Livre sixième, Chapitre vingt-quatrième
Le train, encore.
Mais cette fois ci, il n'est plus seul.
Alexandre est assis à côté d'Oma, en route vers Brandbu, où habite la grand-mère.
Ils discutent durant le trajet.
Oma : Tu as des amis, en France ?
Alexandre : Je ne sais pas... à partir de quand dit-on que ce sont des amis ?
Oma : Tu les aimes bien ?
Alexandre : Pas vraiment. Sauf un...
Oma (sourit) : Et eux, ils t'aiment bien ?
Alexandre : Je crois. Mais je ne vois pas pourquoi. Je suis odieux avec eux...
Oma : Ne dis pas ça. Tu te trouves odieux. Mais s'ils sont toujours là, c'est qu'ils trouvent que tu le mérites, non ?
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Ils arrivent à Brandbu, où vit Oma. Ils marchent quelques minutes avant de se retrouver dans les prés, en bordure du village, juste devant la forêt.
Entre les deux se trouve une maison de bois à deux étages, isolée, discrète, mystérieuse.
Ils discutent en marchant.
Oma : J'espère que tu passeras une meilleure semaine ici. Tu avais l'air vraiment mal, hier soir. Tu t'es encore disputé avec ta famille, ha ?
Alexandre : Hm...
Oma : Tu n'es pas obligé de parler. Mais fais ce que tu penses de mieux.
Alexandre : Ce n'est rien. Des gamineries.
Il n'a jamais dit à sa grand-mère qu'il buvait pour étancher sa soif de vengeance. Qu'il usait de l'alcool pour panser ses plaies. Qu'il noyait sa tristesse dans une bouteille de bière ou de vodka.
Il la décevrait.
Il la perdrait.
Il serait seul.
Ils terminent le bout de chemin en silence.
Oma ouvre la porte et ils entrent, débouchant directement dans le salon.
C'est une vieille maison de bois, avec ses objets de porcelaine peints à la main et aux motifs élégants, chaleureux, ses tapisseries, sa grande pendule en acajou aux ornements végétaux dorés ou peints en rose, brillants, ses fleurs séchées pendues la tête en bas, ses aquarelles pucées aux murs, ses livres anciens aux pages jaunies, ses tableaux fièrement encadrés, son piano console aux boiseries majestueuses, ses vieux meubles, son odeur de feu de bois et, surtout, ses milliers de souvenirs.
Alexandre : Faen... Ça fait tellement longtemps...
Oma : Ça t'avait manqué ?
Alexandre (sourit pleinement (!) en regardant autour de lui) : Beaucoup !
Elle s'assoit dans un fauteuil vert devant la cheminée éteinte, l'invitant à faire de même.
Alexandre (désigne la cheminée) : Tu veux que je l'allume ?
Sa grand-mère claque des doigts et un feu se forme immédiatement dans l'âtre.
Oma (sourire malicieux) : Merci de me le proposer mais je sais le faire plus rapidement.
Alexandre regarde derrière lui, émerveillé.
A chaque fois, il dit la même chose.
A chaque fois, elle fait le même tour de magie.
A chaque fois, ça lui fait le même effet.
Oma : Aujourd'hui, ce tour n'est plus une simple démonstration. Aujourd'hui, tu vas apprendre ce sort. Et plein d'autres. Mais tu devras aussi apprendre à ne pas les utiliser n'importe comment, pour la sécurité des autres.
Alexandre (doute) : Tu es sûre ? Que c'est une bonne idée ? Que j'en suis capable ?
Oma (sourire rassurant) : Bien sûr. Je t'ai pratiquement élevé. Je te fais totalement confiance pour suivre mes consignes d'utilisation. Pour ce qui est de son application, tu es un excellent dessinateur, Alex. Tu y arriveras. C'est le même procédé que les runes rudimentaires que je t'ai apprises en cas de danger. Sauf que maintenant, le danger n'est plus potentiel. Tu vois des esprits et tu peux entrer en contact avec eux. Et eux aussi. Ils peuvent te blesser.
Alexandre (mal à l'aise) : Je... je ne sais pas... J'ai peur de devenir dangereux...
Oma : Alors commençons par des sorts non-offensifs si tu préfères.
Alexandre : Ça serait mieux, oui.
La vieille femme prend le livre dans le sac d'Alexandre et l'ouvre à une page.
Le jeune homme entrevoit les cercles runiques qui y sont inscrits.
Ils le fascinent et l'effraient en même temps.
Comme toute magie devant un être humain.
Il pense à Reiko.
Peut-être qu'il pourrait lui apprendre ces sorts surpuissants, comme la boule de magma dont il s'est déjà enrobé, mais que les vivants ne voient même pas.
Mais peut-être trouverait il dangereux de confier de la magie à un humain.
Qu'en dirait-il ?
Il lui manque.
Il n'aimerait pas partir.
Il aimerait que Reiko soit ici, avec lui, en Norvège.
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« ■■■, Yeng, Ander ! Venez ici ! Accueillez nos invités !
Autre rêve, autre vie.
L'esprit est torturé par ses souvenirs. Mais ils ne cessent de ressurgir, sourds à ses prières.
Après ce sommeil ou il s'est remémoré celui pour qui ■■■■■n'était qu'un objet, il se remémore maintenant celle pour qui ■■■ n'était qu'un serviteur.
La femme en toge arrive dans la pièce.
Cette fois, tout est lumineux.
Il frotte le marbre su sol avec un chiffon, neutre.
Il n'avait pas peur, cette vie-là.
Il avait atteint un niveau d'acceptation qui ne permettait plus rien à la peur.
Pourtant, il aurait du savoir qu'on peut toujours tomber plus bas.
Qu'ils peuvent toujours frapper plus fort, jusqu'à ce que son corps cède.
Il se réveille, en sueur.
Il en est d'ailleurs surpris, au fond de lui. Mais le sentiment qui prend toute la place est la peur, l'angoisse d'un après-cauchemar.
Il regarde autour de lui.
Il trouve la pièce bien trop grande.
Il sursaute. Un voisin d'en bas vient de frapper à son plafond, il entend donc le bruit de sous le parquet.
Neighbour (continue de toquer) : C'EST PAS BIENTÔT FINI ?!
Il a sûrement pleuré.
Il colle ses mains à sa bouche pour ne plus émettre un son.
Il regarde encore autour de lui, dans la pénombre des volets clos.
Les larmes inondent son visage, la grandeur de la pièce acquise depuis quelques semaines seulement est anxiogène.
Sa situation avec monsieur Alexandre lui semble irréelle. Trop confortable. Il a peur que ça cache quelque chose. Qu'il veuille l'exploiter, l'asservir, le dresser.
Il ne l'a pas vu depuis deux jours mais déjà, la confiance s'effrite. Comme si la présence du jeune homme suffisait à Reiko pour le rassurer à son propre sujet.
Enfin... si c'était ce que son colocataire voulait, il ne pourrait y échapper.
Il doit être résigné à tout sous peine de souffrir encore plus.
Il a hâte de le revoir, qu'il le rassure, qu'il lui parle, qu'il le fasse se sentir utile.
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Merci d'avoir lu !
Encore désolé d'être si irrégulier... TvT
J'ai commencé les premières planches pour la bande dessinée, toujours en espérant avoir un livre à la fin des vacances :)
D'ailleurs, je tiens à vous dire que je pars (enfin) en Norvège ces vacances ! (❁'◡'❁)
Néanmoins, je ne pourrai donc pas publier du 17 à la fin du mois de juillet...
Navré, encore...
J'espère que ce chapitre vous aura plu, en espérant vous revoir au prochain ! :)
W.H
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