36


Je reste figée sur place, fixant la porte de la chambre qu'il vient de refermer.
Qu'est-ce qu'on a tous les deux? Je ne sais pas pourquoi j'ai eu si peur de le prendre dans mes bras... Ca fait des jours que j'en rêve pourtant. J'ai peur qu'il me rejette. Comme l'autre fois. La dernière fois qu'il m'a pris dans ses bras, c'est quand on est rentré ici. J'avais eu l'espoir que sa tendresse soit revenue mais non, dès que nous avions été seuls, il m'a ignorée. J'ai peur qu'il me rejette sans cesse.
L'interphone qui retentit une deuxième fois me ramène au présent. Je me dépêche d'ouvrir à Sophie qui vient tous les vendredis. Je vais vite essuyer les traces de maquillage que mes larmes ont fait coulé.

- C'est moi, chantonne Sophie quand elle referme la porte.

Sa bonne humeur me fait sourire malgré mon coeur qui pleure encore. Je sors de la salle de bain et esquisse un sourire en la prenant dans mes bras.

- Oula, soupire-t'-elle, tu n'as pas encore l'air en forme.

- Pourtant je vais mieux.

Je mens bien évidemment mais je ne veux pas parler de tout ça. Ça ne sert à rien de ressasser sans cesse les mêmes choses.

- Hmm.. Hmm.

Elle n'est pas dupe, je la connais mais elle me connait aussi pour savoir que je n'ai pas envie qu'elle insiste, pas ce soir. Elle dépose son sac à main sur une chaise et s'en va dans la cuisine. Je la suis et la regarde ouvrir le frigo. Comme à son habitude, Sophie est impeccable. Vêtue de sa petite robe rouge, elle se retourne et me fait un clin d'oeil.  

- Du vin?

- Oh oui, soupiré-je.

Je prends deux verres dans le placard et elle nous sert.

- Il va bien?chuchote-t'-elle.

- Non. Rien n'a changé depuis ce matin tu sais.

Elle soupire longuement alors que je bois une gorgée du vin rosé qu'elle m'a servi.

- Je vais prendre Tim ce week-end.

- Non, ça..

Elle tape du pied comme une petite fille et je glousse face à sa moue réprobatrice.

On dirait une maman prête à enguirlander son ado rebelle.

- Vous en avez besoin bichette. Tu en as besoin. Tu me dis que ça va mais je te connais assez pour savoir que c'est faux.

Je hausse les épaules pour ne pas pleurer. Sophie dépose son verre et prend ma main dans la sienne et nous enlaçons nos doigts.

- Il a besoin d'être seul avec toi Sarah, j'en suis certaine.

- Et si ça ne changeait rien...

Et oui, et s'il refuse quand même de me parler, s'il s'enferme encore plus sur lui-même. Qu'est-ce que je ferais?

- Tu insistes. Ne lui laisses plus le choix. Ne quittes pas la pièce parce qu'il ne te regarde pas ma pouliche. Ce mec souffre. Imagine si tu n'avais plus tes deux parents? Tu serais mal même si nous sommes là.

Je hoche doucement la tête. Après tout pourquoi ne pas tenter? J'ai besoin qu'il me parle. C'est ça surtout. Je ne supporterai plus longtemps qu'il m'ignore.

- D'accord...

*******

Je sors de ma douche et enfile mon pyjama en coton fin. Il fait très gamine mais je n'ai que ça sous la main. Je me démaquille rapidement, fixe mon reflet dans le miroir. Sophie a fini par prendre Timéo et maintenant que je suis seule avec Nicolas, je suis hésitante. J'ai peur d'aller le rejoindre dans le lit. Peur qu'il impose cette distance qui me fait tant souffrir. Je voudrais tant être dans sa tête et savoir tout ce qu'il n'ose pas me dire. Je soupire, attache mes cheveux dans un chignon, me brosse les dents et sors. 

Je m'arrête devant la porte de la chambre. Mon coeur tambourine à pleine puissance dans ma poitrine. Comment pourrais-je m'imposer s'il veut être seul? Je lâche la poignée et m'en vais dans la chambre de Timéo. Je m'adosse à la porte, ferme les yeux même si la pièce est plongée dans le noir. Je l'entends sortir de la chambre, passer devant celle de Timéo avant de s'enfermer dans la salle de bain. 

