26

Je me suis réveillée un peu perdue ce matin. Nicolas n'est finalment pas venu. Je le sais puisque les draps propres n'ont pas pris son odeur et que ce matin, c'était Tim que j'ai retrouvé dans le lit. Pourtant, il avait l'air d'aller bien quand je l'ai eu au téléphone hier soir et avait dit qu'il viendrait. 

Je soupire en descendant les marches et rejoins mes parents qui sont déjà attablés avec Timéo.

- Salut!

- Bonjour, disent-ils à l'unisson. Je les embrasse chacun avant de m'allumer une clope sous la hotte.

- Tu devrais manger quelque chose avant de fumer cette merde, grogne mon père.

- Je n'ai pas faim.

J'envoie un clin d'oeil à Timéo qui dévore ses Smacks.

- Vous faites quoi aujourd'hui? Demandé-je.

- On pensait prendre le train pour aller à la plage. On rentrera ce soir, ça ne t'embête pas?

- Mais non 'man, souris-je. De toute façon faut que j'aille visiter cet appart. J'ai dit au gars de l'agence que c'était super urgent.

- Surtout, m'interrompt ma mère, si en entrant dedans tu ne te sens pas de suite chez toi, ne le prends pas.

Je hoche la tête tout en levant les yeux au ciel. On ne se sent jamais vraiment chez soi dès le début. Mais pour éviter de lancer un débat, je me tais. Putain mais pourquoi il est pas venu celui-là? J'avoue qu'il y a des fois où je ne le suis plus. Nicolas est un impulsif et donc, sur un coup de tête, il peut très bien changer de plan. Mais comme me le rappelle régumièrement Sophie: "Il n'a QUE dix-huit ans" et c'est donc normal qu'il n'ait pas les réactions d'un homme de la trentaine. Sauf que ça me fait bizarre à moi. Je n'ai pas l'habitude des sautes d'humeur, mis-à-part des miennes et celles de mon fils qui lui change d'humeur toutes les deux minutes.

M'enfin... Si je mets de côté tout cela, je dois reconnaitre que Nicolas est vraiment agréable. Je suis bien quand je suis avec lui, je me sens jeune et il me donne l'impression d'être la plus belle des femmes sur terre.

******

Sur le parking de la gare, j'essaye encore une fois de lui téléphoner et je souffle longuement quand je tombe sur la messagerie. Mais bordel! Qu'est-ce qu'il me gonfle là! Je m'enerve en balançant mon portable sur la banquette arrière, l'injure gracieusement en démarrant la voiture. Il va m'entendre! Je reprends la route, décidée à aller le voir chez lui. Enfin s'il y est. Je ne peux quand même pas me rappliquer à son boulot, l'air de rien. Je ne supporterais pas qu'il me le fasse donc,... Je m'abstiens même si l'envie de lui botter son p'tit cul me domine. Je suis ralentie par les bouchons sur l'autoroute et soupire. Encore un accident. Et s'il avait eu un accident? Merde je n'avais même pas pensé à cela. Mon coeur s'emballe dans ma poitrine en pensant qu'il pourrait lui être arrivé quelque chose. Et moi qui l'insulte... Oh lalala... Quelle conne.
Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Calme-toi Sarah. Il n'a pas fait d'accident. Son père serait venu me le dire, non? Si, j'en suis certaine. Mes doigts pianotent nerveusement sur le volant. Fait chier merde!
*******
Quand j'arrive devant chez lui, je suis soulagée: Il me reste une heure pile avant mon rendez-vous. Je m'extirpe de la voiture, et monte les deux marches du porche de leur maison. Je fappe sur la porte, bien trop énervée pour sonner gentiment. Je triture mes clés en attendant qu'on vienne m'ouvrir. Je souris au père de Nicolas mais me ravise rapidement quand je vois ses yeux rougis.

Un accident. Oh putain.

- Je... Il...

- Entre Sarah.

La gorge nouée de sanglots, j'entre dans la maison. Mes jambes tremblent sous mon poids, je crois que je vais tomber dans les vapes.

- Il est en prison, lâche-t'-il.

J'ai envie de crier de joie parce qu'il n'a pas eu d'accident, il n'a rien. Mais quoi?

