Livre quatrième, Chapitre dix-septième

Les deux jours qui séparent le monde de la fin de semaine passent, paisiblement.

Alexandre voit moins ses camarades en dehors des cours, favorisant de longues discussions à l'appartement avec Reiko.

Quand le vendredi soir arrive, Jin l'interpelle.

Jin : Speiler !

Alexandre se retourne.

Jin : Tu es sûr que pour demain soir, tu veux pas venir ?

Alexandre : Certain.

Jin : Tu es moins avec nous, ces derniers temps. Tu es sûr que tout va bien ?

Alexandre (sans même la regarder, fouille dans son sac) : Tout va pour le mieux, je te remercie.

Jin : Hum... j'ai fait quelque chose de mal mercredi, quand je suis venue ? Si c'est le cas, sache que je suis vraiment, vraiment désolée.

Alexandre (lui tend un objet rectangulaire) : Ne t'en fais pas. Ce n'est pas de ta faute.

Il tourne les talons et s'en va.

Il vient de lui rendre son livre, il l'a à peine ouvert.

Il pleut finement, les gouttelettes viennent s'accumuler dans les cheveux bleus du jeune homme sous la lune ayant déjà remplacé le soleil, et apporté avec elle son obscurité mystérieuse, percée par les quelques lampadaires de la rue.

Il marche quelques minutes au bord de l'étang de Maubuée, impatient de retrouver Reiko, avant de sentir une main sur son épaule.

Il se retourne pour toiser une silhouette féminine aux cheveux noirs de jais coupés court et aux yeux d'un vert luisant.

Rosa : Enfin, nous nous rencontrons.

Alexandre reste de marbre, comme à son habitude.

Alexandre : Excusez-moi, Madame, je suis pressé. Je n'ai pas le temps de vous raccompagner à l'asile psychiatrique d'où vous venez.

Rosa : Ohohohooooo ! T'y vas fort, p'tit gras ! Je m'attendais à ce que tu sois moins confiant !

Il a déjà repris son chemin.

Rosa : Hé !

Elle lui court après.

Tout en marchant à côté de lui, elle griffonne sur une carte de visite.

Rosa : Tiens ! Mon numéro !

Il l'ignore. Elle le glisse dans son sac.

Il poursuit son chemin sans la regarder.

Elle s'arrête quand il traverse la D128, fin du territoire d'Érénide.

Rosa : 'chier ! Il m'a à peine regardée ! Je sais même pas comment il s'appelle !

Elle aimerait le rattraper mais Circé risque de lui tomber dessus à peine la frontière passée.

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Alexandre est rentré chez lui le plus rapidement qu'il a pu.

Reiko (lisait dans le fauteuil du salon, lève les yeux vers Alexandre et sourit) : Bonjour. Comment allez-vous ?

Alexandre se calme en le voyant.

Alexandre (retire son manteau et ses chaussures) : Je vais bien, merci. Je me suis fait accoster par une fille... étrange, dans la rue. Je ne sais pas ce qu'elle me voulait.

Reiko (inquiet) : A quoi ressemblait-elle ?

L'humain est surpris. Puis il réfléchit.

Alexandre : Elle avait des cheveux très noirs et des yeux... verts et... un peu fous, je pense. Même dans l'obscurité, ils brillaient. Je ne l'ai pas trop regardée. Je lui ai faussé compagnie le plus vite possible.

Reiko : Vous avez bien fait. Si c'est celle à laquelle je pense, c'est une sorcière. Elle n'a pas votre nom, rassurez-moi...

Alexandre : Tout à fait. Je lui ai à peine parlé.

Reiko : Que lui avez-vous dit ?

Alexandre : Que j'étais pressé et que je n'avais pas le temps de la raccompagner à l'hôpital psychiatrique.

Reiko : Vous devriez peut-être... ne pas affronter les esprits et les sorcières comme ça... Enfin... je dis ça mais ça ne me regarde pas... Je... désolé.

Alexandre : Tu t'inquiètes pour moi ?

Reiko : Oui ! Si ils répondaient à vos provocations, que feriez-vous ?

Alexandre : C'est à double tranchant, je te l'accorde. Mais si je me comporte comme si j'étais plus puissant qu'eux, ils croiront que je le suis et ne m'attaqueront pas.

Reiko : Vous ne devriez pas prendre ce risque. C'est trop dangereux.

Alexandre : Alors que veux-tu que je fasse ? Que je me laisse gentiment faire comme une personne faible et banale ?

Reiko (au bord des larmes, serre ses poings sur ses genoux) : Je... je ne sais pas... Je suis désolé... Je... je n'aurai pas dire ça...

Alexandre (se rend compte qu'il vient de lui hurler dessus, s'approche de Reiko) : Reiko... Je suis désolé. Je n'aurai pas du te parler comme ça. Je suis fatigué, je m'énerve pour un rien. Excuse-moi...

Reiko (se lève du fauteuil et se met à genoux et baisse les yeux juste devant Alexandre) : Je vous ai manqué de respect. C'est à moi de m'excuser.

Alexandre : Tu n'as rien fait de mal. Lève-toi. Ne dis pas ça et lève-toi. C'est dérangeant. Je suis vraiment désolé de m'être adressé à toi de cette manière...

Reiko : Oui... pardon... je suis vraiment désolé.

Il se relève hasardeusement.

Alexandre : Pourquoi faire ça ? Pourquoi tu te mets à genoux quand tu t'excuses ?

