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"Viens d'atterrir ".
Simple, bref, direct. Timéo et les connards qui l'accompagnent viennent d'arriver et je ne sais pas pourquoi mais je le sens mal. Soit il va m'énerver en n'amenant pas le p'tit chez mes parents, ou soit ils vont forcément faire un truc pour me faire chier. Ca toujours été comme ça. En plus, c'est toujours quand je n'ai pas envie de voir les gens que je les croise. Combien de fois est-ce que je ne l'ai pas vu à Marseille? Rien que d'y penser me fait frissonner de dégoût. Comment ai-je pu être un jour amoureuse de ce mec alors que c'est un crétin fini? M'enfin... Nicolas n'en est plus très loin, je ne me voile pas la face. S'il ne fait aucun effort, je l'oublierais. C'est obligé si je ne veux pas finir dans un asile psychiatrique.
Puis, faut aussi que je pense à ma priorité première de mon voyage: ma mère. Il faut que j'essaye de passer plus de temps avec elle parce que là, depuis mon retour, mon cerveau a carburé au Nicolas par-ci, Nicolas par-là. Mais bon, je me doutais bien que j'allais le revoir en débarquant ici. Je me force à fermer les yeux. Faut que je dorme. Faut que j'arrête de cogiter d'abord sinon c'est mort.
*****
Je relève la tête. Trois heures du matin.
Putain j'ai pas encore fermé l'oeil de la nuit. Je me recouche, sentant mes yeux piquer.
Et sa mère? Pourquoi est-ce qu'elle lui a demandé du fric? Il n'en a pas. Et puis elle pas mal culotté celle-là! Elle les abandonne parce qu'ils ont des dettes, puis revient comme une fleur mandier son gosse! Et sa soeur? Elle est où? Sûrement chez son père... Mon dieu, j'espère que sa mère ne vivait pas le même truc que moi et qu'elle avait la garde de sa fille... C'est tellement dur de ne pas avoir nos enfants... Même après deux ans, je ne suis toujours pas habituée à vivre sans mon fils. Chaque jour il me manque, chaque jour je regarde sa photo le coeur serré, je me demande ce qu'il fait, ce qu'il mange. Il faut que je le vois, absolument. C'est son anniversaire demain. Euh aujourd'hui. Je n'ai même pas encore été chercher son casque. J'irai en me levant et je téléphonerai à monsieur connard.
*****
J'ouvre les yeux. Quatre heures cinq.
Fait chier. Je vais être morte de la journée. Je referme les yeux. Je soupire avant de bailler et de soupirer encore une fois.
Comment je vais faire pour l'aider? Putain je ne sais pas comment on fait ça moi. Je n'ai jamais côtoyé de gens qui buvaient du matin au soir, ni de dépressifs. Bon j'ai eu ma période dépression, j'en suis consciente mais je ne sais pas gérer celle des autres. Bon, déjà, je l'inscrirai aux alcooliques anonymes. Ensuite, il faut que je réussisse à le faire parler. Je veux tout savoir sur sa mère, sur sa soeur mais surtout, je veux savoir pourquoi se sent-il coupable et le pourquoi ça l'a empêché de me rejoindre. C'est absurde pour moi, ça ne veut pas faire sens dans mon esprit. Comme si chaque personne qui perdait un proche se séparait de celle qui l'aimait. On serait tous une belle brochette de célibataires si c'était comme ça. Justement être en couple c'est aussi soutenir l'autre en cas de coup de mou, en cas de déprime. Ce n'est pas juste baiser et partager les bonnes choses. C'est TOUT partager, TOUT vivre ensemble, TOUT ressentir ensemble.
Rien que d'y penser, je sens la colère monter en moi.
*****
J'ouvre un oeil. Il est cinq heures. C'est bon je laisse tomber le sommeil. Je n'y arriverais jamais. Je crie dans mon oreiller, frappe dedans plusieurs fois pour évacuer un peu de la haine que j'ai en moi. Mais comment peut-il avoir été aussi con? Comment est-ce possible après ce que l'on a vécu ensemble? S'il savait comme j'ai envie de lui foutre une raclée pour avoir été aussi bête! Je me lève, énervée. J'enfile un training que j'ai pioché dans ma valise, mets un t'shirt et mes baskets. Il faut que j'oublie tout. Il faut que je m'épuise un minimum.
*****
Je n'ai jamais couru, alors je ne sais pas courir. J'ai à peine fait cent mètres qu'une pointe me lance déjà dans les côtes et je suis obligée de marcher si je ne veux pas mourir sur le trottoir. Je suis aussi essouflée que si je venais de courir le marathon de New-York alors que si je regarde par-dessus mon épaule, je peux encore voir le motel dans lequel je dors. Quelle condition physique!
