Livre septième, Chapitre trentième
???: Hé, garçon !
Alexandre se retourne.
Au détour d'un couloir vide, il aperçoit une jeune fille aux cheveux noirs qu'il ne reconnaît pas immédiatement.
Quand il s'en souvient enfin, après avoir repris ses esprits suite à sa stupeur, il met au point sa stratégie : feindre de ne pas la connaître.
Rosa : Tu sais qui je suis, hein ? On s'est déjà rencontrés non ?
Alexandre : Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je n'ai pas le temps. Foutez-moi la paix.
Rosa (sourit, joueuse) : Je t'ai laissé mon numéro, tu ne m'as même pas rappelée.
Le garçon tourne les talons sans plus tergiverser.
Rosa : Pas si vite ! On doit discuter !
Alexandre (avec empressement) : Flytt deg!
Ses yeux azur lancèrent littéralement des étincelles, il ne le remarqua même pas. Sa seule priorité était de s'éloigner de cette sorcière, de ce qu'il voyait comme le danger.
Consternée, la sorcière s'écarta.
Il avait paniqué, pour une des rares fois de sa vie et, sans s'en apercevoir, avait produit de la magie par son corps.
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Noah : Ce cours sur l'anatomie était trèèèèèèès ennuyant.
Tylon (feint de réfléchir) : C'est normal quand on décide de s'en tenir au niveau de dessin de... Picasso.
Noah : Picasso est un des plus grands peintres du dernier siècle.
Tylon : Peut-être, mais mon neveu de sept ans fait la même chose. Donc lui aussi est un de plus grands peintre du dernier siècle ?
Alexandre écoute, comme d'habitude, le bruit de la mer, de vide qui résonne dans la tête de l'un et de l'autre et qu'il est capable d'entendre à dix mètres.
Jin : Allez ! Les gars ! C'est l'anniv de Noah aujourd'hui ! Vous pouvez pas faire une trêve, juste aujourd'hui ?
Tylon et Noah : Encore moins !
Noah : Je ne me permettrai pas de lui foutre la paix un si beau jour !
Tylon : Et moi je ne me permettrais pas de ne pas lui gâcher !
Jin : Pourquoi ??
Tylon : On se déteste, voila tout.
Elle ouvre la bouche puis la referme, visiblement déçue.
Alexandre (dans un coin, à Jin) : Cela vous affecte tant que ça qu'ils se disputent tout le temps ?
Jin : Hum... Oui. On se connaît depuis le lycée et je les apprécie beaucoup. Mais j'aimerais qu'on puisse rester tous ensemble calmement, sans pique et sans insultes...
Alexandre : Et vous espérez encore qu'ils s'entendent ?
Jin : Oui. C'est arrivé, une fois, lors de la mort de la grand-mère de Noah. Je suis sûre que ça peut se reproduire.
Après le choc en entendant « mort » et « grand-mère », lui rappelant les angoisses pour la sienne, il confie à la jeune fille :
Alexandre : A attendre des choses des autres, on est souvent déçu. Je pense qu'au bout de plusieurs années, vous ne devriez pas continuer d'insister.
Jin : Peut-être. Mais ils sont tellement tous formidables, les voir en aparté serait moins... Enfin.. c'est tellement égoïste mais je n'ai pas envie de nous séparer...
Alexandre : Égoïste, effectivement. Mais je n'ai jamais eu beaucoup d'amis alors je pense que je ne peux pas comprendre ce genre de problèmes.
Jin : Ah bon ? Pourtant c'est surprenant pour quelqu'un comme toi.
Alexandre : Vraiment pas.
Jin (rit) : Si ! Pour la peine, je te raccompagne, ce soir. C'est pas possible d'être aussi génial sans s'en rendre compte !
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A la sortie des cours, la sorcière attend le jeune homme, adossée au mur, capuche rabattue sur la tête, bien décidée à l'interroger sur ses aptitudes magiques.