- Hein? En prison?

Son père hoche la tête silencieusement et s'installe sur un des tabourets de la cuisine. Je m'assieds à côté de lui, ne comprenant rien à rien.

- Depuis hier soir? Demandé-je. Mais pourquoi?

- Le commissariat m'a appelé ce matin, soupire-t'-il en se passant une main anxieuse dans les cheveux. Il s'est battu avec un client de chez Henry's. Putain...

Il se prend la tête entre les mains, abattu. Je ne sais pas quoi dire, je suis sur le cul.

- Mais pourquoi? Bafouillé-je.

- Je n'en sais rien. Je ne peux pas payer sa caution, dit-il en pleurant. Je n'ai pas de fric Sarah. Putain je ne sais même pas sortir mon gamin de là.

Je reste bouche bée. Caution? On peut donner une caution? Je croyais que c'était seulement dans les films.

- Je peux la payer moi, chuchoté-je.

Anthony pleure, parait gêné de me demander ça.

- Tu ne peux pas payer pour nous... Nicolas m'en voudrait.

- Ouai ben là je m'en fout de ce qu'il pense. Il a fait une connerie, je vais le sortir de là mais il a intérêt à avoir une excellente excuse. Bordel j'y crois pas, crié-je en me levant. Mais qu'est-ce qu'il lui est passé par la tête?

*******

J'arrive au poste de police, coupe le moteur de ma voiture. Anthony est sur le siège passager et parait aussi anxieux que moi.

- On y va?

J'acquiesce, bien trop nerveuse pour dire quoique ce soit. Dans quelques instants, je vais le voir, je vais savoir pourquoi il s'est permis de taper un client. Je sors de la voiture, la verrouille et suis le père de Nicolas à travers le parking. Nous entrons dans le commissariat. C'est assez grand et je suis légèrement impressionnée de me trouver ici. En vingt-sept ans, jamais je n'ai eu besoin de demander de l'aide à la police. Je reste en retrait quand Anthony se dirige vers l'accueil. Je regarde les différentes affichettes punaisées sur le tableau de liège et soupire en voyant que les trois quarts concernent la violence conjugales.

- Sarah?

Je me retourne vers Anthony, essaye de lui faire un sourire rassurant. Il est vraiment pâle.

- Je vais aller le chercher...

Je fouille mon sac à main, en sors mon porte-monnaie et lui tends ma carte bancaire.

- Le code est le dix-huit, vingt-trois.

Il écarquille les yeux, sûrement étonné que je lui file mon code mais après tout, je sais qu'il sera moins mal à l'aise devant les autres de faire comme si c'était lui qui payait. Je n'oublie pas que chaque être humain a sa fierté alors je m'en cogne de lui filer mon code. 

- Monsieur Paige?

Un policier s'impatiente derrière nous. Anthony me remercie, les larmes au bord des yeux tandis que je vais m'asseoir sur un siège métallique du vaste hall.

Je commence à tourner en rond, je m'emmerde, je viens de réaliser qu'avec cette histoire j'ai râté mon rendez-vous pour l'appartement. Ca me gonfle! Je me lève, sors du poste. J'ai besoin de m'aérer, de prendre l'air, de respirer. Et de fumer une cigarette aussi.
Juste quand j'allume ma cigarette, Nicolas sort en trombe, son père sur les talons. Anthony crie sur son fils mais ce dernier l'ignore complètement. Il est tellement énervé qu'il ne m'a même pas vue. Ô joie. J'ai plutôt envie de me planquer dans un trou de souris et de ne pas le voir s'énerver.

Enfin pour le moment, il ne dit rien. Il se contente juste de nier son père et d'avancer dans la rue. J'écrase vite fait ma clope, cours derrière eux en prenant garde de ne pas me viander avec mes talons.

- Bordel? Et on va faire quoi maintenant?! Tu vas bosser où?!

Je pose ma main sur le bras d'Anthony, pour lui faire comprendre de me laisser faire.

- Nicolas, attends-moi!

Il sursaute, regarde par-dessus son épaule. Et soupire. Bordel je rêve ou quoi? Il soupire parce que je suis là? 

Il continue son chemin, comme si je n'étais pas là. Je continue de le suivre, voulant absolument une explication.