Je décide quand même de marcher, j'ai besoin de me calmer. Et dire que je l'ai embrassé... Et que j'ai aimé ça, je crois que c'est ça le pire. Je l'aime comme une dingue, je suis bleue de lui. Je serais prête à faire n'importe quoi pour qu'il revienne dans ma vie mais je veux qu'il mérite sa place, qu'il mérite mon pardon. Et comme il l'a demandé, je ne vais pas me priver pour le faire ramer. Je veux qu'il redevienne comme avant, qu'il redevienne ce mec beau, intelligent et enjoué que j'ai connu. Je ne veux pas de lui tant qu'il ne changera pas. Mes yeux se posent instinctivement sur mon tatouage. "Never give up". Non, je n'abandonnerais pas. Sauf s'il reste celui qu'il est pour le moment.
Je me remets à marcher et très vite le soleil se lève. La chaleur réchauffe ma peau et j'en frémis. J'adore le soleil, et pour ça, je suis assez gâtée dans le sud-est de la France.
Quand je reviens au motel, je me rue sur mon paquet de m&m's. J'adore ces trucs-là et ils ont l'avantage de me faire penser à Tim. Je ris souvent parce qu'il dit que les bruns sont dégueulasses alors que bon, ils sont tous pareils hein. Du coup quand on en mange ensemble, on a un pacte. Il me file les bruns et je lui donne les bleus. Je souris comme une gamine en pensant à lui avant de pleurer. Mon fils me manque. Terriblement. Je voudrais tant le prendre dans mes bras et lui souhaiter un bon anniversaire, lui dire que je suis désolée d'être une mère si pathétique. Il y a huit ans maintenant que je lui donnais naissance et je ne suis même pas avec lui pour fêter ça. Je me blottis dans mon lit et pleure. J'ai tellement mal, tellement mal de ne pas être plus présente pour lui. Ce n'est pas que je ne veux pas être une bonne maman, c'est qu'on ne me laisse pas l'être et je crois que c'est le plus dur à vivre. Mes larmes mouillent mon oreiller alors que je garde les yeux rivés dans le vide. Je suis dégoutée d'avoir cette vie-là, je suis déçue de mon destin, de ce que la vie m'a réservée. J'ai toujours été droite dans mes pompes et c'est moi qui en morfle toujours le plus. Si mon avocate n'arrive pas à faire changer le droit de garde, je me barre avec mon fils. Où? Je n'en sais rien mais assez loin pour que son père ne nous retrouve jamais. Je serre le deuxième coussin dans mes bras, sanglote dessus. J'en ai tellement marre de souffrir, de ne pas savoir gérer le manque de mon bébé.
*****
- Sarah...
Je grogne en me retournant. Je sens que j'ai besoin de dormir, je suis épuisée.
- Sarah... Réveille-toi.
J'ouvre les yeux et me retourne brusquement. Franck est assis dans le lit et je fronce les sourcils en me recouchant et couvrant ma tête des draps.
- Hmmm...
- On a besoin de toi. Nicolas ne va pas bien.
Je soupire bruyamment.
- Comment t'as su entrer toi?
Il rit tandis que je l'interroge du regard.
- Le mec de l'accueil pense que je suis ton frère.
Je pouffe de rire en me cachant dans les draps. N'importe quoi. On ne se ressemble en rien du tout.
- C'est quand même un crétin ce mec de te filer les clés. Je lui en toucherais deux mots.
- Tu m'aides ou pas?
Je rabats les draps sur mes pieds. Heureusement pour moi que je suis toujours habillée de mes vêtements de sport.
- Il se passe quoi encore? Demandé-je en m'étirant.
Bordel j'aurais dû dormir la nuit, je suis morte.
- Il se passe quoi? Il n'a pas bu une goutte depuis hier après-midi qu'il nous a dit. Il est super mal.
- Okay, soupiré-je en mettant mes baskets.
*******
Quand j'arrive dans l'immeuble où Nicolas habite, je suis nerveuse. Je ne connais pas les symptômes du sevrage d'alcool, pas du tout et donc, je ne sais pas à quoi m'attendre. Franck m'a dit être épuisé dans la voiture. Il m'a dit que cela faisant un an qu'il devait gérer les conneries de Nicolas mais que ces sept derniers mois, cela s'était empiré. Sept mois. Cela fait sept mois que je l'ai attendu et qu'il n'est jamais venu. Est-ce que c'est à ce moment-là que sa mère est morte? Je grimpe les escaliers quatre à quatre, suivie de Franck. Je pousse doucement la porte et sursaute en tombant nez à nez avec Dean. Je suis bouche bée quand je le vois pleurer. Putain c'est grave à ce point-là?
- Il est dans la salle de bain...
- Merci.
Je vais vers la salle d'eau, frappe doucement à la porte.
- Foutez-moi la paix putain!!!
Nicolas crie et pleure en même temps. J'entre quand-même, le trouve assis torse nu contre le mur de faïences bleues, à côté des cabinets. Je referme derrière moi et m'accroupis près de lui. Il est aussi blanc qu'un cadavre, tremble énormément et son visage est ravagé par les larmes.
- Hey, murmuré-je.
Ses yeux rougis croisent les miens avant qu'il ne se cache entre ses mains.