Avant j'aurais été le rejoindre sous la douche, là non. Je ne veux pas le toucher alors qu'il me rejette. Ce serait malvenu de ma part. Pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque. J'avance en écoutant l'eau couler dans la pièce d'à côté et me couche dans le lit vide et froid de mon fils. Malgré la chaleur, je me recouvre des couvertures et reste silencieuse. J'essaye de deviner ce qu'il fait. Là, je sais qu'il se brosse les dents. Le cliquetis de l'interrupteur me dit qu'il a éteins. Ses pas résonnent sur le parquet. Il s'arrête quelques secondes devant la porte. Je retiens mon souffle en regardant vers la porte. Est-ce qu'il va entrer? Non, il s'en va vers son Q.G et je respire. Ça en est ridicule. Je l'aime comme une dingue et je n'ose plus le lui dire, n'ose plus l'approcher ou lui dire que j'ai besoin de lui. Je me sens pathétique. Sophie me donne une occasion d'arranger mon couple et je le fuis par peur. Il faut que je me ressaisisse si je ne veux pas vraiment le perdre. 

Je tremble de nervosité quand je me lève du lit douillet et que je sors de la chambre de mon fils. Je cesse de respirer alors que j'ouvre doucement la porte. Il fait complètement noir quand je referme derrière moi. Il ne dit rien mais je sais qu'il est réveillé. Il n'aurait jamais sû s'endormir aussi vite. Je me glisse dans le lit mais je reste sur le bord pour ne pas le brusquer plus que je ne suis en train de le faire.

Etre dans un lit avec lui me parait si bizarre alors que c'était naturel il y a quelques semaines. Je le sens se retourner face à moi et ses yeux larmoyants brillent dans l'obscurité. Le voir pleurer me tue, vraiment et je m'en veux de ne pas avoir été là pour sécher ses larmes les nuits précédentes. Je tends ma main et du pouce, j'essuie sa joue humide. Sa peau est douce et chaude sous mon doigt. J'ouvre la main et la pose sur sa joue, caresse doucement sa barbe. Il pose sa main sur la mienne et je suis troublée par ce contact. Il m'a manqué, il me manque toujours.

- Viens dans mes bras.

Je me fige l'espace d'un court instant. Je voudrais tellement parler mais là, il m'offre ce dont j'ai besoin. Je m'approche doucement, frissonne quand mon corps touche le sien. Je hume son odeur, frotte mon nez sur son torse et dépose un baiser sur son coeur.

- Je t'aime Nicolas, pleuré-je.

- Honey...

Il soulève mon menton et pose son front contre le mien. Ses lèvres sont si proches mais si loin en même temps. Je voudrais l'embrasser, lui montrer à quel point je l'aime fort.

- Arrête de pleurer, je t'en supplie.

- C'est dur de te voir comme ça...

Il soupire et je sens qu'il se crispe contre moi.

- Je veux...

Je sens son coeur s'affoler contre le mien et je panique. 

- Que tu me quittes.

- Quoi? Baffouillé-je.

- Je ne veux pas que tu sois dégou...

- Mais de quoi tu parles? Le coupé-je.

Je me redresse, abasourdie. C'est donc ça qu'il pense? Que je suis dégoutée? Pour une brulure? Non mais j'hallucine! Il se redresse difficilement alors que je sors furibarde de la chambre. Non mais ça c'est la meilleure!

- Fais chier!

Je crie parce que ça fait du bien, c'est libérateur de gueuler des insanités et qu'il les entende bien. J'allume dans la cuisine et prends mes clopes. Je n'allume pas la hotte, je m'en fout de toute façon! J'allume ma cigarette, aspire une longue taffe quand il entre dans la pièce.

- Sarah...

- Ta gueule! Sérieusement tais-toi!

Il se tait, me fixe de ses grands yeux bleus.

- Putain j'ai rêvé de t'entendre me parler et une fois que tu le fais, c'est pourquoi? Pour me débiter des âneries!

- Sarah.

- Non laisse-moi finir parce que moi j'ai une tonne de choses à te dire!

Il va dans le salon, allume la petite lampe dans le coin de la pièce et s'assieds sur le canapé. Je le suis avec mon cendrier à la main, énervée.

- D'abord tu me nies comme une bonne grosse merde alors que je me fais un sang d'encre pour toi! Je suis d'accord que tu souffres, mais moi aussi j'ai mal! Mal de me sentir rejettée, mal de me sentir détestée! Qu'est-ce que je t'ai fait? Tu peux me le dire? Qu'est-ce que je t'ai fais?