- Si tu refuses de me parler très bien, finis-je par dire alors qu'on s'est bien éloignés du commissariat. Mais je ne vais pas te suivre longtemps! Je ne suis pas ta mère merde!

Il s'arrête brusquement de marcher et je manque de rentrer dans son dos.

- Je veux être seul Sarah, crache-t'-il en se retournant.

J'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Putain mais quel petit con!

- Seul? Et pourquoi hein? Qu'est-ce que je t'ai fait? Tu peux me le dire? Parce qu'à cause de toi je viens de rater mon rendez-vous, j'te fais signaler. Alors tu me dois bien des explications.

Son regard se voile de tristesse avant de redevenir neutre.

- Rentre chez toi. Tu n'es pas ma mère comme tu le dis si bien.

Et il part, me laissant seule comme une débile profonde. Je ne sais pas ce qu'il me retient mais là, j'irais bien lui flanquer une giffle. Il se prend pour qui lui?

******

Nicolas.

Je m'installe sur une des banquettes moelleuses d'un bar. Je boirais bien un truc fort mais je sais qu'on me refuserait direct le verre. Je me contente alors d'un soda. J'ai besoin de me calmer, de me poser, de réfléchir. Je sais bien que Sarah n'en peut absolument rien et que j'ai déconné en lui parlant mal mais ça m'énerve qu'elle soit là. Quand j'ai entrevu son nom sur la carte bancaire, j'ai dû me retenir pour ne pas gerber. Putain fait chier! Je ne voulais pas qu'elle sache pour nos problèmes de fric, je ne veux pas qu'elle ait pitié de nous. Et là? BAM! Trop tard.

Tout ça est de ma putain de faute! Je le revois encore ce connard. Il était de l'autre côté du comptoir, un sourire arrogant sur sa face de merde. Il a émit un petit rire quand j'ai tapé la liasse de billets sur le comptoir, a enlevé ses lunettes à la con et nous nous sommes toisés. De longues minutes sans piper mot, à nous défier du regard.

- J'en reviens pas qu'elle soit désespérée au point de baiser avec un môme.

Mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai bondi par-dessus le comptoir, ai écrasé mon poing dans sa gueule de riche. Il a vascillé sous mon poids et je me suis défoulé. Il pissait du sang mais ça ne m'a pas arrêté pour autant. J'ai déversé ma haine dans chacun de mes coups, j'aurais pu le tuer. J'aurais dû. Puis Henry a appelé les flics. Et ils m'ont embarqué en même temps qu'une ambulance amenait ce fils de pute à l'hôpital.

Je rallume mon téléphone, lis les dizaines de messages que Sarah m'a envoyés. Elle a essayé de m'appeler quinze fois. Je suis pitoyable. Je suis minable avec elle. Je l'aime comme un dingue, j'ai la chance que ce soit réciproque et je l'ai envoyé chier. Je soupire. Lui écris. Il n'y a que ça à faire.

"Je suis désolé. Je vais tout t'expliquer. Viens chez Pete's".

Elle ne répond pas mais je ne peux pas lui en vouloir. J'ai agi comme un connard alors qu'elle était là pour m'aider.

*****

Elle entre dans le café, le visage fermé. Elle n'esquisse même pas un léger sourire quand elle m'aperçoit. Elle s'approche, s'installe face à moi, même si je me suis reculé pour lui laisser de la place à mes côtés. Ses yeux rougis me font mal. Elle a pleuré de ma faute et je me fouterais bien une giffle monumentale.

Elle sourit seulement à la serveuse quand cette dernière s'approche. Elle commande un verre de Scotch. Je suis légèrement étonné qu'elle aime ça mais je me tais, préfère ne pas en rajouter.

Nous restons silencieux un long moment. Quand Sarah a sa commande et que je suis certain qu'on ne sera plus dérangé, je prends la parole.

- Je suis désolé.

Elle ne dit rien, fixe son verre sur lequel son doigt caresse le bord.

- Pour tout. Je n'aurais pas dû te parler comme ça.

Son silence me met mal à l'aise. J'ai l'impression que quoique je dise, ça ne changera rien. J'ai été trop loin.