- Pardon, pardon, pardon, pardon... Putain Sarah je te demande pardon, pleure-t'-il. J'ai déconné... Je ne pensais pas que tu reviendrais un jour. Je suis tellement désolé.
Je tire ses mains de son visage, craque en le voyant si mal. Ses tremblements sont impressionnants.
- Tu devrais aller voir un médecin... Tu trembles vraiment beaucoup.
Il secoue la tête, paniqué à l'idée de se faire ausculter.
- Non, non, non...
J'ai beau être en colère contre lui, le voir dans cet état me fait mal. Je m'installe à côté de lui, le prends dans mes bras. Ses larmes trempent ma blouse et les miennes s'écrasent dans ses cheveux. Je tente de retenir mes sanglots quand j'aperçois son dos empli de cicatrices. Celles que j'ai soignées, celles qui nous a éloigné et rapproché en même temps. Je le serre un peu plus fort contre moi en priant pour que ça calme ses tremblements qui me font peur.
- Je t'aime Sarah, si tu savais comme je regrette... Je t'aime.
Je ferme les yeux, me force pour ne pas répondre que moi aussi je l'aime. C'est dur, c'est tellement douloureux de le voir autant souffrir. Aucune personne ne mérite de vivre de telles souffrances.
- Tu peux le faire, chuchoté-je. Tu peux y arriver.
Il s'agrippe à moi et je m'agrippe à lui. Il va y arriver. C'est comme tout sevrage, le plus dur est le début. Il sanglote avant de me repousser et de se pencher au dessus de la cuvette des toilettes et de vômir. Je le regarde, ne sachant pas trop ce que je peux faire. Je me sens complètement impuissante. Je me lève, prends un gobelet sur le rebord du lavabo et le remplis d'eau. Quand il a fini, il tire la chasse d'eau et se laisse glisser sur le sol.
Je m'agenouille près de lui, lui donne le gobelet. Il le prend, en fout la moitié par terre tellement ses mains tremblent et avale le reste du contenu.
- Je suis désolé... je ne voulais pas que tu vois ça...
- Je t'ai dit que je t'aiderai. T'as épuisé tes amis, souris-je doucement. Essaie de me laisser un peu de forces quand même.
Il ne sourit pas à ma tentative d'humour et je me relève.
- J'arrive, lui dis-je.
Je m'éclipse de la salle de bain et Franck prend le relais. Putain mais quel bordel. Je repère un ordinateur sur la table basse, entre les cadavres de bouteilles.
- Il faut vraiment qu'on nettoie cet endroit, soupiré-je. Comment est-ce qu'il peut vivre ici?
Dean s'installe à côté de moi dans le canapé et regarde l'état lamentable des lieux comme s'il le voyait pour la première fois.
- Je peux faire ça pendant que tu restes avec lui.
Je hoche la tête.
- D'accord, c'est sympa. Par contre je ne saurais pas rester toute la journée. Je dois aller voir ma mère qui n'est pas bien.
Dean sourit et se lève.
- T'es revenue pour faire l'infirmière des gens que t'aime.
Je ne dis rien, me contentant d'acquiescer. J'ouvre le pc qui n'a pas besoin de mot de passe et consulte sur plusieurs sites les symptômes de sevrage. Tremblements, c'est normal apparemment ce qui me rassure quand-même. Par contre tous les sites disent qu'il peut avoir des hallucinations et ça par contre, ça me fait assez flipper. Je prie pour qu'il n'en ait pas sinon là, je vais devenir vraiment folle.
Quand Franck repart, j'oblige Nicolas à sortir de la salle de bain. J'ai réussi à trouver un seau dans un placard et je l'attire dans sa chambre. Il doit vraiement se reposer, essayer de dormir. On dirait un mourant.
- J'ai pas envie de dormir, pleure-t'-il.
Il n'a pas cessé une seule seconde de pleurer et j'ai mal au coeur.
- Tu dois dormir. Personne a envie de dormir sauf les parents épuisés, souris-je. Mais tu en as vraiment besoin.
Il enlève son pantalon de training, et je ne peux m'empêcher de le reluquer malgré ma conscience qui me hurle que ce n'est pas le moment pour ça. Il a perdu du poids, environ cinq kilos je dirais ce qui met encore plus en avant les muscles saillants de son torse. Il se couche dans le lit, tentant de calmer ses sanglots, comme les enfants.
- Dors ...avec ...moi...s'il te plait.
J'en crève d'envie au fin fond de moi mais... je ne peux pas faire ça. Même si je sais qu'il a besoin de moi.
- Nic, soufflé-je en le recouvrant. Je ne peux pas dormir avec toi. C'est... trop tôt. Tu comprends?
Il hoche difficilement la tête, ferme ses yeux.
- Je vais aller voir mes parents, dis-je en passant une main dans ses cheveux.
- Je... Je...t'aime Sarah.
Je pince mes lèvres, me retiens de pleurer et sors de la chambre.
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