Je finis ma tirade en larmes, debout au beau milieu de mon salon. Nicolas a la tête enfouie entre ses mains, je suppose que c'est pour fuir mon regard. Encore. Il ne dit rien et mon coeur se brise un peu plus. J'écrase ma clope rageusement. Je n'en peux plus de ces silences, je veux seulement qu'il me parle, même si ce sont que de banals mots. Mais il ne le fera pas, je le sais.

- J'ai juste besoin de savoir une seule chose, sangloté-je.

Il redresse son visage trempé vers moi et attends ma question. Nos regards ne se quittent plus et je sais que j'ai ma réponse là sous les yeux. J'ai juste besoin qu'il me le dise.

- Tu tiens encore un peu à moi?

Un sanglot lui échappe et je dois me forcer pour ne pas le prendre dans mes bras. On souffre tellement tous les deux et il est temps que cela cesse.

- J'ai eu peur en me mettant avec toi, dis-je doucement, j'ai eu la trouille même. Et j'ai fais un énorme travail sur moi pour apprendre à m'en foutre du regard des gens et... Comment tu peux croire que tu me dégoutes? Si c'était le cas, je ne m'occuperais même pas de tes soins, j'appellerais une infirmière enfin... C'est évident que je suis bleue de toi, non?

Seuls ses pleurs me répondent. Il ne dit pas un seul mot et je ne sais plus quoi dire, quoi faire. Il faut que je me fasse une raison, il n'a tout simplement plus envie de continuer notre histoire.

*******

Nicolas

Ma gorge est nouée par les sanglots. Putain moi aussi je l'aime comme un malade, mais j'écoute ce qu'elle me dit sans broncher. De toute façon je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à formuler ce que je veux lui dire. Elle doit me quitter pour son bien à elle, pas pour le mien. Soyons clairs, depuis le début de notre couple je ne lui apporte que des emmerdes. Et là... Je ne sais même plus la toucher pour combler un peu le reste. 

Elle dit que je ne la dégoute pas, pourtant elle devrait l'être. A chaque fois que j'apperçois le reflet de mon dos dans le miroir, je gerbe. Je suis dégouté d'être devenu ça, de ne plus jamais pouvoir un jour me mettre en torse nu sans être gêné. Je n'ai que dix-huit piges et les flammes qui m'ont brulé à vif m'ont enlevé ces quelques bonheurs pourtant simples. Parce que oui quand on est jeune le physique est important, oui quand on est jeune on aime s'exhiber l'été sans avoir un regard de dégout posé sur soi. Et ça... C'est terminé. Cet incendie m'a tout pris. Une partie de moi-même et mon père.

La porte d'entrée qui claque me tire de mes pensées. Elle vient de partir.

Je réalise alors que si je fais rien maintenant, il sera trop tard. Franck a raison. Elle souffre énormément et je n'aime pas ça. Je me lève et part à sa poursuite. Je dévale les escaliers même si la peau de mon dos semble se déchirer sous mes gestes trop brusques et rapides. Je ne peux pas la laisser filer.

- Sarah!

Elle continue de descendre devant moi en m'ignorant. Je l'attrape par le bras avant qu'elle ne commence à descendre une nouvelle série de marches.

- Quoi? Crie-t'-elle en se tournant.

Ses yeux me lancent des éclairs malgré les larmes qui ruissèlent sur ses joues.

- T'es en pyjama...

Elle écarquille les yeux et je me mettrais bien une claque. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cette connerie.

- Je m'en cogne.

Un léger sourire se dessine sur ses lèvres pulpeuses et mon coeur se réchauffe un peu.

- Je t'en supplie, murmuré-je. Ne pars pas...

Elle reste muette à son tour et se libère de mon poing serré autour de son bras. Elle va me quitter. Je ne veux pas. Je ne veux pas vivre sans elle. Je ne le peux tout simplement pas. Elle est tout. Tout ce qu'il me reste. Une main dans mes cheveux, le regard fuyant le sien, je lui déballe tout. Je ne veux pas qu'elle s'en aille.

- Je suis désolé, soufflé-je. Désolé pour tout. Et oui je tiens encore un peu à toi. Même bien plus que ça puisque je t'aime comme un dingue mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à te dire tout ça parce que je pense sans cesse à ce qu'il s'est passé ce jour-là et que je m'en veux. Je n'aurais pas dû m'emballer sur mon père. De ma faute il est... Mort. Et je crois que je ne me le pardonnerais jamais.