- Je ne voulais pas te faire louper ton rendez-vous. Sarah?

- Quoi? Me crache-t'-elle. Je m'en fous de tes excuses Nicolas. Je veux que tu me dises ce qui t'a fait péter un câble! Tu viens de perdre ton job? Et tu vas faire comment maintenant? C'est grave ce que tu as fait tu le sais?

Mes poings se serrent sur mes cuisses. Même mon père ne m'a jamais paru aussi déçu qu'elle l'est. 

- Tu sais c'est qui ce client? Demandé-je avec véhémence.

Elle parait surprise par ma question alors que je croise mes bras sur mon torse pour m'éviter de renverser la table.

- Ben va s'y, crache le morceau.

Nous nous défions du regard. Malgré la flamme de rage qui brille dans ses iris, j'ai envie de l'embrasser. Elle est encore plus belle quand elle s'énerve, avec ses joues rouges, ses mèches rebelles qui filent dans tous les sens.

- Ton ex.

Elle hausse tellement les sourcils que je suis certain qu'ils vont toucher ses cheveux.

- Impossible.

Je roule des yeux. Elle est pas croyable!

- Bien sûr que si Sarah. Il est grand, brun, porte des lunettes Rayban. Enfin portait puisque je les ai cassées. Et il a vraiment une de ces têtes du mec qui croit que c'est le meilleur dans tous les domaines.

Elle croise ses bras sur ses superbes seins, penche la tête sur le côté.

- Okay, admettons que c'est bien lui. Pourquoi tu t'es battu?

Je déglutis, ne sachant pas trop comment lui dire pour les vidéos. Putain il a quand même des vidéos de leurs ébats!

- Viens près de moi et je te le dis.

- Même pas dans tes rêves Nicolas. Je suis toujours super énervée contre toi.

- On va t'acheter une cape alors.

Elle sourit, enfin. Mon coeur se remet à battre, retrouve ce qu'il lui manquait.

- Il est venu hier vers vingt heures, dis-je en soupirant. Je ne savais pas qui il était mais lui par contre à demander à me voir.

Elle retient sa respiration, boit une petite gorgée de son verre en grimaçant. Elle finit par me tendre le verre. Je le vide cul sec.

- Ensuite?

- Ensuite il m'a tendu un Mac, m'a dit de récupérer ses fichiers en urgences. J'ai eu envie de refuser mais... Il a posé une liasse énorme sur le comptoir.

- Quel connard, jure-t'-elle en triturant ses doigts.

- Je me suis alors mis au boulot, on s'est parlé au téléphone puis quand tu as raccroché, j'ai récupéré les fichiers. Normalement, je n'ai pas le droit de les ouvrir mais les titres des vidéos m'ont fait tiquer.

- Quels titres?

Elle blêmit et comprends à mon regard de quelles vidéos je veux parler. Elle cache son visage entre ses mains, un sanglot lui échappe. Je me lève, la pousse pour m'asseoir près d'elle. Je l'entoure de mes bras.

- Je suis désolée. Je ne savais pas qu'il avait encore de telles vidéos...

Et là, je m'en veux. Je m'en veux d'avoir été fâché sur elle, je m'en veux d'avoir été jaloux jusqu'à gerber une bonne partie de la nuit.

- C'est rien honey...

Elle me serre dans ses bras et je dois me retenir pour ne pas chialer comme une fillette. Je ne l'ai pas perdue... Elle est encore là, avec moi. 

- Tu comprends, dit-elle en s'écartant, on était ensemble depuis longtemps alors je pensais que je pouvais lui faire confiance et quand il a voulu filmer j'ai acc...

Je lui coupe la parole d'un baiser. Elle se fige l'espace de quelques secondes avant de m'embrasser aussi. Je soupire contre sa bouche. Elle m'a manqué, terriblement manqué.

- C'est bon, je comprends...

Je pose mon front contre le sien, caresse tendrement sa joue du bout des doigts.

- La demande en mariage. J'ai vu celle-là aussi et je veux que tu m'en parles. S'il te plait. 

Elle hoche la tête ensoufflant. J'essuie les larmes qui coulent sur ses joues, l'embrasse avant de me faire broyer le coeur.     

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