Néanmoins, Alexandre sort des cours avec son amie blonde, ce qui ne pouvait pas plus mal tomber pour Rosa : le seul jour où il rentre accompagné est le jour ou elle est décidée à lui parler.
« A la moindre approche, tout pourrait mal tourner. L'amie d'Alexandre pourrait contacter les forces de l'ordre, elle pourrait même déclencher une bagarre. Mais si je n'y vais pas, je vais avoir affaire à un démon enragé. » cogite la sataniste.
Rosa : Hé ! L'iceberg ! On a pas fini de discuter !
Alexandre se retourne, l'interpellation ne peut que lui être adressée. Il est heurté par la manière dont il a été appelé. Lorsqu'il voit qui s'est adressée à lui, il accélère le pas.
Rosa : Attends !
Jin (a Alexandre, Rosa n'entend pas) : Tu connais cette personne ?
Alexandre : Non. Elle me harcèle, je ne sais pas pourquoi.
Jin : Et tu ne veux pas savoir pourquoi ?
Alexandre (ment un peu) : Pas du tout. J'ai autre chose à gérer qu'une malade mentale qui cherche quelqu'un pour taper la discute. Comme le conseil des élèves auquel vous nous avez inscrite, par exemple. Ou encore le travail que je devrais bientôt trouver. Ou encore les révisions pour les examens qui approchent.
Jin : Ok, ok, désolée... Mais je ne te dis pas d'aller la voir, hein ? Elle est peut-être dangereuse.
Le jeune homme lui adresse un regard reconnaissant.
Ils marchent un moment en silence, semant largement La Befana, avant d'arriver devant l'appartement d'Alexandre.
Jin (sourit) : Hum... donc... à demain...
Alexandre (sourit légèrement) : Bonne soirée, Jin. Rentrez bien.
Il monte au second étage et rentre enfin chez lui.
Comme souvent, Reiko n'est pas là.
« « comme souvent »... si il avait été là, l'aurai pu dire ça aussi... »
Il retire son manteau et se rend sur le balcon, où il sort un paquet de sa poche et en tire une cigarette.
Il l'embrase juste, l'utilisant comme encens funèbre.
« « Iceberg », ha ? »
Et que va-il faire ?
« Froid, dur, seul, forteresse inaccessible... »
Boire encore ?
« C'est vraiment comme ça qu'on me voit ? »
Il préfère économiser ce qui lui reste de vodka.
« Peut-être que c'est ce que je suis, après tout... »
Il repart dans la cuisine pour se saisir non pas de sa bouteille mais d'un grand couteau avec lequel après avoir relevé sa manche, il se fait des entailles sur le dessus du bras.
« Ça vaut vraiment le coup ? »
Il part ensuite s'affaler sur son matelas en regardant la manche qu'il a rabattue d'imbiber de rouge, savourant la douleur aiguë de ses cicatrices.
« Peut-être pas mais j'avais envie de le faire. Ça veut dire qu'il y a quelque chose qui vaut de faire ça dans l'équation, non ? »
Il a une pensée pour Reiko, qui se sentira sans doute obligé de nettoyer derrière lui.
Il ne veut pas qu'il se fatigue à cause de lui.
Il se relève, éteint et jette ce qu'il a laissé sur le balcon et retourne utiliser son couteau de cuisine puis part dans la pièce au fond du couloir et peint.
Il peint debout à l'aquarelle le sang et la chaleur, œuvre abstraite, échauffement de coups au pinceau qui le défoulent.
Il la jette au sol reprend une feuille.
Une petite fille, jeune pousse, habillée de vert. Il la cerne de tons jaunes puis rouges, ajoute des arbres blancs, aux feuilles de paon, tout en arabesque et termine ainsi son œuvre.
Il la déteste.
Il hait son travail, se demandant comment un être vivant peut façonner une chose si laide de ses mains.
Il s'affale par terre.
Il est monstrueusement fatigué.
Psychologiquement, d'abord.
Et puis, dans le couloir de l'école, qu'est ce qui a poussé la sataniste à le laisser passer ?
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