Un sanglot s'échappe de ma gorge et je me sens honteux de chialer devant elle. Je n'aime pas montrer aux autres que je suis faible, j'ai horreur de ça. Mais cette nuit, je n'arrive plus à le cacher. Je veux qu'elle sache que je l'aime, qu'elle est bien trop importante à mes yeux.

- Je suis désolé... Je ne sais pas comment me faire pardonner auprès de toi, j'ai été ignoble en ignorant ta souffrance mais...

- Et tu me déballes ça ici? Dans une cage d'escaliers miteuse?

Je me tais et plonge mon regard dans le sien. Je suis un peu décontenancé par sa réplique. Un sourire étire ses lèvres à travers ses pleurs. Elle me taquine. Elle n'a jamais été aussi belle qu'à cet instant. Ses joues rouges me donnent envie de la serrer contre moi, de ne plus jamais la lâcher.

- Ouai. Tous tes voisins sauront que je t'aime comme ça.

Elle prend son visage entre ses mains et pleure.

- Putain Nicolas je te jure que si tu arrêtes encore une seule fois de me causer...

Elle me regarde alors et ses épaules se détendent.

- Bordel je t'aime! Crie-t'-elle. T'as pas le droit de faire comme si je n'existais pas!

Je soupire. Elle est loin d'être calmée et je m'en veux un peu d'être excité par sa bouche entrouverte et ses yeux étincellants de rage et d'amour mélangé.

- Je suis désolé.

- Et arrête de dire ça.

Je souris en coin parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. Est-ce qu'elle acceptera si je lui demande de l'embrasser. J'en sais strictement rien mais j'en meurs d'envie.

- On devrait remonter, dis-je.

Elle acquiesce et je lui tends une main. Elle la regarde durant il me semble une éternité avant d'y glisser la sienne. Je l'attire contre moi et referme mes bras autour de son corps.

- Tu me rends folle, pouffe-t'-elle à moitié énervée.

- Je suis fou de toi honey et...

Je prends son visage entre mes mains et plonge mon regard dans le sien.

- Je te promets de ne plus te mettre de côté.

- T'as intérêt.

Je souris en la serrant un peu plus contre mon torse. Cette dispute est finalement une bonne chose. J'avais besoin qu'elle me dise ce qu'elle ressente pour pouvoir me libérer d'un poids. 

- Embrasse-moi...

J'arque un sourcil alors que mes pulsations cardiaques s'affolent. Je suis aussi stressé que si je l'embrassais pour la première fois. Elle se hisse sur la pointe des pieds et ses mains posées sur mon ventre me font frémir. 

– Je t'aime Sarah, ne l'oublie jamais. Quoique je dise ou fasse je t'aime. Comme un dingue.

 Je me penche légèrement avant de frôler ses lèvres. Elles sont douces contre les miennes et je me rends compte alors de ce que j'ai manqué durant ces trois semaines. Je l'embrasse alors. Ma bouche se presse sur la sienne tandis que de ma main posée dans sa nuque, je la serre contre mon torse. Mes lèvres se font avides, avides de pardon parce que je désire qu'elle me pardonne la douleur que je lui ai causée. Elle gémit contre ma bouche et j'en profite pour glisser ma langue contre la sienne.

- Ne me laisse pas...

Je l'embrasse encore. J'ai besoin de sentir qu'elle est toujours avec moi, à moi. Sa bouche se fait toute aussi gourmande que la mienne et ses doigts sont maintenant emmêlés dans mes cheveux.

*****

Sarah

Ses lèvres sur les miennes sont telle une bénédiction. Ce baiser échangé est tellement chargé de regret, d'amour, de pardon et de frustration à la fois qu'il me déstabilise. Je l'aime. Certain diront que je l'aime trop mais on n'aime jamais de trop comme on n'a jamais assez d'amour dans la vie.

L'abcès est percé. Je sais maintenant que c'est la culpabilité de vivre qui l'assaille alors que son père est décédé. Il se rejette la faute mais il doit comprendre que non, ça ne l'est pas. On ne sait pas prévoir les actes d'autrui. Et encore moins empêcher les drames arriver. Il ne savait pas que son père allait réagir de manière abusive, sinon il ne se serait pas énervé ou serait parti. 

