement compte que je suis partie en pyjama. Heureusement pour moi que la nuit est déjà bien tombée et que je n'ai croisé que très peu de personnes. Je m'allonge lentement sur le côté, face à lui. Je ne peux retenir mes larmes quand je le vois trembler. Je ne pensais pas que ça continuerait même pendant son sommeil. Il me fait mal au coeur et d'un coup, ma colère contre lui se dissipe. Il a tellement souffert que ce que je vis en comparaison à lui m'a l'air bien dérisoire. Pourtant je sais que les souffrances ne se comparent pas mais Nicolas est une âme torturée, il a besoin qu'on l'aime et pas qu'on le rejette encore une fois. L'odeur de son gel douche m'enveloppe telle une caresse réconfortante. Cette odeur qui n'appartient qu'à lui me rassure, m'appaise.
Je caresse doucement sa joue du bout des doigts. Sa barbe pique ma paume quand je la dépose sur son visage. Il est chaud et j'ai envie de me coller à lui pour qu'il me donne un peu de sa chaleur. Parce que moi, depuis que j'ai lu sa lettre, j'ai froid. Il ouvre ses yeux, me fixe sans rien dire alors que j'arrête de bouger ma main. Si je pouvais, je m'applaudirais tellement je me sens conne de l'avoir réveillé.

- Hey...

Ses sourcils se froncent, je les lisse avec mon doigt alors qu'il referme ses yeux.

- Viens près de moi...

Ses yeux s'écarquillent et je suis certaine qu'il doit se dire que je deviens barge. Cependant, il se rapproche de moi et je dépose un baiser sur sa tempe.

- J'ai lu ta lettre, murmuré-je.

Je me rapproche encore de lui afin qu'aucun espace possible nous sépare encore.

- Je suis désolé, dit-il enfin d'une voix ensommeillée.

Je pose mon front contre le sien, ferme les yeux en même temps que lui. Un sentiment de bien-être monte en moi. Je suis chez moi, avec lui. Elle est là ma place. Alors même si le pardon est encore loin, je sais que cela ne sert à rien de résister face à mes sentiments. Il a besoin de moi mais moi aussi j'ai besoin de lui.

- Tu veux me quitter?

Un sanglot m'a échappé malgré que je ne veuille pas craquer. C'est plus fort que moi. Dès qu'il s'agit de Nicolas, je craque.

- Sarah...

Son soupire me déchire les entrailles. Je ne veux pas que tout finisse comme ça. Je l'aime trop pour abandonner. Lui vit la souffrance d'une façon et moi d'une autre. Lui abandonne, noie son chagrin dans l'alcool alors que moi, je me bats, je m'accroche à chaque espoir.

- Je t'aime Nicolas. Je n't'ai jamais détesté même si tu m'as fait mal. Je t'aime trop pour ça et si j'avais su ce que tu vivais, je serais revenue tout de suite.

Il m'attire contre lui pour que je puisse pleurer contre son torse. Je me sens tellement pathétique de chialer dans ses bras alors que c'est lui qui a le plus besoin de réconfort.

- Je suis désolé, répéte-t'-il doucement.

J'entends les larmes dans sa voix, les sens s'écraser sur mon front alors que je le serre dans mes bras. Il m'a manqué, être contre lui m'a manqué. Et être ce soir là, dans ses bras est tout ce dont j'avais besoin après cette journée difficile. Nicolas croise ses jambes aux miennes, m'embrasse dans le cou alors que j'essaye d'apaiser ses tremblements en le frictionnant. Pourtant, je sais qu'il n'a pas froid mais là, je suis perdue. Perdue dans ce que je dois faire ou non, perdue dans les souvenirs de ce que nous avions été et qui me manquent.

- Je t'aime aussi honey, je t'aime tellement. Je te demande pardon, vraiment.

Je l'enlace un peu plus encore, embrasse son torse mouillé par mes pleurs. C'est tellement dur de savoir si ce que je fais est bien ou non. Mais là, je veux juste profiter de lui, de sa présence même si nous sommes mal, même si son sevrage le fait trembler sans cesse contre moi. Nous sommes en train de vivre nos vraies retrouvailles, et je sais que rien ne pourra entacher ce moment.

Je redresse la tête, caresse sa barbe de ma main, dessine les contours de sa bouche de mon doigt avant de la frôler de mes lèvres. Il me rend mon baiser sans attendre, et je ferme les yeux pour le savourer. Son baiser est différent de la dernière fois, n'a rien à voir même. L'autre était dur, violent, passionnel. Celui-ci est lent, doux, empli d'un amour qu'on ne peut plus retenir ni nier. Je l'aime, je l'aime trop, je pense. Puis je me rappelle avoir toujours dit qu'on ne pouvait jamais aimer trop, ni assez. On aime ou on n'aime pas, tout simplement. Et lui je l'aime, je l'adore.

******

Nicolas.

Je regarde le plafond au-dessus de ma tête, alors que Sarah s'est endormie contre moi. Je ne sais pas ce qu'elle fait là, ni quand elle est arrivée, ni rien. Je sais seulement qu'elle est là, couchée dans mon lit contre moi. Je sais juste qu'elle m'a dit qu'elle m'aimait, qu'elle ne me pardonnait pas mais qu'elle m'aimait. Je me rappelle seulement que ses mots ont fait battre mon coeur, alors que j'étais sûr de ne plus en avoir. Je sais juste qu'elle m'a embrassé et que je l'ai embrassé aussi. Je suis perdu. Je lui ai écrit une lettre pour qu'elle se rende compte que la vie avec moi ne valait rien. Je ne suis pas le mec qu'il lui faut et pourtant, elle est là, avec moi. Elle mérite tellement mieux mais  elle ne veut aucun autre. Et je ne veux qu'elle aussi. Ça toujours été elle. Je sais que j'ai encore énormément de chemin à faire. La dépression  est ancrée en moi. Les cicatrices me rappellent ce que j'ai perdu. La vie ne m'épargne pas non plus. Je ne suis pas assez fort pour lutter indéfiniment. Mais... Si elle m'aide, si elle reste à mes côtés, je sais que je le ferais pour elle, rien que pour elle. Et pour nous.

Je me retourne vers elle et la prend contre moi, même si j'ai la trouille que mes tremblements la réveillent et ne cassent ce rêve éveillé.
J'ai envie de boire. J'en ai besoin, je le ressens au plus profond de mes tripes. Mais j'ai encore plus besoin d'elle. Alors j'enfouis ma tête dans son cou et respire l'odeur ennivrante de ses cheveux pour tenter de calmer cette envie d'alcool. 

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