Reiko (très embarrassé et paniqué) : Je... je... hum... c'est... c'est une vieille habitude. N'y prêtez pas attention.

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C'est douloureux, si douloureux pour Reiko de repenses à tout ce qu'il a vécu pour atteindre cette attitude de soumission.

Il aimerait oublier. Passer à autre chose et se laver de ces souvenirs immondes qui ont détruit sa foi en l'humanité.

Ça le rassure que Monsieur Alexandre ne soit pas de ces monstres qui trouvent ça normal ou lui demandent même de s'abaisser encore plus.

Mais ça le blesse qu'après deux millénaires à toujours recevoir cette éducation, on lui dise que son comportement est dérangeant.

Monsieur Alexandre lève ses deux mains, hasardeusement, ne sachant où les poser, il est trop petit pour prendre les épaules de l'esprit.

Il le prend donc par les coudes, y posant à peine ses mains osseuses et légères.

Alexandre : Tu n'as pas à t'excuser. Je me suis encore comporté de manière odieuse avec toi. Et toi, tu ne te plains jamais, tu ne dis jamais rien, tu ne donnes jamais ton avis. Tu te rabaisses et tu prends sur toi. Tu n'as pas à faire ça. Arrête de faire ça.

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Reiko regarde Alex, muet de surprise.

Le garçon lui adresse un sourire vainqueur.

Alexandre : Demain soir, c'est toi qui décideras ce qu'on fera. Je te fais confiance, je ne sais pas ce qu'il y a à voir dans cette ville, moi.

Reiko (sourit) : Hum... je... c'est d'accord ! Je tâcherai d'être à la hauteur !

Ce n'est pas ce qu'il voulait dire. Maintenant, le garçon a peur que l'esprit prenne sa tâche trop à cœur.

La soirée passe, Reiko ''s'est permis de préparer le dîner'', ce dont Alexandre lui est reconnaissant.

Si il n'était pas là, le garçon oublierait probablement de manger.

Ils discutent de tout et de rien avant d'aller dormir.

Sur quoi l'esprit dort il ?

Alexandre devrait lui acheter un matelas.

Vers trois heures, il se réveille, ne sachant que faire.

Il sort dans le couloir, il se tient à présent devant la porte de Reiko.

Il entrouvre la porte de son... placard.

L'esprit dort à même le sol, dans une position plus qu'inconfortable dans un espace deux fois inferieur à sa hauteur.

Le chat est, comme toujours, blotti contre lui.

Comme une semaine plus tôt, Alexandre prend l'initiative de lui ramener son coussin et sa couette, qui ne lui servent, de plus, actuellement pas.

Alexandre s'assoit face à la pièce, laissant la porte ouverte, ne sachant que faire d'autre. Il se demande que fait l'esprit dans son sommeil.

Rêve-t-il ?

Ou est-il dans un de ces espaces altérés dont lui a parlé sa Oma ?

Lui, rêverait de faire partie de ce monde inconnu, mystérieux, indomptable, comme l'être géant de deux mètres endormi devant lui.

Après dix minutes, l'esprit se met brutalement à faire ses bruits de chien pleurant, se repliant un peu plus sur lui-même.

De quoi peut-il bien rêver ?

Son passé ?

Ou une scène imaginée qui le fait souffrir ?

Pourquoi se comporte-il comme... un esclave ?

« Un esclave... »

Et soudain, Alexandre eut un tilt.

« Est-ce qu'il dort au placard car il se considère comme un objet à ranger après avoir servi, comme si il ne valait pas plus qu'une serpillère ? »

« Il faut vraiment que je lui donne un lit et une chambre. »

Il se lève, part dans la cuisine sans refermer le placard, de peur d'écraser l'esprit, et ouvre le frigo.

Il est peu rempli.

Il faudrait faire des courses, ce week-end.

En aura-t-il le temps ?

Il ne veut pas donner encore des tâches à l'esprit.

Il prend une bouteille de bière.

Il est fatigué et ne sait pas quoi faire.

De sa nuit.

De sa vie.

Il a honte d'être incapable de se débrouiller sans Reiko.

Il reste assis en tailleur à la lumière du frigo.

Trois semaines.

Aucune indépendance.

Aucun travail rendu.

Aucun boulot.

Reiko est tellement gentil...

Mais Alexandre ne peut pas continuer de se reposer sur lui.

Si il continue comme ça, il devra rentrer chez lui.

Il pense à cela tout en terminant sa bière.

Demain, il ira acheter quelque chose de plus fort.

Il est fatigué.

Il ne s'est pas rasé depuis deux jours, sa barbe commence à repousser, abandonnant son visage puéril et androgyne pour, avec ses cernes, lui faire ressembler à un quarantenaire fauché.

« Ce n'est pas mieux... »

A vrai dire, il n'ose plus retoucher le rasoir après... l'incident.

Il n'a plus rien à boire. Et il n'a pas pu boire jusqu'à ce que ça altère son comportement. Il en est frustré.

Il part donc dans la pièce du fond, peindre.

Il retombe sur son dernier portrait.

Il l'adore.

« Reiko... »

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Hi guys ! 

Je prends toujours autant de plaisir à écrire. J'apprécie le ton doux mais sombre que prend cette histoire, pas vous ? Comme l'encre de pieuvre qui se déverse lentement, stagnante, lourde mais splendide nuage noir dans l'océan.

N'hésitez pas à commenter, à me ferr remarqué lai phott dortograf et à faire connaître ce livre, si vous le désirez ^^.

En espérant que vous avez passé un agréable moment,

W.H

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