Je l'aime. A en mourir. Et parce que ce baiser, et parce que ses mots et parce que c'est lui -même écorché vif- je lui pardonne. Je lui pardonne toute la peine que j'ai pu ressentir. Je lui pardonne son mutisme, je lui pardonne mes larmes et mon coeur piétiné.

- On devrait remonter.

- On devrait oui, chuchote-t'-il.

Je reprends sa main dans la mienne et nous montons. Je veux être chez moi, avec lui. Rien que nous deux. Je veux qu'on se retrouve, que nos peaux se réhabituent à la chaleur de l'autre. Je veux l'embrasser le restant de la nuit et lui dire à quel point je l'aime. Qu'il comprenne qu'il ne sera jamais seul. Je referme la porte et fronce les sourcils quand je le vois sortir sur le balcon. Je prends mon paquet de cigarettes, le suis. Il est assis sur un des deux fauteuils et je m'installe sur l'autre. Je m'allume une clope alors qu'il triture ses doigts nerveusement.

- Quand j'ai su que la maison allait être saisie, j'ai pété un câble. Il ne m'avait rien dit.

Je retiens mon souffle et l'écoute attentivement. Il continue à me parler de suite. Moi qui pensais que ça allait prendre plusieurs jours, je suis sur le cul.

- Je ne pouvais pas partir à la fac et savoir que mon père vit sous un pont. Il dédramatisait les choses sauf que non, c'était grave. Il aurait vécu où? On avait plus un seul dollar! Je suis monté dans ma chambre en jurant pendant qu'il faisait face à la réalité de mes paroles. J'ai voulu prendre mes affaires, débarquer avec ton mon bordel chez toi puis je me suis dit que t'allais paniquée, que t'acceptais seulement depuis peu qu'on s'affiche. Alors j'ai défait ma valise, j'ai tapé du poing dans ma porte, shooté dans mes affaires. Enfin j'étais énervé et de voir mon père prendre les choses à la légère n'arrangeait rien.

Il se tait et j'avale enfin ma salive. Je sais qu'il va me raconter le plus dur et je sens déjà mes larmes border mes cils.

- Puis j'ai entendu l'alarme incendie, dit-il d'une voix chargée de sanglots contenus. Je suis descendu et...

- Bébé...

Je prends sa main dans la mienne, le coeur serré.

- Les tentures cramaient déjà.

Il se léve et fait de grands gestes imitant ceux de son père.

- Il versait de l'essence partout. Sur le sol, les canapés, la télé. Partout. Ça m'a éclaboussé quand j'ai essayé de l'arrêter. Il fallait qu'il sorte de cette baraque. Putain cette baraque nous aura foutu dans la merde.

- Nic... Calme-toi...

Il péte les plombs et j'hésite à le laisser finir. Il s'agite en parlant, il jure. Me raconte que le feu boutait de partout.

- Je n'arrivais plus à respirer. J'ai essayé de le tirer jusqu'à la porte mais je n'avais plus la force et je suis tombé, mon père s'est enflammé comme une torche. Et tu sais ce que j'ai vu Sarah? Il s'est relévé en hurlant. Il s'est relévé en hurlant et en courant à travers les flammes.

Ma main plaquée sur la bouche, j'imagine la scène qu'il a dû vivre. C'est affreux et je crois que rien ne pourra lui enlever ces images de la tête.

- J'ai reculé quand il s'est approché de moi et les flammes derrière moi m'ont eues.

- Arrête.

- Je brûlais Sarah. J'ai hurlé. Cette douleur était la pire que j'ai jamais eue. J'ai cru que j'allais crever. J'ai souhaité crever! 

- Arrêtes.

Il se tait enfin quant à moi, je ne veux pas en savoir plus pour le moment. L'imaginer dans cet incendie me tue. Les images qu'il décrit sont insoutenables.

Je me lève de mon fauteuil et fonce dans ses bras pour étouffer mes sanglots. Son torse se souléve et descend au gré de sa respiration haletante. Il doit se calmer, essayer de revenir au moment présent, avec moi. Il est dans un état second et je peux sentir ses larmes dévaler sur mon front. Je voudrais tant lui effacer tous ces laids souvenirs, toutes ces affreuses images de la tête. Mais je ne peux pas, la seule chose que je puisse faire est d'être là pour lui. 

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