17

Je rentre chez moi, déçue de cette fin de soirée. J'aurais bien voulu discuter avec lui, lui expliquer qu'il fallait me laisser du temps avant de pouvoir assumer le fait d'être vu ensemble. Je m'en veux quand même parce que si je n'étais pas aussi coincée, si j'étais un peu plus comme Sophie, j'assumerais pleinement cette relation et je m'en taperais de l'avis des autres. Sauf que ce n'est pas le cas. Nous vivons dans une société où le regard d'autrui est très important. Les gens ont la critique facile que ce soit sur n'importe quel sujet. Si vous avez des boutons, on se moquera de vous. Si vous avez les dents de traviol, pareil. si vous êtes obèse, on en déduira automatiquement que ces kilos sont dû à votre appétit d'ogre. Si vous êtes svelte, on s'imaginera que vous vous faites vomir dans les chiottes dès la fin de votre barre protéinée. Si vous êtes une femme et que vous avez une bonne place, on dira que vous aviez sûrement écarté les cuisses devant votre patron. Si vous sortez avec un homme beaucoup plus âgé que vous, on dira que vous attendez impatiemment la mort de celui-ci pour empocher le pactole de sa pension. Si vous êtes avec un jeune, on dira de vous que vous êtes une cougar avide de toyboy. Mais et les mecs là-dedans ?

Rien. On ne trouve jamais rien à redire sur leurs défauts ou autre. Et dès qu'une personne ose critiquer un homme, il y a toujours quelqu'un pour le défendre en disant qu'une femme est derrière ce désastre.Si un homme a sa chemise mal repassée, on dira que c'est sa femme qui devrait avoir honte. Si un mec attrape un ventre digne d'un buveur de bière, on dira encore que c'est sa femme ou sa mère la fautive.Si un mec a une super promotion par contre, on ne dira jamais qu'il a couru la queue à l'air dans le bureau de sa patronne. Et quand bien même l'homme serait moche, là encore il aurait un truc sympa derrière : bah il est intelligent ou super sympa. 

Tandis que nous les femmes devons être au top vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On n'a pas le droit à l'erreur. Une étiquette de plus? Très peu pour moi ! Je me coltine déjà celle de la mère célibataire débordée.

Je soupire longuement et regarde mon fils dormir dans le lit à côté de moi. Ses cheveux bruns lui collent au front tant il a chaud et je repousse quelques boucles avant de l'embrasser.

Je prends mon portable, hésite à appeler Nicolas. Il ne veut pas parler aujourd'hui. Sauf que j'en ai terriblement envie.

« On peut discuter ? »

Comme il ne répond pas, je souffle et pose le téléphone sur la table de chevet avant de fermer les yeux. Demain, ce sont les vacances. Il était plus que temps parce que je suis plus que crevée par ces derniers mois passés.

- Maman ?

Je me réveille avec la voix doucerette de mon fils dans les oreilles. Ses petites mains chaudes caressent mon front et ma joue d'un geste tendre.

- Hey... Tu as bien dormi ?

- Oui, dis mamam ? je peux aller jouer à la console chez Nico ?

Je fronce les sourcils en me recouvrant un peu plus des draps.

- Je ne sais pas, soufflé-je, on demandera à Nicolas ce qu'il fait aujourd'hui.

Timéo hoche la tête avant de se lever du lit. Quand je regarde sur mon téléphone, j'ai deux messages de Nicolas. Mon cœur bat à tout rompre quand je les ouvre.

« Non pas aujourd'hui ».

Et quelques minutes plus tard il en a envoyé un autre.

« Tu veux que je te dise Sarah, je n'ai pas aimé voir la gêne sur ton visage quand tu marchais à mes côtés. Je n'ai pas aimé me sentir indésirable, ni être pris pour quelque chose d'honteux qu'on doit absolument cacher. Jamais de ma vie je n'avais été aussi blessé par le comportement d'une fille. Dans cette relation, je serais perdant. Alors je me rétracte. Je ne veux plus être ce mec honteux que tu planques dans un coin, je veux une relation, une vraie. Et si tu n'es pas prête d'assumer ça avec moi, tant pis, ce sera avec une autre. Réfléchis à ce que tu veux ou non... Je veux savoir mercredi »

Je relis son message plusieurs fois, le cœur serré. Quelques larmes coulent sur mes joues, s'écrasent dans mes cheveux. Que veut -il que je lui réponde ? Que non je ne serais jamais prête ? Ou que si, je vais tout assumer ? Ben non, je ne répondrais rien à son texto. J'ai besoin de temps pour réfléchir, pour me poser tranquillement.

Quand je descends dans la cuisine, je salue mes parents en déposant un baiser sur leur joue. Je me sers un café et nous discutons de leur soirée de la veille. Apparemment ils se sont emmerdés mais le point positif est que la bouffe était succulente. C'est déjà ça.

Aujourd'hui, je décide d'emmener Timéo au zoo. J'envoie donc un sms à Sophie pour lui proposer de nous accompagner. Comme d'habitude, je peux compter sur elle puisqu'elle accepte. Le soleil fait partie de la journée pour notre plus grand plaisir. Le zoo est magnifique et la balade n'en est que meilleure grâce à Timéo qui semble émerveillé de voir tous ces animaux sauvages. Mon objectif a déjà capturé des centaines de photos que ce soit de mon amie et mon fils ou des animaux. Nous sommes en train de regarder les lions à travers un haut grillage.

- Regarde-moi cette classe innée, s'extasie Sophie.

- On dirait toi, pouffé-je.

- N'empêche qu'elle met son roi à ses pieds.

Elle me donne un coup de coude en riant et je l'imite.

- Quoi ? Bien sûr que non ! Il est entouré de trois femelles !

- Rien à voir, glousse-t'-elle. C'est comme dans la vraie vie Sarah. Tu as un bel homme et vingt mille poufiasses prêtes à lui bouffer la queue. Seule une saura se démarquer pour au final l'épouser.

- Arrête de dire des gros mots devant le p'tit, ris-je.

- N'empêche que c'est la vérité. Et avec ton babylove, comment ça se passe ?

Je hausse les épaules alors que nous suivons Timéo d'un enclos à l'autre.

- Mal je crois.

- Pour ? Qu'est-ce que t'as encore foutu ? demande-t'-elle en posant ses poings sur ses hanches.

- Je ne sais pas. Il est si jeune et moi...

- Ouai, grogne-t'-elle, t'as quatre-vingt balais. Mais bordel Sarah qu'est-ce qu'il faut que je te dise pour que tu comprennes qu'on s'en branle de l'âge ?

- Mais imagine ce que les gens diront s'ils nous voient ensemble !

- Mais les gens en ont rien à foutre de ta vie ! Sérieux ? Tu crois qu'on pense quoi de moi ?

- Que tu es superbe, je réponds.

- Ça je le sais, sourit-elle avec arrogance. Non mais avant de dire ça, on pense de moi que je suis une marie couche toi là parce que je n'ai pas envie de relation sérieuse. Et alors ? Je m'en fiche ! Les gens qui blablatent ne savent rien de ma vie ou encore de la tienne.

Je me tais, essayant d'assimiler les remarques de Sophie. Elle a entièrement raison, j'en ai conscience et la petite voix au fond de moi-même me dit de vivre cette histoire comme j'en ai envie. Nous continuons à marcher jusqu'à l'oasis où un restaurant a été aménagé. Nous commandons un ravier de frittes chacun et quelques sodas. Le lieu est splendide et je me sens légère quand mon fils éclate de rire devant un lémurien voleur de nourriture.

- Donc, dit Sophie, tu as été chez Nicolas hier ?

Timéo trempe sa fritte dans son pot de ketchup tandis que je soupire en roulant des yeux. Putain elle ne va pas m'épargner celle-là.

- Oui, répond mon fils. C'est trop cool chez lui, il a une console et pleins de jeux ! Et en plus il a un gros monstre dans sa cave.

Sophie pouffe de rire et me fait des gros yeux.

- Oh oui, ta maman l'a déjà vu le gros monstre de Nicolas.

Je m'étouffe avec mon soda en tentant de lui foutre un coup de pied par-dessous la table. Sophie est morte de rire et Timéo me regarde avec les yeux écarquillés.

- Il fait peur son monstre ?

- Non, non, ris-je en devenant écarlate.

- Mais il est très gros parait-il, en rajoute Sophie.

- Oui énorme, ris-je de plus belle.

Bientôt Sophie et moi partons en fou rire et même si j'ai mal au ventre à force de me marrer, ça fait énormément de bien.

- Moi je sais le secret de Nicolas, pinaille Timéo.

Sophie tapote son oreille en se penchant vers mon fils et celui-ci chuchote. Elle sourit avant d'ouvrir en grand la bouche.

- C'est lui qui te l'a dit ?

Tliméo hoche vivement la tête et mon amie tape dans ses mains en sautillant sur sa chaise. Je la regarde avec un air interrogateur.

- Dis-le à maman chéri. Elle doit savoir ce truc -là.

- Vous me faites stresser là, dis-je anxieuse.

- Ben Nicolas il a dit qu'il était ton amoureux.

J'ouvre la bouche, la referme et serre les poings.

- Ce n'est pas mon amoureux bébé, je ne sais pas pourquoi Nicolas t'a dit ça.

Mon fils hausse ses épaules comme s'il n'en avait rien à cirer, ce qui est probablement le cas. Sophie me fait un clin d'œil pour tenter de me calmer mais ça ne marche pas. Pourquoi est-ce qu'il a dit ça à Timéo alors que c'est mon rôle de lui dire ?

J'essaye de relativiser mais ça m'énerve. Mon fils a besoin de stabilité dans sa vie, il n'a pas besoin de savoir chaque plan cul que j'ai et que je vais avoir.

Quand nous rentrons chez nous, la nuit a déjà commencé et le ciel est presque noir. Timéo est éreinté. Il faut dire que le zoo est immense et que nous avons vraiment beaucoup marché. Comme il dort à poings fermés, je le dépose dans le canapé et demande à mon père si je peux m'absenter une demi-heure.

J'arrive devant la maison du bout de la rue, énervée. Je grimpe les deux marches qui mènent à sa porte et frappe deux coups secs à la porte. Il va m'entendre. 

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